Nous possédons tous un smartphone et il existe des dizaines de milliers d’applications médicales sur l’App store et sur Google Play. Nous devrions donc pouvoir, pour chacun de nos problèmes, trouver une application qui nous aide à mieux prendre en charge notre santé. La réalité nous montre que non, explications.
Les applications « bien-être »
La majorité des applications que vous trouverez sur l’App store et sur Google Play n’ont en réalité de médical que le nom. Une application qui vous propose de vous détendre en écoutant une musique zen vous permettra peut-être de passer un bon moment, elle ne méritera cependant le qualificatif de « médical » que lorsque son efficacité aura été prouvée scientifiquement. Formulé autrement, Apple et Google ont une notion très large du terme « médical ».
Les applications médicales non validées
Deuxième catégorie, les Apps qui se prétendent médicales mais qui n’ont pas été validées. La très sérieuse Société américaine de cardiologie a analysé les applications liées aux facteurs de risque cardiovasculaires (mauvaises habitudes alimentaires, sédentarité, hypertension, hypercholestérolémie, etc.). Les auteurs concluent dans leur rapport de 57 pages (!) qu’il existe pour chacun de ces problèmes de nombreuses applications (plus de 1’000 applications consacrées à la perte de poids…), mais que très peu ont été prouvées utiles. Ils rappellent aussi que ces applications mobiles ont le potentiel d’améliorer la santé, mais qu’elles peuvent être inefficaces, voire avoir un impact négatif. Leurs deux principales conclusions ? 1) Le marché est envahi par un nombre impressionnant d’applications 2) Sans preuve rigoureuse de leur utilité, il est difficile de recommander l’utilisation de ces applications.
Ces piètres résultats ne se limitent pas à la cardiologie. Une étude portant sur les applications de dépistage du mélanome a montré que 3 Apps sur 4 classaient plus de 30% des lésions cancéreuses comme bénignes. Inquiétant.
Il est plus surprenant encore de savoir qu’il est difficile de trouver une application de qualité simplement pour vous rappeler de prendre chaque jour vos médicaments. Comme déjà présenté dans un autre article de ce blog, l’étudiante en Sciences Pharmaceutiques à l’Université de Genève qui a consacré son travail de master à ce sujet n’a, parmi les 1883 applications étudiées, décidé de n’en conseiller aucune : les sources sur lesquelles se basent les contenus n’étaient pas données, les sources de financement non précisées, la protection des données pas assurée. Il est donc, même pour un simple rappel de médicaments, difficile de trouver une application fiable.
Les applications santé sont-elles plus utiles si l’on pense spécifiquement aux patients chroniques ? La réponse est non, les patients chroniques ne les utilisent pas, soit parce qu’ils ne les connaissent pas, soit parce qu’ils ne les jugent pas utiles.
Des applications utiles ?
Ce tableau doit cependant être nuancé, il existe des applications utiles, même si elles sont peu nombreuses. Certaines proposent un contenu très classique, d’autres sont plus innovantes.
Classiques car ce sont souvent de simples sources d’information, des contenus que l’on retrouve souvent aussi sur Internet. L’avantage d’avoir accès à ces contenus sous la forme d’une application est de les retrouver facilement, rapidement.
Premier exemple, Mon enfant est malade. Cette application détaille les maladies courantes de l’enfance mais également les accidents du quotidien. Elles vous aident à reconnaître les signes d’alerte, vous enseignent les gestes de premier secours et comment administrer quelques médicaments courants. Autre exemple, Orphanet qui vous permet d’accéder à la liste des maladies rares, à leur description et aux ressources qui y sont associées.
Des applications « innovantes »
Pourquoi innovantes ? Car elles proposent de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles approches, des services médicaux « améliorés ».
Premier exemple, une application qui permet aux patients cancéreux traités par radiothérapie de communiquer chaque fois qu’ils le souhaitent avec leur équipe médicale pour poser des questions ou transmettre leurs symptômes. Celle solution ne fait en réalité que de faciliter la communication entre soignants et soignés, l’étude qui a analysé son utilité montre qu’elle permet aux patients de mieux s’investir dans leur prise en charge.
Deuxième exemple, InfoKids, une application développée par les Hôpitaux universitaires genevois et destinée aux parents dont les enfants nécessitent une consultation médicale aux urgences pédiatriques des HUG. Grâce à InfoKids, les parents obtiennent des conseils sur l’attitude à adopter face aux symptômes présentés par leur enfant, des informations en temps réel sur l’affluence en salle d’attente, l’itinéraire pour rejoindre les urgences pédiatriques. A la fin de la consultation, les parents reçoivent une fiche descriptive des mesures thérapeutiques à suivre. Un bel exemple de médecine augmentée, une application à juste titre primée par la Fédération internationale des hôpitaux.
A l’heure où certains prédisent le remplacement des médecins par des robots, il est intéressant de noter que les applications les plus intéressantes ne font que rapprocher patients et professionnels de la santé.
Prendre soin de sa santé grâce à son smartphone ?
Si vous ne trouvez pas d’application qui réponde à votre problème de santé, souvenez-vous que votre smartphone vous permettra toujours de prendre rendez-vous chez votre médecin (on aurait presque tendance à oublier que ces appareils servent aussi à téléphoner).
Sur le même sujet:
Autre exemple, une application pour gérer la contraception, Natural Cycles, fait polémique en ce moment après que 37 femmes suédoises ont déposées plainte pour être tombées enceinte. http://www.europe1.fr/societe/contraception-une-application-fait-polemique-apres-des-grossesses-non-desirees-3548381
Merci pour cet exemple que je ne connaissais pas. Ce qui est particulièrement intéressant est qu’il s’agit d’une application qui a reçu le “marquage CE de l’Union européenne”…
Pour les applications qui ont comme objectif de favoriser la fertilité, j’ai toujours été surpris de voir la fierté des développeurs chaque fois qu’une grossesse débutait. Avec ou sans application, quand un homme et une femme en âge de procréer ont des rapports sexuels, un certain nombre de femmes tombent enceintes…
Merci pour cet éclairage. C’est en effet assez consternant de voir cette quantité de soit disant applications de santé sur smartphones. Elle sont le plus souvent dans le champ du bien être et n’effleure que la santé. Inversement, l’utilité d’application en santé amène à prendre des risques sur … la santé des utilisateurs. Et c’est un métier de médecins (a priori).
Je pense que ce sont aux utilisateurs de demander des applications utiles (tiens, ces mots ont la même racine !). La notion d’empowerment des patients sur leur santé et la curiosité naturelle de certains confrères sont les deux ingrédients qui permettent l’apparition d’applications de santé vraiment utiles. Celles-ci sont souvent plus contraintes réglementairement (ce sont des données personnelles de santé), mais pas forcément plus complexes. Vous en citez des exemples aux HUG.
Vous comme moi agissons dans ce microcosme où les véritables innovations logicielles sont encore rares. Continuons à prendre des initiatives pour les faire émerger. Et tant mieux pour nos patients.
Merci pour votre commentaire. Dans le sens de ce que vous écrivez, il est intéressant de savoir que la principale conclusion de l’étudiante qui a consacré son master aux applications de rappels de prise de médicaments disent:
« Il nous parait essentiel que des pharmaciens ainsi que des patients professionnels soient présents dans les projets de conception des applications soutenant l’adhésion thérapeutique ».
Oui, développer des applications santé avec des professionnels de la santé et des patients devrait être une évidence.
Oui, continuons à travailler !
Aucune application chez moi, cela ne servirait d’ailleurs strictement à rien. Même Orphanet est un désert sur les maladies rares comme l’hydrargyrie, excepté quelques citations de cliniques en Allemagne. Aucune description des symptômes premiers, des suivants, des séquelles graves, des autres maladies qu’elle génère, rien, nada.
Lancer une campagne sur les meilleures façons de réduire le rayonnement des gadgets sans fil aurait un effet plus bénéfique sur la santé que les applis encourageant l’usage des téléphones mobiles. Pendant 20 ans, les industriels mettent leurs téléphones mobiles sur le marché dans des conditions trompeuses pour des millions d’utilisateurs, en ne tenant pas compte des usages réels (en contact avec le corps) dans le calcul du DAS (débit d’absorption spécifique), les surexposant à des niveaux des radiations plus élevés (jusqu’à 10 fois) que les normes européennes. Ces mêmes normes régissent la Suisse. Les enfants absorbent plus de radiation car leurs corps sont plus petits et en train de développer.
Ce scandale, appelé le “Phonegate”, dévoilé par un médecin français, le Dr Marc Arazi (arazi.fr) bénéficie du soutien des groupes de santé environnementale en Amérique du nord (Dr Devra Davis, ehtrust.org) et génère l’intérêt des médias du monde entier. Avec les récentes mises en garde du Départment de santé publique de la Californie sur les risques des téléphones portables, il est devenu impératif de sensibiliser tous les utilisateurs des téléphones portables via une campagne similaire avec les recommandations telles que :
– garder son téléphone portable à distance de son corps, dont la tête et le cou, y compris la main, et jamais dans la poche du pantalon, chemise ou soutien-gorge
– laisser le téléphone en dehors du lit la nuit
En dépit d’avoir contacté les médias et les groupes de consommateurs en Suisse Romande, il y a le silence total. Nous comptons sur d’autres personnes en Suisse pour diffuser ce message très important. Protégeons notre santé – surtout celle de nos enfants! Merci.
Document de la Californie :
https://www.cdph.ca.gov/Programs/CCDPHP/DEODC/EHIB/CDPH%20Document%20Library/Cell-Phone-Guidance.pdf