TTIP – un traité de libre échange de civilisation

A la veille du 13ème round de négociations du traité transatlantique de libre-échange, qui se déroulera du 25 au 29 avril à New York plus de 30’000 allemands se sont mobilisés à Hanovre pour protester cet accord. Ils espéraient se faire entendre par le Président Obama, grand proponent de ce traité en visite en Allemagne. Voilà quelques raisons pour lesquelles il est important d’en débattre et d’en connaître les détails.

Peu d’information et pas assez de mobilisation

Nous vivons dans un monde fragmenté, tranché en morceaux par les fils d’information continus qui projettent l’illusion d’un savoir multiple et complet des choses. Mais ce savoir n’est pas global et n’encourage pas une ample perspective analytique sur ce qui est en train de nous arriver. Je pense que nous avons là une des raisons pour lesquelles, quand il s’agit du Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (TTIP), une grande partie de la population des deux continents concernés en premier chef – L’Amérique du Nord et l’Europe – n’est pas tout à fait mobilisée, voir même informée, à propos de ce que cet instrument et processus signifient. (suite…)

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Boris Nemtsov: un an déjà

Il y a un an jour pour jour, défilait sur les écrans du monde entier une nouvelle à la fois sidérante et atrocement banale : Boris Nemtsov, représentant courageux et hyperactif de l’opposition russe avait été assassiné le soir du 27 février pendant une promenade nocturne sur le pont Bolshoï Moskvoretsky. La nouvelle était sidérante parce que c’était difficile d’imaginer qu’une personne de la vitalité et stature de Boris Nemtsov puisse être ainsi anéantie ; elle était banale parce qu’après tout, n’avions-nous pas là juste encore une autre exemple de la bonne vieille « mère Russie » qui mange ses enfants et recrache ses entrailles avec impunité ?

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Au revoir Umberto Eco

J’ai fait la connaissance d’Umberto Eco, l’écrivain, en lisant le livre « L’île du jour d’avant ». J’avais seize ans et il ne m’était jamais encore arrivé de lire un livre en riant de la première à la dernière page, avec des pauses pipi, pour ne pas souiller la chaise de laquelle j’avais du mal à me détacher, de peur de rater une seule ligne de ce roman qui enseignait l’histoire, la géographie et la littérature, en soulignant à chaque tournant de phrase l’ironie et l’hilarité de la folie humaine. (suite…)

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Les habits neufs de l’empereur ou de l’importance de l’investissement

Investir et investissement. On rencontre ces mots et la notion partout. De nos jours, surtout dans leur dimension financière et économique : investir dans l’innovation, investir à la bourse, investir dans les nouvelles technologies. Pourtant, malgré l’ubiquité du mot, l’acte lui même d’investir n’est pas très répandu, ou même populaire, dans nos sociétés. D’abord, parce que la prédominance de son sens financier crée l’illusion que seulement ceux qui ont de l’argent peuvent investir (personnes et institutions), le monde se scindant ainsi entre investisseurs et ceux dont les idées et le travail méritent investissement, rarement rencontrés dans un seul agent et acteur. Ensuite, parce qu’ « investir » est fortement lié à l’impératif catégorique du « tirer profit » (de préférence financier). Dans un monde où ceci est de plus en plus difficile à atteindre, le résultat est qu’on a perdu la pulsion d’investir. (suite…)

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Inégalité: en savoir toujours plus nous aide-t-il à y remédier ?

Je reviens d’une conférence sur les inégalités politiques et économiques, organisée la semaine passée à l’ETH Zürich avec le soutien du Réseau Suisse pour les Etudes Internationales. L’inégalité est un thème courant et actuel. Depuis l’irruption en 2014 du livre de Thomas Piketty «Le capital au XXIème siècle », sur la scène, le terme « inégalité » est devenu aussi moins tabou et plus volontiers abordé dans le discours public, où, jusqu’il y a quelques ans, on osait à peine le mentionner. Pourquoi ? Parce que le terme « inégalité » appartient à une famille sémantique qui, pour un certain temps, fut presque bannie de nos esprits et pensées. Cette famille comprend, entre autres, les notions de « classe sociale », « redistribution », « représentation », « justice sociale », « opportunité ». (suite…)

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Regarder le monde comme un état : les réfugiés, source de revenu fiscal ?

L’article publié par The Guardian aujourd’hui sur la « taxe » que le Danemark et, apparemment, la Suisse, imposent aux réfugiés qui arrivent sur le territoire du pays suscite diverses réactions : indignation solidaire avec la condition de ceux qui sont forcés à devenir refugiés, critiques publiques de la part d’agences de l’ONU, mais, aussi, si on regarde la section des commentaires de l’article, un certain sentiment que ceci n’est pas tout à fait déraisonnable.

Je vous propose un exercice intellectuel de logique étatique (cynique). Tout d’abord, il faut se rappeler que l’ « état » tel qu’il est en acte de nos jours est un dispositif bureaucratique sans sentiments, pour lequel la valeur « solidarité » n’est pas intuitive, ni naturelle. Du point de vue strictement bureaucratique du maintien et déploiement de l’état, la solidarité coûte, comme tout autre bien et service public.

Un regard sur l’histoire de l’état moderne en Europe Occidentale permet de comprendre mieux cette donnée. (Ceci est une version simplifiée des évolutions mentionnées).

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Les robots ne nous auront pas!

Une fable futuriste

Chers lectrices et lecteurs, nous sommes dans la Suisse de l’année 2029, un pays prospère et pacifié, qui a su bien naviguer les eaux troubles de l’économie mondiale, s’est reconverti avec succès en un « hub » de transparence financière et est en bonne voie de résoudre les défis lancés par les vagues de réfugiés venant du monde entier en payant une certaine somme à chacun d’entre eux pour aller s’établir où bon leur semble en dehors des frontières helvétiques. C’est une manière comme une autre de partager la bonne fortune des suisses. Mais, l’innovation sociale et, disons-le, biologique de la Suisse, celle qui étonne le monde entier et confirme le génie du pays en termes d’ingénierie, est l’avènement de l’ « homme nouveau » helvétique.

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Migration/réfugiés: la place de l’Université dans la Cité

Cherès Lectrices/Chers Lecteurs, cette semaine, un article par des auteurs invités, qui se trouvent chacun(e) à sa manière au coeur de la question des migrations et des réfugiés. Bonne lecture, Ruxandra Stoicescu

Les thèmes de l’in/sécurité et de la migration au cœur de l’UNIL : réflexions sur la construction de la solidarité

Rahel Kunz, enseignante à l’Université de Lausanne et Karin Mathys, membre du Collectif R

Du lundi 23 au jeudi 26 novembre, le Collectif R, composé de migrant.e.s menacé.e.s de renvoi dits « Dublin » et des personnes qui les soutiennent, a occupé la salle 1612 de l’Université de Lausanne (UNIL). Durant ces quatre jours, les étudiant.e.s et enseignant.e.s de l’UNIL ont eu l’occasion de participer à des séminaires, des ateliers et des conférences. Par cette présence symbolique et pacifique, le Collectif R a interpellé la communauté académique en sensibilisant ses membres aux drames humains qu’engendrent les politiques migratoires répressives de l’Union européenne et de la Suisse, en particulier par l’application sans limite des accords de Dublin.

Aucun cours n’a été annulé, ni perturbé. Certain.e.s professeur.e.s ont d’ailleurs tenu à poursuivre leur programme dans la salle occupée pour témoigner de leur solidarité avec les revendications du Collectif et ouvrir le débat sur les accords de Dublin. C’est notamment le cas de Mme Rahel Kunz, enseignante à la Faculté des sciences sociales et politiques, qui a donné un cours sur la sécurité internationale pour interrompre le quotidien afin de créer un espace pour accueillir et échanger avec les réfugié.e.s et le Collectif R, écouter, se laisser toucher par leurs récits, construire des solidarités, et déconstruire l’image d’une académie enfermée dans sa tour d’ivoire. Ainsi, un échange riche en expériences a eu lieu entre les réfugié.e.s, les étudiant.e.s, le Collectif R, l’enseignante et le public présent sur les liens entre l’in/sécurité, les migrations et leurs enjeux, et cela, avec l’aide précieuse de la traductrice, Mme Feven Afeworki. (suite…)

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