Vos données santé sont mal gérées
Vous seriez mieux soignés si vos données santé étaient mieux gérées. Vous seriez encore mieux soignés si vous y aviez accès. Le monde de la santé s’accélère et se complexifie, la gestion des données santé doit être réinventée, notamment en plaçant le patient au centre du système.
Pour illustrer ce que devrait être une médecine centrée sur le patient, l’histoire de deux patientes.
Angelina Jolie et Iris
Angelina Jolie, vous connaissez. Iris, c’est une de mes patientes, ou plus exactement c’était. L’histoire de deux patientes, la première vit dans un monde connecté, l’autre non.
Angelina Jolie
Angelina Jolie a subi en 2013 à l’âge de 37 ans une double mastectomie, en 2015 une double ovariectomie. Pourquoi ? Parce qu’elle est porteuse d’une mutation génétique, BRCA1, qui représentait pour elle un risque de 87 % de développer un cancer du sein, de 50 % de développer un cancer de l’ovaire.
Sa mère est décédée à 56 ans d’un cancer, sa grand-mère est décédée d’un cancer, sa tante est décédée d’un cancer. Pourquoi son histoire est-elle intéressante ? C’est l’histoire d’une médecine moderne, connectée, où le patient est informé, où les informations circulent entre les différents partenaires concernés.
Face aux nombreux cancers existants dans sa famille, Angelina Jolie a su qu’il pouvait y avoir un risque génétique, elle en a parlé à son médecin, elle a fait un test sanguin et a appris qu’elle était porteuse de cette mutation génétique BRCA1.
Cette histoire est aussi intéressante car Angelina Jolie a décidé de rendre sa maladie publique, la première fois dans un article du New-York Times en 2013 intitulé « My Medical Choice ». Son objectif était bien sûr de sensibiliser d’autres femmes à ce risque génétique. Un article publié dans l’Hebdo en juin 2015 nous apprend que les demandes de dépistages génétiques ont « depuis 2 ans » explosé à l’échelle mondiale, y compris en Suisse. Même s’il est difficile de mesurer le rôle qu’a joué l’histoire d’Angelina Jolie dans cette augmentation des demandes, elle y a certainement contribué.
“Je peux désormais dire à mes enfants qu’ils n’ont pas à avoir peur de perdre leur mère d’un cancer du sein»
Iris
L’histoire d’iris est beaucoup plus banale. Iris avait 81 ans, elle vivait à domicile avec son mari malade et un fils adulte handicapé. Elle a commencé à souffrir de douleurs abdominales en février 2016, les examens radiologiques ont montré « un cancer du pancréas avec probable carcinose péritonéale ». Quelques semaines plus tard, elle se sentait moins bien, elle souffrait en particulier d’importantes douleurs abdominales et de nausées. Iris « n’était pas très médicament », elle a tout de même, après de longues discussions, accepté de prendre de petites doses de morphine. J’ai dû ensuite passer plusieurs fois en urgence à son domicile. Début avril, la prise en charge médicale n’était, à mes yeux, plus satisfaisante et j’ai réussi à convaincre Iris d’être admise dans un hôpital de Suisse romande. J’ai envoyé un courrier à mes collègues hospitaliers pour leur expliquer que l’objectif principal était de mettre en place des soins palliatifs de qualité.
Iris m’a téléphoné huit jours plus tard, elle était sortie de l’hôpital depuis 3 jours. Je n’avais reçu aucune information de l’hôpital, ni téléphone, ni courrier. Iris se plaignait que « tout son traitement avait été changé », qu’elle ne savait plus que prendre. Je suis retourné la voir à domicile mais n’ai trouvé aucun document. Les infirmières à domicile n’avaient rien reçu non plus. Le lendemain, je n’ai pas réussi à joindre le médecin assistant qui s’était occupé d’elle à l’hôpital, ni son chef de clinique. J’ai fini par envoyer un fax, je n’ai pas reçu de réponse. Puis le week-end est arrivé, j’ai reçu le lundi un téléphone m’annonçant le décès d’Iris.
Je ne dis pas qu’Iris est décédée à cause de ce manque de communication, je dis simplement que le système de santé suisse 2016 n’a pas été capable d’offrir à Iris une fin de vie digne.
Un système à réinventer
Les problèmes sont multiples. Des changements sont nécessaires. Un hôpital où des professionnels de la santé qui font un travail de qualité oublient leurs patients dès qu’ils quittent leurs murs devrait peut-être réfléchir à évoluer vers une médecine centrée sur le patient. Il s’agit d’un problème culturel, les mentalités doivent changer.
Mais il y a aussi la quantité grandissante de nos données santé, que personne ne gère vraiment. Oui, votre médecin, un peu, pour peu qu’il ait un dossier médical informatisé, mais même lui n’a que rarement accès à l’ensemble de vos données santé.
On nous annonce un dossier électronique patient. Parviendra-t-on avec ce système à offrir aux citoyens et aux professionnels de la santé un système capable de gérer nos données santé ? Je l’espère mais cela reste à prouver. En attendant, comme évoqué dans un autre article de ce blog, conservez-vous-même, dans un lieu sûr, une copie des pièces importantes de votre dossier médical.
Un article pertinent et des témoignages très émouvants. Oui vous avez raison, je pense qu’il faut changer la mentalité. Surtout que le secteur de la santé va complètement connaitre un changement avec l’utilisation du numérique. Il faut absolument revoir ce sujet. Merci pour cet article en tout cas.
Très intéressante réflexion. Je passe sur la situation d’Iris qui reflète un manque de communication entre 2 mondes qui ont créés eux même les barrières qui les séparent. Je constate que la France n’est pas unique dans ce manque de coordination de soins.
Concernant Angelina Jolie il s’agit d’un choix orienté. Par contre je suis plus circonspect sur le dépistage génétique qui est parfois utile, mais qui donne au patient un risque, et pas toujours un traitement. Bien sur éviter la maladie ou un décès anticipé est un progrès de la médecine, mais ce n’est pas toujours le cas du dépistage génétique qui donne parfois un risque voire une certitude sans autre perspective pour le patient qu’une vie centrée sur une maladie inéluctable
Bonjour,
J’aimerai que votre article soit très diffusé.
Dans de très nombreux cas, les patients sortent du CHU sans courrier pour le medecin traitant, sans compte rendu provisoire d’hospitalisation, sans les resultats des examens biologiques, radiologiques, endoscopiques… Ne permettant ni le respect du principe ethique d’autonomie pour le patient, ni la possibilité du medecin de proximité de participer à la continuité cohérente des soins. Obligeant à des recommandations de bonnes pratiques de quelque chose qui ne relève que du bon sens.
Un directeur de CHU que j’interpellai sur le sujet m’a dit de lutter avec une association de malade (sic).
Gastro libéral, Je demande à chacun de mes patients de reclamer ses dossiers selon la loi Kouchner et de se fabriquer son propre dossier
Merci pour votre article
Bonjour,
Merci pour votre commentaire, je me sens moins seul…
Jean Gabriel Jeannot