Les ePatientes, ces héroïnes

Les ePatientes ?

Courageuses. Audacieuses. Déterminées. Les ePatientes sont des patientes actives, émancipées, qui s’investissent dans la prise en charge de leur santé et font bénéficier d’autres patients de leurs connaissances.

Le « e » de ePatient(e) a de nombreuses significations. A l’origine, cette lettre signifiait electronic pour l’utilisation faite par ces patients d’Internet. Comme nous le rappelle Wikipédia, d’autres définitions ont été imaginées par la suite: empowered (se donner le pouvoir de),  engaged (impliqué), equipped (éduqué/informé), enabled (se donner les moyens). Aujourd’hui on y ajoute aussi educated (instruit), expert et d’autres adjectifs commençant par “e”.

Pourquoi parler de ePatientes au féminin ? D’une part car j’ai le sentiment, peut-être faux, que l’on trouve plus de femmes parmi ces patients émancipés. D’autre part parce  que les exemples que vous trouverez dans cet article concernent le cancer du sein, une pathologie essentiellement féminine.

 

L’expertise patient et l’intelligence collective

Giovanna Marsico, avocate italienne vivant à Paris, responsable de la plateforme www.cancercontribution.fr, résume, dans un article intitulé Cancer du sein, l’action des patientes expertes, l’expertise de ces femmes dynamiques :

Face à un cancer du sein, des femmes acquièrent un savoir et une expertise qu’elles mettent au service des autres patientes sur les réseaux sociaux ou dans des associations. Mais cette compétence n’est pas encore suffisamment reconnue en France.

Un exemple en plein essor de l’expertise-patient se retrouve au sein des blogs, des plateformes collaboratives et des réseaux sociaux. L’entrée en maladie et le parcours qui en découle génèrent une demande importante d’informations. Ces informations ne relèvent pas de la sphère de compétences des professionnels de santé, elles sont l’apanage direct des pairs, de celles qui ont traversé la maladie et qui ont travaillé sur leur vécu pour en produire des connaissances transmissibles à d’autres. Cette matière est justement celle que la femme trouve quand elle parcourt les forums sur Internet. Une information sans doute inégale, mais qui passe à travers le filtre de l’intelligence collective.

 

5 femmes, 5 situations, 5 histoires

Catherine Cerisey (@cathcerisey), créatrice du célèbre blog Après mon cancer du sein, l’exemple type d’une femme qui en racontant son histoire, sa maladie, a aidé de très nombreuses femmes.

En décembre 2000, j’ai été atteinte d’un cancer du sein agressif dont j’ai rechuté en septembre 2002… J’avais 37 ans. Après deux tumorectomies, une mastectomie, une reconstruction, 18 chimiothérapies, 5 semaines de radiothérapie et 5 ans d’hormonothérapie, je suis en rémission totale aujourd’hui. Près de 9 ans plus tard, j’ai créé ce blog afin d’informer les femmes, les aider, les soutenir et qu’elles sachent qu’au- delà des statistiques, la victoire est au bout du chemin.

Lisez son billet, l’impression du travail accompli.

 

Christine Bienvenu (@SuissePatiente), « Epatiente, guerrière et survivante du cancer du sein; consultante en médias sociaux et communautés en ligne » pour reprendre la présentation qu’elle fait d’elle-même. Christine est la fondatrice de la plateforme Seinplement Romand(e)s, « POUR et PAR les personnes touchées par le cancer du sein en Suisse Romande ».

Christine Bienvenu a aussi créé le blog Suis(s)ePatiente qui donne toutes les clés pour devenir un ePatient actif. Elle est aussi la traductrice du livre « Impliquons les patients » dont j’ai parlé dans un autre article de ce blog.

 

Lili Sohn (@LiliSohn), créatrice du blog BD Tchao Günther.

« J’ai été diagnostiquée d’un cancer du sein en février 2014, à 29 ans. J’ai également  découvert mon super pouvoir de magicienne : transformer le caca en paillettes. Afin d’informer mes proches et d’extérioriser mes émotions, j’ai décidé d’ouvrir ce blogue BD. J’y raconte mon quotidien, mes émotions, mon expérience, mes interactions avec le milieu médical et mes découvertes sur cette maladie ».

Lili Sohn est l’auteur des livres « La guerre des tétons ». Regardez aussi la vidéo qu’elle a tournée pour le financement du projet Une autre histoire de cancer.  Génial.

 

LesEpatientes_2_Lili

 

Manuela Wyler (@mwyler), créatrice du blog Fuck my cancer, le cancer du sein n’est pas rose.

Pour comprendre le billet ci-dessous publié le 16 avril dernier, vous devez savoir que celui qu’elle appelle « Carlo » est en fait son cancer, Carlo comme Carcinome Lobulaire infiltrant.

« Les guerres que l’on gagne, les combats que l’on perd. Je pense que ceci sera le dernier billet que j’écrirai ici non par lassitude, mais comme une conclusion de ce blog qui m’a accompagné avec vous tout au long de ces presque trois ans de maladie, je n’arriverai pas au troisième anniversaire de Carlo, et ça n’est pas plus mal ».

« Lorsque le mois dernier après un retour de voyage chaotique mon généraliste a prescrit une IRM cérébrale, je savais sans y croire que nous allions changer de terrain de jeu. Le mercredi 16 mars à 15 h j’ai donc appris qu’une métastase méningée avait été identifiée. Il a fallu encore quelques jours pour que mon oncologue parle de méningite carcinomateuse. Là je savais que le combat serait perdu, j’ai donc simplifié et demandé le passage en soins palliatifs ».

Un article dans Le Temps lui a été consacré le 7 avril dernier, « Une malade en phase terminale dénonce le «business du cancer». Une combattante. Manuela Wyler est l’auteur de Fuck my cancer, chroniques garantie sans eau de rose.

 

Holley Kitchen, « nous sommes plus qu’un joli ruban rose… »

Holley Kitchen est décédée le 12 janvier 2016 à l’âge de 42 ans. J’ai découvert son histoire au travers de cette vidéo bouleversante, dans laquelle elle raconte en 3 minutes l’histoire de sa maladie. Cette vidéo a été vue un nombre incalculable de fois, vous comprendrez pourquoi en la visionnant.

 

LesEpatientes_2_Holley

 

Ces cinq femmes ont en commun une maladie, le cancer du sein. Elles ont aussi comme point commun de s’être activement investies dans la prise en charge de leur cancer. Elles ont enfin toutes souhaité faire profiter d’autres femmes de leur expérience.

Cet article est donc naturellement dédié à ces cinq femmes admirables.

 

Nous sommes (presque) tous des ePatients

Même si les cinq femmes présentées dans cet article sont des ePatientes expertes, il me parait important de préciser que le simple fait de rechercher des informations sur Internet à propos de votre maladie fait déjà de vous un ePatient…

 

Photo Manuela Wyler: Clara Wyler.

Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

6 réponses à “Les ePatientes, ces héroïnes

  1. Bravo à toutes ces femmes, mais j’ai constaté qu’une question est peu abordée, c’est le problème de l’information sur les traitements hormonaux anti-estrogèniques adjuvants prescrits après cancer du sein. Les femmes sont peu informées, et comme les effets indésirables sont importants, beaucoup d’entr’elles l’arrêtent. Aujourd’hui, on considère que 60% des femmes arrêtent leur traitement; Il existe 2 grands types de traitement prescrits à l’efficacité très voisine mais aux effets indésirables très différents. Je pense que l’observance du traitement ne peut être améliorée que par une meilleure information, c’est pourquoi j’ai crée une association dont c’est le but. C’est l’ZFICS : association de femmes pour l’information après cancer du sein.

    1. Bonjour,
      J’ai arrêté le femara car il me provoquait plein d’effets secondaires!
      J’ai eu l’impression qu’entre mon chirurgien et l’oncologue, je n’existais pas, je n’étais qu’un pion!

  2. Bravo à ces femmes, mais je trouve qu’un sujet est peu abordé c’est le problème posé par les traitements hormonaux anti-estrogèniques adjuvants, d’autant qu’ils sont prescrits pour des périodes de plus en plus longues. Les femmes reçoivent peu d’information, et comme ces traitements sont mal tolérés, certaines d’entr’elles l’arrêtent. Il existe 2 grands types de traitement à l’efficacité voisine, aux effets indésirables différents. Aujourd’hui on considère que 60% des femmes l’arrêtent et souvent sans le dire. Je pense que le seul remède au manque d’observance et une meilleure information. J’ai créé une association AFICS : association de femmes pour l’information après cancer du sein.

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