Envoyer les rapports médicaux aux patients plutôt qu’aux médecins ?

« Les spécialistes ne devraient à l’avenir plus envoyer leurs rapports aux généralistes mais directement aux patients, le généraliste ne recevant lui qu’une copie de ce courrier ». Cette proposition émane de la très sérieuse Academy of Medical Royal Colleges, une organisation qui représente pas moins de 250’000 médecins en Grande-Bretagne.

« Ecrivez-moi ! »

Cette proposition est présentée et expliquée dans un document intitulé «Please, write to me». On peut y lire :

« Ces lignes directrices devraient aider et encourager les médecins à écrire la plupart de leurs lettres directement aux patients, le médecin généraliste recevant lui une copie du courrier ».

Les auteurs de ces recommandations précisent qu’une telle démarche implique de former les médecins et que cela devrait déjà être fait durant leur formation. Ces directives contiennent des conseils précis : écrire au patient bien sûr mais aussi rédiger un courrier clair, informatif et compréhensible (en bannissant le jargon médical). Ce document doit aussi contenir des propositions et un plan de traitement, utiles à la fois au patient et au généraliste.

Pourquoi écrire aux patients ?

Les auteurs de ce document rappellent que les règles du NHS (National Health service, le service de santé publique anglais) précisent que le patient, sa famille et son entourage doivent être informés sur tout ce qui concerne les mesures préventives, diagnostiques et thérapeutiques le concernant, lui adresser à lui directement les rapports médicaux va donc dans cette direction.

L’Academy of Medical Royal Colleges présente aussi plusieurs études qui montrent que l’envoi des courriers aux patients a un impact positif 1, 2  et que cela permet aux médecins qui ont adopté cette nouvelle façon de communiquer d’exercer une médecine qui est plus centrée sur le patient.

Il est aussi très intéressant de lire les commentaires des patients qui ont pu vivre cette expérience :

« Après une consultation, lorsque on arrive à la maison, on a déjà presque tout oublié de ce que le médecin nous  a dit. Recevoir une lettre permet de mieux comprendre sa maladie et savoir ce qui peut être fait pour aller mieux ».

Cette affirmation a été démontrée par des études qui indiquent qu’entre 40 et 80 % de l’information délivrée par le personnel médical est immédiatement oubliée par le patient et que près de la moitié de l’information retenue est incorrecte.

Les commentaires des patients montrent aussi que la possibilité pour le patient de lire le courrier permet des corrections :

« Je ne prends plus la Pravastatin comme indiqué mais de la Simvastatin ». Ou encore : « Il manque deux médicaments dans la liste de mon traitement… ».

Pour le Dr Hugh Rayner, un médecin impliqué dans cette initiative, « écrire au patient plutôt qu’à son sujet modifie la relation entre  le médecin et son patient, le patient est plus impliqué dans sa prise en charge et cela apporte toutes sortes d’avantages ».

A l’heure où se développe partout dans le monde le « Dossier électronique du patient »,  il serait tout de même utile que les documents qui s’y trouvent puissent être lus et compris par les principaux intéressés.

Et en Suisse ?

Les médecins qui envoient une copie de leur courrier au patient sont minoritaires mais ce phénomène va en grandissant. Il n’existe par contre à ma connaissance aucune initiative qui propose d’écrire directement au patient. Une pratique qui pourrait d’ailleurs s’étendre au-delà des courriers entre spécialistes et généralistes…

S’adresser au patient plutôt qu’à son médecin ? La preuve que la médecine centrée sur le patient n’est pas qu’un slogan.

 

  1. Baker DL, Eash T, Schuette JL, Uhlmann WR. Guidelines for writing letters to patients. J Genet Couns. 2002 Oct;11(5):399-418. doi: 10.1023/A:1016841731426.
  2. O’Reillx M, Cahill MR, Perry IJ. Writing to patients: a randomised controlled trial. Clin Med (Lond). 2006 Mar-Apr;6(2):178-82.

 

Mes remerciements à Philippe Galipon (@p_galipon) et à Philippe Ameline (@p_ameline) qui m’ont permis de découvrir ce document.

 

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Vous cherchez des informations santé sur Internet mais vous ne le dites pas à votre médecin !

Mieux informé, mieux soigné

Les patients utilisent internet pour trouver des informations sur leurs problèmes de santé, pour évaluer la gravité de leurs symptômes mais aussi pour savoir s’ils doivent ou non consulter leur médecin. Après un contact avec un professionnel de la santé, ils ont recours à Internet pour trouver des informations sur le diagnostic posé et sur les examens ou traitements proposés.

Plusieurs études montrent que les patients qui reçoivent et comprennent une information pertinente concernant leur santé sont plus à même de participer aux décisions médicales, de prendre leur santé en main et donc de l’améliorer, ils sont aussi plus satisfaits de leur prise en charge.

Les plus de 80 ans aussi…

La recherche d’informations santé ne concerne pas que les plus jeunes. Un rapport de l’Observatoire suisse de la santé nous apprend que 43 % des personnes de plus de 65 ans interrogées déclarent avoir consulté internet pour des informations sur des sujets de santé aux cours des deux années précédentes : 52.6 % pour les 65 à 69 ans, 40.7 % pour 75 à 79 ans et encore 21.3 % pour les plus de 80 ans !

Comme le soulignent les auteurs de cette publication, « la fonction première d’internet en lien avec la santé semble bien être celle de source d’information, cela peut avoir un impact sur le profil des patients qui peuvent se trouver très bien informés mais qui peuvent aussi être induits en erreur par les informations trouvées sur internet ».

La réaction des médecins ?

Une étude sur la répercussion de l’utilisation d’Internet par les patients sur la relation soignant – soigné nous apprend que la réaction des professionnels de la santé est souvent très polarisée. Les médecins qui eux-mêmes ne connaissent pas l’Internet santé estiment que les patients qui se renseignent sur Internet sont généralement mal informés, exagérément inquiets et trop exigeants. A l’opposé, d’autres cliniciens sont plus ouverts, pour eux la consultation de sites Internet de qualité peut être bénéfique pour le patient et l’aider à prévenir et mieux vivre les problématiques de santé auxquelles il est confronté.

Si les patients apprécient de pouvoir discuter l’information recueillie en ligne avec les professionnels de la santé, ils ne se sentent pas toujours à l’aise de le faire pendant la consultation. Cette retenue est due à la crainte du patient d’une réaction négative du médecin, alors que les patients souhaitent simplement mieux comprendre leur maladie et leurs traitements.

La formation

Seule la formation permettra de dépasser cette situation, une formation nécessaire pour les patients comme pour les professionnels de la santé. Pour les patients, pour leur dire qu’ils osent utiliser Internet et leur conseiller des sites de qualité. Un meilleur niveau de connaissance permettra aux patients d’être mieux informés, tout en les sensibilisant aux informations santé mensongères, aussi très présentes sur Internet.

La formation des soignants est aussi nécessaire, pour qu’ils sachent qu’il existe des sites Internet santé de qualité pour le grand public, des sites qu’ils devraient idéalement recommander à leurs patients.

 

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Vous utilisez les médias sociaux ? Votre santé est en danger

L’utilisation des médias sociaux favorise-t-elle la solitude ?

Dans une émission radio, Michel Cymes, le célèbre médecin de l’émission « Allô docteurs », alerte sur la solitude des amateurs de réseaux sociaux. Voici ce qu’il dit en citant une étude récemment publiée par l’Université de Pittsburgh :

« Plus on est connecté sur les réseaux sociaux, plus on est seul. L’isolement social bousille les défenses immunitaires et augmente l’inflammation, conséquences en rafale, diabète, maladies cardiaques, arthrite, c’est-à-dire troubles des articulations, mais ça ne s’arrête pas là, la solitude est aussi le meilleur booster de la dépression et alors là, on ouvre la boîte de Pandore, troubles du sommeil, troubles de l’attention (c’est pratique quand on bosse à l’école ou en entreprise), sans parler des idées noires qui vont avec, j’ajoute que la dépression va souvent de pair avec l’anxiété et j’affirme ici que les réseaux sociaux sont des usines à fabriquer de l’anxiété… »

Utiliser les médias sociaux serait donc si dangereux ? Le Dr Cymes fait avec son émission « Allô docteurs » un travail de vulgarisation médicale de qualité, mais son analyse de cette étude américaine est un peu exagérée.

 

Médias sociaux et solitude ou solitude et médias sociaux ?

Lorsque l’on regarde plus en détail cette étude Social Media Use and Perceived Social Isolation Among Young Adults in the U.S., on découvre deux éléments intéressants :

  • Cette étude montre uniquement que les personnes qui utilisent les médias sociaux plus de 2 heures par jour sont plus isolées que celles qui les utilisent moins de 30 minutes par jour.
  • Les auteurs écrivent dans leur conclusion que leurs données ne permettent pas de savoir si l’utilisation intensive des médias sociaux isole ou si ce sont les personnes isolées qui utilisent plus les médias sociaux. La différence est de taille.

 

Alors dangereux ?

Pour ce qui est de la population en général, le danger des médias sociaux pourrait donc être liée à une utilisation trop intensive ? C’est probable. Le « cri » de Michel Cymes n’est donc pas inutile.

Pour ce qui est des patients, je pense que la situation est différente. Les patients qui souffrent de maladies chroniques, de maladies sévères ou de maladies rares affirmeront plutôt que les médias sociaux leur permettent de sortir de l’isolement de leur maladie. Ce qui est confirmé par une étude qui montre que l’utilisation des médias sociaux peut améliorer l’état de santé des malades chroniques.

Si cela est vrai, le principal danger serait donc ne pas pouvoir accéder à ces informations, l’utilisation des médias sociaux à des fins médicales nécessitant certaines compétences.

Que fait le monde médical pour expliquer aux patients l’utilisation intelligente et efficace des médias sociaux ? A ma connaissance, rien, les malades qui en ont les compétences se débrouillent seuls.

 

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Les ePatientes, ces héroïnes

Les ePatientes ?

Courageuses. Audacieuses. Déterminées. Les ePatientes sont des patientes actives, émancipées, qui s’investissent dans la prise en charge de leur santé et font bénéficier d’autres patients de leurs connaissances.

Le « e » de ePatient(e) a de nombreuses significations. A l’origine, cette lettre signifiait electronic pour l’utilisation faite par ces patients d’Internet. Comme nous le rappelle Wikipédia, d’autres définitions ont été imaginées par la suite: empowered (se donner le pouvoir de),  engaged (impliqué), equipped (éduqué/informé), enabled (se donner les moyens). Aujourd’hui on y ajoute aussi educated (instruit), expert et d’autres adjectifs commençant par “e”.

Pourquoi parler de ePatientes au féminin ? D’une part car j’ai le sentiment, peut-être faux, que l’on trouve plus de femmes parmi ces patients émancipés. D’autre part parce  que les exemples que vous trouverez dans cet article concernent le cancer du sein, une pathologie essentiellement féminine.

 

L’expertise patient et l’intelligence collective

Giovanna Marsico, avocate italienne vivant à Paris, responsable de la plateforme www.cancercontribution.fr, résume, dans un article intitulé Cancer du sein, l’action des patientes expertes, l’expertise de ces femmes dynamiques :

Face à un cancer du sein, des femmes acquièrent un savoir et une expertise qu’elles mettent au service des autres patientes sur les réseaux sociaux ou dans des associations. Mais cette compétence n’est pas encore suffisamment reconnue en France.

Un exemple en plein essor de l’expertise-patient se retrouve au sein des blogs, des plateformes collaboratives et des réseaux sociaux. L’entrée en maladie et le parcours qui en découle génèrent une demande importante d’informations. Ces informations ne relèvent pas de la sphère de compétences des professionnels de santé, elles sont l’apanage direct des pairs, de celles qui ont traversé la maladie et qui ont travaillé sur leur vécu pour en produire des connaissances transmissibles à d’autres. Cette matière est justement celle que la femme trouve quand elle parcourt les forums sur Internet. Une information sans doute inégale, mais qui passe à travers le filtre de l’intelligence collective.

 

5 femmes, 5 situations, 5 histoires

Catherine Cerisey (@cathcerisey), créatrice du célèbre blog Après mon cancer du sein, l’exemple type d’une femme qui en racontant son histoire, sa maladie, a aidé de très nombreuses femmes.

En décembre 2000, j’ai été atteinte d’un cancer du sein agressif dont j’ai rechuté en septembre 2002… J’avais 37 ans. Après deux tumorectomies, une mastectomie, une reconstruction, 18 chimiothérapies, 5 semaines de radiothérapie et 5 ans d’hormonothérapie, je suis en rémission totale aujourd’hui. Près de 9 ans plus tard, j’ai créé ce blog afin d’informer les femmes, les aider, les soutenir et qu’elles sachent qu’au- delà des statistiques, la victoire est au bout du chemin.

Lisez son billet, l’impression du travail accompli.

 

Christine Bienvenu (@SuissePatiente), « Epatiente, guerrière et survivante du cancer du sein; consultante en médias sociaux et communautés en ligne » pour reprendre la présentation qu’elle fait d’elle-même. Christine est la fondatrice de la plateforme Seinplement Romand(e)s, « POUR et PAR les personnes touchées par le cancer du sein en Suisse Romande ».

Christine Bienvenu a aussi créé le blog Suis(s)ePatiente qui donne toutes les clés pour devenir un ePatient actif. Elle est aussi la traductrice du livre « Impliquons les patients » dont j’ai parlé dans un autre article de ce blog.

 

Lili Sohn (@LiliSohn), créatrice du blog BD Tchao Günther.

« J’ai été diagnostiquée d’un cancer du sein en février 2014, à 29 ans. J’ai également  découvert mon super pouvoir de magicienne : transformer le caca en paillettes. Afin d’informer mes proches et d’extérioriser mes émotions, j’ai décidé d’ouvrir ce blogue BD. J’y raconte mon quotidien, mes émotions, mon expérience, mes interactions avec le milieu médical et mes découvertes sur cette maladie ».

Lili Sohn est l’auteur des livres « La guerre des tétons ». Regardez aussi la vidéo qu’elle a tournée pour le financement du projet Une autre histoire de cancer.  Génial.

 

LesEpatientes_2_Lili

 

Manuela Wyler (@mwyler), créatrice du blog Fuck my cancer, le cancer du sein n’est pas rose.

Pour comprendre le billet ci-dessous publié le 16 avril dernier, vous devez savoir que celui qu’elle appelle « Carlo » est en fait son cancer, Carlo comme Carcinome Lobulaire infiltrant.

« Les guerres que l’on gagne, les combats que l’on perd. Je pense que ceci sera le dernier billet que j’écrirai ici non par lassitude, mais comme une conclusion de ce blog qui m’a accompagné avec vous tout au long de ces presque trois ans de maladie, je n’arriverai pas au troisième anniversaire de Carlo, et ça n’est pas plus mal ».

« Lorsque le mois dernier après un retour de voyage chaotique mon généraliste a prescrit une IRM cérébrale, je savais sans y croire que nous allions changer de terrain de jeu. Le mercredi 16 mars à 15 h j’ai donc appris qu’une métastase méningée avait été identifiée. Il a fallu encore quelques jours pour que mon oncologue parle de méningite carcinomateuse. Là je savais que le combat serait perdu, j’ai donc simplifié et demandé le passage en soins palliatifs ».

Un article dans Le Temps lui a été consacré le 7 avril dernier, « Une malade en phase terminale dénonce le «business du cancer». Une combattante. Manuela Wyler est l’auteur de Fuck my cancer, chroniques garantie sans eau de rose.

 

Holley Kitchen, « nous sommes plus qu’un joli ruban rose… »

Holley Kitchen est décédée le 12 janvier 2016 à l’âge de 42 ans. J’ai découvert son histoire au travers de cette vidéo bouleversante, dans laquelle elle raconte en 3 minutes l’histoire de sa maladie. Cette vidéo a été vue un nombre incalculable de fois, vous comprendrez pourquoi en la visionnant.

 

LesEpatientes_2_Holley

 

Ces cinq femmes ont en commun une maladie, le cancer du sein. Elles ont aussi comme point commun de s’être activement investies dans la prise en charge de leur cancer. Elles ont enfin toutes souhaité faire profiter d’autres femmes de leur expérience.

Cet article est donc naturellement dédié à ces cinq femmes admirables.

 

Nous sommes (presque) tous des ePatients

Même si les cinq femmes présentées dans cet article sont des ePatientes expertes, il me parait important de préciser que le simple fait de rechercher des informations sur Internet à propos de votre maladie fait déjà de vous un ePatient…

 

Photo Manuela Wyler: Clara Wyler.