Tous en short ?

J’ai reçu un tract appelant à une manif de « soutien aux femmes » pour le 1er juillet. Le mot d’ordre est « tous en short ».

Cela m’a d’abord plongée dans la perplexité. Je ne voyais pas en quoi l’exhibition de gros mollets poilus (et blanchâtres, avec le printemps qu’on a eu) pouvait faire avancer la cause des femmes. Et puis je me suis souvenue qu’il y a quelques semaines, une jeune femme avait été agressée, avec insultes et voies de fait, par un groupe de filles (oui, des filles) qui lui reprochaient sa tenue impudique parce qu’elle était en short. Cet incident m’avait amenée à réfléchir une fois encore sur la façon dont certaines femmes intériorisent leur statut d’être inférieur et impur au point de s’en faire les avocates et même les farouches gardiennes. De l’excision pratiquée et défendue par les matrones, aux brigades des « gardiennes de la pudeur » en Iran, les exemples ne manquent pas.

Donc, je suppose que la manif du 1er juillet est une réponse à cet incident déplorable. C’est une initiative pavée de bonnes intentions.

Comme l’enfer…

Car il faut aller un peu plus loin et poser la question de cette fameuse «pudeur » qu’on nous balance de plus en plus et au nom de laquelle certains vont jusqu’au crime…

D’abord, la pudeur se comprend par rapport aux autres. On n’est pas pudique tout seul dans sa salle de bains. Donc elle consiste à cacher ce qui pourrait choquer ou déplaire aux autres, les mettre mal à l’aise.

Or, la beauté ne met pas mal à l’aise. Elle ne choque pas, au contraire, elle réjouit les yeux. Si les puritains de tout bord veulent cacher la beauté des femmes alors qu’ils devraient célébrer en elle l’œuvre accomplie du Créateur, ce n’est pas cette beauté qui les gêne, mais les désirs qu’elle fait naître chez eux et qu'ils sont incapables de maîtriser…

Par contre la laideur dérange. Bien sûr ce n’est pas la faute des gens qui ont des varices, des jambons à la place des cuisses, des poteaux ou des allumettes à la place des jambes, trois pneus de tracteur autour du ventre, le cul qui traîne par terre, ou dont l’âge a malheureusement avachi les contours… Par contre, personne ne les oblige à en infliger la vue aux autres.

Et c’est là, d’après moi, que réside la pudeur…

Montrer ce qui est beau, cacher ce qui est laid… Que ce gros type cache sa bedaine au lieu de l’exhiber sous un polo ajusté et laisse sa jeune femme réjouir les yeux de tous par sa magnifique chevelure…

Alors, le short ? Eh bien oui, le short… C’est le vêtement-piège par excellence. L’été, il ne fait grâce d’aucun défaut. Il moule les gros derrières ou les fesses trop plates, il souligne les jambes trop courtes, trop blanches, trop poilues… Chez les hommes, qui ont rarement de belles jambes, quand en plus ils l’agrémentent par des chaussettes blanches, c’est juste catastrophique. L’hiver, avec un collant noir de préférence filé ou déchiré, il est simplement ridicule.

Le short ne supporte que les jambes nues, longues, galbées, bronzées… et jeunes ! J’entends déjà les cris : c’est de la discrimination par l’esthétique, les gens « ont bien le droit » de s’habiller comme ils veulent, etc…!

C’est vrai. Et oui, c’est injuste. Injuste comme la beauté, injuste comme la jeunesse…

Allez, consolons-nous. Une jupe large et ondoyante est aussi fraîche et bien plus seyante qu’un short.

Aidons vraiment celles qui sont victimes de la discrimination par le sexe. Expliquons sans relâche que personne ne choisit « librement » de s’empaqueter de la tête aux pieds dans trois couches de jersey, d’entraver ses mouvements, de s’interdire de courir, de faire du sport et même d’être belle, comme certaines « féministes » dévoyées veulent le faire croire.

 

Mais s’exhiber pour ça dans un short catastrophique risque d’aller en sens inverse et de faire désirer une épidémie de burqa…

Sylviane Roche

Sylviane Roche, professeur et écrivain, s'intéresse depuis toujours aux règles qui gèrent la vie en société. Pour les connaître, les comprendre et même, éventuellement, les enfreindre en connaissance de cause.