Vous ne trouvez pas de médecin ? Allez chez un vétérinaire

Il est dans certaines régions de Suisse romande toujours plus difficile de trouver un médecin généraliste, je reçois dans mon cabinet des demandes quotidiennement. A défaut de médecins, faudra-t-il, comme proposé par provocation par une habitante du canton de Neuchâtel, bientôt se faire soigner par un vétérinaire ?

Trouver un nouveau médecin, un calvaire

La situation varie en Suisse romande d’une région à une autre mais le problème a une nette tendance à s’aggraver. Il est de plus en plus difficile de trouver un médecin qui accepte de nouveaux patients, en particulier pour ce qui est des médecins dits de premiers recours, c’est-à-dire les internistes généralistes. Il est pour moi douloureux, lorsque l’on me demande de suivre un nouveau patient, de répondre par la négative, en particulier lorsque la demande vient d’un senior. Je dois cependant le faire, pour garder du temps pour mes propres patients et éviter de finir en burnout.

Une pénurie de médecins ?

La Suisse ne forme certainement pas assez de médecins, elle en importe d’ailleurs un grand nombre d’autres pays. Parmi les médecins formés, il y en a certainement trop qui s’orientent vers des spécialités, l’équilibre entre médecins de premiers recours et spécialistes devraient dans notre pays certainement être revu. Cette situation de pénurie serait d’ailleurs plus grave encore si nos politiciens n’avaient pas inventé un système de santé avec des franchises élevées qui poussent de nombreux patients à ne pas consulter lorsqu’ils sont malades.

Face à ces patients qui ne trouvent pas de médecins, face aux urgences qui croulent sous l’afflux de patients, face à des primes d’assurances qui ne cessent d’augmenter, n’y a-t-il pas d’autres solutions que les vétérinaires ? Formulé autrement, doit-on rester dans l’équation « une demande d’un patient = une consultation au cabinet » ?

Le patient

Que fait une personne malade en 2022 ? Pour se soigner, elle peut utiliser plusieurs chemins. Le premier, si son problème de santé n’est pas grave et qu’elle a des connaissances, elle peut se soigner elle-même. Deuxième option, elle peut consulter Dr Google, une source d’information de qualité variable. Troisième option, toujours pour les problèmes de santé les plus simples, elle peut s’adresser à son pharmacien. Quatrième option, un médecin.

A part le vétérinaire, d’autres idées ?

Ne doit-on pas en 2022 proposer à la population un système de santé plus moderne, plus efficient ? La première étape serait d’augmenter ce que l’on appelle « les compétences santé » des habitants de ce pays. Cela signifie que les citoyens devraient avoir plus de connaissances, à la fois pour prendre soin de leur santé, rien ne remplace la prévention, mais aussi pour savoir comment se soigner lorsqu’ils souffrent de problèmes de santé légers. On pourrait même imaginer que cela fasse partie de l’enseignement scolaire de base.

La deuxième étape est de dépasser l’équation actuelle « un problème de santé = une consultation chez le médecin ». Même si le système de santé anglais est très différent du nôtre, j’avais été frappé par cette étude réalisée dans un cabinet ou la liste d’attente pour voir un médecin était souvent de plusieurs semaines. En mettant en place une solution de triage, c’est-à-dire en demandant aux patients de dire pourquoi ils voulaient voir leur médecin, la liste d’attente a disparu : un tiers des patients étaient directement redirigés ailleurs, un tiers étaient soignés à distance, donc plus rapidement, il n’y a que le dernier tiers qui pour finir venaient voir leur médecin.

La télémédecine doit donc être développée, à la fois pour soigner plus facilement à distance ce qui peut l’être mais aussi pour sa fonction de triage, un outil largement sous-utilisé dans notre système de santé. Un bel exemple de ce qui devrait être utilisé et développé est le site Soignez-moi.ch, il permet justement ce triage et, lorsque c’est possible, de régler votre problème de santé à distance. Cette solution est utilisée par plusieurs hôpitaux, à l’image de celui de la Tour à Meyrin, de Bienne et bientôt du Réseau hospitalier neuchâtelois, pour mieux trier les patients et décharger leurs urgences. Chez Soignez-moi.ch, les professionnels qui vous prennent en charge sont tous des médecins qui ont en parallèle une activité en cabinet. Ce système est insuffisamment connu des patients, il est aussi je pense insuffisamment soutenu par les professionnels de la santé. Les médecins qui, lorsqu’ils sont absents, proposent à leurs patients, en parallèle à la solution du médecin de garde, de recourir aux services de Soignez-moi.ch sont rares.

Et, à part le médecin ?

La dernière réflexion qui doit être menée face à la pénurie de médecins est de savoir si, en dehors du médecin, d’autres professionnels ne devraient pas être impliqués. Je pense personnellement que face au patient malade, même si le médecin restera souvent l’interlocuteur privilégié, il faut imaginer une équipe médicale. D’une certaine façon, cette équipe existe déjà puisque les assistantes médicales répondent avec efficacité à de nombreuses questions des patients. Elle doit cependant être développée avec l’intégration d’infirmier et d’infirmière, idéalement avec une formation de pratique avancée, c’est-à-dire l’acquisition de connaissances qui leur permettent d’être autonomes pour régler les problèmes de santé les plus simples, pour le suivi en alternance avec le médecin des personnes souffrant de maladies chroniques mais aussi pour la promotion de la santé.

Sinon, dernière option, le vétérinaire.

 

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Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

7 réponses à “Vous ne trouvez pas de médecin ? Allez chez un vétérinaire

  1. Un vétérinaire, pourquoi pas? Aristote ne dit-il pas que l’homme est un animal, social certes mais animal quand même et plus souvent animal que social, d’ailleurs?

    Mais revenons à la télémédecine. Merci pour ce lien vers “Soignez-moi.ch”, site intéressant. En quoi diffère-t-il, au niveau des prestations et du conseil, de celui de “Medi 24” (ancien “Sanatel”), qui est, lui, gratuit?

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire et pour votre question. Les services de telemedecine comme Megate et Medi24 sont les pionniers de la télémédecine en Suisse mais je leur reproche 2 choses (Medi24 appartient au groupe Allianz Partners, le premier fournisseur mondial de services d’assistance). La première, vous ne savez jamais très bien qui vous répond, ils suivent certainement des algorithmes validés mais ce manque de transparence me dérange. Deuxième élément, ils n’envoient jamais de rapport au médecin traitant, ce n’est pas correct. Chez Soignez-moi.ch, votre interlocuteur sera toujours un médecin. J’espère avoir répondu à votre question.

  2. Une pénurie de médecins ou un excès de patients ?

    Peut-être faut-il prendre le problème à l’envers ?
    Mais comme c’est le genre de question que le monde médiatico-politique n’a aucune envie de se poser dans ce pays …

    1. Oui en effet, très bonne question. C’est pour cela que j’évoquais certaines pistes dans cet article, dont celle des compétences santé. Pour pouvoir prendre soin de sa santé et donc avoir besoin de recourir au système de santé le moins souvent possible.

      1. La cause du problème n’est-elle pas la même que pour les urgences saturées, les autoroutes encombrées, les transports public bondés, les chantiers pléthoriques ou les villes « densifiées » ?

        Pour compenser le « manque de médecins », on va finir par réinventer le dispensaire à l’africaine dans une version high-tech à coup de télémédecine et de personnel formé sur le tas.

        Et puis, si ça ne suffit pas, les vétérinaires assureront la relève.
        Quoi qu’il semble que là aussi la pénurie s’installe : https://www.24heures.ch/face-a-une-penurie-de-veterinaires-les-cabinets-de-groupe-simposent-125702460473

  3. Bonsoir Docteur, en différé je lis votre texte (je suis et reste dans un autre environnement linguistique pour un an). Vous avez tout à fait raison de vous poser ces questions et d’émettre des suggestions.

    Pénurie : il y a un quart de siècle environ, un professeur et chef de service, également doyen puis vice-recteur, avait déjà mis en évidence cette problématique. Au jour d’aujourd’hui j’ai l’impression que personne ne veut rien comprendre du tout. J’ai de très anciens articles sur le sujet ainsi que des courbes statistiques éloquentes. Mon pays n’a jamais rien entrepris pour régler ce problème. Ou ne veut rien entreprendre ? La question reste ouverte.

    Formation continue des patient(e)s : Certain(e)s patient(e)s, dont moi-même, ont déjà bénéficié il y a nettement plus d’un quart de siècle de cours post-gradués très poussés pour rester totalement indépendant(e)s avec un problème médical chronique incurable et, je précise, très difficilement appréhendable en médecine interne classique faute d’études pointues sur des sujets bien particuliers.

    Pharmacies : A contrario des pays limitrophes (que je parcours non-stop), les pharmacien(ne)s de mon pays sont d’abord des vendeur(se)s de médicaments, en aucun cas des spécialistes en pharmaco-génétique et/ou -toxicologie. Depuis 30 ans, j’évite les pharmacies helvétiques comme la peste hormis pour des tests-prix, parce que les employé(e)s de ces officines paniquent systématiquement face à certaines ordonnances très spécifiques qui, partout ailleurs, ne sont jamais discutées.

    Vétérinaires : Mon chat bengali a été nettement mieux soigné en urgence que moi-même par le passé. Le choix médicamenteux « animal » s’est avéré beaucoup plus pointu qu’un choix médical « à la va-vite » dans le cadre d’une urgence chirurgicale au sein d’une institution lausannoise.
    Cette possibilité de switch vers un vétérinaire consciencieux me semble donc tout à fait pertinente, même pour une petite chirurgie d’urgence. Et si nous lisons quelques textes et thèses d’éthologie animale, nous sommes étonnés de découvrir à quel point le « respect envers les animaux » est clairement supérieur au « respect envers les humains ».

    En 2004, Anna Regula Hartmann(-Allgöwer) a publié de superbes dessins humoristiques sur les relations médecins-patient(e)s ….. elle était aussi médecin. Presque 20 ans après, ces dessins sont criants d’actualité ! Et notre manie helvétique du consensus nous empêche d’avancer ou, parfois, à reculons. eab

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