Maladies chroniques : quel est l’impact du numérique sur la vie des patients ?

Quel est l’impact des technologies numériques sur la vie des patients atteints de maladie chronique ? C’est la question à laquelle a voulu répondre le collectif d’associations de patients ICA, en partenariat avec des chercheurs de la chaire réseaux sociaux et objets connectés de l’Institut français Mines-Télécom.

L’objectif de cette étude était de mieux comprendre comment les personnes vivant avec une maladie chronique utilisent les technologies numériques mais aussi de connaître l’impact de ces technologies sur leur qualité de vie et leurs comportements santé. Plus de 1000 patients ont répondu de manière complète au questionnaire établi par les chercheurs.

Maladie chronique et numérique

Quels usages pour quelles technologies ? Premier enseignement, Internet est une source d’informations fortement sollicitée par les personnes vivant avec une maladie chronique, plus particulièrement lors des premiers temps qui suivent le diagnostic. Internet est utilisé par une majorité de patients, seuls 2,4% d’entre eux déclarent ne jamais y avoir recours dans ce cadre.

Les chiffres montrent néanmoins une hétérogénéité dans la régularité de l’utilisation d’internet : 59,4% des répondants se décrivent comme des utilisateurs réguliers (au moins une fois par semaine) tandis que 38,1% ont une utilisation plus rare (moins d’une fois par semaine) voire très exceptionnelle (moins d’une fois par mois).

Les réseaux sociaux sont le premier type de sites visité, les malades chroniques utilisent donc davantage le web 2.0 que les sites web ou les forums. Les recherches des malades chroniques sur Internet sont donc caractérisées par une approche communautaire, les contenus privilégiés sont ceux élaborés par d’autres personnes malades chroniques. Intéressant.

Cette étude confirme aussi que l’utilisation d’applications de santé et d’objets connectés reste encore aujourd’hui minoritaire voire marginale dans le cadre de la maladie chronique.

Nouvelles technologies et empowerment : vers un nouveau patient plus autonome ?

Les réponses des malades chroniques montrent que plus la fréquence d’utilisation d’Internet augmente, plus ils se sentent autonomes et s’autorisent à s’impliquer et à prendre part aux décisions concernant leur santé et la prise en charge de leur maladie.

Les auteurs de cette étude insistent sur un point qui est pour moi essentiel : les technologies numériques opèrent une transformation effective des patients vers une autonomisation qui se révèle être un allié pour le renforcement de la relation patient – médecin. Ils insistent aussi sur la nécessité pour le patient de relever les défis et dangers de l’Internet santé : la qualité variable des informations retrouvées, les risques d’erreur d’auto-diagnostic et l’équilibre émotionnel face au rappel de la maladie.

Alors, utile ?

Les résultats de cette recherche mettent en avant deux éléments du point de vue des malades. D’une part, que l’usage des technologies numériques dans le cadre de la gestion et du suivi de la maladie chronique n’est pas délétère à leurs motivations et leurs comportements liés à la santé, ni à la confiance qu’ils peuvent avoir envers leur médecin. D’autre part, qu’il permet d’augmenter l’empowerment, ce qui contribue à l’amélioration de la qualité de la relation et des échanges avec le médecin, notamment au sentiment d’être plus engagé et de vouloir maintenir cette relation, déterminante pour la qualité de vie des malades chroniques.

Bravo à eux

Au-delà de ces résultats, ce qui me réjouit le plus est de voir que ce sont désormais les patients eux-mêmes qui mènent des recherches sur les sujets qui les concernent. Bravo à eux.

 

NB: si vous n’avez vraiment plus de livres à lire et que la santé numérique vous intéresse, vous trouverez la totalité des articles publiées sur ce blog sur cette page.

 

Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

4 réponses à “Maladies chroniques : quel est l’impact du numérique sur la vie des patients ?

  1. “Les réseaux sociaux sont le premier type de sites visité, les malades chroniques utilisent donc davantage le web 2.0 que les sites web ou les forums. Les recherches des malades chroniques sur Internet sont donc caractérisées par une approche communautaire, les contenus privilégiés sont ceux élaborés par d’autres personnes malades chroniques. Intéressant.”

    Rien à rajouter, si ce n’est que cela fait bien longtemps que ce message fait partie de mon cours Empowerment du Patient et du travail de sensibilisation ePatient-e que je fais, un message qui a encore de la peine à être pris au sérieux… Alors je me réjouis de pouvoir maintenant m’appuyer sur cette étude.

    Merci beaucoup pour l’article !

  2. Un rapport intéressant qui confirme avant tout l’échec de la majorité des offres technologiques actuellement disponibles pour le patient dans le cadre de la gestion de sa santé et de sa relation médicale.

  3. Merci pour cet article! L’empowerment des patients est devenu essentiel et prioritaire même. Au lieu de le voir comme une menace, j’espère que le monde médical le considère de plus en plus comme un allié. Rendre ses patients plus actifs, quelle chance! Les encapaciter avec les connaissances utiles et nécessaires pour se prendre en charge au quotidien, grâce à des gestes et des choix de vie bénéfiques. Un usage malin des technologies qui devrait également (et surtout?) être utilisé en mode préventif et positif: comment maximiser et conserver son capital santé personnel, via l’activité physique, la nutrition, le sommeil, etc.
    Nous avons fait un test intéressant avec le CHUV comme partenaire santé de la campagne Décrochons la Lune en 2018, avec 1 conseil santé très simple diffusé par une application dédiée chaque jour des 9 semaines de campagne. 63 conseils poussés par l’app, mais encore faut-il trouver le bon format, les liens pertinents, les mots adéquats… toute une science… mais les possibilités offertes par cette technologie permettent désormais de segmenter des populations cibles en imaginant un groupe de personnes âgées, des jeunes en surpoids, des personnes souffrant de diabète, des populations migrantes… avec des conseils spécifiques et contextuels pour chacun de ces groupes.
    Nous n’en sommes encore qu’au début, mais voilà des développements “excitants”!

    1. Bonjour,
      Merci pour votre commentaire. J’aimerais faire 3 remarques:
      1. Oui, je partage votre avis, le numérique doit aussi être utilisé pour la promotion de la santé. Les professionnels de la santé ne connaissent malheureusement pas encore suffisamment ces outils.
      2. Il faut comme vous le dites que les professionnels de la santé se lancent dans de tels projets, c’est pour eux le seul moyen de découvrir ce monde, pour pouvoir ensuite intégrer ces outils dans leur pratique.
      3. Le nom de votre campagne “Décrochons la lune” est très sympa !
      Jean Gabriel Jeannot

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