Les professions qui ne sont pas touchées par la digitalisation sont rares, le monde de la santé n’est pas épargné. Il est donc indispensable de former les professionnels de la santé au numérique. L’objectif de cet enseignement doit être de permettre aux soignants d’acquérir les connaissances nécessaires à une utilisation efficiente des nouveaux outils et services apportés par la numérisation du monde de la santé, leur permettant ainsi de profiter des opportunités du numérique mais aussi d’en connaître les limites.
Alain Berset est d’accord avec moi
Lors du dernier Forum Santé 2020, Alain Berset a souligné « le potentiel d’amélioration de la numérisation en santé » tout en précisant que « pour qu’il puisse se déployer pleinement, il faut que tout cela soit intégré dans la formation continue des médecins ». Je partage évidemment ce point de vue, même si je pense que tous les professionnels de la santé doivent être formés au numérique, pas uniquement les médecins.
Le professionnel de la santé 2.0 ?
La façon dont vous serez soignés dépendra à l’avenir toujours plus des compétences numériques des professionnels qui vous prendront en charge. Attention cependant, les médecins 2.0 devront rester d’excellents cliniciens. Cathy Bazinet, une spécialiste de la e-santé, l’a très bien résumé dans un Tweet :
La culture technologique est essentielle pour construire le médecin du futur, mais pas suffisante. Plus que des docteurs « geek », l’avenir fait d’intelligence artificielle et d’objets connectés requiert des praticiens polyvalents, dotés d’une solide formation clinique.
Quelles compétences ?
Même si présenter la liste complète des connaissances et compétences numériques que devrait acquérir en 2020 un professionnel de la santé dépasse le cadre de cet article, quelques exemples permettront d’illustrer pourquoi une telle formation est désormais une nécessité.
Les sources d’information électroniques, pour les soignants et pour les patients. L’existence de bases de données médicales électroniques permet de faire de votre médecin un professionnel de la santé « augmenté ». Même si ceux-ci ont des cerveaux musclés, il n’est pas possible en 2020 de tout mémoriser. Le médecin moderne doit donc, lorsqu’il ne connait pas la réponse à une question qu’il se pose face à un patient, être capable d’aller chercher la réponse en ligne. Le soignant 2020 devrait aussi connaître les sites Internet qu’il peut conseiller à ses patients. Savoir quelles sources d’informations utiliser pour telle question n’est pas inné, cela doit être enseigné.
La sécurité informatique. Les données santé sont des données sensibles. Connaître les mesures à prendre pour une sécurité informatique optimale, notamment pour se protéger de la cybercriminalité, doit faire partie du bagage de base du professionnel de la santé. Vos données santé intéressent un nombre grandissant d’acteurs, en commençant par les assurances et par les géants de l’informatique, la protection des données doit donc être enseignée.
Le dossier médical informatisé. Face à la complexité croissante de la médecine, il ne parait plus possible pour un médecin d’utiliser un dossier médical au format papier. Les médecins qui travaillent avec un dossier médical informatisé sont heureusement toujours plus nombreux. Vous ne savez certainement pas que les dossiers informatisés que peuvent utiliser les soignants différent fortement les uns des autres. Cet outil est devenu tellement important dans la gestion des données santé que l’on peut sans hésitation dire que la qualité de la prise en charge d’un patient dépend des performances du dossier médical qu’il utilise. Savoir choisir le meilleur dossier médical nécessite des compétences.
La liste des compétences numériques devrait aussi inclure les enjeux sociétaux de la santé numérique, les aspects éthiques et juridiques de la e-santé, le dossier électronique du patient, la télémédecine, la communication électronique, les applications santé pour smartphones, les objets connectés. Comprendre ce qu’est l’intelligence artificielle, le big data et la santé personnalisée devrait aussi faire partie de cet enseignement.
Quelles formations sont proposées ?
eHealth Suisse a publié en 2015 un guide intitulé « Cybersanté : thématiques clés pour les professionnels de la santé – Guide à l’intention des responsables de la formation ». Pascal Strupler, le Directeur de l’Office fédéral de la santé publique y est cité :
« La cybersanté est une discipline récente, qui vise à mettre en réseau de façon optimisée tous les acteurs des soins de santé. Elle apporte davantage de sécurité, tant pour les patients qu’en matière de traitement, et améliore la qualité dans l’ensemble du système de santé ».
Le titre de ce document est malheureusement trompeur car on n’y trouve pas de programme d’enseignement. On peut y lire « qu’il est laissé aux établissements de formation le soin d’intégrer les thèmes dans leurs offres ». Une nouvelle version de ce guide a été publiée en 2017, il ne parle que du dossier électronique du patient, un thème certes d’actualité mais qui ne constitue pas un catalogue d’enseignement.
Les formations dans les écoles et les facultés de médecine sont encore rares et l’on doit le regretter. La Haute école de santé de Genève fait figure d’exception puisque elle a la volonté de proposer à tous ses étudiants et étudiantes un enseignement en santé digitale, une ambition qui s’est récemment concrétisée avec la nomination d’un professeur en santé digitale. L’objectif d’un enseignement en santé numérique n’est pas de faire des professionnels de la santé des geek mais juste de leur permettre d’exercer une médecine moderne et innovante, pour eux et pour leurs patients.
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