Médecine : l’examen physique est-il encore utile?

Les soins à distance ont connu un développement impressionnant avec la pandémie de COVID-19. De nombreux professionnels de santé, qui jugeaient cette médecine comme de faible qualité, s’y sont mis, contraints et forcés. La plupart d’entre eux ont je pense, grâce à cette expérience, découvert qu’ils pouvaient prendre en charge leurs patients à distance avec efficacité.

Avec la téléconsultation, la principale crainte des professionnels est la perte de l’examen clinique, comment faire si l’on ne peut plus examiner le patient ? La question que l’on doit se poser est de savoir si, en 2020, l’examen physique est encore utile.

Des diagnostics sans examen physique ?

Mon impression est que la plupart des patients surestime l’utilité de l’examen clinique. Même si cela dépend bien sûr de la spécialité du médecin et du problème investigué, l’outil diagnostique le plus puissant reste l’anamnèse, c’est-à-dire les informations que le patient transmet au professionnel de la santé. Même si les patients en sont peu conscients, cette partie de l’évaluation médicale à une immense valeur et permet souvent à elle seule d’aboutir à un diagnostic. En 2020 de nombreux diagnostics sont aussi établis grâce à des examens complémentaires, analyses sanguines ou examens radiologiques par exemple, là aussi sans que le contact physique entre le médecin et le patient ne joue un rôle important.

Même s’il est évident qu’un certain nombre de diagnostics ne peuvent être posés qu’au travers d’un examen clinique, examiner le patient ne serait donc dans de nombreuses situations pas forcément indispensable.

L’examen physique est-il encore utile ?

C’est la question à laquelle a voulu répondre le Dr Paul Hyman, un médecin généraliste américain, dans un récent article du journal médical JAMA. On peut y lire « Que vaut un examen physique ? Alors que je regarde la liste de mes prochains rendez-vous et que j’essaie de décider qui doit venir au cabinet malgré la pandémie, cette question me paralyse ».

Après avoir rappelé qu’un certain nombre de diagnostics ne peuvent être posés que grâce à un examen physique, il écrit que pour lui ces moments de contact avec le patient ont d’autres utilités. Il reconnaît qu’à une époque où les patients se renseignent souvent sur Internet, l’examen physique est un moment où la supériorité du médecin peut s’affirmer. Le Dr Hyman raconte par exemple dans cet article les situations où les patients sont sûrs d’avoir besoin d’antibiotiques et où, grâce aux éléments rassurants de son examen, il peut les convaincre que non.

Le Dr Hyman reconnaît que l’examen physique est aussi pour lui un rituel. Il écrit « l’examen, est plus qu’un outil qui permet d’établir un diagnostic et un traitement. Je réalise maintenant sa valeur pour moi ». L’examen clinique aurait donc aussi une utilité pour le professionnel, et très probablement pour son patient, pour ce moment de contact, de proximité entre soignant et soigné.

Ce médecin américain reconnait aussi que l’examen physique est pour lui une habitude, une routine que la pandémie est venue balayer. Il reconnait l’utilité de la téléconsultation mais aussi la nécessité pour lui de réinventer sa pratique :

« Tout n’est pas perdu avec l’émergence de la télésanté. Les visites virtuelles me permettent de me connecter plus fréquemment et plus facilement avec mes patients. Grâce à la télésanté, je peux voir mes patients dans leur environnement domestique, ce qui me fournit souvent de nouvelles informations sur les facteurs qui influencent leurs comportements en matière de santé. Et, bien sûr, dans cette pandémie où la distance sociale est si importante, la télésanté assure la sécurité des patients ».

Réinventer la relation médecin – patient ?

Le Dr Hyman conclut son article avec ces mots : « en essayant de maintenir les patients à distance, je perds le contact avec une partie de mon identité professionnelle ».

Il y a donc pour le médecin, et certainement aussi pour son patient, une perte, presque un deuil à faire. Même si rien ne remplacera jamais une rencontre physique entre deux personnes, professionnels de santé et patients doivent probablement apprendre de nouvelles manières de rester en contact, pour une plus grande proximité, même à distance.

 

PS : un article passionnant publié lui aussi dans le JAMA montre même que l’examen clinique, notamment lorsqu’il est réalisé lors d’un bilan de santé, pourrait non seulement être inutile, mais pourrait même être parfois dangereux.

 

Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

6 réponses à “Médecine : l’examen physique est-il encore utile?

  1. Si vous connaissez votre patient, une télé consultation peut souvent suffire. Je l’ai eu fait avec satisfaction et parfois avec une ordonnance via internet aussi. La pratique a changé, Il est vrai, mais je ne serai pas aussi catégorique que ce le JAMA.

  2. L’examen clinique est indispensable et irremplaçable et pas essentiellement en terme d’objectivité.
    Le patient nous donne des éléments subjectifs essentiels auxquels lui même n’a pas accès si le canal kinesthésique autrement dit le toucher n’est pas pris en compte.
    Il donnera alors au thérapeute des renseignements complémentaires et parfois contradictoires à l’anamnèse simplement parce que la kinesthésie est associée à l’émotion (qui est toujours physique) alors que la vue et l’ouïe en sont dissociées. Avec l’anamnese seule, les renseignements sont souvent trop mentalisés d’autant plus que les informations surabondantes encouragent ce processus qui met l’aspect relationnel de la consultation de côté. Par relation il faut entendre l’intersubjectivité de la consultation.
    Par exemple, je peux demander au patient qui se plaint de son ventre, ce que dit sa partie souffrante quand elle se sent touchée, quand je demande au patient se poser sa main sur le ventre, quand moi-même je pose la mienne sur sa main ou sur le ventre. Je peux même parler de ce que je ressens en miroir suivant la situation et pour ne pas me négliger.
    Une telle manière d’examiner donne de manière simple accès au noeud du problème qui, mentalement peut paraître ultra-complexe. On passe ainsi de la complexité à la simplexité, de la tentative d’explication à une compréhension (une intégration) réussie du problème !

  3. En tant que patiente je trouve que l’examen physique ne devrait pas être oublié…
    J’ai rencontré trop de médecins qui ne font qu’un interrogatoire et pose un diagnostic… Par exemple ça fait 4 longues années que je me plains d’un épuisement permanent (qui reste à élucider) et de douleurs diffuses dans le corps mais très intenses au niveau des articulations. Premier diagnostic sans examen “c’est dans ma tête, syndrome dépressif latent” résultat rdv chez un psy qui ne constate rien mais je termine quand même sous anti-dépresseur… (que j’ai arrêté au bout de 6 mois voyant que ça ne changeait rien)

    Aujourd’hui les médecins soupçonnent mon hyperlaxité d’être à l’origine des douleurs… Je n’avais aucunement conscience d’être hyperlaxe avant qu’un médecin ne m’examine sous toutes les coutures et il se peut que j’ai souffert pendant 4 ans alors que de simples orthèses auraient pu me soulager!

  4. L’examen physique est-il encore utile ? Récemment, j’ai décidé d’aller consulter un généraliste pour faire le point sur une perte de poids importante et des douleurs à la jambe. Pénurie de généraliste oblige, j’atterris chez un médecin praticien (?) parlant mal le français. Je n’ai pas d’apriori, même si son discours sur le Covid (je cite : on ne voyagera plus jamais, la vie d’avant c’est fini, les jeunes auront des cancers pulmonaires dans 20 ans avec le masque toute la journée) alors que je n’avais rien demandé me laisse perplexe. Elle m’examine habillée, me pèse habillée avec les souliers (sans chaussures, pas hygiénique me dit-elle); elle ne peut donc pas constater ma maigreur et quand je lui en parle, elle me dit “vous devez manger des pâtes et du pain le soir, ça vous fera grossir”; point final à ce sujet. Quand à ma jambe, elle me demande si j’ai des varices, “oui”, où ? dit-elle gauche ou droite ? “je ne sais pas, une jambe plus que l’autre”. Bien répond-elle, je note les deux ! Elle n’examine pas mes jambes. Je repars donc avec une ordonnance erronée (elle n’a pas trouvé en français le médicament que je lui demande, pourtant basique : du calcium et de la vitamine D), un bon pour une IRM du genou (?) alors que j’ai mal uniquement dans le tibia et aucune aide pour ma perte de poids qui m’inquiète. Alors OUI l’examen physique est essentiel et devrait être obligatoire pour le médecin tout comme une bonne pratique du français.

    1. Bonjour,
      Dans l’exemple que vous donnez, il n’y a pas que l’examen clinique qui manque… Si cette prise en charge est telle que vous la décrivez, et je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas, je pense que cette personne doit être signalée à la société médicale de votre canton. Et pour votre santé, trouvez un autre médecin…
      JG Jeannot

      1. Merci beaucoup Docteur pour votre réponse. J’étais très hésitante quant à la suite déontologique à donner à cette consultation, mais ce matin j’ai reçu la facture avec une surfacturation de 140 frs (cette Drsse n’a pas de chance, j’ai fini ma vie professionnelle à faire de la facturation chez un généraliste pendant de nombreuses années et je vois vite les anomalies). Cela m’a choquée et attristée de voir de la malhonnêteté ajoutée à de l’incompétence et tout cela jette le discrédit sur la profession médicale qui n’a pas besoin de cela en ce moment. J’ai donc décidé de contester la facture de de voir avec la société médicale de mon canton ce qu’il convient de faire pour la suite à donner tant pour la facture que pour la consultation.

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