Comment le numérique permettra-t-il d’améliorer notre système de santé ?

C’est la question à laquelle a répondu l’Institut Montaigne, un think tank français, dans un rapport de 220 pages publié ce 18 juin. Les publications sur la eSanté sont nombreuses mais leurs contenus souvent décevants, les propositions étant le plus souvent floues et le fruit d’une foi aveugle en la technologie. La publication de l’Institut Montaigne se caractérise par des propositions concrètes qui me paraissent, pour la plupart d’entre elles, réalistes.

Le comité de pilotage était composé d’une vingtaine d’experts. Plus d’une centaine de personnes spécialisées dans le secteur de la santé ont été auditionnées pendant les travaux du groupe de travail (experts, représentants de patients, de start-ups et d’entreprises).

Pour ce groupe de travail, la transformation du système de santé peut se matérialiser au travers de cinq axes : l’autonomisation des patients, la dématérialisation des échanges, la télémédecine, l’automatisation des processus logistiques et l’appui à la décision médicale et paramédicale.

1. L’autonomisation des patients

Les patients sont rendus plus autonomes et gèrent leur propre santé, à travers des solutions digitales leur permettant de suivre leur maladie et d’interagir avec le système de soins (applications mobiles, chatbots appuyés sur l’intelligence artificielle, prises de rendez-vous en ligne, etc.). La e-santé permet ainsi une plus grande implication des patients, qui deviennent des acteurs de leur santé et apprennent à surveiller leur maladie chronique ou leurs symptômes et à mieux s’orienter dans leurs parcours de soins.

Je partage évidemment ce point de vue, pour moi l’autonomisation du patient est la plus grande source de transformation de notre système de santé.

2. La dématérialisation des échanges

La circulation des informations médicales est fluidifiée au bénéfice des patients par la dématérialisation des échanges.

Oui, le fax sera abandonné…

3. La télémédecine

La télémédecine permet un accès aux soins à travers des canaux multiples. L’accès à la meilleure expertise pour tous est facilité. L’épidémie de Covid-19 a permis le développement de nombreuses solutions de téléconsultation et a mis en lumière leurs impacts positifs en termes d’accès aux soins et de facilitation des parcours dans le contexte d’une crise sanitaire, au-delà de la pratique courante.

Je me réjouis naturellement de voir ce groupe d’experts souligner les potentialités de la télémédecine. Les soins à distance sont encore trop souvent perçus comme une variante de la consultation présentielle alors que la télémédecine est plus que cela : un puissant outil de triage, un service permettant un accès facilité aux soins. La téléconsultation n’est pas de la médecine de faible qualité, c’est une nouvelle façon de concevoir la relation soignant – soigné.

4. Les outils numériques, l’intelligence artificielle et l’automatisation

L’efficacité des structures de soins est décuplée et l’expérience des patients améliorée grâce aux outils numériques, à l’intelligence artificielle et à l’automatisation qui permettent aux établissements de santé d’améliorer la performance et la disponibilité des équipes, du matériel médical et des plateaux techniques.

Les experts dans leur rapport citent en exemple le bloc opératoire : “l’utilisation d’outil numérique permet d’automatiser des tâches à faible valeur ajoutée (par exemple la suppression de saisie des feuilles de bloc) en recentrant les personnels de santé sur le soin pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients”.

 5. Grâce au numérique, une amélioration des processus

La décision médicale et paramédicale est rendue plus fiable et sûre, grâce à des outils permettant la diminution des risques d’erreur ou de retard au diagnostic et augmentant la fiabilité et la sûreté globale des processus. Ces outils, qui s’appuient sur des solutions d’intelligence artificielle, vont progressivement devenir indispensables pour une médecine au plus près des attentes des patients et des professionnels.

Mes connaissances ne me permettent pas de connaître la place que prendra l’intelligence artificielle dans ces développements, je suis par contre convaincu que le numérique a un rôle essentiel à jouer pour soutenir les professionnels de la santé dans la gestion des données santé. Comme le dit un des membres de ce groupe de travail « le système de santé est riche en données mais pauvre en informations ».

Les barrières

L’Institut Montaigne rappelle dans son rapport que le secteur de la santé est l’un des secteurs de l’économie les moins digitalisés. Les membres de ce groupe de travail ont identifié un certain nombre d’obstacles au développement de la santé numérique : des barrières à la pleine utilisation des données de santé du fait notamment d’un investissement insuffisant dans les systèmes d’information, une trop faible incitation à la télémédecine ainsi qu’un déficit de formation et d’équipement des professionnels de santé, des dispositifs de financement de l’innovation peu coordonnés et peu lisibles, une filière santé hétérogène et peu structurée, un cadre d’évaluation qui n’implique pas suffisamment les patients.

Ces barrières ne sont naturellement pas spécifiques à la France.

Une médecine augmentée

Les cinq axes de transformation proposés dans ce rapport n’ont comme objectif que de proposer aux patients et aux professionnels de la santé un système moderne, qui permette aux soignants de travailler avec efficience et aux patients d’être soignés selon leurs besoins, leurs attentes. Il n’y a rien de révolutionnaire dans ces développements, uniquement l’envie d’une médecine digne de ce 21ème siècle.

 

Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

5 réponses à “Comment le numérique permettra-t-il d’améliorer notre système de santé ?

  1. Patient ou malade augmenté, que voilà un bel oxymore. Que la médecine doit faire appel à plus d’IA est une bonne prospective. Mais demander à une personne diminuée physiquement ou psychiquement, qui recherche l’aide la collectivité, plus d’autonomie, est un projet “post-humaniste”.

  2. Malheureusement, il n’est nul part fait mention de la valorisation des facteurs salutaires des patientEs, chez qui le monde digital va par contre cerner et souligner de “mieux en mieux” les facteurs de risques, aussi efficacement qu’on précise les statistiques concernant le coronavirus sans les mettre en perspective avec une vision plus globale de la santé qui reste encore à définir !

  3. Le problème est bien posé, à la fois par notre cher Docteur et par les commentateurs. Et en mon ancienne capacité de technicien, je me sens concerné. Il appartient à la technique de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’exclus et que l’ergonomie soit mise en avant dans tous les cas de figure ! Vaste programme ! Pour le moment, j’essaie de cerner les paramètres liés au public des seniors et des personnes handicapées. Peut-on créer une aide en ligne objective et non intrusive pour tous ceux qui ne sont pas “computer litterate” ? La situation créée par le Covid l’imposerait, il me semble !

  4. Témoignage d’une “patiente lambda”, ayant exercé dans le secteur médical plus de 25 ans en gestion de projet, notamment, et expérimentée sur le segment de la “Relation client” (entre guillemet, car cette relation est, selon moi, autre que “client”, mais ce sont les termes).
    Passionnée par les évolutions numériques en santé, il me parait évident que la digitalisation, l’IA, la DATA sont des alliées indispensables, pour un meilleur suivi patient. Au delà, la dématérialisation des échanges peut aussi permettre, des actes médicaux et paramédicaux, on-indispensables ou trop récurrents. Il me semble que l’aspect humain, bien que complexe, peut y gagner en qualité. Non qu’elle ne soit présente aujourd’hui, mais la désertification médicale rend les échanges de plus en plus brefs. En bref, j’émet le constat qu’actuellement, a relation “de base “patient-médecin ne peut plus être qualifiée de “qualité” dans son aspect humain (à leurs corps dépendants pour les médecins). Il faut 7 ans pour la formation d’un médecin, et l’application du numérus clausus n’a pas encore livré tous ces effets.
    En tant que cheffe de projet, il me semble impératif de cartographier, au préalable, l’état du système Français, en macro-processus, mais au-delà, en baissant le niveau d’évaluation.
    Il nous sera alors possible, d’inclure les nouvelles technologies, au moments propices, afin de recouvrer une relation plus qualitative. Optimiste, je le suis. L’Humain est essentiel. Et les technologies sont un soutien.

    1. Bonjour
      Bonjour
      j’adhère complètement a votre analyse et votre expertise de terrain .
      Le patient doit être le pilote de ses données médicales, le médecin un accompagnateur et la technologie
      un périmètre de soutien.

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