War Management : l’Art de la Gouvernance de Guerre en 10 citations clés

war management

Un retour aux principes de gouvernance de guerre

C’est en relisant un billet publié en 2018 sur l’intelligence économique que je réalise le chemin parcouru entre les premiers articles de ce blog et l’accélération historique sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale qui nous a précipités jusqu’à aujourd’hui dans un monde controversé, détraqué.

Le temps passe et se défile ; le temps file et nous dépasse…y aurait-il pour nos économies comme une suite d’évènements annonciateurs d’un avenir incertain ? À l’état embryonnaire avancé, le futur immédiat nous réserve quelques surprises et un nombre non négligeable de ruptures.

Prendre du recul, c’est prendre de l’avance

Jamais nos sociétés n’ont été autant impactées depuis ces deux dernières années par des évènements inscrits à la page des cas de force majeurs aux symptômes connus des sociologues et économistes : ces ruptures sociétales et économiques sans précédent qui façonnent déjà le monde des entreprises et nos modèles de gouvernance pour demain.

D’une pandémie en forme de hordes barbares invisibles aux conséquences immédiates d’un conflit de haute intensité en Ukraine, l’Art de la guerre de Sun Tzu – ouvrage intemporel de stratégie – est aujourd’hui, et plus que jamais, d’un emploi exponentiel pour tout dirigeant stratège. Jamais la devise suivante n’a été aussi juste :

Lorsque le monde est en paix, un homme de bien garde son épée à son côté

En voici quelques courtes réflexions :

Les aspects financiers ne sont qu’une partie de la solution

“Dans la guerre, le nombre seul ne procure aucun avantage. N’avancez pas en vous reposant exclusivement sur la puissance militaire“.

Le renseignement économique n’a jamais été aussi vital

“Qui connaît l’autre et se connaît lui-même peut livrer cent batailles sans jamais être en péril. Qui ne connaît pas l’autre mais se connaît lui-même, pour chaque victoire, connaîtra une défaite. Qui ne connaît ni l’autre ni lui-même perdra inéluctablement toutes les batailles.“

« Un prince avisé et un brillant capitaine sortent toujours victorieux de leurs campagnes et se couvrent d’une gloire qui éclipse leurs rivaux grâce à leur capacité de prévision. Or la prévision ne vient ni des esprits ni des dieux ; elle n’est pas tirée de l’analogie avec le passé pas plus qu’elle n’est le fruit des conjectures. Elle provient uniquement des renseignements obtenus auprès de ceux qui connaissent la situation de l’adversaire . »

« Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. »

Substituer le comité de direction au comité stratégique

« Tout le succès d’une opération réside dans sa préparation. »

« Sois subtil jusqu’à l’invisible; sois mystérieux jusqu’à l’inaudible; alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires. »

« Qui ignore les objectifs stratégiques des autres princes ne peut conclure d’alliances. »

« Celui qui excelle à résoudre les difficultés le fait avant qu’elles ne surviennent. »

« […] vaincre l’ennemi sans même se battre, voilà le fin du fin. »

Car en final, les victoires se gagnent toujours avant les guerres !

Retrouver l’article complet avec ses analyses sur le lien suivant :

L’Art de la guerre : 20 citations clés pour mieux comprendre l’intelligence économique en affaire

Sun Tzu et l’entreprise stratégique : retrouver du sens en Post-Pandemia

Dépasser la confusion

Sun Tzu and dealing with the future

C’est un constat, le monde économique est en pleine réorganisation. Réorganisations sectorielles, structurelles et sociétales. A la période de repli et d’incertitude se profile une ère de confusion.

Un ‘rien ne va plus’ économique …

Valeurs et nombres s’entrechoquent de manière chaotique comme des électrons libres dans le vide stellaire. Priorités et urgences s’amalgament puis se détachent dans une course irrationnelle à la recherche d’une solution stable : celle d’une société apaisée par un projet économique et social viable pour tous et surtout durable.

Voilà deux ans bientôt qu’un virus s’est invité à la table – transformant nos enjeux économiques en jeux de casino. D‘un côté, l’économie réelle dont le socle est devenu le plateau d’une roulette qui semble perdre des numéros à chacun de ses tours ; de l’autre – dans la salle Black Jack des Bourses – des néo-capitalistes désinhibés tentent leur va-tout à la fortune du désespoir : la fortune promise d’un monde virtuel de blocs et de chaînes où l’entreprise n’est plus un projet commun de croissance, mais un amalgame d’avatars digitalisés où les seules valeurs collectives partagées sont l’individualisme et la quête du jackpot.

Un monde meilleur ou un meilleur des mondes ?

Ce ‘Meilleur des mondes’ d’Aldous Huxley s’est enfin invité chez nous avec les traits anxiogènes d’une ‘révolution ultime’ sans que le fracas d’un seul canon ait été entendu. En un temps record, subrepticement, nous avons été contraints de nous téléporter de l’entreprise à «l’USS Enterprise » de Star Trek. Du Temps des incertitudes, le monde semble avoir hérité celui de la confusion, de la dilution du sens commun.

Un pays dont l’armée est désemparée et traverse une crise de confiance sera victime de tentatives de subversion de la part de ses rivaux. C’est là le sens du proverbe : « la confusion et le désordre dans une armée offrent la victoire à l’adversaire. » (Sun Tzu)

Et une fois de plus, les anciens nous rappellent à l’ordre.

Dirigeants stratèges, voici quelques réflexions pour ne pas céder aux doutes :

1- Réévaluer son objet et ses projets : cartographier sa situation

Une réalisation ne dépasse celle du commun que par la capacité d’anticipation, de prévision. Le recueil d’informations préalables à ces prévisions n’est ni le fruit de quelconques conjectures divinatoires ni celui de prédictions tirées d’analogies trompeuses de précédents historiques.
La capacité de prévision provient uniquement d’hommes renseignés connaissant la situation de l’adversaire qui par leurs rapports fidèles vous informent des dispositions de celui-ci.

2- S’informer – se renseigner

Un stratège doit comprendre les desseins des princes locaux afin de nouer des alliances profitables en amont de tout engagement. Qui ignore les objectifs stratégiques des autres princes ne peut conclure d’alliances.

Un général stratège doit connaître parfaitement le terrain et sa topographie avant d’y conduire son armée ; afin d’en tirer parti au mieux il recourt aux services de guides locaux et d’éclaireurs. Qui néglige un seul de ces points n’est pas digne de conduire une armée.

C’est pourquoi seuls un souverain stratège et un habile général en mesure de recruter comme agents les personnes les plus intelligentes seront assurés d’accomplir de grands faits. Les opérations secrètes sont essentielles à la pérennisation d’un État et la bonne conduite de son armée.

3- Motiver ses troupes

La doctrine politique fait naître l’unité de pensée ; l’harmonie est la cohésion des valeurs partagées entre la population et ses dirigeants, supérieurs et inférieurs ; elle inspire la confiance de ces derniers à partager un même destin avec leurs chefs dans la vie comme dans la mort.

On traite l’armée comme un seul homme à qui l’on montre l’exemple par son efficace et non par des discours. On motive ses troupes par des perspectives avantageuses, non par les risques encourus.

4- S’engager

La victoire est l’objectif principal de la guerre. Quand les armées s’engagent dans des campagnes prolongées, que les opérations traînent en longueur sans apporter de victoire décisive, les armes comme le moral de vos troupes s’émousseront ; en usant leurs nerfs dans des sièges sans fin, le courage et les ardeurs de vos soldats s’évanouiront ; les provisions se consumeront et les coffres du prince que vous servez s’épuiseront.

Voilà pourquoi une armée doit viser la victoire immédiate et non une guerre d’usure basée sur des opérations prolongées.

En règle générale, après que le général ait reçu du souverain l’ordre de tenir la campagne, il mobilise ses troupes et prépare la population. Il organise harmonieusement ses forces avec homogénéité en portant une attention particulière à leur procurer un campement avantageux, car c’est de là principalement que dépend la réussite de ses projets et de toute son entreprise.

Ceux qui possèdent les vrais principes de l’art militaire ne s’y prennent pas à deux fois ni ne procèdent jamais à deux levées consécutives en hommes ou en vivres. Dès la première campagne, tout est fini ; ils ne consomment pas de vivres inutilement pendant plusieurs années de suite, leurs ressources propres leur suffisent.

5- Organiser – déléguer

Maîtriser l’art de l’organisation afin de renforcer la coordination et l’efficacité de ses hommes ; savoir hiérarchiser et promouvoir les officiers au rang qui convient. Ne négliger aucun maillon de la chaîne et être instruit des devoirs particuliers de chacun, du plus haut jusqu’à sa logistique d’approvisionnement afin de pourvoir aux besoins essentiels.

Si l’alignement des effectifs paraît important dans les plans, ne surestimez pas ce seul paramètre : une trop grande quantité de personnels est souvent plus nuisible qu’elle n’est utile. Une petite armée bien disciplinée est invincible sous un bon général.

En matière martiale, le grand nombre seul ne confère pas l’avantage ; n’avancez jamais en comptant sur la seule puissance militaire. Une armée composée des mêmes hommes peut-être très méprisable commandée par tel général, tandis qu’elle sera invincible sous les ordres d’un autre :
– Savoir être prévoyant et savoir correctement estimer la situation en concentrant ses forces pour attirer à soi vos adversaires au moment propice et à l’endroit voulu ;
– Savoir ne jamais sous-estimer votre adversaire ;
– Savoir gagner le cœur des hommes en les enflammant d’une ardeur combative ;
– S’assurer d’une discipline sans failles ; d’instructions claires et justifiées ; d’ordres efficaces et parfaitement exécutés, afin d’éviter désobéissances et indiscipline, car, on instruit les hommes par les institutions civiles, on les unit par la discipline militaire.
Ainsi, les instructions et les ordres étant en toutes circonstances justifiés seront parfaitement exécutés pour leur efficacité formant un liant naturel de confiance entre dirigeants et subordonnés.
Telles sont les attentions que vous devez à toutes les démarches, tant les vôtres que celles de vos adversaires. Une telle minutie dans les détails peut paraître superflue, mais elle procède d’un constat : que rien de tout ce qui peut contribuer à vous faire triompher n’est négligeable.

Le commandement du grand nombre est généralement le même que pour le petit nombre, ce n’est qu’une question d’organisation et de communication. Contrôler grands et petits nombres n’est qu’une seule et même chose en manœuvre : c’est avant tout une question d’organisation et de disposition des effectifs, de précision des ordres et de transmission des signaux.

Un grand général doit savoir l’art des changements. S’il s’en tient à une connaissance vague de certains principes ; à une application routinière des règles de l’art et une certaine connaissance de la topographie ; si ses méthodes de commandement sont dépourvues de souplesse, s’il examine les situations conformément à quelques schémas, s’il prend ses résolutions d’une manière mécanique, il ne mérite pas de commander.

En conclusion

Apprendre à se renseigner, bâtir et partager une vision commune 

Une armée peut connaître six infortunes : la fuite, l’insubordination, l’enlisement, l’effondrement, la confusion et la déroute, mais aucun de ces désastres ne peut être attribué à des causes naturelles ; sinon aux seules erreurs de commandement.

En matière de gouvernance, retrouver le sens commun est un art : celui de l’intelligence collective.

C’est ainsi qu’un général ne cherche pas à rééditer ses exploits,

mais s’emploie à répondre aux circonstances selon une variété infinie de voies.

Bonne nouvelle année à tous !

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Découverte : pour aller plus loin !

Rentrée littéraire 2021 : le dernier ouvrage de l’auteur

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jerome gabriel - blog Le Temps - Sun Tzu - Intelligence et cultures stratégiques

 

Entreprise, gouvernance et stratégie : se préparer aux pires scénarios en 2022

Personne ne nait ‘dirigeant’ : on le devient en apprenant à identifier ces combinaisons de signes invisibles qui engendrent les pires scénarios.

#intelligencestratégique ; #arcanastrategia - la créativité et le stratégique

     Anticiper les crises économiques, prévoir les disruptions technologiques et environnementales, veiller aux nouveaux acteurs sectoriels ? Comment continuer d’exister quand les événements économiques semblent se dérober sous nos pas ?

Mais par quoi et comment élaborer une stratégie d’anticipation ?

      Voici un rappel synthétique des fondamentaux derrière la notion de ‘stratégie’ – notion largement galvaudée et élimée par les gourous du Net à la bienveillance douteuse. Car ici, on marche toujours sur ses deux jambes et on apprend à tomber ; que ce soit pour dépasser le mode ‘survie’, devenir, conquérir puis réussir, la règle est la même pour tous : sans objectif, pas de stratégie ; sans vigilance, pas de victoire.

     Réussir : La bonne grille de lecture n’est pas seulement celle qui consiste à regarder le succès des autres. C’est aussi celle qui consiste à comprendre la nature des échecs des ‘autres’. En stratégie pure, le modèle d’analyse occidental se présente donc sous deux angles distincts : analyser les succès sous le prisme de leurs forces ; soit sous celui de leurs faiblesses. Pourtant, tout est une question de contexte, de circonstances fluctuantes qui nous obligent à prendre une approche analytique plus ‘holistique’ si l’on veut véritablement comprendre pourquoi et comment une entreprise a abouti et une autre a failli. Réussir c’est avant tout apprendre à ne pas périr…

     Pourtant en opposant systématiquement ces 2 concepts réducteurs de ‘force’ et de ‘faiblesse’, on perd de vue la plus importante notion philosophique dont les stratèges asiatiques comme Sun Tzu sont adeptes : la force d’un impact se mesure à la fragilité de son objectif, . En termes économiques, ce principe se traduit par l’exploitation du vide par le plein ; savoir rapidement saisir une opportunité au bon moment et au bon endroit.

 

‘Stratégie’ : Késaco ?

#Stratégie #entreprises #Intelligence-économique

STRATÉGIE, subst. fém.

[P. oppos. à tactique]

Ensemble d’actions coordonnées, d’opérations habiles,

de manœuvres en vue d’atteindre un but précis.

     Du latin ‘strategia‘ qui définissait le gouvernement militaire d’une province romaine, le mot est emprunt du grec « στρατηγι’α » ‘strategía’ dont l’utilisation initiale indiquait le « commandement d’une armée » où « l’aptitude à commander une armée, les qualités d’un général » et « manœuvre ou ruse de guerre » (art de stratège). Plus récemment, au 19° siècle, le terme a été adapté à l’art militaire comme «la science des mouvements d’une armée éloignée d’une autre. » (Boiste)

Dans cette version militaire de la stratégie, tout est affaire d’anticipation logistique et de préparation matérielle en amont de la survenance d’un évènement guerrier.

Des synonymes surprenants !

#strategie #synonymes
la stratégie dans l’inconscient collectif

     Dans l’ordre d’apparition, le mot stratégie possède plusieurs synonymes dont les sens nous rappellent invariablement la réflexion devant l’inconnu, soit pour en maîtriser les subtiles intrigues, soit pour en exploiter le terrain à des fins d’objectifs.

     Dans les proximités sémantiques, le mot ‘stratégie’ est utilisé le plus souvent quand le cadre de réflexion implique un objectif à atteindre par des moyens ou manœuvres diverses (plan) impliquant des actions tactiques (ruses, politiques, diplomatiques) afin, soit : de déjouer une intrigue (renseignement, contre-espionnage) ; soit pour gagner un jeu, une guerre.

Dirigeant stratège : entreprendre un objectif stratégique

#artdelaguerre #clausewitz
Carl Philipp Gottfried von Clausewitz (1780 – 1831)

Clausewitz, un Général Prussien face aux limites de la seule doctrine militaire

     Pour les militaires, la stratégie est la parti qui traite de la coordination des forces armées (en intégrant les aspects politiques, logistiques et économiques) dans la conduite d’une guerre ou dans l’organisation de la défense d’une nation, d’une coalition. C’est l’art d’organiser et de conduire un ensemble d’opérations militaires prévisionnelles et de coordonner l’action des forces armées sur le théâtre des opérations jusqu’au moment où elles sont en contact avec l’ennemi.

     Pour Carl von Clausewitz, la stratégie est exclusivement un art militaire et le terme n’est porté que dans le cadre de la conduite d’une guerre : « si la tactique est la théorie relative à l’usage des forces armées dans l’engagement, alors La stratégie est la théorie relative à l’usage des engagements au service de la guerre. »

     Si celle-ci reste un classique, la vision purement Clausewitzienne de la stratégie reste l’une des plus réductrice face aux enjeux contemporains, car les doctrines guerrières frontales du 19° siècle n’ont plus cours de nos jours.

La doctrine stratégique et la notion de valeurs intangibles

     Pour le monde économique, la notion de stratégie est l’ensemble des choix d’objectifs et de moyens qui orientent à moyen et long terme les activités d’une organisation, d’un groupe. Elle est souvent liée à la stratégie financière de l’ entreprise et n’est pourtant qu’un aspect de sa stratégie globale; elle inclut les choix à moyen et long terme d’objectifs et de moyens financiers.

    Si les objectifs commerciaux restent souvent clairement ambitieux, composer avec les moyens à mettre en place est une bataille quotidienne qui ne se juge qu’en termes économiques : paramètres comptables de gains ou de pertes ; politiques de prix ; échéances à court ou moyen terme ; C.A vs profits. Pourtant – et c’est un fait – en matière économique, les paramètres les plus importants à prendre en compte afin de bâtir une stratégie sont pour le moins intangibles ; invisibles même, aux yeux des dirigeants d’entreprises puisqu’ils ne rentrent pas dans les cases d’un bilan…

Découvrir les éléments concrets d’un bilan ‘invisible’

#capital_immateriel #entreprises #dirigeants #stratèges
Capital immatériel : Plus de 60% de la valeur stratégique d’une entreprise est invisible selon les normes comptables internationales….

     Pour la plupart des entreprises, l’option stratégique la plus souvent pratiquée est de nature ‘offensive’ et avec elle, son cortège de capital immatériel : ses ressources invisibles. Selon le cabinet Ernst & Young, à l’âge de l’économie de la connaissance, plus de 63% de la valeur des firmes sont constitués de capital immatériel.. la même étude relevait également que la valeur de l’immatériel non inscrit au bilan des entreprises pouvait représenter jusqu’à 3’500 milliards d’euros. Si environ les 2/3 des actifs invisibles des firmes ne figurent pas dans leurs états financiers, il est donc difficile d’évaluer la nature des ressources combinées favorisant ou non la croissance économique d’une entreprise.

     Ceci explique pourquoi durant la dernière décennie, l’écart existant entre la capitalisation boursière des firmes cotées et la valeur comptable de leurs fonds propres a oscillé entre 400 et 500%.

     En 2008, l’OCDE avait déjà définit le capital immatériel parmi cinq composants principaux : les investissements en technologie, les investissements qualifiants, les études et organisation de marché, les logiciels et les systèmes d’information. Depuis, la liste a été augmenté par d’autres économistes qui y ont ajouté ; le capital humain, le capital structurel et le capital client (ou relationnel). On se rapproche enfin des logiques du RSE avec son pendant ‘sociétal’. Ainsi, en complétant son bilan d’une analyse intégrale des risques, on apprend à se renforcer structurellement grâce à une meilleure compréhension de ses atouts humains ; atouts ‘invisibles’ et pourtant fondateurs de ses capacités réelles avant tout engagement.

    Si comme pour un général en campagne, le dirigeant a pour première priorité de connaitre ses propres forces et faiblesses, car ce sont souvent les Hommes qui composent la nature du terrain : leur compétence et leur discernement face aux difficultés et aux risques. Dans l’analyse, les impacts des risques en matière stratégique sont donc souvent relatifs à l’infrastructure elle même et à sa composition humaine (compétences, qualités managériales, motivations, intelligence collective). Car, finalement, ce n’est pas le terrain ni les circonstances qui font les Hommes, mais bien leur attitude et leur préparation face aux menaces.

En stratégie, le premier risque n’est pas la topographie du terrain, c’est vous.

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Sun Tzu : le Codex Strategia des Dirigeants en Vingt Citations Essentielles

Sun Tzu et les guerres médiévales
An imperial battle painting commemorating the campaign victories in the Northwestern region, 1862-1877, Qing dynasty, Guangxu

Vingt citations essentielles du Sun Tzu pour les dirigeants stratèges

      Profitons de ce court répit hivernal pour méditer autrement sur ces quelques citations suivantes.

  La puissance financière seule ne garanti pas le succès, car pour autant que certains espaces économiques peuvent se réduire drastiquement et conduire les protagonistes à user de la force et de moyens démesurés, ces derniers pourraient bien être symptomatiques d’un aveu d’échec par impréparation, mais aussi une bataille inappropriée engagée sous le coup de la colère et de l’orgueil.

 Dans la guerre, le nombre seul ne procure aucun avantage. N’avancez pas en vous reposant exclusivement sur la puissance militaire“.

  Au regard des adversités économiques, les préceptes suivants se transcrivent assez aisément en ressources financières et humaines ; innovations technologiques ; management et gouvernance ; marketing, communication et déploiement commercial. Il suffit d’y poser un œil critique et un certain bon sens.

I – La base de tout : Le renseignement et la cartographie des menaces

   Pour Sun Tzu, tout est dans la préparation, la coordination et la qualité des renseignements économiques recueillis : “Qui connaît l’autre et se connaît lui-même, peut livrer cent batailles sans jamais être en péril. Qui ne connaît pas l’autre mais se connaît lui-même, pour chaque victoire, connaîtra une défaite. Qui ne connaît ni l’autre ni lui-même, perdra inéluctablement toutes les batailles.“

 Percevoir le concurrent identifié comme un ou ‘seul‘ adversaire peut s‘avérer trompeur quand d‘aucuns agît en méconnaissance des facteurs clés que sont : la doctrine (le modèle économique) , le temps (l‘agenda des actions) , l’espace (le secteur d‘activité et ses acteurs) , le commandement (le management) , la discipline (la coordination et la préparation).

Que ce soit sur le plan des affaires, de la diplomatie ou de l’influence, il s’agît ici surtout de mieux savoir pour mieux agir…

Quelques citations :

  • « Un prince avisé et un brillant capitaine sortent toujours victorieux de leurs campagnes et se couvrent d’une gloire qui éclipse leurs rivaux grâce à leur capacité de prévision. Or la prévision ne vient ni des esprits ni des dieux ; elle n’est pas tirée de l’analogie avec le passé pas plus qu’elle n’est le fruit des conjectures. Elle provient uniquement des renseignements obtenus auprès de ceux qui connaissent la situation de l’adversaire . »

  • « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. »

  • « Tout le succès d’une opération réside dans sa préparation. »

  • « Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera point défait. Qui se connaît mais ne connaît pas l’ennemi sera victorieux une fois sur deux. Que dire de ceux qui ne se connaissent pas plus que leurs ennemis ? »

  • « Connaissez l’ennemi et connaissez-vous vous-même ; en cent batailles vous ne courrez jamais aucun danger. »

  • « Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites. »

  • « Sois subtil jusqu’à l’invisible; sois mystérieux jusqu’à l’inaudible; alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires. »

  • « Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles. »

  • « Qui ignore les objectifs stratégiques des autres princes ne peut conclure d’alliance. »

  • « Impalpable et immatériel, l’expert ne laisse pas de trace ; mystérieux comme une divinité, il est inaudible. C’est ainsi qu’il met l’ennemi à sa merci. »

II – Préparation et Protection du cœur de sa citadelle

     La protection des entreprises consiste à préserver et sécuriser son patrimoine. Il s’agît ici non seulement de veiller à ses actifs matériels, mais surtout à identifier et comprendre l’ensemble de ses actifs immatériels dont la valeur financière ‘invisible’ représente jusqu’à 75 % de la richesse d’une entreprise.

     Selon les différentes interprétations comptables internationales, le capital immatériel – aussi appelé ‘actifs intangibles’ – représente l’ensemble des actifs identifiables qui participent à la « rentabilité présente et future » de l’entreprise. Leurs valeurs restent pourtant ‘hors bilan’.

Aussi et selon la définition la plus acceptée en matière financière, le capital immatériel se décompose en trois catégories :

Le Capital Humain : expérience, formation, gouvernance, management, relations interpersonnelles, motivation, etc.) ;

Le Capital Structurel : la culture de l’entreprise, la communication interne, la sécurité de son patrimoine informationnel, l’organisation (management), l’innovation/ inventions, brevets, marques, franchises, licences et contrats, inventions, formules, processus, dessins, modèles et savoir faire, copyrights et droits d’auteur.

Le Capital Relationnel , ou l’environnement d’affaires : les relations avec les actionnaires, les partenaires, les clients (fidélisation, ancienneté, solvabilité …), les fournisseurs (solvabilité, réputation, diversifications …), la société (réputation, influence, communication…).

La valeur globale d’une entreprise repose donc avant tout sur un savant dosage de ces différents types de ressources productives, mais aussi sur l’intelligence collective (émotionnelle) en place à les combiner, les développer et surtout les exploiter de manière opérationnelle.

Ainsi, comme on peut le voir, ce n’est pas nécessairement l’entreprise la plus riche en ressources qui l’emporte et qui dispose de la plus grande valeur…

Quelques citations :

  • « Lorsque le monde est en paix, un homme de bien garde son épée à son côté. »

  • « […] vaincre l’ennemi sans même se battre, voilà le fin du fin. »

  • « Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre. »

  • « Celui qui excelle à résoudre les difficultés le fait avant qu’elles ne surviennent. »

III – Diplomatie : de la communication à l’influence

     Dans l’ouvrage “L’influence, le noble art de l’intelligence économique” paru en 2012 sous les plumes averties d’Alain Juillet et Bruno Racouchot, l’influence passe principalement par deux formes de communications :

     « D’une part, une communication classique, ayant pour objet la diffusion de l’information vers des cibles extérieures, mais aussi en direction de ceux qui ont à la connaître en interne pour optimiser leurs actions. Envisagée sous l’angle sécurité, cette communication est aussi à visée pédagogique pour avertir des dangers potentiels, sensibiliser et apprendre à se protéger. »

Et d’autre part :

     « il y a la communication active et offensive sous la forme de l’influence. On va utiliser les informations recueillies pour déstabiliser l’adversaire ou le faire aller dans la direction où l’on souhaite qu’il aille. Aussi surprenant que cela puisse paraître pour des esprits non-avertis, la communication est – et ce dès l’origine – consubstantielle à la démarche d’intelligence économique. Celle-ci, bien loin de s’enfermer dans une conception strictement sécuritaire, doit au contraire explorer les ressources offertes par la logique communicationnelle. Il est de son intérêt de le faire, sur un mode offensif, via la mise en œuvre de stratégies d’influence. »

Quelques citations :

  • « La grande science est de faire vouloir à autrui tout ce que vous voulez qu’il fasse, et de lui fournir, sans qu’il s’en aperçoive, tous les moyens de vous seconder. »

  • « Vous profiterez de la dissension qui surgit chez vos ennemis pour attirer les mécontents dans votre parti en ne leur ménageant ni les promesses, ni les dons, ni les récompenses. »

  • « Entretenez des liaisons secrètes avec ce qu’il y a de plus vicieux chez les ennemis ; servez-vous-en pour aller à vos fins, en leur joignant d’autres vicieux. »

  • « l’appât de la vengeance, celui des richesses ou des postes éminents que vous leur promettez, suffiront amplement pour les gagner. »

Les plus belles batailles sont toujours silencieuses, et leurs succès rarement tapageurs…

 

En bonus cette semaine au format Smartphone (sur Yumpu), le codex des cinquante préceptes stratégiques clefs pour tous dirigeants stratèges.

Sun Tzu - Maîtres et Dirigeants -Cinquante préceptes Clefs pour les Dirigeants

Découvrir l’auteur et la collection stratégique Maîtres & Dirigeants

Deux ouvrages de l’auteur pour développer sa pensée et ses réflexes stratégiques

Jérôme_Gabriel- ouvrages-collection_stratégiques

 

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Sun Tzu et l’Armée : Les Dix Commandements d’une Gouvernance de Crise (Opus 3-3)

L’Art de Conduire les Hommes face au Péril : Les Secrets du Management de Crise et de la Gestion des Risques.

Sun Tzu et l'Armée - Les Dix Commandements d’une Gouvernance de Crise

Initialement transcrit sur des lattes de bambou au cours du quatrième siècle avant notre ère, le Sun-tzu Bingfa – retranscrit pour la première fois en 1910 par Lionel Giles en ‘Art de la Guerre de Sun Tzu’ (Sun Tzu – On the Art of War : The oldest military treatise in the world) – possède à lui seul une génétique multiple.

Traité de stratégie et de tactique dans ses dominantes majeures, il est aussi l’un des plus riches condensé pratique dans l’art de commander [manager] des Hommes dans le cadre d’une entreprise à risque ou faisant face à un péril ; autrement dit : la Gestion des risques et le Management de Crise.

Il reste cependant que la cohérence globale de ce traité ‘militaire’ doit nous porter invariablement sur les meilleures pratiques de la conduite des Hommes face au risque avant celle d’une armée face au péril ; car ici, les meilleures qualités d’un Chef se jaugent dans ses capacités d’anticipation et son organisation préparatoire face aux pires situations. Le Chef est donc celui qui a prévu une vigie afin d’anticiper le pire par des capacités avancées à identifier les menaces ; en s’y préparant afin d’éviter ou d’empêcher les funestes conséquences de leurs survenances.

Néanmoins, dans le cadre d’un groupe, un certain nombre de facteurs viennent renforcer ou diminuer la résilience collective face à l’inévitable quand celui-ci n’a pas été anticipé par ignorance ou écarté par déni collectif. Il en ressort alors un libre champ aux menaces de surgir et de frapper comme une forêt s’embrase à partir d’un simple départ de feu parce qu’à défaut d’intervenir rapidement sur les lieux, aucun contre-feu n’a été prévu… En cela, c’est un long travail collectif au travers d’institutions préparées et résilientes qui favorise les défaites ou les victoires. Il est ainsi écrit :

Vous reconnaîtrez parmi ceux dont les institutions sont les meilleures et celui qui, des antagonistes, a le plus de chance de l’emporter ; et si vous devez entrer vous-même en lice, vous pourrez raisonnablement vous flatter de devenir victorieux.

Conduire ses Troupes : Les Dix Commandements d’une Gouvernance de Crise

Sun Tzu et la Gouvernance de Crise

De la Doctrine et des Institutions

‘La force d’une institution dans ses croyances, ses valeurs communes et ses mœurs.’

On ne mobilise pas une communauté sans de solides convictions assorties d’objectifs clairs et rassembleurs et des institutions compétentes, justes et préparées car, une conquête victorieuse ne peut avoir pour ressort principal qu’une doctrine politique déterminée, raisonnée et maîtrisée.

 La doctrine politique fait naître l’unité de pensée ; L’harmonie est la cohésion des valeurs partagées entre la population et ses dirigeants, supérieurs et inférieurs ; elle inspire la confiance de ces derniers à partager un même destin avec leurs chefs dans la vie comme dans la mort.

Ici, le terme ‘doctrine’ peut aussi être interprété par ‘idéologie’ ou ‘force morale’. La force d’une nation se reflète au travers de valeurs communes essentielles au confucianisme teinté de légisme (ou légalisme) – telle une colonne vertébrale vertueuse -, partagées par un peuple et ses institutions. Ces valeurs fondamentales sont : « la responsabilité avant la liberté, le devoir avant les droits, la communauté avant l’individu, l’harmonie avant le conflit. » Les concepts suivants illustrent ces valeurs et ces facteurs comme un Tout essentiel à la bonne prédisposition et à la conduite d’une entreprise (engagement-projet). Une maxime illustre ce concept : « Qui a confiance, ni ne craint, ni ne trahit. »

Du Commandement et de l’Organisation interne

Le commandement : extension naturelle du domaine doctrinal dans sa pratique, reflète les qualités essentielles d’une autorité à toutes les échelles de ses institutions dans la gouvernance de ses sujets. Ce sont aussi les cinq vertus confucéennes principales de sagesse, probité, humanité, courage et rigueur. La notion de ‘sévérité’ est le pivot légiste nécessaire dans toute organisation – surtout militaire -, afin d’imposer la discipline collective et le respect par la crainte d’un châtiment.

Il faut entendre par commandement les qualités de sagesse et d’humanité, d’impartialité et de sévérité, de courage et de résolution envers ceux qui nous sont soumis. Vertus essentielles pour l’acquisition desquelles le général et ses commandants ne doivent rien négliger.

Un général habile regarde son armée comme un seul homme qu’il se charge de conduire, car il lui incombe de rassembler ses troupes pour les jeter au cœur du danger. Un maître de guerre réuni ainsi ses troupes parce qu’elles ne peuvent faire autrement.

Une armée peut connaître six infortunes : la fuite, l’insubordination, l’enlisement, l’effondrement, la confusion et la déroute, mais aucun de ces désastres ne peut être attribué à des causes naturelles ; sinon aux seules erreurs de commandement :

  • Il commande par ignorance des manœuvres d’avance et de recul impraticable ou au moment inopportun ;
  • Il trouble l’esprit des officiers et les désoriente en s’imposant dans l’administration des trois armes alors qu’il en ignore tout ;
  • Il sème la défiance et démoralise les hommes en cherchant à s’immiscer dans la répartition des rangs, ignorant les compétences et la distribution des responsabilités sans ne rien connaître à l’exercice du commandement.

Lorsque le général est moralement faible et son autorité manque de rigueur, que ses ordres ne sont pas éclairés ou suffisamment précis, ni appuyés par des règles de commandement fermes, l’armée est désorientée et confuse.

De la Méthode : Tactique et Stratégie

Un objectif et 1000 méthodes pour y parvenir. Le Sun Tzu nous apprend à intégrer la relativité de ces deux termes car, face à une crise ou la survenance d’un risque, la ‘grande stratégie’ ploie comme un roseau devant l’urgence d’un impact imminent. Alors une organisation doit faire montre de flexibilité et réadapter ses compétences opérationnelles aux priorités d’urgence. Les compétences managériales doivent évoluer avec les situations.

Il y a déroute quand le général oppose des troupes faibles face à des fortes, des effectifs insuffisants face à des forces importantes ou omet de positionner ses troupes de choc à l’avant-garde.
L’usage judicieux des forces conventionnelles et non-conventionnelles dans leurs emplois combinés d’actions tactiques régulières et subversives, permet aux combattants d’une armée de mieux absorber les chocs adverses et de soutenir sans défaite les attaques ennemies. La connaissance du vide et du plein leur confère, au point d’impact, la force maîtrisée d’une meule écrasant des œufs.
Le stratège maîtrise ces forces et sait user de moyens réguliers et conventionnels au moment de l’engagement et recourir aux forces non-conventionnelles et aux moyens extraordinaires pour remporter la victoire.

De la Psychologie : Du Moral & du Mental des Troupes

Du moral des troupes : les conditions d’unité préservées.

On traverse les épreuves avec l’espoir de jours meilleurs ; crises et menaces, dangers et souffrances sont le prix de la valeur des conditions de paix durables ; encore faut-il savoir motiver ses troupes en gagnant leurs cœurs et en les enflammant d’une ardeur combative.

 Un pays dont l’armée est désemparée et traverse une crise de confiance sera victime de tentatives de subversion de la part de ses rivaux. C’est là le sens du proverbe : « la confusion et le désordre dans une armée offre la victoire à l’adversaire. »
Quand, sans avantage stratégique particulier, on combat à un contre dix, il y aura fuite ;
Lorsque les troupes sont fortes et les officiers faibles, il y aura désobéissance et insubordination ;
Lorsque les officiers sont courageux et les troupes inefficaces, l’armée connaît la détresse ;

Le Sun Tzu propose une gouvernance à la fois ferme et souple qui caractérise l’approche confucéenne à la gestion éclairée d’une Nation par son prince : une forme de combinaison raisonnée de bienveillance et de discipline. On peut y ajouter : « Tirez-les promptement de cet état d’assoupissement et de léthargie, donnez-leur des festins, faites-leur entendre le bruit du tambour et des autres instruments militaires. Donnez-leur des occupations, exercez-les, faites-leur faire des évolutions, menez-les même dans des lieux difficiles, où elles aient à travailler et à souffrir. Il faut savoir les charger, mais non pas jusqu’à les accabler ; il faut même les forcer, mais avec discernement et mesure. » Pendant les trêves, on stimule le moral et l’ardeur des troupes en s’assurant qu’elles soient bien nourries et reposées.

Sun Tzu et le Commandement

De la Discipline : De l’Instruction à l’Exécution

là où la discipline est la mieux respectée et les instructions les mieux exécutées…

– lorsque les officiers supérieurs sont furieux et insubordonnés et que, face à l’ennemi ils se précipitent aveuglément sans attendre les ordres dans la bataille, sans réfléchir aux conséquences, l’armée s’effondre ;
– S’assurer d’une discipline sans faille ; d’instructions claires et justifiées ; d’ordres efficaces et parfaitement exécutées, afin d’éviter désobéissances et indiscipline car, on instruit les hommes par les institutions civiles, on les unit par la discipline militaire.
– Si vous ne maintenez une exacte discipline dans votre armée, si vous ne punissez pas exactement jusqu’à la moindre faute, vous ne serez bientôt plus respecté, votre autorité même en souffrira, et les châtiments que vous pourrez employer dans la suite, bien loin d’arrêter les fautes, ne serviront qu’à augmenter le nombre des coupables.

Or si vous n’êtes ni craint ni respecté, si vous n’avez qu’une autorité faible, et dont vous ne sauriez vous servir sans danger, comment pourrez-vous être avec honneur à la tête d’une armée ? Comment pourrez-vous vous opposer aux ennemis de l’État ?

De l’Entraînement : le Conditionnement aux Bons Réflexes

La coordination des Corps (signaux – communication), l’entraînement et la logistique (approvisionnements) sont ces ‘détails’ qui jusqu’aux plus petits rouages d’une organisation font souvent toute la différence.

On évalue l’armée la plus puissante par la compétence de ses chefs, les hommes les mieux entraînés et les plus aguerris.

La qualité d’une organisation procède au premier chef des qualités humaines de ses commandants dans la chasse constante à toutes nuisances qualitatives face aux différents types de risques : oubli, déni, indifférence, incompétence, ignorance et négligence. Prévoyance, sécurité et sûreté ne sont pas des coûts intermittents, mais des investissements vitaux pour une collectivité. “They say that nobody is perfect. Then they tell you practice makes perfect. I wish they’d make up their minds.” (Winston S. Churchill)

Des Récompenses et des Châtiments

L’armée qui possède le système de récompenses le plus efficace sait aussi sanctionner avec le plus de discernement.

L’excès de récompenses et de punitions montre que le commandement est au bout de ses ressources, et dans une grande détresse ; si l’armée va même jusqu’à se saborder et briser ses marmites, c’est la preuve qu’elle est aux abois et qu’elle se battra jusqu’à la mort.

En incitant la rage, le général incite ses hommes à commettre des massacres et des destructions inutiles. Préférez l’appât du gain par la promesse de récompenses en les incitant à attaquer l’ennemi pour s’emparer de ses ressources. L’ennemi est ainsi pillé et appauvri par convoitise de ses richesses.

Pour les grands généraux, les usages protocolaires et les codes n’ont guère de place quand il s’agit de dispenser les récompenses à la hauteur des ordres exceptionnels demandés aux hommes au-delà de la discipline ordinaire. La reconnaissance des valeurs est souvent le chaînon manquant de nombre de Dirigeants.

Du Renseignement

On ne se prépare pas sans renseignements préalables…

Être plusieurs années à faire face à des ennemis dont on ignore les desseins et la situation en reportant constamment les actions décisives parce que le général rechigne à accorder les moyens nécessaires à favoriser et recueillir des renseignements, alors ce général est un monstre d’inhumanité qui ne mérite ni de commander une armée ni de seconder son souverain.

L’armée ayant pour elle l’avantage des connaissances des conditions du temps (météorologie) et de l’espace (terrain) les plus favorables pour engager les mouvements et choisir les itinéraires les plus adéquats.

Un Général stratège doit connaître parfaitement le terrain et sa topographie avant d’y conduire son armée ; afin d’en tirer parti au mieux il recourt aux services de guides locaux et d’éclaireurs. Qui néglige un seul de ces points, n’est pas digne de conduire une armée.

C’est en cela qu’on reconnaîtra en vous la puissance dans votre art de créer et d’exploiter chaque configuration tactique en employant les justes forces en qualité et en quantité.

Commencez par vous mettre au fait de tout ce qui concerne les ennemis ; sachez exactement tous les rapports qu’ils peuvent avoir, leurs liaisons et leurs intérêts réciproques ; n’épargnez pas les grandes sommes d’argent ; n’ayez pas plus de regret à celui que vous ferez passer chez l’étranger, soit pour vous faire des agents locaux, soit pour vous procurer des connaissances exactes, qu’à celui que vous emploierez pour la paie de ceux qui sont enrôlés sous vos étendards : plus vous dépenserez, plus vous gagnerez ; c’est un argent que vous placez pour en retirer un gros intérêt.

De l’Anticipation : Préparer

« … vous ne formerez aucune entreprise, sans la conduire à une heureuse fin. Vous verrez ce qui sera loin de vous comme ce qui se passera sous vos yeux, & ce qui se passera sous vos yeux, comme ce qui en est le plus éloigné. » (Amiot)

Lors des préparations avant l’ouverture des hostilités, les calculs et supputations laissent présager une victoire quand les avantages sont réunis ; dans le cas contraire, la défaite est envisageable. En se livrant à de nombreux calculs, on peut ainsi réduire ses marges d’erreur et consolider ses chances de victoire. Qui les néglige, s’engage en terrain inconnu et réduit ses chances d’autant. C’est par ces considérations qu’il faut examiner la situation, et l’issue apparaîtra clairement.

Une armée victorieuse remporte l’avantage avant même d’avoir cherché la bataille ; une armée est vouée à la défaite si elle cherche la bataille avant de vaincre.

Savoir être prévoyant et savoir correctement estimer la situation en concentrant ses forces pour attirer à soi vos adversaires au moment propice et à l’endroit voulu.

Des Vertus et des Qualités d’un Commandement

Toutes les vertus n’ont qu’un seul but : créer les conditions favorables d’une confiance absolue entre commandants et commandés afin de guider une armée telle un seul homme ; le général incarne ainsi à la fois les fonctions de guide suprême et maître d’oeuvre des conditions de la victoire. Sa première vertu est probablement celle de l’humilité en ne sous-estimant jamais son adversaire.

En matière martiale, le grand nombre seul ne confère pas l’avantage ; n’avancez jamais en comptant sur la seule puissance militaire. Une armée composée des mêmes hommes peut être très méprisable commandée par tel général, tandis qu’elle sera invincible commandée par tel autre.

C’est pourquoi un habile commandant recherche la victoire en tenant compte de la situation et ne l’exige pas de ses subordonnés. Il sait ainsi en fonction des dispositions, choisir ses meilleurs hommes afin de tirer parti de la situation. Un habile commandant tient compte de la situation et sait employer ses hommes au combat avec les mêmes lois physiques qui s’appliquent à la puissance croissante de pierres rondes ou de billes de bois dévalant les pentes abruptes des sommets d’une montagne.

En Conclusion

De ces dix commandements, un commandant qui n’entend pas appliquer ces connaissances sera régulièrement vaincu.

Telles sont les attentions que vous devez à toutes les démarches, tant les vôtres que celles de vos adversaires. Une telle minutie dans les détails peut paraître superflue, mais elle procède d’un constat : que rien de tout ce qui peut contribuer à vous faire triompher n’est négligeable.

En matière de Management de crise et de Gestion des risques, préparez-vous à ne jamais laisser le diable s’emparer des détails…

Restez prudents ! (surtout avec nos aînés)

Noel 2020 - Restez prudents
Merry Christmas All !

Bonnes fêtes à tous.

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Sun Tzu et le concept de ‘Territoire’ – Décryptage des sens cachés (Opus 2-3)

La notion de Territoire dans le Sun Tzu

Décrypter les sens cachés du Sun Tzu – un référentiel idéologique des concepts cachés essentiels de Gouvernance Stratégique

Sun Tzu et le concept de Territoire

La table de go – le go ban

  Une belle surface de bois lisse, dépouillée comme au crépuscule des Hommes, quadrillée de 19 lignes verticales et 19 lignes horizontales, se rencontrant en 361 intersections : « une pour chaque cycle de l’année. » L’expérience est vertigineuse pour un néophyte, car il comprend instantanément que son engagement est sans retour. Il s’y plonge soit pour naître, soit pour disparaître. D’abord il n’est rien puis il devient. Ainsi, il comprend en un éclair la puissance immanente du vide sur l’esprit des Hommes. On ne domine jamais le vide… On apprend à lui obéir avant d’en faire un allié.

Table de go - Weiqi Chinois

« Sous cette apparente tranquillité, Gaïa, la terre, l’origine confuse précédant toute forme, toute confrontation et toute expérience se prépare à ouvrir l’histoire sous toutes ses formes d’expression : flux, chocs, accidents […] le go ouvre au sens de l’action dans l’existence. Si l’être est tenté de situer sa certitude originelle dans l’esprit, l’existence trouve sa réalité propre dans le mouvement. Je pense donc je suis ; donc je progresse, je combats, je conquiers, j’existe. »

(Franz Woerly – La main du go – You Feng – 1999 – p. 19)

Sun Tzu, la guerre et le territoire

  On ne domine jamais la vacuité car c’est elle qui nous possède. Un territoire est un espace inventé par la condition des hommes. La vie est une lutte : une lutte physiologique pour sa survie avant celle des luttes d’altérités – celles qui nous opposent aux ‘autres’. Chaque territoire, dans sa configuration propre, engendre la nature multiple des formes de cohésion ou de division des espèces selon qu’il sera hostile ou hospitalier, abondant ou stérile, plat ou escarpé. Entre Ciel et Terre – ces notions d’espaces et de temps relatifs – le territoire se transforme irrémédiablement en espace vital favorable ou défavorable. Il devient alors invariablement un lieu de convergences et de divergences, d’alliances et de concurrences : un espace tactique.

Un espace tactique : une topographie unique pour chaque conquête

  Dans le sens militaire du traité de Sun Tzu, c’est avant tout par la nature du terrain que se définissent les territoires. La philosophie taoïste si prégnante tout au long du traité laisse la place à l’approche pragmatique et efficace du stratège militaire ; le territoire est avant tout un terrain et sa topographie – à tour de rôle plateforme d’expansion politique par voie de conquêtes victorieuses ou affaiblissement et absorption par voie de défaites successives.

  Par les manœuvres, le stratège s’immisce et se fond dans son territoire en effectuant de constants ajustements aux situations topographiques rencontrées (la carte n’étant pas le territoire, les approximations de lecture d’un plan bi-dimensionnel peuvent résulter en de graves méprises tactiques lors des progressions). Ici, l’espace tactique devient un échiquier vivant dont la topographie ajuste les mouvements des uns contre la stratégie des autres. Le terrain devient un allié ou un ennemi et façonne le Temps et les distances selon ses courbes et ses caractéristiques propres : facile ou difficile, étroit ou vaste, plat ou accidenté. Le terrain devient le Temps : le loin et le près de ce qui demeure ou de ce qui n’est juste que transitoire car, « du territoire dépendent les superficies, les superficies conditionnent les quantités, les quantités les effectifs, les effectifs la balance des forces et la balance des forces la supériorité. » ( (Sun Tzu – Décryptage – Chapitre VI-5)

Ainsi pense le stratège militaire.

De la survie à l’influence : Conquêtes territoriales physiques vs Conquêtes cognitives subtiles

  Si le territoire et sa topographie sont autant de contraintes physiques à l’exploitation de ressources vitales pour les nomades, la sédentarisation progressive de Sapiens et le développement de l’agriculture raisonnée change la donne politique. L’expansionnisme territorial par la conquête d’espaces vitaux se meut progressivement en une nouvelle ère sédentaire portée sur une meilleure gestion des territoires conquis. Si la ressource vitale est la terre, l’agriculture impose aux hommes une autre gestion du temps et de l’espace ; les premières Cités voient le jour en même temps qu’un nouvel Ordre social. La prospérité par l’accumulation devient un enjeu de pouvoir et d’ordre face à la convoitise. Au fil du temps, il s’agira alors moins de se défendre contre une nouvelle barbarie que contre un autre ‘Ordre’ concurrent – un ‘nouvel ‘ordre’ idéologique basé sur un corpus de rites codifiés, d’idéalisme et de croyances communes. L’idéologie politique se traduit en Institutions puis en Civilisations – ces dernières transformant à leur tour les Cités en Nations. On ne croit plus ce que l’on voit, mais on réapprend à voir ce que l’on vous fait croire. L’idéologie est institutionnalisée en ministères d’influence afin de conquérir ce qui devient alors l’objectif de puissance suprême et de conquête totale : le pouvoir absolu. La conquête territoriale fait place à la conversion idéologique : de celle qui influence les rites des croyants ici, à celle qui vous impose une allégeance là-bas.

La notion de territoire au 21° siècle : l’émergence de l’Ordre Virtuel

Le go numérique - L'Art de la Domination digitale
Le jeu de go numérique : L’Art de la Domination Territoriale Digitale

  Le monde des affaires et sa cohorte de communicants et de ‘relais’ sociaux ne fait pas exception à cette règle. La modernité nous a apporté une nouvelle étape dans les conquêtes humaines : la virtualité digitale. Aujourd’hui, le territoire c’est vous. Bientôt terminée les guerres territoriales et les conquêtes militaires ? Probablement avec le temps quand les puissances numériques d’influence réussiront à supplanter les gouvernements ; une marche déjà bien avancée…

  Le 21° siècle pense déjà sa planète en plateformes digitales transfrontalières, en réseaux mondiaux d’informations, en nov-langue commune truffées d’anglicismes ; enfin et surtout par la capacité d’influence du plus grand nombre par une minorité. La méthode est toujours la même depuis la nuit des Temps : la conversion des masses à un nouvel idéal prônant les bonheurs faciles et la sécurité pour tous : une quête perpétuelle du Pouvoir absolu par d’autres moyens, sans bataille cette fois-ci, mais en un seul clic.

  En parabole à cette nouvelle domination territoriale par le Pouvoir Digital, le Sun Tzu nous rappelle : Une formation stratégique (conquérante) atteint au faîte ultime quand elle cesse d’avoir forme. L’art suprême consiste à disposer ses troupes (ses moyens) de telle manière qu’elle ne puisse être visible. Aucune de leurs configurations ne pouvant être définie sur une grille tactique, aucun espion (autorités), même les plus pénétrants, ne pourront en identifier le pourtour, empêchant ainsi les esprits les plus sagaces d’établir des plans contre vous (Sun Tzu – Décryptage – Chapitre VI-4)

Vous n’y croyez pas ? Suivez votre IP, elle vous guidera sur ce nouveau territoire de conquête.

Bon télétravail à tous …

Prochains opus (3) : Décrypter les sens cachés des notions d’Armée dans le Sun Tzu (Un référentiel idéologique et herméneutique* des concepts cachés essentiels de Gouvernance Stratégique)

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Sun Tzu et la Guerre – Décryptage des sens cachés (Opus 1-3)

la notion de ‘Guerre’ dans le Sun Tzu

Décrypter les sens cachés du Sun Tzu – un référentiel idéologique des concepts cachés essentiels de Gouvernance Stratégique : Guerre, Armée et Territoire.

Sun Tzu et la Guerre

La Guerre dans l’esprit des stratèges : la part perdue des Dieux

  Manager en stratège n’est pas une mince affaire quand l’acquisition des bases cognitives d’un sujet aussi vaste n’ont pas ou trop peu d’écoles de pensée scientifique. Il n’existe en effet aucune méthode structurée ni de ‘manuels’ du parfait chimiste en la matière… La raison en est simple : la stratégie est la seule matière appartenant au domaine des sciences humaines dont les pratiques philosophiques sont exclusivement soumis à la réalité de résultats quantifiables ; une sorte de puissant état d’esprit du règne vivant dont seuls les Humains sont dotés.

 La stratégie est ainsi une forme de pensée globale dont la pratique principale sert l’action et l’efficace dans la réalisation de ses ambitions. Un état d’esprit de conquête sur l’Ordre naturel : une quête permanente des Hommes dans leurs tentatives de maîtriser la matière par l’esprit ; quête immémoriale et perpétuelle du Spirituel et du Divin sur le Temporel.

 C’est en cela qu’il faut apprendre à dissocier ce à quoi le Sun Tzu s’apparente en tant que traité dévoué à l’art militaire de par sa dominante thématique. Pourtant, les apparences sont souvent trompeuses en matière de traduction et d’interprétation quand on trace, à partir d’une généralité perçue, une ligne de pensée cognitive qui, avec le temps, se transforme en doctrine acceptée ; car, au-delà des mots, cet ‘art de la guerre’ est avant tout un état d’esprit : un recueil philosophique de gouvernance éclairé très éloigné des lignes de pensée d’un traité martial ‘Clausewitzien’.

Les mots de l’esprit : La puissance idéologique du champ sémantique

 Depuis l’enfance, notre apprentissage et notre compréhension se fait le plus souvent de cette manière inconsciente à l’image que les mots évoquent à l’esprit ; aux nuances qui distinguent l’idée de ses analogues. Les mots sont avant tout des idées, formelles conceptuelles, concrètes ou abstraites que notre cerveau traite de manière singulière.‘Comprendre’ l’autre est un exercice complexe d’interprétation. Exercice d’attention qui demande au cerveau un effort à la fois logique et intuitif : un aller-retour chaotique de l’hémisphère gauche au droit ou le contraire… Les mots deviennent images, impressions et analogies ; se déforment et se recomposent au gré des capacités d’analyse de chacun mais aussi et surtout de sa propre culture personnelle.

 Le sens n’est donc pas dans les choses elles-mêmes. C’est notre façon d’organiser nos représentations et d’attribuer à chacune une place dans un système, qui fait correspondre des signes aux choses, et qui nous conduit à conférer à chacun de ces signes un sens particulier. Ainsi pour Claude Lévi-Strauss : « Par notre langage, nous avons ainsi ‘signifié’ l’univers. »

 On peut ainsi en déduire que contrairement aux dictionnaires actuels dont les mots sont traduits sous forme de ‘versions’, la pensée humaine procède de manière ‘notionnelle’ par juxtapositions et associations d’idées et de thèmes dans leurs nuances raisonnées, émotionnelles ou inconscientes.

 Conséquemment, personne ne perçoit le monde extérieur de la même manière car aucun cerveau ne possède la même grille logicielle ; d’où l’importance de traiter la langue traduite comme une transcription la plus souvent inconsciente d’idées conceptuelles aux multiples significations (polysémies), nuances et analogies. En prenant conscience que nous passons donc nos vies à ‘décrypter’ le monde par analogies d’idées abstraites, les lecteurs avertis et cultivés parviennent à effectuer cette synthèse qui lie rationnel et irrationnel, concret et abstrait, visible et invisible.

Zhanzheng - guerre en chinois
Zhanzheng – Guerre en Chinois (Décryptage)

De la pensée chinoise à l’idéologie derrière le terme de ‘Guerre’ dans le Sun Tzu

 Nous y voilà donc enfin…

 En Chine, chaque caractère est une idéographie : un dessin symbolique d’une interprétation abstraite soit d’une chose visible et matérielle, soit d’une action ou d’une intention particulière, soit d’un concept émotionnel abstrait. La lecture d’un classique chinois est donc un exercice d’interprétation – ‘interprétation’ qui, selon Paul Ricœur, consiste à reconstruire l’intention de l’auteur en même temps que la signification du texte lui-même. Afin d’intégrer les concepts liés à la grille de lecture du Sun Tzu, il faut avant tout élargir son champ sémantique aux nuances et analogies possibles selon les interprétations transcrites des différentes versions disponibles du Traité.

 L’exercice qui suit vous permettra ainsi de mieux décrypter le sens de l’Art de la Guerre de Sun Tzu dans ses nuances politiques et managériales contemporaines – exercice à la fois obscur et démystifiant.

La Guerre selon la Sun Tzu = L’Art du rééquilibrage arbitral

Sun Tzu et l'équilibre des forces

« quand l’ordre est un état des forces à l’équilibre, le désordre est celui qui engendre invariablement les guerres. »

 Philosophie : Les règles d’action régissant la pensée chinoise traditionnelle dans sa doctrine de guerre voudrait, selon certains sinologues, qu’elles se matérialisent non pour une ambitieuse expansion territoriale et la domination par l’anéantissement d’un adversaire, mais par l’assujettissement de ce dernier à un ordre supérieur : une action civilisatrice idéologique génératrice d’harmonie. Le maître de guerre est ainsi le parangon d’une action arbitrale par anticipation portée à l’annulation de conflits d’intérêts à l’état embryonnaire (politique et idéologique) ou dans sa capacité à déployer des moyens incapacitants contre un adversaire potentiellement menaçant (technologiquement et militairement).

 En cela, si le Sun Tzu est un traité militaire dans ses colonnes apparentes, il est avant tout un traité d’anticipation stratégique et politique. Sa génétique principale est celle du confucianisme en tant que philosophie globale de gouvernance. Il faut savoir que les écrits de l’époque dans leurs restitutions par les philosophes et les stratèges chinois sous forme de livres, traités ou manuels, étaient avant tout portés à la connaissance des Princes, dirigeants ou haut fonctionnaires ‘divins’ des Royaumes bellicistes de l’époque. Souverains ambitieux mais avisés, l’exercice du pouvoir ne pouvait se concevoir de manière pérenne par la seule force brute et l’engagement onéreux d’hommes et de matériels dans des guerres prolongées ; la guerre étant d’une certaine manière perçue comme un aveu d’échec par l’incapacité politique des états à anticiper les menaces et les empêcher. La guerre ne se pense donc pas en termes d’utilisation de la force brute mais bien en termes d’anticipation des conflits bien en amont de leurs survenances. L’art prospectif n’est pas qu’une science divine, il est avant tout celui de l’anticipation par le renseignement…

La notion de guerre dans le management stratégique : les cinq maux

 En matière économique, la guerre est systématiquement interprétée dans un contexte de concurrence commerciale : guerres pour exister, se préserver, se développer ou enfin pour dominer.

 Nombreux sont en effet, les ouvrages de cuisine managériale offrant des recettes préchauffées pour managers pressés : sortes de menus fast-food facilement assimilables, chic et choc mais par-dessus tout très ‘bankable’. Dans ces ouvrages, le plus souvent, la guerre économique et commerciale est une notion plus fréquemment utilisée pour décrire un état d’esprit plutôt qu’une réalité : guerre des prix par ci, guerre technologique par là, guerre économique pour les uns et guerre d’influence pour les autres. Beaucoup de bruit pour cacher nos misères existentielles et nos lacunes en matière de management stratégique…

 Mais qu’en est-il de l’adversité réelle – de cette ‘concurrence’ qui provoque ces guerres économiques ?

 Dans le Sun Tzu, entrer en guerre est symptomatique de déséquilibres liés à plusieurs maux d’ordre managériaux ; au nombre de cinq, ces principales infractions au code de la bonne gouvernance étant : l’impréparation par manque d’anticipation, la négligence, l’ignorance, l’aveuglement idéologique et le déni des réalités. Infractions d’ordre cognitif qui provoquent invariablement les désordres et axiomatiquement la défaite d’une entreprise. Car c’est bien l’anticipation sur la concurrence et l’empêchement des conflits d’intérêts à l’état embryonnaire qui prévient le risque de guerre économique.

« Éviter jusqu’à la plus petite faute implique une conquête sans errements d’un ennemi déjà défait. » .(Sun Tzu – Décryptage – Chapitre IV-3)

 Il est dit : Anciennement ceux qui étaient expérimentés dans l’art des combats savaient avant tout se rendre invincibles puis, attendaient que l’ennemi devienne vulnérable ; ils ne s’engageaient jamais non plus si l’occasion d’aller dans les guerres qu’ils prévoyaient ne leur était pas favorable et avantageuse. Ils avaient pour principe que l’on ne pouvait être vaincu que par sa propre faute, et qu’on n’était jamais victorieux que par la faute des ennemis, car ils savaient que la force des uns n’est basée que sur la faiblesse des autres.

 L’invincibilité dépend de nous ; elle se trouve dans le savoir et la maîtrise de ses propres capacités. C’est pourquoi Sun Tzu précise : Qui connaît son ennemi et se connaît, en cent combats ne sera point défait. Qui ne connaît pas son ennemi mais se connaît lui-même, égalise ses chances de victoires à celle de ses défaites. Qui ne connaît ni son ennemi ni lui-même sera toujours défait. (Sun Tzu – Décryptage – Chapitre III-9)

 Dans sa version du Sun Tzu, le Colonel Lucien Nachin paraphrase la maxime d’une manière plus managériale : « Si, en outre, vous savez ce que vous pouvez et ce que vous ne pouvez pas et ce dont sont capables ou non vos subordonnés, si vous livrez cent guerres, cent fois vous serez victorieux. Si vous ne savez que ce que vous pouvez vous-même, mais ignorez ce que peuvent vos subordonnés, une fois vous serez vainqueur et une fois vous serez vaincu. Mais si vous ne vous connaissez ni vous-même, ni vos subordonnés, autant de combats, autant de défaites. »

 C’est pourquoi, il est dit que les conditions du succès étant élaborées en amont de chaque bataille : les armées victorieuses gagnent avant d’aller au combat, alors que les armées défaites s’engagent à la guerre avant de gagner. (Sun Tzu – Décryptage – Chapitre I-11)

 Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires en cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans croiser le fer : « Sans bataille, diminuer et empêcher l’armée ennemie, voilà l’excellence ! » La vraie guerre économique est donc bien celle que nous provoquons par nos dénis et notre aveuglement des réalités…

A méditer avec philosophie !

ps : Cet article est dédié à J-A M. et ses équipes pour le travail remarquable de résilience dont le groupe a su faire preuve en transformant la menace pandémique en de nouvelles opportunités économiques. Ils se reconnaîtront dans leurs victoires sur les cinq maux.

Prochains opus (2 & 3) : Décrypter les sens cachés des notions d’Armée et de Territoire dans le Sun Tzu (Un référentiel idéologique et herméneutique* des concepts cachés essentiels de Gouvernance Stratégique)

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jerome gabriel - blog Le Temps - Sun Tzu - Intelligence et cultures stratégiques

Sun Tzu 2020 – Les forces de la raison – Chapitre 13 – Du renseignement : Devins et espions

Sun Tzu - Maîtres et dirigeants - Les forces de la raison

Ce treizième chapitre – le dernier du traité -, est probablement l’un des plus importants dans sa lecture stratégique.

Son titre peut aussi être : ‘De la concorde et de la discorde’, ‘Interventions des agents secrets’ ou ‘l’espionnage’ selon ses interprètes.

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l’introduction (notes liminaires)

et les 13 Chapitres

IIIIIIIVVVIVIIVIIIIXXXIXIIXIII

#art_de_la_guerre #stratégie

Il est écrit:

Autrefois, huit familles formaient une collectivité. Lorsque l’une d’entre elle envoyaient un homme à l’armée, les sept autres contribuaient à l’entretien du foyer affecté. Ainsi, la levée d’une armée de cent mille hommes faisait que sept cent mille familles n’étaient plus en mesure d’assurer leur part de labours et de semailles. (Commentaires de Ts’ao Ts’ao)

  Lorsqu’on met sur pied une armée de cent mille hommes pour l’envoyer en campagne au loin, les dépenses à supporter par la population, jointes aux sommes déboursées par le Trésor seront conséquentes.

  Lever une armée génère mouvements et rumeurs. Une agitation frénétique animera les villes, les villages et les campagnes dont vous aurez tiré les provisions et les hommes qui composeront vos troupes. Tandis que la population s’exténue sur les routes, sept cent mille familles seront mises à mal par leurs sacrifices.

  Les appointements d’officiers, la paie journalière de tant de soldats et les coûts d’entretien creuseront peu à peu les greniers et les coffres du prince comme ceux du peuple, et ne sauraient manquer de les épuiser.

  Être plusieurs années à faire face à des ennemis dont on ignore les desseins et la situation en reportant constamment les actions décisives parce que le général rechigne à accorder les moyens nécessaires à recueillir des renseignements (informations préalables), alors ce général est un monstre d’inhumanité qui ne mérite ni de commander une armée ni de seconder son souverain.

Être plusieurs années à observer ses ennemis, ou à faire la guerre, c’est ne point aimer le peuple, c’est être l’ennemi de son pays ; toutes les dépenses, toutes les peines, tous les travaux et toutes les fatigues de plusieurs années n’aboutissent le plus souvent, pour les vainqueurs eux-mêmes, qu’à une journée de triomphe et de gloire, celle où ils ont vaincu.

  N’employer pour vaincre que la voie des sièges et des batailles, c’est ignorer également et les devoirs de souverain et ceux de général en matière de prévision. Car un prince avisé et un brillant général savent que nul ne peut remporter de victoires décisives sur l’ennemi si leurs actions se bornent à de simples faits-d’armes.

  Une réalisation ne dépasse celle du commun que par la capacité d’anticipation, de prévision. Le recueil d’informations préalables ou prévisions n’est ni le fruit de quelconques conjectures divinatoires ni celui de prédictions tirées d’analogies trompeuses de précédents historiques.

  La capacité de prévision ne provient uniquement que des hommes renseignés connaissant la situation de l’adversaire qui, par leurs rapports fidèles vous informent des dispositions de celui-ci.

Commencez par vous mettre au fait de tout ce qui concerne les ennemis; sachez exactement tous les rapports qu’ils peuvent avoir, leurs liaisons et leurs intérêts réciproques; n’épargnez pas les grandes sommes d’argent; n’ayez pas plus de regret à celui que vous ferez passer chez l’étranger, soit pour vous faire des créatures, soit pour vous procurer des connaissances exactes, qu’à celui que vous emploierez pour la paie de ceux qui sont enrôlés sous vos étendards: plus vous dépenserez, plus vous gagnerez; c’est un argent que vous placez pour en retirer un gros intérêt.

Ayez des espions partout, soyez instruit de tout, ne négligez rien de ce que vous pourrez apprendre; mais, quand vous aurez appris quelque chose, ne la confiez pas indiscrètement à tous ceux qui vous approchent.

  On ne se prépare pas sans renseignements préalables.

Quand un habile général se met en mouvement, l’ennemi est déjà vaincu: quand il combat, il doit faire lui seul plus que toute son armée ensemble; non pas toutefois par la force de son bras, mais par sa prudence, par sa manière de commander, et surtout par ses ruses.

  Or, on peut faire appel à cinq types d’agents secrets – dénommés :

  • Indigènes (correspondants locaux) ;
  • Intérieurs (fonctionnaires – administrations) ;
  • Doubles (espions retournés) ;
  • Liquidables (espions sacrifiés) ;
  • Volants (infiltrés – agent traitant).

  [Chaque type de correspondant est employé selon les visées stratégiques d’un état ; intentions offensives ou préventives (défensives). Les traductions et interprétations diffèrent dans ce chapitre selon les auteurs. Pour Amiot, l’emploi de ces agents a pour principal objectif de maintenir une alliance et d’assurer la bonne tenue d’un concordat ou d’envenimer les discordes chez les adversaires en les divisant pour les affaiblir.D’où le paragraphe suivant sur les ‘divisions‘]

Il faut qu’au premier signal une partie de l’armée ennemie se range de son côté pour combattre sous ses étendards : il faut qu’il soit toujours le maître d’accorder la paix et de l’accorder aux conditions qu’il jugera à propos.

Le grand secret de venir à bout de tout consiste dans l’art de savoir mettre la division à propos ; division dans les villes et les villages, division extérieure, division entre les inférieurs et les supérieurs, division de mort, division de vie.

Ces cinq sortes de divisions ne sont que les branches d’un même tronc. Celui qui sait les mettre en usage est un homme véritablement digne de commander; c’est le trésor de son souverain et le soutien de l’empire.

  Lorsque ces cinq sortes d’agents sont simultanément à l’œuvre sans que nul ne puisse déceler de procédés, ni soupçonner leur existence, on les désigne du terme « d’écheveau divin » car ces réseaux invisibles et mystérieux tissés dans le temps constituent le plus précieux des trésors d’un souverain.

 

  • Correspondants indigènes

  Les ressortissants du pays par nous employés sont désignés d’agents indigènes. Ces personnes sont recrutées parmi les gens du cru et bien que sous la gouverne d’un souverain, contestent son autorité ou sa légitimité. Dissident, insoumis ou hostile envers ses propres autorités, il se rallie à la cause adverse.

J’appelle division dans les villes et les villages celle par laquelle on trouve le moyen de détacher du parti ennemi les habitants des villes et des villages qui sont de sa domination, et de se les attacher de manière à pouvoir s’en servir sûrement dans le besoin.

 

  • Correspondants intérieurs

  Les agents de l’intérieur sont des fonctionnaires civils ou militaires ennemis que nous employons. Hommes et femmes de mérite destitués, frustrés ou châtiés, cupides ou avides.

 

  • Agents Doubles (ou espions retournés)

  L’agent double est un agent ennemi retourné.

Par la « division entre les inférieurs et les supérieurs », j’entends celle qui nous met en état de profiter de la mésintelligence que nous aurons su mettre entre alliés, entre les différents corps, ou entre les officiers de divers grades qui composent l’armée que nous aurons à combattre.

 

  • Liquidables (ou espions sacrifiés) : de la désinformation

  Les espions ennemis décelés par le camp adverse sont manipulés à leur insu et nourris en informations fallacieuses ou partielles.

La « division de mort » est celle par laquelle, après avoir fait donner de faux avis sur l’état où nous nous trouvons, nous faisons courir des bruits tendancieux, lesquels nous faisons passer jusqu’à la cour de son souverain, qui, les croyant vrais, se conduit en conséquence envers ses généraux et tous les officiers qui sont actuellement à son service.

 

  • Agents volants – infiltrés (agent/officier traitant)

  Ces agents doivent être préservés, car ils sont employés et envoyés par l’état pour recueillir et transmettre des informations.

Nous choisissons des hommes intelligents, doués, prudents et capables de se frayer un chemin vers les intimes du souverain et les membres de la noblesse du pays ennemi. Ils peuvent ainsi observer les mouvements de l’ennemi et avoir connaissance de ses actions et de ses plans. Une fois renseignés sur la situation réelle, ils reviennent nous en informer. C’est pourquoi on les appelle « agents volants ».(commentaires de Tu Yu)

Ce sont des gens pouvant librement circuler et ainsi transmettre des rapports. Nous devons recruter comme espions volants des hommes intelligents ayant l’air stupide et des hommes intrépides en dépit de leur air inoffensif, des hommes lestes, vigoureux, hardis et braves, rompus aux tâches humbles et capables d’endurer la faim, le froid, la saleté et les humiliations.(commentaires de Tu Mu)

  Parmi tous ceux qui, au cœur d’un état stratège ou dans l’armée, font partie de l’entourage du commandant ou du souverain, nul n’en est plus proche et intime que l’agent secret. De toutes les rétributions aucune n’est plus large que celle des agents secrets. De toutes les affaires, aucune n’est plus confidentielle que celle ayant trait aux opérations secrètes.

  Qui n’est pas avisé et prudent, humain et juste, ne peut se servir d’agents secrets, et qui n’est pas fin, discret et subtil dans l’exploitation des renseignements ne peut leur acheter la vérité.

  Car, aussi mystérieux que soient leurs champs d’action, il n’en est aucun qui ne soit de leur ressort.

  Si une opération secrète s’ébruite avant qu’elle n’ai été menée à bien, que certaines informations ont été prématurément divulguées, l’agent en question et tous ceux à qui il a parlé poteront le risque d’être exécutés.

  Il est de règle, tant pour monter une attaque, s’emparer une ville ou écarter [empêcher – assassiner] un ennemi [adversaire], de se renseigner au préalable de manière précise sur les personnels clefs composants les états-majors – officiers et subalternes, gardiens et personnels de sécurité et d’entretien.

  Du Contre-espionnage : Il est primordial de repérer les agents de l’ennemi venant mener des activités d’espionnage contre vous. On entrera en contact avec eux pour les soudoyer ; on les appâtera par des promesses d’établissement ; on les instruira en prenant soin d’eux afin d’en faire des agents doubles ou liquidables.

  Grâce à leurs services on recrute ainsi les plus gros contingents d’agents indigènes et de correspondants intérieurs. Par leur entremise encore, de fausses informations seront transmises afin de propager chez l’adversaire, le fiel de fausses rumeurs et l’intoxiquer.

  C’est également de cette façon que les agents traitants (volants) pourront agir en temps voulu.

  Il est primordial que le souverain soit au fait de l’activité de tous ses agents. Et comme ces connaissances sont principalement distillées par les agents doubles, il doit veiller à les traiter avec libéralité.

De la dissension : Le triomphe de certaines dynasties se sont faites et défaites par défections successives.

  C’est pourquoi seul un souverain stratège (éclairé – avisé) et un habile général en mesure de recruter comme agents les personnes les plus intelligentes seront assurés d’accomplir de grands faits. Les opérations secrètes sont essentielles à la pérennisation d’un état et la bonne conduite de son armée.

Car une armée sans agent secret ressemble à un homme sans yeux ni oreilles.

  De la division – Préparer les conditions d’une défaite – Notes complémentaires et commentaires (Amiot) – Ces interprétations complémentaires illustrent justement – et sans formules elliptiques – la nature même des Hommes, d’ici ou là-bas, d’hier et d’aujourd’hui…    

  La division (dissension – corruption) de vie est celle par laquelle on répand l’argent à pleines mains envers tous ceux qui, ayant quitté le service de leur légitime maître, ont passé de votre côté, ou pour combattre sous vos étendards, ou pour vous rendre d’autres services non moins essentiels.

  Si vous avez su vous faire des créatures (agents locaux – indics) dans les villes et les villages des ennemis, vous ne manquerez pas d’y avoir bientôt quantité de gens qui vous seront entièrement dévoués. Vous saurez par leur moyen les dispositions du grand nombre des leurs à votre égard, ils vous suggéreront la manière et les moyens que vous devez employer pour gagner ceux de leurs compatriotes dont vous aurez le plus à craindre; et quand le temps de faire des sièges sera venu, vous pourrez faire des conquêtes, sans être obligé de monter à l’assaut, sans coup férir, sans même tirer l’épée.

  Si les ennemis qui sont actuellement occupés à vous faire la guerre ont à leur service des officiers qui ne sont pas d’accord entre eux; si de mutuels soupçons, de petites jalousies, des intérêts personnels les tiennent divisés, vous trouverez aisément les moyens d’en détacher une partie, car quelque vertueux qu’ils puissent être d’ailleurs, quelque dévoués qu’ils soient à leur souverain, l’appât de la vengeance, celui des richesses ou des postes éminents que vous leur promettez, suffiront amplement pour les gagner; et quand une fois ces passions seront allumées dans leur cœur, il n’est rien qu’ils ne tenteront pour les satisfaire.

  Si les différents corps qui composent l’armée des ennemis ne se soutiennent pas entre eux, s’ils sont occupés à s’observer mutuellement, s’ils cherchent réciproquement à se nuire, il vous sera aisé d’entretenir leur mésintelligence, de fomenter leurs divisions; vous les détruirez peu à peu les uns par les autres, sans qu’il soit besoin qu’aucun d’eux se déclare ouvertement pour votre parti; tous vous serviront sans le vouloir, même sans le savoir.

  •  Si vous avez fait courir des bruits, tant pour persuader ce que vous voulez qu’on croie de vous, que sur les fausses démarches que vous supposerez avoir été faites par les généraux ennemis ;
  • Si vous avez fait passer de faux avis jusqu’à la cour et au conseil même du prince contre les intérêts duquel vous avez à combattre ;
  • si vous avez su faire douter des bonnes intentions de ceux mêmes dont la fidélité à leur prince vous sera la plus connue : bientôt alors, vous verrez que chez les ennemis les soupçons ont pris la place de la confiance, que les récompenses ont été substituées aux châtiments et les châtiments aux récompenses, que les plus légers indices tiendront lieu des preuves les plus convaincantes pour faire périr quiconque sera soupçonné.

Du climat de défiance (paranoïa, méfiance et purges)

  Alors les meilleurs officiers, leurs ministres les plus éclairés se dégoûteront, leur zèle se ralentira; et se voyant sans espérance d’un meilleur sort, ils se réfugieront chez vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert.

  Leurs parents, leurs alliés ou leurs amis seront accusés, recherchés, mis à mort. Les complots se formeront, l’ambition se réveillera, ce ne seront plus que perfidies, que cruelles exécutions, que désordres, que révoltes de tous côtés.

Que vous restera-t-il à faire pour vous rendre maître d’un pays dont les peuples voudraient déjà vous voir en possession ?

  Si vous récompensez ceux qui se seront donnés à vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert ; si vous leur donnez de l’emploi, leurs parents, leurs alliés, leur amis seront autant de sujets que vous acquerrez à votre prince.

  Si vous répandez l’argent à pleines mains, si vous traitez bien tout le monde, si vous empêchez que vos soldats ne fassent le moindre dégât dans les endroits par où ils passeront, si les peuples vaincus ne souffrent aucun dommage, assurez-vous qu’ils sont déjà gagnés, et que le bien qu’ils diront de vous attirera plus de sujets à votre maître et plus de villes sous sa domination que les plus brillantes victoires.

Du ‘leadership’ – Gouvernance éclairée

  Soyez vigilant et éclairé; mais montrez à l’extérieur beaucoup de sécurité, de simplicité et même d’indifférence ; soyez toujours sur vos gardes, quoique vous paraissiez ne penser à rien ; défiez-vous de tout, quoique vous paraissiez sans défiance; soyez extrêmement secret, quoiqu’il paraisse que vous ne fassiez rien qu’à découvert; ayez des espions partout; au lieu de paroles, servez-vous de signaux ; voyez par la bouche, parlez par les yeux; cela n’est pas aisé, cela est très difficile.

  On est quelquefois trompé lorsqu’on croit tromper les autres. Il n’y a qu’un homme d’une prudence consommée, qu’un homme extrêmement éclairé, qu’un sage du premier ordre qui puisse employer à propos et avec succès l’artifice des divisions. Si vous n’êtes point tel, vous devez y renoncer; l’usage que vous en feriez ne tournerait qu’à votre détriment.

  Après avoir enfanté quelque projet, si vous apprenez que votre secret a transpiré, faites mourir sans rémission tant ceux qui l’auront divulgué que ceux à la connaissance desquels il sera parvenu. Ceux-ci ne sont point coupables encore à la vérité, mais ils pourraient le devenir. Leur mort sauvera la vie à quelques milliers d’hommes et assurera la fidélité d’un plus grand nombre encore.

  Punissez sévèrement, récompensez avec largesse: multipliez les espions, ayez-en partout, dans le propre palais du prince ennemi, dans l’hôtel de ses ministres, sous les tentes de ses généraux; ayez une liste des principaux officiers qui sont à son service; sachez leurs noms, leurs surnoms, le nombre de leurs enfants, de leurs parents, de leurs amis, de leurs domestiques; que rien ne se passe chez eux que vous n’en soyez instruit.

  Vous aurez vos espions partout: vous devez supposer que l’ennemi aura aussi les siens. Si vous venez à les découvrir, gardez-vous bien de les faire mettre à mort ; leurs jours doivent vous être infiniment précieux. Les espions des ennemis vous serviront efficacement, si vous mesurez tellement vos démarches, vos paroles et toutes vos actions, qu’ils ne puissent jamais donner que de faux avis à ceux qui les ont envoyés.

  Enfin, un bon commandant doit tirer parti de tout ; il ne doit être surpris de rien, quoi que ce soit qui puisse arriver. Mais par-dessus tout, et de préférence à tout, il doit mettre en pratique ces cinq sortes de divisions. Rien n’est impossible à qui sait s’en servir.

  Défendre les États de son souverain, les agrandir, faire chaque jour de nouvelles conquêtes, détruire ses adversaires, fonder même de nouvelles dynasties, tout cela peut n’être que l’effet des dissensions employées à propos.

Telle fut la voie qui permit l’avènement des dynasties Yin et Tcheou, lorsque des serviteurs transfuges contribuèrent à leur élévation. Quel est celui de nos livres qui ne fait l’éloge de ces grands ministres (transfuges) ! L’Histoire leur a-t-elle jamais donné les noms de traîtres à leur patrie, ou de rebelles à leur souverain ? Seul le prince éclairé et le digne général peuvent gagner à leur service les esprits les plus pénétrants et accomplir de vastes desseins.

Fin du chapitre XIII

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Sun Tzu 2020 – Les forces de la raison – Chapitre 12 : Les cendres de la victoire

Sun Tzu - Maîtres et dirigeants - Les forces de la raison

Ce douzième chapitre – sur les treize que compte le traité -, pourrait être intégré d’une autre manière aux précédents chapitres. Il est le plus court de tous et traite des éléments ‘feu’ et ‘eau’.

Son titre peut aussi être : ‘De l’Art d’attaquer par le feu’, ‘Attaques par le feu’  ou L’attaque par le feu’, selon ses interprètes.

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Il est écrit:

    Il existe cinq ‘sortes’ d’attaque par le feu : force destructrice d’hommes, de provisions, de matériels, d’arsenaux (magasins et dépôts) et d’infrastructures civiles et militaires (ponts, murets et barrières).

  Avant d’entreprendre ce genre de méthode, il faut avoir pris ses dispositions, effectué une reconnaissance des positions et infrastructures ennemies afin de préparer (adapter) le matériel nécessaire.

  Il faut que la période (circonstances) soient favorables et les jours propices. La conjonction d’un temps sec et de fortes chaleurs avec celle des jours propices aux grands vents.

Le jour de le faire éclater est celui où la lune se trouve sous une des quatre constellations, Qi, Pi, Y, Tchen. Il est rare que le vent ne souffle point alors, et il arrive très souvent qu’il souffle avec force.

    Chacune de ces cinq sortes d’attaques pyrotechniques demande une adaptation et des modalités d’intervention propre à chaque situation.

   Lorsque le feu éclate à l’intérieur du camp ennemi : se préparer à intervenir. Plusieurs modes opératoires doivent néanmoins être envisagés.

Si, en dépit de l’éclatement de l’incendie, l’adversaire reste calme, ne vous précipitez pas dans un assaut.

N’entreprenez rien; attaquer imprudemment, c’est chercher à se faire battre. Vous savez que le feu a pris, cela doit vous suffire: en attendant, vous devez supposer qu’il agit sourdement; ses effets n’en seront que plus funestes. Il est au-dedans; attendez qu’il éclate et que vous en voyiez des étincelles au-dehors, vous pourrez aller recevoir ceux qui ne chercheront qu’à se sauver.

Si peu de temps après avoir mis le feu, vous voyez qu’il fait rage, avivez-le si possible et ne donnez pas aux ennemis le temps de l’éteindre.

– Si malgré toutes vos approches, il n’a pas été possible à vos gens de pénétrer à l’intérieur, attendez le moment propice pour effectuer vos actions incendiaires par l’extérieur. Soyez pour cela attentif au vent et à sa direction ; gardez-vous d’attaquer sous le vent.

Un vent fort de jour s’affaiblira de nuit.

  Un stratège qui, pour combattre ses adversaires, sait employer le feu, est un homme éclairé qui a appris tant à s’en défendre qu’à l’utiliser.

  Si savoir exploiter le feu est un atout indéniable pour le stratège, l’attaque par l’eau fait montre de force. L’eau peut isoler l’ennemi, dégrader les chemins par où les ennemis pourraient s’échapper ou recevoir du secours. L’eau aussi peut endommager ou abîmer les fournitures, mais ne les détruit que rarement.

  Il n’est néanmoins rien de plus funeste que de remporter des victoires en s’emparant d’objectifs fixés sans savoir en tirer parti.

  On n’entreprend pas une action qui ne répond pas aux intérêts du pays ; on ne recourt pas aux armes sans être sûr du succès ; on ne combat pas lorsqu’on n’est pas menacé.

  Entreprendre des actions destructrices sans savoir en exploiter les fruits est un gaspillage inutile de forces. Seule la nécessité doit faire entreprendre la guerre.

De ces fruits, le plus considérable de tous, et celui sans lequel vous auriez perdu vos soins et vos peines, est de connaître le mérite de tous ceux qui se seront distingués, c’est de les récompenser en proportion de ce qu’ils auront fait pour la réussite de l’entreprise.

Les hommes se conduisent ordinairement par l’intérêt; si vos troupes ne trouvent dans le service que des peines et des travaux, vous ne les emploierez pas deux fois avec avantage.

  C’est pourquoi un souverain éclairé est prudent, et le bon général prévenu contre tout engagement inconsidéré.

Il est dit : « Le souverain avisé projette la victoire, le bon général l’exploite. »

La nécessité seule doit faire entreprendre la guerre. Les combats, de quelque nature qu’ils soient, ont toujours quelque chose de funeste pour les vainqueurs eux-mêmes; il ne faut les livrer que lorsqu’on ne saurait faire la guerre autrement.

  Un souverain ne saurait lever une armée sous le coup d’un mouvement d’humeur et de sentiments de colère ou d’exaspération. Entreprendre une telle action ne doit être que le fait d’intérêts sereinement calculés et partagés par les intéressés.

N’oubliez jamais que votre dessein, en faisant la guerre, doit être de procurer à l’État la gloire, la splendeur et la paix, et non pas d’y mettre le trouble, la désolation et la confusion.

Ce sont les intérêts du pays et non pas vos intérêts personnels que vous défendez.

  C’est pourquoi le souverain avisé assure sa gouvernance par la prudence et le bon général, prévenu contre tout mouvement inconsidéré, s’emploie à sauvegarder la sécurité de la nation en préparant son armée tout en la préservant.

Car si la joie peut succéder à la colère et la sérénité à l’irritation, les nations anéanties ne ressuscitent pas de leurs cendres, ni les morts à la vie.

Fin du chapitre XII

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Sun Tzu 2020 – Les forces de la raison – Chapitre 11 : Les neuf situations

Sun Tzu -Maîtres et dirigeants - Les forces de la raison

Ce onzième chapitre – sur les treize que compte le traité -, reprend de nouvelle fois, mais sous un angle plus ‘psychologique’, les tactiques appropriées à tenir dans certaines configurations géopolitiques et militaires.

Ce chapitre est probablement l’un des plus longs du traité. Il doit être lu avec discernement par rapport aux chapitres précédents, plutôt portés sur la topographie et la gestion des espaces tactiques.

Son titre peut aussi être : ‘Des (les) neuf sortes de terrain’, selon la plupart des interprètes.

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Il est écrit :

Il y a neuf sortes de lieux – espaces – qui peuvent être à l’avantage ou au détriment de l’une ou de l’autre armée.

I – Lieux de division ou de dispersion

II – Lieux frontaliers prônes à la négligence (lieux légers)

III – Lieux clefs de confrontation

IV – Lieux communiquant

V – Lieux de convergence – (pleins et unis)

VI – Lieux à plusieurs issues – dangereux (diligence)

VII – Lieux graves et importants (difficiles)

VIII – Lieux d’encerclement

IX – Lieux de mort – d’anéantissement

 

I Lieux de division ou de dispersion

  Sont des lieux situés sur vos propres terres.

Des troupes qui se tiendraient longtemps sans nécessité au voisinage de leurs foyers sont composées d’hommes qui ont plus envie de perpétuer leur race que de s’exposer à la mort.

A la première nouvelle qui se répandra de l’approche des ennemis, ou de quelque prochaine bataille, le général ne saura quel parti prendre, ni à quoi se déterminer, quand il verra ce grand appareil militaire se dissiper et s’évanouir comme un nuage poussé par les vents.

Lorsque vous ne serez encore que dans des lieux de division, contenez bien vos troupes; mais surtout ne livrez jamais de bataille, quelque favorables que les circonstances puissent vous paraître. La vue de leur pays et la facilité du retour occasionneraient bien des lâchetés: bientôt les campagnes seraient couvertes de fuyards.

  Ces lieux frontaliers ne doivent pas être choisis pour combattre. Seule la détermination d’une armée unie en bloc peut faire exception. Sur ces terres, il faut souder les volontés.

 

IILieux frontaliers prônes à la négligence (lieux légers)

  Sont ceux qui sont près des frontières, mais pénètrent par une brèche sur les terres des ennemis.

Ces sortes de lieux n’ont rien qui puisse fixer. On peut regarder sans cesse derrière soi, et le retour étant trop aisé, il fait naître le désir de l’entreprendre à la première occasion: l’inconstance et le caprice trouvent infailliblement de quoi se contenter.

Si vous êtes dans des lieux légers, n’y établissez point votre camp. Votre armée ne s’étant point encore saisie d’aucune ville, d’aucune forteresse, ni d’aucun poste important dans les possessions des ennemis, n’ayant derrière soi aucune digue qui puisse l’arrêter, voyant des difficultés, des peines et des embarras pour aller plus avant, il n’est pas douteux qu’elle ne soit tentée de préférer ce qui lui paraît le plus aisé à ce qui lui semblera difficile et plein de dangers.

Si vous avez reconnu de ces sortes de lieux qui vous paraissent devoir être disputés, commencez par vous en emparer: ne donnez pas à l’ennemi le temps de se reconnaître, employez toute votre diligence, que les formations ne se séparent pas, faites tous vos efforts pour vous en mettre dans une entière possession; mais ne livrez point de combat pour en chasser l’ennemi. S’il vous a prévenu, usez de finesse pour l’en déloger, mais si vous y êtes une fois, n’en délogez pas.

  Ces lieux doivent être traversés ou évités et ne pas être choisis pour combattre. Il ne doit pas y avoir de disruption des forces (unis). Sur ces terres, il faut renforcer la cohésion.

 

III – Lieux clefs de confrontation

  Sont à la bienséance des deux armées et présentent ainsi les mêmes avantages aux eux parties.

l’ennemi peut trouver son avantage aussi bien que nous pouvons trouver le nôtre, où l’on peut faire un campement dont la position, indépendamment de son utilité propre, peut nuire au parti opposé, et traverser quelques-unes de ses vues; ces sortes de lieux peuvent être disputés, ils doivent même l’être. Ce sont là des terrains clés.

  Ces lieux ne doivent pas être choisis pour combattre. Dans la contrainte, la supériorité numérique est vitale. Sur ces terres, il faut presser les arrières.

 

IV – Lieux communiquant

  Sont des lieux (à portée des frontières) inévitables et faciles d’accès dont l’emplacement laisse à penser aux belligérants qu’ils seraient aisés a défendre ou à occuper.

où nous ne pouvons guère manquer de nous rendre et dans lesquels l’ennemi ne saurait presque manquer de se rendre aussi, ceux encore où l’ennemi, aussi à portée de ses frontières que vous l’êtes des vôtres, trouverait, ainsi que vous, sa sûreté en cas de malheur, ou les occasions de suivre sa bonne fortune, s’il avait d’abord du succès. Ce sont là des lieux qui permettent d’entrer en communication avec l’armée ennemie, ainsi que les zones de repli.

Pour ce qui est des lieux de réunion, tâchez de vous y rendre avant l’ennemi; faites en sorte que vous ayez une communication libre de tous les côtés; que vos chevaux, vos chariots et tout votre bagage puissent aller et venir sans danger. N’oubliez rien de tout ce qui est en votre pouvoir pour vous assurer de la bonne volonté des peuples voisins, recherchez-la, demandez-la, achetez-la, obtenez-la à quelque prix que ce soit, elle vous est nécessaire; et ce n’est guère que par ce moyen que votre

armée peut avoir tout ce dont elle aura besoin. Si tout abonde de votre côté, il y a grande apparence que la disette régnera du côté de l’ennemi.

  Ces lieux doivent faire l’objet d’une jonction – concentration – afin d’éviter toute séparation des formations. Il faut ainsi accorder une attention particulière à renforcer son système de défense et surveiller les leurs.

 

V – Lieux de convergence – (pleins et unis)

  Ces lieux de convergence sont des partis de principauté enclavés entre d’autres États et qui, par leur configuration, se situent loin de vos terres.

permettent leur utilisation par les deux armées, mais, parce qu’ils sont au plus profond du territoire ennemi, ne doivent pas vous inciter à livrer bataille, à moins que la nécessité ne vous y contraigne, ou que vous n’y soyez forcé par l’ennemi, qui ne vous laisserait aucun moyen de pouvoir l’éviter.

Dans les lieux pleins et unis, étendez-vous à l’aise, donnez-vous du large, faites des retranchements pour vous mettre à couvert de toute surprise, et attendez tranquillement que le temps et les circonstances vous ouvrent les voies pour faire quelque grande action.

  En amont de toute expédition, ces terrains impliquent de fortes alliances avec les États voisins. Il est ainsi vital d’engager de solides alliances.

 

VI – Lieux à plusieurs issues – dangereux (diligence)

Ces lieux à plusieurs issues, dont je veux parler ici, sont ceux en particulier qui permettent la jonction entre les différents États qui les entourent. Ces lieux forment le nœud des différents secours que peuvent apporter les princes voisins à celle des deux parties qu’il leur plaira de favoriser.

Si vous êtes à portée de ces sortes de lieux qui ont plusieurs issues, où l’on peut se rendre par plusieurs chemins, commencez par les bien connaître; alliez-vous aux États voisins, que rien n’échappe à vos recherches; emparez-vous de toutes les avenues, n’en négligez aucune, quelque peu importante qu’elle vous paraisse, et gardez-les toutes très soigneusement.

  Le belligérant qui s’y rend est isolé (derrière lui une multitude de villes fortes adverses). Ces terrains sont prônes aux pillages. Ainsi, il faut veiller à renforcez ses lignes d’approvisionnement.

 

VII – Lieux graves et importants (difficiles)

  Sont ceux qui, situés dans l’état adverse, sont accidentés ou malsains (marécages – marais) rendent les progressions difficiles.

États ennemis, présentent de tous côtés des villes, des forteresses, des montagnes, des défilés, des eaux, des ponts à passer, des campagnes arides à traverser, ou telle autre chose de cette nature.

Si vous vous trouvez dans des lieux graves et importants, rendez-vous maître de tout ce qui vous environne, ne laissez rien derrière vous, le plus petit poste doit être emporté; sans cette précaution vous courriez le risque de manquer des vivres nécessaires à l’entretien de votre armée, ou de vous voir l’ennemi sur les bras lorsque vous y penseriez le moins, et d’être attaqué par plusieurs côtés à la fois.

  Ces terrains demandent à être rapidement traversés, évités ou contournés. Acculé en ces lieux, le général nourri bien le soldat, et renforce son moral par des encouragements.

 

VIII – Lieux d’encerclement

  Les lieux d’encerclement sont par nature difficiles d’accès de par leurs configurations étroites, sinueuses avec des issues en goulot permettant à un adversaire plus faible en effectif des attaques ciblées sur des détachements isolés.

où tout serait à l’étroit, où une partie de l’armée ne serait pas à portée de voir l’autre ni de la secourir, où il y aurait des lacs, des marais, des torrents ou quelque mauvaise rivière, où l’on ne saurait marcher qu’avec de grandes fatigues et beaucoup d’embarras, où l’on ne pourrait aller que par pelotons, sont ceux que j’appelle gâtés ou détruits.

Si vous êtes dans des lieux gâtés ou détruits, n’allez pas plus avant, retournez sur vos pas, fuyez le plus promptement qu’il vous sera possible.

  Ces terrains demandent à élaborer des stratagèmes et des plans tactiques non-conventionnels. Il faut aussi en contrôler les issus et les points d’accès afin de pouvoir s’en extraire ou de favoriser l’échappement des belligérants pour éviter une résistance suicidaire ; sécuriser ainsi chaque passage.

 

IX – Lieux de mort – d’anéantissement

  Les lieux de mort sont ceux où l’on se trouve réduit par la situation à une résistance forcenée, isolé et en condition de survie où seule le sentiment d’abandon et l’énergie du désespoir engage à une résistance suicidaire.

tellement réduit que, quelque parti que l’on prenne, on est toujours en danger; j’entends des lieux dans lesquels, si l’on combat, on court évidemment le risque d’être battu, dans lesquels, si l’on reste tranquille, on se voit sur le point de périr de faim, de misère ou de maladie; des lieux, en un mot, où l’on ne saurait rester et où l’on ne peut survivre que très difficilement en combattant avec le courage du désespoir.

Si vous êtes dans des lieux de mort, n’hésitez point à combattre, allez droit à l’ennemi, le plus tôt est le meilleur.

  La lutte en est la seule issue en montrant une détermination sans faille – à la vie, à la mort. Pour le leurrer, le général fait croire à l’ennemi qu’il ne peut survivre.

 

  Telles sont les neuf sortes de terrain qu’il faut connaître, pour vous en défier ou en tirer parti.

  La connaissance de ces terrains – situations stratégiques – permet l’élaboration de tactiques adaptées aux avantages et aux désavantages inhérents à la mise en jeu de formations compactes ou largement déployées en fonction des principes majeurs régissant les comportements humains. Car il est dans la nature des soldats de se défendre quand ils sont encerclés, de se battre farouchement quand ils sont acculés et de suivre leurs chefs quand ils sont en danger.

  Ces questions sont à analyser avec le plus grand soin. Telle est la conduite que tenaient les anciens en fins stratèges. Ces derniers, expérimentés dans leur art, avaient pour principe d’adapter leurs positions offensives et défensives selon les circonstances, la nature du terrain et la position occupée et provoquer chez l’adversaire la désorganisation, la division.

  Entreprendre des actions afin de désorganiser une armée adverse en coupant les jonctions entre avant-garde et arrière-garde (qu’il fallait combattre la tête et enfoncer la queue) ; dégrader les lignes de commandement en brisant les communications, la coopération et l’assistance entre unités, forts et faibles, soldats et officiers, supérieurs et subordonnés.

« que la multitude et le petit nombre ne pouvaient pas être longtemps d’accord ; que les forts et les faibles, lorsqu’ils étaient ensemble, ne tardaient guère à se désunir ; que les hauts et les bas ne pouvaient être également utiles; que les troupes étroitement unies pouvaient aisément se diviser, mais que celles qui étaient une fois divisées ne se réunissaient que très difficilement. »

  Il s’agissait alors de provoquer les divisions, d‘empêcher les regroupements et les concentrations en y semant le désordre.

  Ces stratèges répétaient sans cesse qu’une armée ne devait jamais se mettre en mouvement qu’elle ne fût sûre de quelque avantage réel à capter ou pour appâter . En agissant par des mouvements constants alternant concentration, dispersion, retrait et inaction des forces selon les situations ou selon les avantages et les opportunités.

  En résumé, toute stratégie induisant une conduite tactique doit être réglée suivant les circonstances ; que le théâtre des opérations soit en territoire ami ou ennemi, en position offensive ou défensive.

Subir une invasion : Préparer la résistance à l’occupant :

  Si la guerre se fait dans votre propre pays, et si l’ennemi, sans vous avoir donné le temps de faire tous vos préparatifs, s’apprêtant à vous attaquer, vient avec une armée bien ordonnée pour l’envahir ou le démembrer, ou y faire des dégâts, comment doit-on agir ? La réponse sera : « emparez-vous de quelque chose à laquelle il tient et il vous mangera dans la main. »

  Prendre les mesures afin de rassembler promptement le plus de troupes possible, solliciter voisins et alliés en s’emparant le plus prestement possible de lieux qu’il chérit. En le conformant ainsi à vos désirs, mettez le en état de défense afin de gagner du temps.

  La rapidité reste la sève de la guerre ; en surprenant, surgissant à l’improviste, empruntant des itinéraires imprévus, convoitant et attaquant les failles de son dispositif, ses vulnérabilités logistiques ; en ciblant toujours ses dispositifs les moins défendus.

Voyagez par les routes sur lesquelles il ne peut vous attendre; mettez une partie de vos soins à empêcher que l’armée ennemie ne puisse recevoir des vivres, barrez-lui tous les chemins, ou du moins faites qu’elle n’en puisse trouver aucun sans embuscades, ou sans qu’elle soit obligée de l’emporter de vive force.

Les paysans (ou milices) peuvent en cela vous être d’un grand secours et vous servir mieux que vos propres troupes: faites-leur entendre seulement qu’ils doivent empêcher que d’injustes ravisseurs ne viennent s’emparer de toutes leurs possessions et ne leur enlèvent leur père, leur mère, leur femme et leurs enfants.

Ne vous tenez pas seulement sur la défensive, envoyez des partisans pour enlever des convois, harcelez, fatiguez, attaquez tantôt d’un côté, tantôt de l’autre; forcez votre injuste agresseur à se repentir de sa témérité; contraignez-le de retourner sur ses pas, n’emportant pour tout butin que la honte de n’avoir pu réussir.

Conquérir : En territoire hostile

  Le principe général en cas d’invasion, pour à une force d’occupation est qu’une fois entrée en profondeur en territoire ennemi, sa cohésion doit se renforcer afin de décourager les assauts adverses et affaiblir toutes tentatives de déstabilisation.

Si vous faites la guerre dans le pays ennemi, ne divisez vos troupes que très rarement, ou mieux encore, ne les divisez jamais; qu’elles soient toujours réunies et en état de se secourir mutuellement.

  Ayez soin qu’elles ne soient jamais que dans les lieux fertiles et abondants car on pourvoit aux besoins en nourriture des troupes en s’accaparant les campagnes fertiles. On stimule le moral et l’ardeur des troupes en s’assurant qu’ils soient bien nourris et reposés.

Si elles venaient à souffrir de la faim, la misère et les maladies feraient bientôt plus de ravage parmi elles que ne le pourrait faire dans plusieurs années le fer de l’ennemi…/… Faites en sorte que les habitants des villages et de la campagne puissent trouver leurs intérêts à venir d’eux-mêmes vous offrir leurs denrées.

  Procurez-vous pacifiquement tous les secours dont vous aurez besoin ; n’employez la force que lorsque les autres voies auront été inutiles en gardant comme impératif que les troupes ne soient jamais divisées ; faites toutes vos opérations militaires dans le plus grand secret, préservant ainsi vos desseins jusqu’au dernier moment.

“Dans le doute, s’abstenir…” : Il peut arriver que vous soyez réduit quelquefois à ne savoir où aller, ni de quel côté vous tourner ; dans ce cas ne précipitez rien, attendez tout du temps et des circonstances, soyez inébranlable dans le lieu où vous êtes.

  Il peut arriver encore que vous vous trouviez engagé mal à propos ; gardez-vous bien alors de prendre la fuite, elle causerait votre perte ; combattez jusqu’au dernier plutôt que de reculer.

  Quelque critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien ; c’est dans les occasions où tout est à craindre qu’il ne faut rien craindre. C’est lorsqu’on est environné de tous les dangers qu’il n’en faut redouter aucun ; c’est lorsqu’on est sans aucune ressource qu’il faut compter sur toutes ; c’est lorsqu’on est surpris qu’il faut surprendre l’ennemi lui-même.

Votre armée, accoutumée à ignorer vos desseins, ignorera pareillement le péril qui la menace ; elle croira que vous avez eu vos raisons et combattra avec autant d’ordre et de valeur que si vous l’aviez disposée depuis longtemps à la bataille.

  Jeter alors vos troupes dans une situation sans issue ni alternative de sorte qu’en les empêchant de fuir, ils ne puissent trouver leur salut autrement qu’en s’engageant à l’unisson avec la plus déterminée des énergies. N’ayant plus rien à perdre ni alternative, ils serreront les rangs et n’auront plus peur.

Si dans ces sortes d’occasions vous triomphez, vos soldats redoubleront de force, de courage et de valeur; votre réputation s’accroît dans la proportion même du risque que vous avez couru.

  Point ne sera nécessaire d’encourager de telles troupes à la vigilance, le général l’obtiendra sans avoir à leur arracher le soutien, leur attachement lui sera acquis sans qu’il ait à le rechercher, il gagnera leur confiance sans la leur demander.

Instruisez vos troupes aux imprévus afin qu’elles puissent se trouver prêtes sans préparatifs, qu’elles trouvent de grands avantages là où elles n’en ont cherché aucun, que sans aucun ordre particulier de votre part, elles improvisent les dispositions à prendre, que sans défense expresse elles s’interdisent d’elles-mêmes tout ce qui est contre la discipline.

  Faire taire les rumeurs.

Veillez en particulier avec une extrême attention à ce qu’on ne sème pas de faux bruits, coupez racine aux plaintes et aux murmures, ne permettez pas qu’on tire des augures sinistres de tout ce qui peut arriver d’extraordinaire.

Aimez vos troupes, et procurez-leur tous les secours, tous les avantages, toutes les commodités dont elles peuvent avoir besoin. Si elles essuient de rudes fatigues, ce n’est pas qu’elles s’y plaisent; si elles endurent la faim, ce n’est pas qu’elles ne se soucient pas de manger; si elles s’exposent à la mort, ce n’est point qu’elles n’aiment pas la vie.

Si mes officiers n’ont pas un surcroît de richesses, ce n’est pas parce qu’ils dédaignent les biens de ce monde.

Faites en vous-même de sérieuses réflexions sur tout cela.

  Le jour du départ en campagne, lorsque vous aurez tout disposé dans votre armée et que tous vos ordres auront été donnés, s’il arrive que vos troupes nonchalamment assises donnent des marques de tristesse, tirez-les promptement de cet état d’assoupissement et de léthargie, donnez-leur des festins, faites-leur entendre le bruit du tambour et des autres instruments militaires.

  Donnez-leur des occupations, exercez-les, faites-leur faire des évolutions, menez-les même dans des lieux difficiles, où elles aient à travailler et à souffrir. Il faut savoir les charger, mais non pas jusqu’à les accabler; il faut même les forcer, mais avec discernement et mesure.

Sur la coordination, solidarité et rapidité :

Si vous voulez tirer un bon parti de votre armée, si vous voulez qu’elle soit invincible, faites qu’elle ressemble au Chouai Jen. Le Chouai Jen est une espèce de gros serpent qui se trouve dans la montagne de Tchang Chan. Si l’on frappe sur la tête de ce serpent, à l’instant sa queue va au secours, et se recourbe jusqu’à la tête; qu’on le frappe sur la queue, la tête s’y trouve dans le moment pour la défendre; qu’on le frappe sur le milieu ou sur quelque autre partie de son corps, sa tête et sa queue s’y trouvent d’abord réunies. Mais cela peut-il être pratiqué par une armée? dira peut-être quelqu’un. Oui, cela se peut, cela se doit, et il le faut.

De la bienveillance :

Quelques soldats du royaume de Ou se trouvèrent un jour à passer une rivière en même temps que d’autres soldats du royaume de Yue la passaient aussi; un vent impétueux souffla, les barques furent renversées et les hommes auraient tous péri, s’ils ne se fussent aidés mutuellement: ils ne pensèrent pas alors qu’ils étaient ennemis, ils se rendirent au contraire tous les offices qu’on pouvait attendre d’une amitié tendre et sincère, ils coopérèrent comme la main droite avec la main gauche.

  (Je) vous rappelle ce trait d’Histoire pour vous faire entendre que non seulement les différents corps de votre armée doivent se secourir mutuellement, mais encore qu’il faut que vous secouriez vos alliés, que vous donniez même du secours aux peuples vaincus qui en ont besoin; car, s’ils vous sont soumis, c’est qu’ils n’ont pu faire autrement ; si leur souverain vous a déclaré la guerre, ce n’est pas de leur faute.

Rendez-leur des services, ils auront leur tour pour vous en rendre aussi.

Esprit de corps – Intégration et nivellement des différences :

  Entretenir un niveau uniforme de bravoure, voilà la tâche du commandement.

En quelque pays que vous soyez, quel que soit le lieu que vous occupiez, si dans votre armée il y a des étrangers, ou si, parmi les peuples vaincus, vous avez choisi des soldats pour grossir le nombre de vos troupes, faites en sorte que jamais dans les corps qu’ils composent ils soient ou les plus forts, ou en majorité.

Quand on attache plusieurs chevaux à un même pieu, on se garde bien de mettre ceux qui sont indomptés, ou tous ensemble, ou avec d’autres en moindre nombre qu’eux, ils mettraient tout en désordre; mais lorsqu’ils sont domptés, ils suivent aisément la multitude.

  Dans quelque position que vous puissiez être, si votre armée est inférieure à celle des ennemis, votre seule conduite, si elle est bonne, peut la rendre victorieuse.

  Dans ces conditions d’infériorité, tout dispositif de défense aussi ancré soit-il (entraver les chevaux et enterrement des roues de chars) ne suffit pas à tenir vos troupes de la débâcle et de la fuite. C’est en unifiant les volontés et l’intelligence de terrain, en conjuguant la force et la souplesse de chaque partie, la bravoure et la prudence, les valeurs et la ruse que l’on tire parti d’une situation désavantageuse.

Du secret :

  Un bon général tire parti de tout, et il n’est en état de tirer parti de tout que parce qu’il fait toutes ses opérations avec le plus grand secret, qu’il sait conserver son sang-froid, et qu’il gouverne avec droiture, de telle sorte néanmoins que ses officiers et ses hommes restent dans l’ignorance de ses plans, déjouant ainsi toute prévision en gardant ses desseins secrets et impénétrables jusqu’aux yeux et aux oreilles de ses adversaires.

La confiance de ses hommes étant totale, toute manœuvre s’effectuant sans murmure, sans résistance de la part d’un seul.

Si ses propres gens ignorent ses desseins, comment les ennemis pourraient-ils les pénétrer?

Il sait si bien que ses troupes ne savent jamais ce qu’elles doivent faire, ni ce qu’on doit leur commander. Si les événements changent, il change de conduite ; si ses méthodes, ses systèmes ont des inconvénients, il les corrige toutes les fois qu’il le veut, et comme il le veut.

Un habile général sait d’avance tout ce qu’il doit faire; tout autre que lui doit l’ignorer absolument. Telle était la pratique de ceux de nos anciens guerriers qui se sont le plus distingués dans l’art sublime du gouvernement.

Voulaient-ils prendre une ville d’assaut, ils n’en parlaient que lorsqu’ils étaient aux pieds des murs. Ils montaient les premiers, tout le monde les suivait; et lorsqu’on était logé sur la muraille, ils faisaient rompre toutes les échelles.

  Un général regarde son armée comme un seul homme qu’il se charge de conduire car il lui incombe de rassembler ses troupes pour les jeter au cœur du danger. C’est pourquoi il se doit d’étudier avec la plus grande attention tant les lois qui président aux sentiments humains, que les stratégies de déploiement ou de repli des troupes selon chaque type de terrain – topographie, lieux et circonstances. On ne peut mener une armée sans connaissance géographique ou sans recourir à des guides locaux.

  Savoir travailler efficacement à cacher ses propres intentions et à découvrir celles de l’ennemi est une pré-condition, car qui dans son ignorance omet de se tenir au courant des menées des seigneurs ne pourra devancer leurs alliances.

Accordez des récompenses sans vous préoccuper des usages habituels, publiez des ordres sans respect des précédents, ainsi vous pourrez vous servir de l’armée entière comme d’un seul homme.

  Fort d’une armée conséquente et précédé d’une grande notoriété, l’esprit éclairé d’un Prince ambitieux (Roi Dominateur) et conquérant ne peut admettre d’engager aucune hostilité s’il n’a pas préparé son dessein en s’assurant de l’incapacité de son ennemi à concentrer ses forces et celui de bénéficier d’un appui allié. Renseigné du nombre de ses ennemis, de leur fort et de leur faible, du terrain et de ses alliances, il s’applique ensuite à réaliser ses buts par sa capacité à intimider ses opposants.

Ne divisez jamais vos forces; la concentration vous permet de tuer son général, même à une distance de mille lieues; là se trouve la capacité d’atteindre votre objet d’une manière ingénieuse.

Lorsque l’ennemi vous offre une opportunité, saisissez-en vite l’avantage; anticipez-le en vous rendant maître de quelque chose qui lui importe et avancez suivant un plan fixé secrètement.

  Le nœud de toute opération militaire dépend de votre faculté de faire semblant de vous conformer aux désirs de votre ennemi car la doctrine de la guerre consiste à suivre la situation de l’ennemi afin de décider de la bataille.

Éclairez toutes les démarches de l’ennemi, ne manquez pas de prendre les mesures les plus efficaces pour pouvoir vous assurer de la personne de leur général; faites tuer leur général, car vous ne combattez jamais que contre des rebelles.

Des Préparatifs :

Dès que votre armée sera hors des frontières, faites-en fermer les avenues, déchirez les instructions qui sont entre vos mains et ne souffrez pas qu’on écrive ou qu’on reçoive des nouvelles; rompez vos relations avec les ennemis, assemblez votre conseil et exhortez-le à exécuter le plan; après cela, allez à l’ennemi.

Avant que la campagne soit commencée, soyez comme une jeune fille qui ne sort pas de la maison; elle s’occupe des affaires du ménage, elle a soin de tout préparer, elle voit tout, elle entend tout, elle fait tout, elle ne se mêle d’aucune affaire en apparence.

  La campagne une fois commencée, présentez-vous à sa porte avec la timidité d‘une jeune femme ; votre adversaire n’en sera que plus vacillant : ouvrant alors ses portes avec autant de fébrilité que de méfiance mitigée, il crée la faille par laquelle s’engouffreront vos forces avec la rapidité et la promptitude d’un lièvre.

Fin du chapitre XI

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