Cinq règles de bonne conduite en organisation

Pour gravir les échelons d’une organisation ou simplement réussir à mener une équipe à bon port, il existe quelques règles de bonne conduite, d’étiquette et de savoir-vivre.

Maîtrise de soi 

Les modes de relations sociales en entreprise se sont pacifiées. Si le manager est rude, ses collaborateurs attendront tranquillement le premier contre-ordre pour agir; s’il est trop conciliant, ils se retrouveront plus que nécessaire devant la machine à café. «Bienveillant, mais pas complaisant», m’a dit un jour un chef d’entreprise. A la fois proche et loin, ce n’est pas le moindre des paradoxes. Les coups de cœur et les coups de gueule sont à proscrire : pour le manager, cela suppose une certaine dignité, une prise de distance par rapport aux comportements de ses collaborateurs.

Discrétion

Etre discret ce n’est pas être invisible, mais plutôt de rechercher une certaine harmonie dans ses relations avec les autres. Certains managers sont persuadés qu’en se mettant continuellement en avant, ils vont gravir plus vite les échelons. C’est faux. L’accession au niveau supérieur sera garantie lorsque le manager aura démontré son habilité à conduire une équipe sans conflit. Les «m’as-tu-vu», les démonstratifs et autres exubérants sont souvent catalogués comme bassinant. Il en sera de même pour les revendicateurs perpétuels, plus connus sous le nom de «messagers maudits» qui pensent aider la hiérarchie en exhibant les dysfonctionnements «qui conduisent l’entreprise droit dans le mur».

Temporisation

Certains managers sont devenus tellement obsédés par la réussite de leurs objectifs qu’ils avancent sans discernement. Calmons-les. Je me souviens d’un manager qui, ayant travaillé pendant une année à la fusion entre deux entités, s’est retrouvé au bord du licenciement. Toutes les procédures et les bases de données avaient été mises en place, mais il avait manqué la cohésion de l’équipe. Six mois de plus n’auraient pas bouleversé l’organisation, mais auraient permis aux plus contestataires de mieux intégrer le projet de fusion. Cela implique un élément fondamental dans les relations de travail: l’engagement négocié qui consiste à travailler en bonne entente avec la hiérarchie et composer continuellement avec les délais et les moyens mis à sa disposition.

Allégeance

Le mot allégeance est un peu fort puisqu’il signifie aussi soumission. Cependant, les organisations modernes ne sont pas des exemples de démocratie. Certains ont droit à la parole, d’autres non. Une fois la décision adoptée de façon rationnelle – en suivant les procédures en vigueur – rien ne peut s’opposer à sa mise en œuvre. Toute décision est légitime si elle est pleine de bon sens.

Loyauté

Un supérieur hiérarchique est souvent considéré comme incompétent. Mais peu de collaborateurs réalisent l’importance de son travail de coordination, son rôle discret  de médiateur, la pression importante de la hiérarchie et des collaborateurs eux-mêmes, l’utilisation parcimonieuse de ressources toujours insuffisantes mises à sa disposition. Placé dans ce contexte, il est facile de comprendre qu’un collaborateur déloyal – quel que soit son niveau hiérarchique – devienne rapidement un fardeau pour son chef. Car derrière la loyauté se cache aussi la fiabilité du collaborateur. Le supérieur hiérarchique doit pouvoir compter sur des personnes de confiance, sur lesquelles il peut s’appuyer sans crainte.

 

Manager entre fidélisation et incompréhension

Les études scientifiques et les constations des RHs montrent que la cause principale du départ d’un collaborateur est son chef. Plus globalement, 50 % des collaborateurs sont insatisfaits de leur vie professionnelle. Pourtant, dans la plupart des entreprises, de nombreux dispositifs ont été mis en place : salaire adapté au marché, caisse de pension favorable, restaurant d’entreprise, parfois garderie, primes, formation, voiture de fonction… Rien n’y fait, l’herbe devrait être plus verte ailleurs ou existe-t-il des causes moins visibles qui n’auraient pas été identifiées ? Quelques pistes pour comprendre les causes.

Je m’en vais à cause de mon chef

Il faut bien le reconnaître l’entreprise est une aventure humaine qui dysfonctionne malgré les formations, les compétences des collaborateurs et les énormes sommes d’argent qui sont dépensés quotidiennement. Mais les moyens manquent continuellement et des managers répartissent des moyens toujours limités dans une invraisemblable complexité faite de querelles, de coups de théâtre, de capotages et de fausses promesses. Rien n’est simple à expliquer : ce qui était “promis juré” est remis en question le lendemain et ce qui devait être fait absolument est reporté plus tard. Le plus simple pour ceux qui partent est de s’en prendre aux chefs qui sont la cause de tous les maux. Comprennent-ils que tous, dans l’entreprise, participent aussi au maintien de cet échafaudage bricolé qui malgré tout arrive à tenir debout ?

Je m’en vais parce que c’est contraignant

À partir du moment où il faut optimiser des ressources limitées, une structure doit être mise en place. À l’origine, cette structure est hiérarchique, c’est-à-dire qu’il faut un chef, sans lequel rien ne se fait, un sous-chef… Et ainsi de suite. Aujourd’hui, on assiste à la multiplication des commissions, des projets, des structures matricielles et de l’apparition du travail à distance. Face à ces combinaisons de structures, les managers se trouvent face à des interlocuteurs multiples avec lesquels il faut négocier et renégocier en permanence. Les managers doivent intégrer que l’entreprise n’est pas une machine bien huilée ; les collaborateurs ne sont pas des abeilles butineuses. Il serait bien étonnant que ces derniers fassent exactement ce que leur a dit leur chef : ils ont leur état d’âme.

Je ne trouve pas le bonheur au travail

Le plus souvent l’entreprise est un lieu de conflits, de jalousies personnelles, de coups tordus, de promesses non tenues, même si parfois une remarquable cohésion permet d’atteindre des résultats hors du commun.

Pourtant, chaque collaborateur rêve d’un univers où tout s’enclenche exactement, comme une montre Suisse. Les produits y arriveraient à temps dans les quantités et la qualité demandées. Notre collègue nous sourirait en nous apportant les ordres d’expédition, prêt à nous donner son soutien. Quant aux séances – peu nombreuses – chacun pourrait s’exprimer librement selon ses humeurs du moment sans que personne ne puisse s’en offusquer. Malheureusement, nous sommes loin de cette situation idéale. La face cachée du travail du chef est celle d’une lente et fragile construction de relations sociales, d’un désarroi face aux changements, d’intégration d’ordres contradictoires et de projets plus stratégiques les uns que les autres, dans une absolue loyauté.

Conseil : retour au bon sens

L’entreprise n’est pas un lieu si convivial que l’on veut bien le lire. C’est un lieu de passions, de contraintes multiples et de drames. Il va falloir vivre avec. Je me permets de vous faire ce lien avec la revue HRToday qui justement traite la question.

Tranche de vie d’un manager

Anne-Sophie est nommée au comité de direction

Anne-Sophie gère avec talent une équipe de huit personnes dans le domaine des relations publiques et de la communication dans une multinationale de l’industrie du luxe. Lorsque son supérieur hiérarchique est nommé directeur général, elle se retrouve naturellement nommée à la tête du département marketing avec le titre de directrice, membre du conseil de direction. Ses premières difficultés surgissent dès qu’il faut parler de réseau, de statistiques et de chiffres qui dépendent du service “Connaissance clients”. La question qu’elle se pose est la suivante : “Comment ne pas passer pour une ignorante face à cette équipe de spécialistes ?”.

Devenu l’adjoint d’Anne-Sophie, Maxime est justement responsable du service”Connaissance clients”. A ce titre. il supervise trois collaborateurs. Plus âgé qu’elle, il convoitait depuis longtemps le poste qu’elle vient d’obtenir. Malheureusement pour lui, il avait eu des difficultés avec ses collaborateurs. On lui avait reproché un management autoritaire et un manque de nuance dans ses propos. Maintenant, Anne-Sophie est sa supérieure hiérarchique.

Que fait Maxime à la nomination d’Anne-Sophie

Il va voir le directeur général pour exprimer son mécontentement et lui dire combien cette nomination est une erreur funeste pour l’entreprise et ses collaborateurs. Plus ennuyeux pour Anne-Sophie, il s’oppose à sa cheffe pendant les séances de travail, arrive systématiquement en retard en séance et adopte systématiquement une attitude confrontante.

Bien entendu, pour rester cohérent avec lui-même, il ne manque aucune occasion de discréditer Anne-Sophie.

Que fait Anne-Sophie

Anne-Sophie va prendre son temps (douze mois environ) pour réaliser sa stratégie. Elle va :

  • rédiger un protocole sur les différents entretiens de recadrage avec Maxime,
  • informer régulièrement le directeur général de ses difficultés et expliquer comment elle va y remédier,
  • travailler les processus préparatoires au licenciement avec la direction des ressources humaines.

Lorsque toutes les portes auront été ouvertes, il ne lui restera plus qu’à pousser Maxime hors de son département.

Il ne faut pas minimiser les difficultés de Anne-Sophie pendant cette période. Elle devra convaincre, expliquer, apprendre un nouveau métier, voyager dans les différentes filiales sans pouvoir faire front partout. Et surtout, elle va constamment se heurter à un collaborateur qui la freine dans le développement de sa stratégie.

Qu’aurait dû savoir Maxime

Maxime se trouve dans un contexte de contraintes organisationnelles sur lesquelles il n’a pas de prise. La nomination de Anne-Sophie étant annoncée, sa seule liberté d’action, sauf bien entendu celle de donner sa démission, est de faire allégeance. Inscrit dans une perspective ou une vision sociale moyenâgeuse, le terme allégeance peut paraître fort. De fait, il convient de le considérer dans le sens générique de “soulager” et, également, de “faire preuve de fidélité et d’obéissance” vis-à-vis d’un supérieur. Ici, nous touchons un point important de l’organisation : il faut de la bonne volonté de part et d’autre. En d’autres termes, l’allégeance permet de construire la confiance dans les relations de travail.

Maxime aurait dû comprendre que dans une organisation tout le monde n’a pas de droit à la parole. Si Maxime veut court-circuiter Anne-Sophie en passant par le directeur général, il n’a aucune chance de se faire entendre. C’est trop tard pour lui. En la nommant, le directeur général a fait confiance à Anne-Sophie. Pour Maxime, accepter Anne-Sophie est la preuve d’une forme d’intelligence organisationnelle, d’une capacité à se remettre en question, même si cela est difficile à vivre au quotidien.

L’entreprise libérée, une forme moderne d’esclavagisme librement consenti

En co-écriture avec Lucas Piccirilli étudiant à l’IMSG.

L’entreprise libérée est un système d’organisation qui laisse les collaborateurs prendre des initiatives plutôt que de leur donner des directives. Le but est d’accroître leur productivité tout en favorisant leur bien-être et donc leur implication au travail. Cette spirale positive est séduisante.

Vers un nouvel esclavagisme

Mais derrière ces entreprises libérées se cache sournoisement un esclavagisme économique des temps modernes. L’exemple d’Apple est pathétique. Bien que l’entreprise reste encore du type hiérarchique, elle n’hésite pas à vendre aux jeunes talents du monde entier le “bon vivre” qui règne dans l’organisation : salles de jeux, terrains de sport, restaurants et distributeurs gratuits… Plus intéressant, le mode de recrutement laisse entendre aux postulants qu’ils font partie de l’élite. Résultat, ces méthodes galvanisent le présentéisme des collaborateurs : les employés deviennent addicts à leur travail au détriment de leur vie privée.

Si vous voulez en avoir une vision apocalyptique cliquez sur la vidéo ci-dessous.

Avec cette nouvelle forme d’organisation, on trouve une forme de soumission volontaire, asservie par un discours managérial parfaitement élaborée. Heureusement, deux logiques viennent perturber les bienfaits de cette nouvelle forme de coopération.

  1. La logique de l’entreprise libérée prône l’auto contrôle. Mais celle-ci peut bien vite glisser vers le contrôle de tout le monde par tout le monde, chacun des membres d’une équipe étant en permanence sous le contrôle de l’ensemble de ses membres.
  2. La logique de l’exclusion de l’encadrement laisse penser qu’une intelligence collective spontanée puisse supprimer tous les problèmes d’une entreprise hiérarchisée. Cela relève d’une véritable méconnaissance du fonctionnement des entreprises. Effet, qui coordonne les activités complexes et surtout qui décide face aux risques du marché ?

En bref

L’entreprise libérée est vendue comme un mode humain, fait de respect et de confiance qui permettent l’épanouissement et le bonheur au travail. Toutefois, au-delà des avantages qu’elle présente sur le papier, elle constitue des limites rapidement identifiables : nouvelle forme de servitude, mauvaise gestion des risques habituellement gérés par des hiérarchies de professionnels, jeux politiques internes renforcés, perte d’expertise et incapacité à faire face aux crises sont autant d’éléments qui nous font dire que l’entreprise libérée n’est pas l’entreprise de demain.

On embauche toujours plus bête que soi

Paul-André a 49 ans. Il dirige, avec le titre de directeur, une équipe d’une trentaine de personnes dans une multinationale de l’arc lémanique.

Point d’inflexion dans une carrière

Son directeur général l’appelle un matin et dit : “Dis donc Paul-André, toi qui te plains toujours du manque d’innovation dans tes équipes, j’ai un jeune plein de talents, qui est le fils d’un ami du Président. Reçois-le et dit moi ce que tu en penses”. Et il ajoute perfidement : “Tu verras, c’est un jeune remarquable”.

Jusqu’à maintenant, tout allait bien pour Paul-André. Mais un peu trop sûr de lui, il vient de baisser sa garde. Il accepte de recevoir ce jeune garçon au parcours sans faute. À la suite d’un entretien désinvolte et, pour se faire bien voir du Président, il prend sur lui de l’intégrer dans son équipe.

Les trois premiers mois tout va bien. Mais insidieusement, ce jeune talentueux commence à commenter ses décisions avec sarcasme. Bien entendu, dans l’entreprise les nouvelles circulent aussi vite que les courriels et dès que Paul-André l’apprend, il met ces attaques sur le compte de la jeunesse. Puis un jour, son jeune talent s’oppose fermement à lui lors d’une réunion de travail.

Éléments déclencheurs

C’est juste à ce moment que le directeur général convoque Pierre-André pour lui demander de mieux intégrer sa nouvelle recrue dans son équipe.

Incontestablement, Pierre-André a été manipulé. Trois solutions s’offrent à lui, de toute urgence :

  1. L’impliquer dans un projet “stratégique” dont il ne sortira pas grandi. Je vous propose de lire “Petit traité de manipulation à l’égard des gens honnêtes” de Joule, ou “Le Prince” de Machiavel pour le bon côté du pragmatisme managérial.
  2. Passer ce bébé à l’un de ses collègues en lui vantant “un garçon exceptionnel, avec un fort potentiel”.
  3. Mais Pierre-André choisit une troisième solution, envoyer son jeune talent en Roumanie pour développer une start-up locale à haut risque, dont il reviendra cinq ans plus tard en situation d’échec.

Enfin, quelques conseils pour les jeunes talents

  1. Les jeunes talents ne doivent pas oublier la règle qui prime dans les sélections : “Qui se ressemble, s’assemble” alors il n’est pas nécessaire de montrer une tête qui dépasse.
  2. Il est impossible de progresser dans sa carrière sans l’aval de son supérieur direct, même si ce dernier semble incompétent.
  3. L’expertise technique ou scientifique et le savoir être l’emportent sur l’impatience et le cynisme.