Au regard des courants idéologiques, la notion de pouvoir tient une place secondaire dans les sciences sociales. Elle semble être à contre-courant des pensées dominantes en matière managériale, plus orientées vers la prise en compte de l’individu du point de vue psychosocial où l’affect tient un rôle central. Le pouvoir est ainsi traité comme psychique : “Les malades qui nous gouvernent ” (Rentchnick), un mouvement darwinien “le plus fort survit” (Taylor), une démission face à la hiérarchie (Barnard). Le plus sardonique des auteurs étant certainement Perrow qui défend la thèse que “les failles essentielles de la bureaucratie sont en fait l’impossibilité de bureaucratiser suffisamment”. Finalement le pouvoir et son corollaire la domination seraient une victoire du paradigme organisationnel sur le paradigme individuel. Dans les faits, le management sous le regard du pouvoir et de l’autorité est peu abordé. Le pouvoir fait-il peur par son côté démoniaque ? Jette-t-il un sort aux chercheurs qui veulent s’en approcher ?
Mais qu’est que le pouvoir ?
Il existe autant de définitions que d’auteurs. La plus répandue et certainement la plus simple : “A exerce un pouvoir sur B dans la mesure où il obtient de B une action que ce dernier n’aurait pas effectué autrement.” Voilà qui a le mérite d’être clair. Mais le pouvoir est-il démoniaque et doit-il être banni de nos sociétés démocratiques ?
Mais ces luttes de pouvoir existent-elles vraiment ? A-t-on plutôt à faire à des individus placés malgré eux dans des situations de pouvoir qui au départ les dépassent, en prennent possession en bricolant comme ils peuvent leurs relations avec leurs collaborateurs ?
Démystifier le pouvoir
Pour simplifier, le pouvoir repose sur la croyance en la légalité des règlements et du droit. Dans nos sociétés démocratiques, nul ne peut prendre le pouvoir par la force, le dirigeant ne peut être nommé qu’après un parcours initiatique parsemé d’embûches comme des portes qu’il faut franchir pour accéder au monde supérieur. Les gardiens du seuil empêchent d’entrer ceux qui n’en sont pas dignes. Il ne faut pas être gobeur de clichés, celui qui détient le pouvoir n’est pas un surhomme. Il faut certes avoir certaines qualités, mais aussi de chance d’être sélectionné au bon moment au bon endroit. Dans le fond, les postulants ne se précipitent pas au portillon. Qui voudrait accéder à un poste dont on risque d’être éconduit et dont on ne connaît ni les pièges, ni les règles, ni les contraintes, ni même le sort que l’on réserve au malchanceux ? Personne. Je peux l’affirmer. En vingt-cinq ans de carrière, jamais un manager ne m’a posé la question de savoir comment passer au poste supérieur.
Le plus simple est d’éviter d’exercer son pouvoir
D’expériences, on trouve surtout des luttes de pouvoir lors d’une prise de poste. Voici quelques conseils à ceux qui ne veulent pas être catalogués hâtivement de furieux pervers narcissiques.
- S’assurer de ceux qui peuvent nuire. De longues discussions avec celui ou ceux qui avaient postulé peuvent parfois aboutir à un accord, à condition que les frustrations ne soient pas trop tenaces et qu’il existe un gage de loyauté fortement probable.
- Vaincre par l’adresse ou par la force. Dès le départ, il vaut mieux être d’être en possession un glaive pour pouvoir l’agiter au-dessus des récalcitrants. Les conditions de son utilisation sont trop souvent négligées, lors des négociations préalables à prise de poste.
- Se faire rapidement des alliés parmi les nouveaux collègues afin de bien comprendre les interactions avec les uns et les autres et profiter de leurs expériences.
- Respecter et estimer ses collaborateurs tout en étant à la fois sévère, aimable, magnanime et libéral. Je sais cela fait beaucoup, mais cela doit faire partie des qualités personnelles pour accéder à un poste de dirigeant. Je suppose que s’appelle le charisme.
- Gouverner ses équipes avec un projet d’envergure. Je ne parle pas ici du lancement de SAP qui va ennuyer toute l’entreprise pendant plusieurs années et dont votre successeur en retirera la gloire. Non, je veux parler d’un projet de transformation où toute l’entreprise en tirera de la fierté. J’ai en tête l’innovation par l’intelligence artificielle, la robotique ou encore des nouvelles formes de logistique et de distribution. La liste n’est pas exhaustive.
Deux excellentes lectures sur le pouvoir à lire pendant les vacances, Eraly (A) Autorité et légitimité, le sens du collectif et Courpasson (D), L’action contrainte.