Dans le métier de journaliste, un marronnier est un sujet qui revient tous les ans à la même période, comme les marrons, mais contrairement aux tomates espagnoles qui reviennent toute l’année. Le feed-back appartient maintenant à cette seconde catégorie. Au début de notre siècle, un feed-back se donnait une bonne fois pour toutes en fin d’année, juste avant les promotions et les augmentations. Bien entendu, tout se terminait en claquements de porte, aux yeux au beurre noir ou en nez qui saigne. Cela ne pouvait pas durer. Pour mettre fin à ces altercations, les DRH ont eu l’excellente idée de dissocier l’évaluation du comportement à celui des augmentations de salaires, en deux séances distantes l’une de l’autre. Mais pour les collaborateurs, il fallait être jobard pour ne pas faire le lien entre les deux.
L’article de Julie Eigenmann, journaliste au Temps, “Le feed-back en entreprise, mode d’emploi” nous propose une solution radicale : le feed-back toute l’année. Je voudrais mettre tout de suite moins d’exigence à ce mode de management anxiogène, coûteux en énergie et en retours de bâton.
En Suisse, on ne donne pas de feed-back
La raison est culturelle, si on ne veut pas d’ennui avec son voisin, le plus simple est de se taire. La Suisse est un petit pays, vous risquez bien de retrouver votre collaborateur capitaine à l’armée ou plus tard, le même, comme expert à votre prochain brevet fédéral. Raison supplémentaire, chacun essaye de faire son travail correctement, avec un excellent niveau de formation. Si votre collaborateur n’y arrive pas, vous devriez être en partie responsable.
Tout le monde n’accepte pas le feed-back
Il faut le reconnaître, il est plus facile de donner un feed-back que d’en recevoir. Pour certains, donner un feed-back procure un sentiment de pouvoir et d’influence, surtout s’il s’agit d’évaluer un subordonné. Il est facile pour eux d’en abuser. Ce mode de relation peut être celle des petits chefs qui veulent faire de leurs collaborateurs des clones à leur image. Mais, pour d’autres, donner un feed-back est extrêmement difficile parce qu’ils considèrent que cela est générateur de conflits. Ils jugent préférable de ne rien dire plutôt que d’avoir des collaborateurs démotivés par un jugement qu’il est parfois difficile de justifier. Par exemple comment dire à un collaborateur “qu’il irrite ses collègues” ?
Donner un feed-back est compliqué
Expérience faites, les mots utilisés ne vont jamais. La question lancinante se pose constamment : comment donner un feed-back à un jeune Y ou à un collaborateur avec vingt-cinq ans de loyaux services, protégé par la hiérarchie ? Vous observerez facilement que certains n’acceptent jamais de feed-back, d’autres ont des réactions émotives hors de proportion avec ce qui a été formulé, d’autres enfin en font un combat intime et vont vous pourrir la vie pendant les douze prochains mois. Bref, donner un feed-back ouvre des chemins imprévisibles et parfois insurmontables.
Quelques pistes pour ne pas rester amère
Réservez votre feed-back à ceux qui peuvent l’accepter et avec lesquels vous avez su créer un climat de confiance sur le long terme. En règle générale, adaptez votre évaluation en fonction de la personne qui est en face de vous. Si elle est confrontante ou fragile, alors assouplissez votre démarche et ne dites rien s’il le faut. Au contraire, si votre collaborateur recherche une progression, alors donnez-lui un feed-back sincère et positif où il pourra progresser. Pour les autres, franchement, laissez tomber : la bien pensance actuelle peut vous mener à des conflits invraisemblables.