L’intelligence émotionnelle, instrument de domination

3’600’00 sites ou articles dans Google. 60 références dans Le Temps uniquement pour le mois de janvier 2019. Ce déchaînement compulsif d’articles, de conseils et de vidéos devrait nous interroger sur les buts réels de cette intelligence innée ou non destinée à faire de nous des beaux-fils ou des belles-filles idéales.

L’intelligence émotionnelle n’est pas scientifique

L’intelligence émotionnelle a été popularisée dans une publication de Daniel Goleman, journaliste scientifique américain, au début des années 2000. Le concept plaît immédiatement. Lier l’intelligence à l’émotion est juste génial dans un contexte d’un management à l’affût de justifications psychosociales. Depuis l’AT (Analyse Transactionnelle) et la PNL (Programmation Neurolinguistique) fortement contestées dans les entreprises, l’intelligence émotionnelle a immédiatement occupé le marché de la formation qui lui tendait les bras. Vingt ans plus tard, cette forme d’intelligence n’a pas fait l’unanimité dans l’Alma mater et les articles scientifiques sérieux sont rares.

L’intelligence émotionnelle, c’est compliqué

Pour qu’un concept soit sérieux, il est préférable qu’il soit compliqué, beurreux et qu’il puisse s’insérer dans un courant dominant de la pensée. L’intelligence émotionnelle fait mieux : elle crée le concept. Avant Goleman, les émotions n’existaient pas, maintenant il faut les maîtriser pour contrôler sa vie. Ceux qui en sont dépourvus sont bannis de la société économique. Du reste on peut mesurer sans faillir les capacités émotionnelles des individus sur une échelle de 1 à 5 sur des dimensions multicritères profondément américaines dont l’extraversion et la rage de vaincre sont au centre des relations sociales (dixit Chanlat).

L’intelligence émotionnelle recherche à nous faire passer pour des moutons bien élevés

La vie au travail est différente. Il est nécessaire de défendre ses idées, faire trois choses en même temps, subir la pression sur les résultats. Alors l’intelligence émotionnelle est-elle plus utile que l’intelligence logique, verbale, politique ou relationnelle, etc. ? Dépourvu d’émotions, sommes-nous à la merci de colériques qui montrent leurs émotions et imposent leurs idées par la force ? Un manipulateur se cache-t-il derrière les experts de cette intelligence émotionnelle ? Enfin peut-on rester soi-même et garder son sang-froid ?

Faire mieux en moins compliqué

Finalement, les relations en entreprise devraient être plus simples. Un peu plus de culture, un peu plus de savoir-vivre, un peu moins d’obsession sur des résultats finalement inatteignables, juste un peu de réflexion et le tour est joué. Bien sûr ce microtravail sur soi est moins glamour.