Colis piégé, avec mode d’emploi

Juste avant les vacances d’été, Claude Béglé, aujourd’hui Conseiller National (député), nous livre un témoignage de son arrivée à la Poste Suisse en 2008 en tant que Président du Conseil d’Administration, dans son livre : “Un colis piégé, choc des cultures à la Poste, Éditions Favre, mai 2018”.

Merci à lui, des désastres verbalisés avec tant de naïveté ne sont pas légion dans les éditions du management.

Le pitch

Après un parcours international chez Nestlé, puis un court séjour chez Philip Morris, Claude Béglé rejoint les mondes des colis (TNT, DHL…) à des postes de direction générale : un parcours sans faute pour un HEC (Lausanne) avec Ph. D. Tout allait pour le mieux, quand une bonne fée, chasseuses de têtes, lui propose le poste de Président du Conseil d’Administration de la Poste Suisse : le Graal, le pinacle, la consécration, le sacre, l’apothéose, bref si vous préférez, le triomphe avec ses lauriers.

Et voici Claude Béglé face au Conseiller Fédéral (Ministre des transports), Moritz Leuenberger qui lui propose le poste de Président de la Poste, à moins que ce ne soit celui de directeur général ou encore la Présidence des CFF (trains suisses). Ça sent le sac d’embrouilles. Effectivement, après quelques mois de déshérence, sa nomination est enfin annoncée. Mais la saga ne fait que commencer.

Coup de théâtre. Lors d’une première séance, le futur ex-président de la Poste, Anton Menth, et le directeur général sortant, Ulrich Gygi, annoncent à Claude Béglé qu’ils ont déjà choisi le nouveau directeur général et lui interdisent en outre de rencontrer les membres du conseil d’administration. En clair, un redoutable dispositif de mise à feu de bombinettes, de fabrication entièrement suisse, est enclenché.

Trop tard. Notre héros, qui n’a pas les codes pour désamorcer le dispositif, s’engage dans un combat meurtrier. Sans réseau local, face à un Conseiller Fédéral dont le rôle n’est certainement pas de prendre position pour régler ce conflit de Pieds Nickelés, Claude Béglé se débat pendant douze mois sans admettre que son cas est désespéré.

Six prescriptions pour agir

  1. Demandez à rencontrer vos futurs proches collaborateurs avant de signer tout contrat de travail et d’abandonner le précédent. Trivial, mais pourquoi Claude Béglé ne le fait-il pas ?
  2. Arrivez les armes à la main pour obliger les incrédules à vous suivre.
  3. Ne croyez pas votre chasseur de têtes préféré lorsqu’il vous décrit un job de rêve dans une société prestigieuse, en pleine croissance : son agenda est différent du vôtre.
  4. N’entrez jamais en terrain miné sans une carte et un artificier de confiance : une fois sur le terrain le premier faux pas peut vous faire exploser.
  5. Lorsque vous êtes en place, ne comptez pas sur votre futur patron pour désamorcer un conflit même s’il en est responsable : il vous paie suffisamment pour résoudre le problème vous-même.
  6. Sans vouloir être paranoïaque, n’oubliez pas qu’une bombe peut en cacher une autre. Dans le doute, restez à couvert et ne bougez surtout pas.

Dix ans plus tard…

La Poste Suisse est au centre de scandales dont la presse se régale quotidiennement, tandis que les CFF (SNCF suisse) entrent dans un tunnel de tripotages tragicomiques.

Quant à Claude Béglé, il vit des jours heureux au Palais Fédéral, comme quoi un petit malheur peut cacher des emplois moins conflictuels et tout aussi prestigieux.