Téléportés ? Enfin nous y sommes !
Vous serez là-bas ou ailleurs mais toujours ici ; enfin partout… et surtout tout le temps.
D’ici à l’année prochaine – 2022 – vous allez apprendre la bonne nouvelle. Votre nouveau bureau virtuel n’aura plus besoins ni d’écran, ni de câbles, ni d’un espace de travail dédié : une paire de lunette suffira. Après les destructions-créatrices, vous découvrirez la “déconnection-connectée”.
Une progressive disparition du monde sensible au profit d’un monde virtuel. Les premières fractures sociétales opposent les techs et les no-techs.
Welcome onboard digital partners !
Avec des connexions Internet plus rapides, des solutions cloud de plus en plus fiables et la quasi-instantanéité d’une 5G, l’évolution des postes de travail pour une partie toujours plus importante de la population se matérialisera par une transgression progressive du Home Office en Whole Office – ou bureau universel. Depuis 2020 – année que le magazine Time a récemment surnommé « la plus grande expérience de télétravail au monde » -, les restructurations techniques et technologiques des entreprises ont totalement modifié la nature des liens présentiels entre employeurs et employés. Le contrôle du temps de travail des salariés par la seule présence physique a enfin été résolu grâce aux technologies. Non seulement vos heures de travail sont intégrables à des statistiques de productivité quotidiennes mais en plus, vos employeurs pourront vous évaluer précisément selon des critères de bonnes pratiques et d’efficacité. Ce n’est pas du crédit social, mais encore mieux : vous devenez un paramètre d’analyse tangible d’un nouveau crédit : le crédit de productivité sociétal.
Les raisons de la nouvelle normalité : la “flexitualité” (flexibilité et virtualité)
Pour de nombreuses entreprises, la ‘plateformisation’ des équipes dispersées est devenue la « nouvelle normalité ». Le contexte global ainsi que les évolutions sociétales poussent nos sociétés tournées vers les services à rechercher un équilibre entre vie professionnelle et vie privée et des conditions de travail plus flexibles. Dans une étude mondiale de PwC sur les générations, il apparaît que de nombreux jeunes employés considèrent le travail comme une « chose » et non comme un « lieu ».
Habitués aux applications de visioconférences et massivement consommateurs d’écrans portables, la génération Z préfigure ce que l’ensemble de toutes les générations devront intégrer de manière globale dans les mois et années à venir. D’ailleurs, un croisement d’études comprenant des recherches prospectives effectuées par Forbes et PWC montrent ce que l’on peut déjà anticiper de manière sûre :
- D’ici à 2028, la plupart des secteurs compteront jusqu’à 73 % de leurs équipes dans leurs rangs de télétravailleurs.
- Selon les prévisions de Regus, d’ici 2030 l’économie américaine pourrait bénéficier d’un coup de pouce de 4 500 milliards de dollars grâce au travail flexible
- Aux États-Unis, 80 % des travailleurs déclarent qu’ils refuseraient un emploi si le travail flexible n’en faisait pas partie
- Dans un sondage réalisé auprès de 880 travailleurs du savoir basés aux États-Unis, 74 % ont déclaré qu’ils seraient prêts à quitter leur emploi pour travailler à distance
- D’ici 2030, la demande pour le télétravail augmentera de 30 % lorsque la Génération Z entrera pleinement dans la vie active
- 50 % des télétravailleurs prévoient d’être leur propre patron un jour
- 34 % des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête ont déclaré qu’elles accepteraient une baisse de salaire de 5 % pour travailler à distance
Ce que déclarent les néo-télétravailleurs : Épanouissement personnel et gain de productivité
Concernant les gains de productivité : avec moins de distractions sur le lieu de travail et des solutions de collaboration intégrée (plateformes), les employés déclarent être en mesure de mieux gérer leur charge de travail et de rester en contact avec leurs équipes. Si 85 % des entreprises affirment que la productivité a augmenté « en raison de la flexibilité accrue », une étude de l’université de Stanford a révélé que, dans le cadre d’une expérience, le télétravail avait conduit à une hausse de 13 % des performances individuelles. Alors que les employés de bureau passent en moyenne 66 minutes par jour à discuter de sujets non liés au travail (courtoisies de couloir et rituel de la machine à café), les télétravailleurs ne passent que 29 minutes par jour à faire de même avec leurs collègues.
Concernant le bien-être : C’est un fait, les télétravailleurs passent moins de temps à produire du CO2 dans les embouteillages, passent plus de temps en famille, et prennent moins de jours de maladie que leurs homologues basés au bureau.
- 75 % des employés à distance déclarent que le travail hors site a amélioré leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée
- 71 % des télétravailleurs disent être heureux dans leur emploi actuel, contre 55 % des employés sur site
- 36 % des retraités révèlent qu’ils auraient continué à travailler si on leur avait donné la possibilité de travailler à domicile ou à temps partiel
- 40 % des employés à distance indiquent qu’ils ne sont généralement « pas stressés » lors d’une journée de travail normale
- 57 % des employeurs déclarent que la flexibilité du télétravail a amélioré le moral et réduit le renouvellement du personnel
(Toutes les statistiques sont accessibles sur les sites d’Indeed, Owllabs et Globalworkplaceanalytics)
L’heure des nouvelles souffrances et le nouveau paradoxe : de la déconnection sociale par la connexion digitale
Une stratégie exclusivement basée sur le numérique ne contient-elle que des avantages ? Il en ressort une étonnante volte-face des mêmes télétravailleurs lorsqu’ils font face à une situation d’obligation : qu’elle soit réglementaire, contractuelle ou sanitaire, nous ne sommes visiblement pas tous logés ni préparés à la même enseigne ; entre solitude et fragilisation des liens d’appartenance au groupe.
Une enquête réalisée par Harris Interactive du 4 au 8 novembre 2020 pour le ministère français du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion auprès d’un échantillon de 2049 personnes majeures confirme que tous les actifs ne peuvent pas télétravailler à plein temps. Si de nouvelles règles se sont imposées aux employeurs lors des reconfinements successifs, il en ressort qu’outre les contraintes et les limites technologiques ne sont pas les seules barrières au distanciel.
- 39% des actifs en emploi déclarent que leur métier actuel ne peut pas être exercé en télétravail contre 36% qui disent pouvoir télétravailler sans difficulté.
- 25% peuvent faire du télétravail mais avec des difficultés
- 58% des salariés qui ont télétravaillé à 100% préféreraient venir sur leur lieu de travail au moins 1 jour par semaine.
- 4 salariés sur 10 qui ont télétravaillé lors de la semaine de l’étude se sentent isolés, 3 sur 10 déclarent mal vivre le télétravail au quotidien.
Une synthèse en forme d’avertissement pour nos dirigeants stratèges, car le télétravail est aussi une forme d’isolement qui provoque un ressentiment d’abandon. La force du collectif est un atout majeur pour toute structure dynamique car chacune des parties joue un rôle charnière dans un projet commun. Si les lunettes connectées en mode ‘whole office’ seront un avantage certain pour la plupart, elles représentent aussi un piège psychologique en cassant cette barrière cognitive qui effectue le discernement entre réalité et désir ; matérialité et imagination… Sans cet espace, les connectés deviendront des néo-déconnectés : ici et ailleurs, présent et absent : lunatiques et incohérents. La productivité individuelle quantifiée par le crédit de productivité sociétal risque d’avoir du plomb dans l’aile.
Si les prospective sur les espaces de ‘bureaux’ et les ex- ‘open space’ ne sont pas optimistes pour les professionnels du secteur, il est néanmoins fort probable que se développeront de nouvelles prestations d’espaces de réunion ou de co-working exclusivement dédiés aux entreprises dans l’esprit des ‘salons’. Espaces d’échanges et de partage aménagés pour rappeler que nul Homme n’est une île et encore moins une machine.
Les dirigeants stratèges auront été prévenus.
Bon courage à toutes et tous !
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