Cet été le quotidien économique Le Temps a publié une série d’interviews et d’analyses sur les CEO de Suisse romande. Venus d’Orient ou d’Occident, ils entrent soudainement dans les radars en cassant tous les codes existants. Fi des CEO cow-boys m’as-tu-vu, les nouveaux CEO de Suisse romande s’enferment dans une prison d’air, laissant les journalistes, les autorités locales et les cadres moyens ou supérieurs sur les bancs des indésirables. Les décisions sont prises maintenant dans un cercle confidentiel, hors des brouhahas. Sans être un mouvement de fond, cette rupture dans la sélection de directeurs généraux constitue un véritable changement d’état d’esprit des conseils d’administration.
Mais alors, quelles sont les conséquences pour les cadres et comment peuvent-ils s’en sortir ?
La fin des carrières monolithiques
La lente ascension des cadres dans une même structure, la création de réseaux internes, les jeux de pouvoir et les intrigues ont créé des baronnies qui nuisent à l’agilité et au développement des organisations. L’arrivée au sommet d’un nouveau patron, déconnecté des circuits locaux, met rapidement à mal cet establishment bien soudé. Bien entendu, on peut s’en réjouir : fini les passe-droits et les copinages, mais pour ceux qui voulaient se construire une carrière au sein de ces baronnies, il n’y a plus rien à espérer puisqu’à terme l’Élu sera nommé hors du sérail.
Cependant, tout n’est pas perdu.
Trois prescription pour discerner des opportunités
Les stratégies deviennent intelligibles
Auparavant, les nominations dépendaient le plus souvent de compromis où chaque cadre supérieur prenait le plus grand soin à ne pas marcher sur les plates-bandes des autres. Aux niveaux inférieurs des organisations, des palabres interminables autour des machines à café favorisaient les interprétations personnelles, bidouillées de rumeurs, de ragots et de phantasmes. Bonne nouvelle, maintenant tout est plus simple pour les cadres, il suffit de prendre une feuille de papier et d’écrire : “Compte tenu de la situation actuelle, de la visibilité de mon poste et de l’évolution des technologies ai-je une chance de survie avec l’arrivée du nouveau directeur général ? Oui ou non ?”. Tout devient simple, il n’y a plus qu’à bien comprendre sa valeur ajoutée et soigner ses prestations en interne afin d’éviter la politique de l’autruche.
Voir au-delà des murs
Apprendre le maximum de l’entreprise, évoluer, se former sont des éléments importants. Mais attention tout à une fin. Malheureusement. À cinquante ans les carrières atteignent leur asymptote. Si les réseaux internes suffisaient, aujourd’hui sa survie dépend de l’extérieur et ce n’est pas simple. Ses relations externes et leurs réseaux multiples doivent avoir été construits solidement pour être capable de regarder l’horizon sur les quinze prochaines années.
La stratégie du visible
Aujourd’hui, toutes les données sont disponibles devant nous : l’évolution des marchés, des technologies, des habitudes de consommation, de loisirs, des formes de travail… la liste ne sera jamais exhaustive. Des opportunités se créent pour ceux qui savent rester créatifs et attentifs à leur écosystème. Il faut alors garder ce qui est disponible pour l’intégrer habilement dans son entreprise actuelle. Les experts en nouvelles idées sont toujours très demandés.
L’œuf ou la poule ?
Ces réflexions font suite à l’article paru dans Le Temps du 30 août intitulé “L’outsider qui a remusclé Nestlé” dans lequel les journalistes Adria Budry et Rachel Richterich considèrent l’entreprise comme un géant endormi. Leurs commentaires sont pertinents, mais l’on doit se poser la question des cadres qui se sont laissés enfermer dans leur certitude, tel Merlin l’Enchanteur. Au vu des chamboulements actuels, les réveils vont être brutaux. Les conseils d’administration excédés du manque de réactivité de leurs cadres supérieurs peuvent attirer de plus en plus de directeurs généraux déconnectés de la vie locale. Qui a tort ? Le paradoxe de l’œuf ou de la poule va créer bien des chamboulements dont chacun en fera les frais : les salariés, la collectivité… Et les journalistes qui ne seront plus informés.