Comme le Panorama Monumental de l’Histoire de Adams nous le montre (image ci-dessus, Wikimedia communs), l’Histoire est une série infinie d’imbrications, événements et personnages. Bien que certains aient proclamé de temps en temps sa fin, il s’agit ici plutôt de prêter l’oreille au fin mot de l’Histoire, qui éclaircit les méandres d’un présent qui se veut trop souvent instantané et sans racines.
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Un blog qui souligne l’importance de l’Histoire ne peut pas faire comme s’il n’en avait aucune. C’est pour cela que dans cet article – Article 0 – j’ai pensé utile de donner quelques indices autour de ce qui fait partie de l’itinéraire de son auteur, en sus des éléments biographiques déjà fournis.
Ces dernières années, au fil de mes lectures, j’ai découvert quelques ouvrages qui servent de points cardinaux dans l’analyse de l’actualité. Je trouve qu’ils appréhendent l’époque que nous traversons dans ses débats structurels et existentiels, sans prétention d’avoir réponse à tout. Je vais en faire part afin de donner une idée des thèmes et approches qui se retrouveront dans ce blog.
En premier, il s’agit du livre d’essais du professeur Tony Judt, Retour sur le XXe siècle : Une histoire de la pensée contemporaine. Recueillant 24 essais de cet auteur prolifique, c’est un volume qui questionne la responsabilité des intellectuels face aux défis posés par la Cité et l’importance d’un langage vivant pour décrire les nouveaux tournants de notre société. De Arthur Koestler et Primo Levi aux défis rencontrés par l’Union Européenne, ces écrits semblent avoir été conçus la veille, alors que certains (les plus percutants) ont déjà 20 ans. Une brève énumération des problèmes « à venir » pour l’UE, écrite en 1997, se lit comme un catalogue de l’actualité : radicalisation islamiste des périphéries, pression migratoire aux frontières de l’union, l’Ukraine, crise des systèmes de retraite et une « économicisation » du langage vidant le politique de son sens.
Ensuite il y a le monumental volume de David Graeber, Dette : 5000 ans d’histoire. Ce n’est pas que le sujet du livre qui le rend indispensable pour chacun qui veut imaginer un autre avenir pour notre société, mais la rigueur de l’analyse et la richesse des exemples. S’il fallait choisir un seul message parmi les milliers du livre, ce serait celui-ci : la dette existe depuis bien avant l’invention de l’argent et constitue le principe de base de toute relation humaine. Acquitter ou liquider ses dettes intégralement équivaudrait à rompre tout lien entre les individus.
Sur ce principe cet ouvrage croise L’enquête sur les modes d’existence, de Bruno Latour. Œuvre magistrale qui parle des divers modes d’existence contemporains (la science, la loi, la politique, la religion etc. …), le livre souligne la réalité profonde des réseaux humains et des multiples et concordantes réalités qui ne sont pas séparées l’une de l’autre, malgré la prétention de la mentalité « moderne » au contraire. Ceci a un impact crucial sur la question de l’environnement, qui ne peut être vue comme séparée du reste de nos modes d’existence.
Enfin, il y a le livre de Pankaj Mishra, pas encore traduit en français, From the ruins of empire. Ça raconte une décolonisation et reconstruction violente de l’Asie, prise à la fin du 19ème siècle entre un désir d’affirmation économique et culturelle et le dépit envers les pouvoirs colonisateurs de l’Occident. L’ouvrage met en scène les penseurs qui ont fourni les bases des doctrines islamistes de nos jours, ainsi que les logiques de la Chine moderne.
On pourra être tenté de percevoir ces quatre auteurs comme les quatre « évangélistes » de ce blog. Ce n’est pas le cas. Ils tracent simplement les grands axes de l’actualité aux prises avec un langage qui, souvent, ne sait pas comment la raconter, avec le « retour du refoulé » d’une décolonisation mal gérée et avec une globalisation devenue phénomène totalitaire. Ce sont des exemples qui inspirent une émulation quant à l’approche des questions à traiter, à savoir une perspective de longue durée, prenant en compte des aspects politiques, sociaux, culturels et économiques de diverses situations. Tout en regardant d’où les choses viennent, ce blog se propose d’enquêter aussi où elles vont, se donnant, au passage, la mission de trouver diverses manières d’esquisser ce qui est encore à inventer.