Un nouveau trésor a été découvert dans nos forêts

La mousse des forêts, de la famille des Bryophytes, est une plante archaïque, une des premières à s’être développée sur la Terre. Elle des petites feuilles, mais pas de vraies racines ni de vaisseaux qui répartiraient l’eau dans la plante. Elle colonise souvent des roches nues et ouvre la voie aux végétaux.  Une nouvelle étude montre qu’elle est extrêmement utile.

Les chercheurs ont établi une carte des mousses présentes dans le monde, et comparé le fonctionnement des écosystèmes avec ou sans mousse. Les plantes profitent de la présence de ces minuscules voisins, car dans les sols couverts de mousse les nutriments sont plus présents, la décomposition de la matière organique se fait mieux. Le sol qui en est recouvert contient plus de nitrate, de phosphore et de magnésium, ce qui favorise la croissance des végétaux. Elles font circuler l’eau et contrôlent l’humidité du sol et le microclimat. Elles fixent aussi les poussières emportées par le vent.

Elles participent aussi au cycle de carbone. Les scientifiques estiment que les bryophytes présents surtout dans les forêts sont responsables du stockage de 6,45 Gt de carbone, six fois plus que les émissions annuelles de l’agriculture. C’est particulièrement notable dans les forêts boréales où abondent les mousses Sphagnum. Dans les déserts, règnent les Pottiacae (lien). Si nous perdions ces plantules, ce carbone serait émis du sol dans l’atmosphère et aggraverait le réchauffement climatique. Par contre, leur protection fixerait plus de carbone dans leur sol, comme cela devait être le cas sur la Terre du passé couverte de forêts, jonchées de vieilles souches moussues.

Une autre étude récente montre que la présence des bryophytes diminue les émissions de méthane des tourbières asséchées.  Celles-ci étaient considérées comme un grand risque pour le climat, mais il s’avère que les fossés couverts de mousse émettent très peu de méthane.   La présence de ces plantules favorise l’activité de bactéries méthanotrophes, qui vivent dans les mousses et consomment le méthane. Ces petits végétaux pourraient aussi secréter des composés chimiques qui limitent le développement des bactéries méthanogènes responsables de la production de ce gaz (lien). Leur présence réduit ce risque.

Les mousses survivent à un siècle de sécheresse et reprennent quand les conditions le permettent. Après une éruption volcanique, elles sont les pionnières du retour de la végétation. Les chercheurs travaillent sur la réintroduction des mousses pour régénérer des sols dégradés des villes,  mais je me demande si elles supportent la pollution chimique.

Elles semblent aussi limiter les microorganismes dangereux.  Le sol sous les bryophytes contient moins de pathogènes, ce qui est d’une grande utilité pour l’humanité. La diversité des mousses va de concert avec de nombreux effets chimiques et bactéricides sur le sol des forêts.

C’est un des innombrables maillons de la biosphère et nous prenons seulement conscience de son importance. La mousse retient le carbone dans le sol et provoque la croissance de bactéries bénéfiques.  Elle constitue une richesse écologique qu’il faut développer. Nous pouvons favoriser sa présence en augmentant la part de réserves naturelles ou en évitant la pollution.  La nature est composée de très nombreuses interactions, que nous n’appréhendons pas totalement et que nous devons sauvegarder. Cette semaine j’ai vu un autre exemple, les virus des bactéries du sol qui en influencent la prolifération et qui semblent influencés par le climat (lien). Ces bactéries elles-mêmes sont encore peu connues et c’est un nouveau niveau de complexité que nous découvrons maintenant.  Respectons et protégeons la nature telle qu’elle est car nous ne la maîtrisons pas.

 

 

Dorota Retelska

Dorota Retelska, décrypte les nouvelles du climat. Docteure ès Sciences de l’UNIL, auteure d’Antarctique-Ouest dans le Vide, elle alerte sur les dangers du climat depuis plusieurs années. Elle est active dans plusieurs organisations de défense du climat, entre autres l’Association Climat Genève, Greenpeace, TACA, et le Collectif Climat 2020.

6 réponses à “Un nouveau trésor a été découvert dans nos forêts

    1. J’ai déjà entendu cette théorie. Il me semble que le contraire s’est produit, le grand public a ignoré le réchauffement climatique pendant des décennies et encore maintenant il y a beaucoup de commentaires négationnistes.

  1. Un article tel que celui-ci montre une nouvelle fois tout ce que le “Temps” (comme ses lecteurs) va perdre en fermant son espace blog! Plus que dommage!

    1. Je plussoie ardemment ! Une grosse perte pour tous que de fermer ces blogs pour la plupart très intéressants !

  2. Bonjour, chouette article sur ces organismes peu connus et souvent confondus avec les lichens, eux également méconnus. Juste un petit bémol: les bryophytes ne sont pas “ archaïques”, ni primitifs, mais très anciens. Ils ont quelque 400 millions d’années d’évolution derrière eux et sont parfaitement adaptés à leur environnement. On pourrait d’ailleurs leur envier certaines de ces adaptations.
    Ils sont, comme les lichens, sensibles à la pollution de l’air et peuvent, même si c’est dans une moindre mesure, être utilisés comme bioindicateurs.
    Meilleures salutations

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