Les institutions doivent maintenant œuvrer à l’après-crise

Le Conseil fédéral a géré la pandémie actuelle par ordonnance, comme la loi le lui permet. A l’approche d’un début de déconfinement, il est souhaitable que le Parlement reprenne son rôle et que les autorités planchent de concert sur l’avenir. Cela vaut aussi pour l’échelon cantonal.

La «situation extraordinaire», telle que décrite par l’article 7 de la loi sur les épidémies, a conduit le Conseil fédéral à gérer seul la crise du Covid-19. Ces pouvoirs d’exception lui ont permis d’«ordonner les mesures nécessaires pour tout ou partie du pays». Il a plutôt bien assumé son rôle, même si on est loin d’un sans-faute. L’heure d’un déconfinement progressif étant venue, il est temps que les Chambres fédérales reviennent aux affaires, elles qui ont interrompu leur session de printemps à la mi-mars. La démocratie l’exige, et cela permettra aux institutions de réfléchir davantage sur le long terme.

Les parlementaires en ressentent la nécessité. Les bureaux des deux Conseils ont d’ailleurs décidé que les Chambres tiendront une session extraordinaire d’une semaine consacrée au seul coronavirus, dès le 4 mai à Bernexpo, la pandémie ne leur permettant pas de siéger en toute sécurité au Palais fédéral. Comme les sept Sages, le Parlement peut édicter des ordonnances dites de nécessité pour contrebalancer les décisions de l’exécutif. La Commission de l’économie et des redevances du Conseil national s’est déjà manifestée le 15 avril dernier en invitant ce dernier à présenter «rapidement une stratégie visant à mettre fin prochainement au blocage de l’économie.» Pas plus tard qu’hier, son homologue des États a prié le gouvernement de modifier les bases légales de telle sorte que les exploitants d’entreprises fermées par le Conseil fédéral au-delà du 27 avril (en particulier dans la restauration) puissent bénéficier d’une exonération de remboursement du crédit Covid-19 à hauteur de trois loyers mensuels au plus, pour les cas de rigueur.

Des scénarios pour l’avenir

Si la fin de la crise reste encore difficile à entrevoir, les autorités fédérales ont le devoir de proposer des scénarios pour l’avenir. L’être humain, tout comme le monde de l’économie, a horreur de l’incertitude. Aux mesures conjoncturelles prises ces dernières semaines doivent désormais s’ajouter des instruments de politique structurelle, tant il est vrai que le contexte économique sera différent désormais. Bien sûr, la violence et la soudaineté de cette pandémie impliquent une réflexion profonde avant d’aller de l’avant. Cette responsabilité, les institutions ont le devoir de l’endosser en recherchant les meilleures options pour passer ce cap périlleux. Dans ce nouveau monde qui se dessine, le maintien de bonnes conditions-cadres restera indispensable. Point positif, les élections fédérales sont derrière nous. On peut dès lors espérer que les apôtres du consensus l’emporteront sur les apprentis-sorciers et les démagogues.

Un devoir similaire incombe évidemment aux autorités cantonales. Le Conseil d’État vaudois a pris seul en main la gestion de la crise en mars dernier, mais comme à l’échelon fédéral, le Grand Conseil entend aujourd’hui retrouver ses prérogatives. Le parlement entend tenir une séance le 12 mai prochain dans une salle à Yverdon-les-Bains, qui permettra de respecter les directives d’éloignement. Là aussi, le législatif pourra compléter les décisions fédérales et infléchir, voire corriger celles, souvent timides, décrétées par le Château. On songe par exemple aux mesures trop modestes prises en faveur des start-up et des scale-up, ou encore des indépendants et des patrons d’entreprises.

Le contexte n’est cependant guère favorable. Les communales de 2021 et les cantonales de 2022 pourraient pousser nombre d’élus à une surenchère électoraliste parfaitement malvenue: que ce soit la décroissance à tout va, l’étatisme à tous crins ou encore la distribution d’argent tous azimuts. Cette parenthèse artificielle, liée à la pandémie, ne doit pas nous faire perdre de vue que notre société a besoin d’une économie forte pour prospérer et innover dans la durabilité. Celle-là même qui a permis aux autorités de disposer de sommes considérables pour atténuer les effets de cette crise sans précédent. Il faudra s’en souvenir au moment de prendre les bonnes décisions.

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Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

4 réponses à “Les institutions doivent maintenant œuvrer à l’après-crise

  1. Une économie forte pour prospérer et innover dans la durabilité, oui évidemment, mais durable signifie aussi le respect de notre environnement. Les plus jeunes managers ont acquis l’éthique dans leur formation, maintenant il va falloir faire de la formation continue orientée sur la préservation afin de réparer notre biosphère. Très beau challenge pour le XXIe siècle.

  2. Vous affirmez que « Les parlementaires en ressentent la nécessité ».
    La nécessité de continuer à mentir au peuple en bande organisée ?

    Je reprends « Les bureaux des deux Conseils ont d’ailleurs décidé que les Chambres tiendront une session extraordinaire d’une semaine le 4 mai à Bernexpo, la pandémie ne leur permettant pas de siéger en toute sécurité au Palais fédéral »
    Une semaine pour comme l’UDC et le PLR nous demander de « siéger » à notre boulot et de prendre des risques qu’ils ne prendraient pas eux-mêmes à cette date ?
    Comment jugez-vous ceci ?
    N’est-ce pas clairement une « mise en danger de la vie d’autrui » de la part de l’ensemble de ces politiciens puisqu’ils ne s’applique pas à eux-mêmes ce risque?

    Vous parlez du Parlement Vaudois qui tiendra une séance le 12 mai prochain dans une salle à Yverdon-les-Bains, et se prémunira pour respecter les directives d’éloignement !!!
    Ils ont pensé aux coiffeurs, à tous les ouvriers des chantiers, et à tous les travailleurs qui eux à cette date auront déjà pris 15 jours de risques car ils n’arriveront pas à respecter les directives d’éloignement ?
    Donc le parlement Vaudois se moque du travailleur pour les forcer à ne pas respecter ces directives d’éloignement puisqu’ils les forcent à bosser ou je comprends mal ?
    Vous écrivez encore que : « notre société a besoin d’une économie forte pour prospérer et innover dans la durabilité. Celle-là même qui a permis aux autorités de disposer de sommes considérables pour atténuer les effets de cette crise sans précédent. »
    Vous devriez corriger le « a permis aux autorités » en « aurait dû permettre aux autorités» car ils ne prennent pas encore la mesure de ce qu’il faut faire pour un très grand nombre de métiers et d’indépendants !

    1. Je crois sain pour la démocratie que les parlements reprennent leur place après cette première phase de crise. Cela leur permettra de compléter l’arsenal des mesures prises pour soutenir l’économie et de réfléchir avec les exécutifs à l’avenir.

      Les parlementaires prennent leurs responsabilités en siégeant dans des lieux où les contraintes sanitaires pourront être respectées.

      Pour le reste, et même s’il existera, hélas, toujours quelques mauvais élèves, soyez certain que les chefs d’entreprise veilleront au respect des consignes édictées par l’OFSP. Aucun d’entre eux, pas plus que leurs employés, n’a intérêt à ce que le virus se répande dans leur entreprise.

  3. A votre liste : une surenchère électoraliste parfaitement malvenue: que ce soit la décroissance à tout va, l’étatisme à tous crins ou encore la distribution d’argent tous azimuts il conviendarit d’ajouter : La dérégulation à tout va et une nouvelle réduction de l’imposition du bénéfices des entreprises, non ?

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