Les entreprises, actrices incontournables des défis à venir

Votation après votation, un fossé se creuse entre la population et le monde économique. Notre prospérité et notre qualité de vie ne dépendent pas moins des engagements des différents acteurs de ce secteur, dont nous sommes tous partie prenante.

Rédiger un dernier blog, en tant que directrice de la CVCI, suscite en moi un choix thématique cruel. L’économie est devenue le parent pauvre de l’information. Dans un monde de surinformation rapide, la complexité des sujets économiques rebute les plateformes et les réseaux sociaux où le plus court est le plus efficace. Mais plus efficace pour qui? Pour quoi? Dans tous les cas pas pour la compréhension du monde dans lequel nous vivons. Nous oublions trop facilement que nous sommes tous partie prenante de l’économie, nous la faisons même tous en tant que consommateur ou collaborateur.

La simplification conduit à vouloir placer les événements, les personnes dans des cases blanches ou noires, avec ses bons et ses méchants. Ainsi un entrepreneur est admiré pour son courage, son innovation, alors que le patron l’est moins. Il s’agit pourtant de la même personne. La liste de tels exemples est longue. Votation après votation, les analyses montrent qu’un certain fossé se creuse entre la population et l’économie.

Comment comprendre que la population de Vevey vote sur les sujets qui touchent Nestlé – son principal employeur et contribuable – de manière systématique à l’opposé des intérêts de l’entreprise? Mais alors, lorsqu’il s’agit de chercher de l’argent pour une association, un club sportif, le premier réflexe consiste à se tourner vers l’entreprise en question. Notre prospérité, notre qualité de vie sont le résultat des engagements de tous les acteurs de l’économie, petits et grands.

Notre prospérité n’est pas acquise

Et pourtant, même si le Canton est né sous une belle étoile, cette prospérité n’était pas acquise et ne l’est toujours pas. Petit rappel, à la fin de la crise des années 1990, à un moment où les taux hypothécaires avaient atteint les 6%, où le taux de chômage dépassait les 7% et celui des logements vacants se situait à près de 3%, nous étions fiers et heureux de voir arriver des multinationales dans notre canton. Elles nous ont permis de nous relever, d’assainir nos finances, de recommencer à investir. Dans le même temps, le développement de l’EPFL a instillé une incroyable dynamique pour la création d’entreprises, permettant à ces dernières de truster pendant des années le podium des start-up de Suisse. Grâce à la globalisation, nos PME ont pu développer leurs affaires sur le monde. Le marché intérieur a été ainsi alimenté par les bonnes performances de tous ces acteurs.

Cette renaissance économique nous a donné l’opportunité, grâce à la diversité de notre tissu, de faire face à toutes les crises vécues ces vingt dernières années, en ayant même la chance de connaître un accroissement du PIB supérieur à la moyenne suisse. Le fameux «miracle vaudois», comme nous l’avons intitulé dans une étude récente.

Mais ce miracle a engendré une sorte de «Schadenfreude» dans une partie de la population qui explique peut-être ces réflexes anti-économiques. Elle se manifeste par le rejet des multi, l’appel à la décroissance, l’impression que l’économie profite de tout et j’en passe. La pandémie a cependant rappelé quelques réalités, la fermeture de certains secteurs a fait prendre conscience de ce que pouvait signifier la décroissance. C’est l’occasion de rappeler que, pour l’économie, la croissance n’est pas le «toujours plus», mais le «toujours mieux». Et nous en aurons besoin, de «ce toujours mieux», pour affronter le défi climatique, que ce soit par la recherche et l’innovation.

Nous sommes à l’aube de changements géopolitiques profonds qui auront, à n’en pas douter, des conséquences aussi sur notre canton et son développement. Pour y faire face, il est bon de rappeler que les entreprises restent des acteurs incontournables pour trouver des solutions. Il nous appartient de l’expliquer encore et encore.

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Quand réformer est une nécessité

Dans un monde complexe et globalisé, soumis à des tensions géopolitiques et commerciales majeures, la Suisse saura-t-elle se montrer agile, politiquement et économiquement? Pour éviter d’entraver le dynamisme et l’attractivité de notre place industrielle et financière, certaines réformes attendues, telles celle de l’impôt anticipé ou encore la mise en œuvre de l’imposition minimale de l’OCDE, s’annoncent très importantes pour les entreprises. Particulièrement techniques, ces objets méritent que les citoyens en soient informés au plus tôt afin d’en cerner les enjeux.

Si les milieux économiques, les Chambres fédérales, les cantons, mais aussi les partis de droite et du centre soutiennent le projet de réforme de l’impôt anticipé, ce n’est pas avec légèreté. Ce projet fiscal, contre lequel le Parti socialiste a lancé un référendum, répond à des objectifs et problèmes très concrets. Le constat actuel? Non seulement l’impôt anticipé sur les intérêts entrave le financement des entreprises, mais il a pour effet de déplacer les activités concernées à l’étranger. Cela n’a rien d’une vue de l’esprit : le marché national des capitaux pour les emprunts est clairement sous-développé en Suisse.

L’objectif de la réforme souhaitée par le Conseil fédéral réside donc dans la suppression de cet impôt « sur les revenus d’intérêts de source suisse » (avec une exception pour les intérêts sur les avoirs auprès des banques). Sans entrer dans les détails, il s’agit fondamentalement de favoriser le rapatriement en Suisse des activités de financement, de groupes d’entreprises notamment. Du point de vue des conséquences financières – une baisse de recettes évaluée à 200 millions de francs par an par le Conseil fédéral -, la réforme est supportable et bien pensée. Encore plus si l’on adopte une vision plus large en considérant également les gains en matière de création de valeur et d’emploi. Ces derniers seraient d’ailleurs d’autant plus importants si les taux d’intérêt venaient à augmenter.

Le Conseil fédéral estime que les pertes de recettes de la Confédération seront compensées après cinq ans déjà, alors que les cantons et les communes pourront compter sur des recettes supplémentaires dans un délai encore plus court. Imaginez l’effet attendu sur les collectivités publiques : comme les taux d’intérêt des emprunts offerts seront plus bas, elles pourront se financer à moindre coût, et la réforme pourrait même s’autofinancer dès son entrée en vigueur. Selon les estimations de l’Administration fédérale des finances, la Confédération, les cantons et les communes verront ainsi leurs charges diminuer de 65 à 200 millions de francs par an.

Une vision profitable à tous

En septembre, tout un chacun sera invité à se positionner face au référendum. Il s’agira de le rejeter, parce que la réforme proposée bénéficiera à toute la société, par les activités et recettes supplémentaires attendues. Bien sûr, les entreprises internationales et la place financière y gagneront, mais toute l’économie profitera finalement d’un marché des capitaux plus développé, qui offrira de meilleures possibilités de financement et de placement.

Nous pouvons nous réjouir des bons résultats de la politique fiscale suisse ces dernières années, les réformes de l’imposition des entreprises ayant fait croître les recettes, cela au profit de tous. Dans le Canton de Vaud, le total des impôts des personnes morales (capital et bénéfice) a encore augmenté après l’introduction de la RFFA, atteignant en 2020 le montant remarquable de 776,7 millions de francs. Pour faire face aux enjeux à venir, y compris du point de vue de la compétitivité de nos entreprises, sachons une fois encore évoluer. La réforme de l’impôt anticipé élimine en fait un défaut de notre système fiscal, pour que notre pays rapatrie des activités, des emplois et des recettes fiscales. Permettre aux entreprises de payer leurs impôts en Suisse, d’innover, de performer et d’afficher une santé financière qui se reflète dans la société exige cette clairvoyance.

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L’imposition ne fait pas mal qu’aux « riches »!

Analyser l’imposition et s’interroger sur ce qui peut justifier qu’un Vaudois paie bien plus qu’un Zurichois, visiblement, ça fâche des candidats au Conseil d’Etat. Il vaudrait pourtant mieux regarder cette réalité en face si l’on a l’ambition de maintenir la prospérité du canton. S’assurer des conditions-cadres à la hauteur de celles de nos voisins semble un objectif aussi raisonnable qu’essentiel.

Les études comparatives le soulignent depuis des années : il est erroné de croire que seule la classe moyenne supérieure paie davantage d’impôts dans le canton de Vaud, sur le revenu comme sur la fortune. Au niveau Suisse, si l’on consulte les chiffres officiels pour 2019, la classe moyenne était constituée, pour les personnes seules, de celles et ceux qui gagnaient entre 3’937 fr. et 8’436 fr. (revenu brut par mois). Et pour les couples ayant deux enfants, des ménages qui gagnaient entre 8’268 fr. et 17’716 fr. La fourchette est donc plutôt large. On constate pourtant, qu’en comparaison intercantonale, le canton de Vaud taxe également davantage la classe moyenne dite « inférieure ».

Vous connaissez un couple marié ayant 2 enfants et gagnant au total 80’000 fr. ? Lui aussi est taxé davantage qu’en Valais, à Genève et à Zurich par exemple. Peut-on vraiment le qualifier d’aisé ? Il en est de même pour un couple gagnant 150’000 fr. d’ailleurs. La classe moyenne d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, et c’est aussi celle qui bénéficie le moins des prestations sociales. Un jeune couple qui a deux enfants et gagne « bien » sa vie paie tout sans être aidé (frais de crèche, prise en charge parascolaire, assurance maladie…). Est-il finalement aujourd’hui si privilégié ?

Selon les derniers chiffres publiés par Statistique Vaud, la progression réelle des salaires (soit avec déduction de l’IPC) atteint 6,2% en dix ans dans le canton, avec un élargissement de la classe moyenne, puisque 70% des actifs bénéficient d’un revenu compris entre 70% et 150% du revenu médian. L’Office fédéral de la statistique définit en effet ainsi la classe moyenne en Suisse : « toutes les personnes vivant dans un ménage qui dispose d’un revenu brut équivalent compris entre 70% et 150% du revenu brut équivalent médian ».

Si le barème d’imposition vaudois n’a pas changé depuis 1987, le salaire médian, lui, a bien sûr évolué. Il est passé de 5087 fr. en 1998 à 6’490 fr. en 2020, alors que la courbe d’évolution de la taxation est restée la même. Sa progressivité n’est plus adaptée aux réalités des charges des contribuables décrites ci-dessus, et c’est bien pour favoriser le pouvoir d’achat de l’ensemble de la classe moyenne qu’une réforme s’impose. Par le simple fait de la progressivité du barème, le salaire médian se situe aujourd’hui dans une tranche d’imposition qui lui fait subir 4% de prélèvement de plus qu’il y a dix ans.

Pour financer les prestations de l’Etat, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie mesure parfaitement combien les contribuables – personnes physiques et morales – lui sont précieux. Dans un contexte complexe, qui promet de réduire notre attractivité dans les années qui viennent, conserver sur sol vaudois celles et ceux qui permettent au Canton de fonctionner serait faire preuve de bon sens. Refuser de considérer qu’un barème en place depuis 1987 ne correspond plus à la réalité, tout comme sa progressivité, reviendrait en revanche à faire l’autruche. Notre canton aurait tout à gagner à rapprocher son niveau d’imposition de la moyenne suisse, et à garder ainsi ses contribuables pour financer ses prestations.

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Les salaires reflètent la santé économique du Canton

Le salaire médian vaudois a crû de 3,5% depuis 2018. Autre bonne nouvelle: l’écart salarial entre hommes et femmes se réduit. Ces faits illustrent la résilience de l’économie du Canton. Ces progressions ne doivent pourtant pas être anéanties par une fiscalité trop élevée.  

Le salaire médian – 50% de la population gagne moins et 50% gagne plus – s’est élevé à près de 6500 francs en 2020 dans le Canton. Même si les Vaudois restent tendanciellement moins rémunérés qu’en Suisse (6665 francs), la progression reste réjouissante puisqu’elle se monte à 3,5% depuis 2018. La croissance réelle des salaires, soit supérieure à l’indice des prix à la consommation, atteint même 6,2% en dix ans, avec un élargissement de la classe moyenne et une proportion de bas salaires en baisse. Ce sont là quelques-unes des données saillantes communiquées lundi par Statistique Vaud. «L’ensemble des résultats dépend également de l’évolution du tissu économique sous-jacent qui présente de fortes disparités, à l’image de l’industrie pharmaceutique dont le revenu médian est de 42% supérieur à la moyenne cantonale», note l’organisme. 

Statistique Vaud observe donc que la classe moyenne s’est élargie. Ils sont désormais 70%, soit 2% de plus qu’en 2010, à bénéficier d’un revenu compris entre 70% et 150% du revenu médian. Sans surprise, l’industrie pharmaceutique (+42%) et les activités liées à la recherche et au développement (+36%) offrent les salaires les plus avantageux. A l’autre bout, les services personnels (-40%), l’hébergement (-32%) et le commerce de détail (-26%) figurent parmi les branches les moins rémunératrices. Pour autant, les bas salaires, à savoir ceux dont le revenu est inférieur aux deux tiers du revenu médian, soit 4325 francs, ont légèrement diminué en dix ans, leur part passant de 12% à 10%. Une preuve supplémentaire que l’arrivée des multinationales a enrichi le Canton et les salariés. 

L’égalité salariale en chemin 

Au chapitre de l’égalité salariale, il reste encore du chemin à parcourir, mais les chiffres montrent toutefois des perspectives plutôt positives: l’écart de rémunération entre hommes et femmes est en baisse par rapport à 2010 (14%) dans le secteur privé. Si le salaire médian des femmes reste toutefois de 9% inférieur à celui de leurs congénères masculins, la fourchette se réduit tendanciellement. 

L’une dans l’autre, ces données illustrent la résilience des entreprises du Canton face aux crises, comme le montre notre étude «De la crise des subprimes à celle du Covid, le miracle vaudois», qui a permis une amélioration des salaires supérieure au PIB. Mais attention: il faut veiller à ce que cette progression réjouissante des rétributions de la classe moyenne ne soit pas réduite à néant par une fiscalité qui demeure trop lourde et par des prélèvements de toute sorte. Il est par ailleurs permis de se féliciter de l’évolution des salaires des femmes. J’appelle de mes vœux que cette progression s’accentue à travers une présence féminine plus marquée dans des professions à plus hauts revenus. 

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La fiscalité vaudoise à la croisée des chemins

La septième édition de l’étude fiscale comparative publiée par la CVCI rappelle que l’imposition dans le canton de Vaud reste l’une des plus élevées du pays. Cette réalité impose de revoir la taxation des personnes physiques et d’améliorer notre attractivité. 

Les années et les crises se succèdent, et une réalité demeure: le canton de Vaud reste, en comparaison intercantonale, celui qui impose le plus lourdement les personnes physiques. Après la pandémie liée au Covid, la guerre en Ukraine plonge aujourd’hui le tissu économique dans l’incertitude. Ce contexte instable commande de donner davantage de marge de manœuvre aux entrepreneurs qui investissent dans leur outil de travail et créent des places de travail. La classe moyenne, pour sa part, a grand besoin de voir son pouvoir d’achat revu à la hausse après des années de sacrifices passées à renflouer les caisses de l’Etat. Forte de ces constats, la CVCI publie la septième édition de son étude fiscale comparative, à travers laquelle elle enjoint le gouvernement à réformer la fiscalité des personnes physiques et à améliorer l’attractivité du Canton.  

Notre publication le confirme: Vaud demeure dans le trio de tête des cantons imposant le plus lourdement les contribuables. Pour ces derniers, aucune évolution significative n’a été observée sur ce point depuis plus de vingt ans. A cela s’ajoute l’explosion de taxes diverses destinées à financer les projets étatiques. Pour les Vaudoises et les Vaudois, la pilule est amère. Une révision de l’imposition sur le revenu et sur la fortune apporterait une bouffée d’oxygène bienvenue à la population, en particulier à la classe moyenne. Une baisse fiscale contribuerait en outre à éviter des départs de contribuables et des délocalisations d’entreprises. 

Finances enviables 

L’état des finances vaudoises est enviable, car le Canton dégage des bénéfices depuis dix ans: on approche ainsi des 6 milliards cumulés. Par ailleurs, sur ces quinze dernières années, le PIB vaudois a crû davantage que le PIB moyen de la Suisse, pendant que les revenus fiscaux augmentaient de 69% sur la période allant de 2005 à 2020. Il est grand temps que les assujettis soient récompensés de leurs efforts répétés, tout comme les entrepreneurs qui ne ménagent pas leurs efforts pour surmonter crise après crise. 

En matière de fiscalité des entreprises, justement, le canton de Vaud a joué un rôle moteur dans les réformes fédérales avec la RIE III et la RFFA. Ces dernières ont permis de stimuler l’attractivité de notre tissu économique. Mais rien ne semble décidément acquis, car l’OCDE a décidé, à fin 2021, de mettre en application un taux d’imposition minimal de 15% sur les bénéfices des grandes multinationales. Cette décision va obliger notre pays à faire preuve d’agilité. Le maintien de notre compétitivité dépendra de notre capacité à accompagner les entreprises dans ce contexte nouveau. Le taux d’impôt sur le bénéfice va à l’évidence perdre en importance en tant que facteur de différenciation pour déterminer la localisation de nouvelles activités. Il s’agira désormais de faire la différence sur nos concurrents à travers des conditions-cadres renforcées. Pour nos édiles, l’heure est aussi venue d’innover. 

 Photo: CVCI

Familles précarisées: des données lacunaires

Le dispositif PC familles instauré par le Canton il y a dix ans réduirait la précarité des ménages et le recours à l’aide sociale. Les chiffres fournis ne permettent pourtant pas de se faire une idée précise de la situation sur le terrain. C’est regrettable.

Le Conseil d’Etat s’est félicité dernièrement par voie de communiqué que «les prestations complémentaires cantonales pour familles (PC Familles) sont efficaces et ont un impact positif sur le quotidien des ménages concernés». Instauré en 2011 à l’initiative du Canton, ce dispositif aurait permis à de nombreuses familles d’augmenter leur taux d’activité et ainsi leur autonomie financière: 36% des familles sont sorties de tout régime d’aide. En dix ans, un peu plus de 14’000 familles ont bénéficié de ce soutien. Le financement est réparti entre les employeurs, les employés, les communes et l’Etat de Vaud.

Les conclusions de l’évaluation externe menée par deux bureaux de recherche constituent certes une bonne nouvelle, dans la mesure où ces aides permettent à un certain nombre de bénéficiaires de sortir de la spirale de l’aide sociale. Ce bilan quasi dithyrambique souffre toutefois d’un sérieux bémol: les chiffres fournis, lacunaires, ne permettent pas de se faire une vision claire de la situation. Les auteurs du rapport n’ont pas pu répondre aux questions soulevées à ce propos par la CVCI, car il manque des données, ce qui est problématique.

Chiffres peu lisibles

Si le rapport est très complet en ce qui concerne l’évaluation qualitative du régime (soutien aux familles, procédures administratives, coaching, etc.) et sur les coûts, les données sur les raisons de sortie du système PF familles sont peu lisibles. Le chiffre de 36% de sortie n’est pas contesté, mais quelles réalités recouvre-t-il? S’agit-il d’une sortie débouchant sur une réelle indépendance financière, d’une fin du droit aux prestations en raison de l’âge des enfants, ou encore de déménagements hors du Canton? Nul ne peut le savoir.

Par ailleurs, l’augmentation des revenus et du taux d’activité (effet incitatif) doit être à mes yeux relativisée, car il ne ressort pas clairement des chiffres présentés que cette progression en faveur des familles bénéficiaires soit supérieure à celles des familles en général. Autrement dit, faute de données plus précises, il paraît difficile de conclure que l’objectif d’augmentation de l’autonomie financière des familles transitant par les PC familles est atteint.

La question des coûts se pose également: le budget a explosé en dix ans, bien davantage que ce qui avait été avancé lors du lancement du projet. L’augmentation des charges étant reportée sur les employeurs et les employés, il me paraît donc normal que ce rapport montre précisément que cet argent est bien utilisé.

Cette assurance sociale nous a été présentée il y a dix ans comme devant permettre aux gens précarisés et aux accidentés de la vie de se remettre au travail. C’est louable, mais il reste que la communication du Canton ne permet pas de se faire une idée précise de la réussite du projet. Et c’est regrettable.

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Le télétravail transfrontalier n’est pas sans obstacles

Le home office, dopé par la pandémie, concerne également les travailleurs frontaliers avec, à la clé, des conséquences sociales et fiscales importantes pour les partenaires sociaux. La fin du « régime d’exception» approchant, de nombreuses difficultés surgissent.

Le bout du tunnel pandémique se profile à en croire les experts. Ce retour à une certaine normalité, sous réserve d’un soubresaut du capricieux Covid, va produire un certain nombre d’effets sur le télétravail, en particulier pour ce qui concerne celui des frontaliers. Le canton de Vaud, qui en occupe plus de 34’000, vivra prochainement la fin du «régime d’exception» qui a prévalu dès les débuts de la crise sanitaire. Pendant cette situation exceptionnelle, la Suisse et ses voisins européens étaient convenus de suspendre l’application de certaines règles. Ainsi, les frontaliers qui travaillaient à distance restaient assujettis au régime suisse de sécurité sociale. En ce qui concerne la France, ce régime est en vigueur jusqu’au 31 mars 2022 (pour l’Allemagne, l’Autriche et le Liechtenstein, jusqu’au 30 juin 2022).

Après cette échéance, la législation ordinaire s’appliquera de nouveau, tant au niveau social et fiscal, ce qui ne va pas manquer de soulever de nombreux problèmes juridiques. En fonction de la part d’activité exercée en télétravail par les employés concernés, ce retour à la normale pourra entraîner un changement d’assujettissement au régime de sécurité sociale, ainsi que du régime d’imposition. C’est pourquoi les organisations économiques romandes, dont la CVCI, ont élaboré un «Guide télétravail transfrontalier» pour y voir plus clair.

Dans «24 heures» de ce lundi, Marco Taddei, responsable romand de l’Union patronale suisse, expliquait que dès le 1er avril, les frontaliers français «seront imposés en France sur le pourcentage de travail effectué à leur domicile, dès la première heure de home office en ce qui concerne les cantons de Fribourg et Genève, qui ne font pas partie d’un accord international avec la France, et au-delà de 20% de télétravail pour les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura.»

Loin d’être une simple formalité

On le voit, le home office des frontaliers n’est pas une simple formalité. Le guide précité mentionne les risques encourus par les employeurs à ce propos et contient des recommandations à leur égard dans les cinq domaines suivants: assujettissement aux assurances sociales, aspects fiscaux, tribunal territorialement compétent, droit applicable et protection des données. Il leur est notamment conseillé de limiter le télétravail à la hauteur de 20% de la charge de travail, et d’en fixer les conditions par écrit, par exemple en concluant une convention avec les employés concernés.

Cette situation déjà complexe se double d’un embrouillamini juridique: en cas de télétravail d’un frontalier français à la fin du «régime d’exception», la France pourrait contraindre l’employeur suisse à nommer un représentant en France pour la perception de l’impôt à la source sur le jour de télétravail. Cette nomination est soumise à autorisation des autorités fédérales et, à défaut, tombe sous le coup de l’article 271 du Code pénal suisse, qui réprime les actes exécutés sans droit pour un État étranger. La France, pour le coup, a œuvré sans se soucier de la compatibilité de sa décision avec la législation suisse.

Il est vrai qu’en rompant l’accord-cadre et en portant son choix sur un autre avion de combat que le Rafale, la Suisse a pu fâcher son grand voisin d’outre-Jura…

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La résilience de notre économie n’est pas acquise

Les trois faîtières de l’économie suisse lancent un appel en faveur d’«une cure de revitalisation» de notre pays. Leur constat est clair: la reprise actuelle ne fait pas oublier que les conditions-cadres en place ne sont pas à la hauteur des nombreux défis post-Covid qui pointent à l’horizon.

Les chiffres actuels en attestent: l’économie suisse demeure plus que jamais résiliente, y compris et surtout dans le canton de Vaud. Pas plus tard qu’hier, la Commission Conjoncture vaudoise a mis en exergue le «redémarrage de l’activité, soutenue par un affermissement de la demande étrangère et de la consommation intérieure». Les entrepreneurs du Canton font toutefois preuve d’un optimisme mesuré en ce qui concerne l’évolution à venir, estimant que les incertitudes restent nombreuses et que les perspectives de croissance doivent être considérées avec précaution.

Ces inquiétudes, economiesuisse, l’Union patronale suisse et l’Union suisse des arts et métiers les partagent. Les trois faîtières de l’économie ont d’ailleurs adopté la semaine dernière un agenda de politique économique commun, qui vise l’après-crise sanitaire. Pour elles, «la reprise actuelle ne doit pas faire oublier que le cadre de la politique économique en place n’est pas à la hauteur pour affronter la période post-Covid. Elles estiment que la capacité d’adaptation de l’économie suisse est compromise.» A la lumière de l’évolution actuelle, il est clair que la résilience de notre économie n’est pas acquise.

Les entreprises font partie de la solution

L’un des aspects problématiques a trait au fait que les autorités se focalisent sur la durabilité environnementale, à l’image du canton de Vaud et de son Plan climat. La durabilité passe aussi par une économie dynamique, qui assure la cohésion sociale. Les entreprises font partie de la solution puisqu’elles disposent d’outils pour diminuer leur consommation d’énergies fossiles via des conventions d’objectifs, s’équipent de panneaux solaires et développent des technologies innovantes permettant de réduire leur empreinte carbone et celle des consommateurs. La protection climatique reste une préoccupation majeure, mais elle ne doit pas constituer un frein au développement des entreprises. Il faut ainsi veiller à garantir des conditions-cadres favorables à l’innovation et à la recherche. Car oui, la transition énergétique et la numérisation constituent des opportunités pour l’économie.

Le monde se complexifie et les défis s’annoncent gigantesques, également en ce qui concerne les relations internationales. Au rang de nos priorités politiques figurent le rétablissement de bonnes relations avec l’Union européenne, qui reste notre marché principal, et la prise en compte des incidences de l’application d’un taux d’imposition minimum de 15% aux entreprises multinationales, à compter de 2023. Il est grand temps de penser «out of the box», c’est-à-dire de sortir des schémas habituels. Les réflexions sur une vraie politique industrielle ne doivent pas constituer un tabou, même si la tradition libérale de notre pays ne nous y a guère habitué.

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Un nouvel élan économique pour une nouvelle législature

En mars prochain, Vaud renouvellera ses autorités cantonales. A l’approche de cette échéance capitale, les organisations économiques faîtières, dont la CVCI, publient des recommandations qui doivent permettre le maintien d’un tissu économique diversifié, compétitif et performant.

Quatre mois à peine nous séparent du renouvellement des autorités cantonales. A la veille de cette nouvelle législature, la CVCI, la Fédération patronale vaudoise, la Chambre immobilière et Prométerre formulent, comme elles l’ont fait en 2017, des recommandations concrètes, «Impulsions 2027». Les propositions qui figurent dans cet opuscule ont pour ambition de contribuer à la préservation et au développement des conditions-cadres garantissant la compétitivité de l’économie vaudoise. Celle-ci se porte bien depuis une quinzaine d’années grâce, en particulier, à son dynamisme et à sa diversité. Le contexte mondial actuel, pour le moins incertain, révèle toutefois un effritement de notre attractivité. Ce constat vaut même en comparaison intercantonale. Pour toutes ces raisons, les futures autorités doivent entendre les besoins de l’économie afin de garantir l’emploi et la prospérité du canton, de même que le bien-être de la population.

L’Etat n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes de la société, et doit donc se concentrer sur ses missions principales. La pandémie a certes montré le rôle central des autorités dans les moments de crise aiguë. Mais même dans notre pays, où la démocratie s’exprime régulièrement, le pouvoir exécutif est tenté, à travers les nombreux moyens dont il dispose, de limiter la capacité de contrôle des contre-pouvoirs. Ce fait a amené nos faîtières à porter un regard critique sur les aspects de gouvernance qui posent problème, lesquels figurent dans un nouveau chapitre «Rôle, fonctionnement et gouvernance de l’Etat». Un exemple? Dans le Canton, les procédures de consultation relèvent du bon vouloir des départements concernés. Ce n’est pas sain.

Fiscalité trop élevée

Les défis, à l’évidence, ne manquent pas, qu’il s’agisse de fiscalité, de formation, d’infrastructures, d’aménagement du territoire, d’énergie, d’environnement, de santé, de social ou encore d’agriculture, soit autant de thèmes que nous avons thématisés. L’imposition, en particulier celles des personnes physiques, constitue l’une de nos priorités: la pression fiscale doit impérativement être revue à la baisse, sans quoi nous risquons de voir s’exiler des contribuables importants.

L’augmentation exponentielle des dépenses dans le domaine social constitue également un sujet de préoccupation majeure, et cela à double titre: cette croissance non maîtrisée se fait en premier lieu au détriment des autres secteurs de l’Etat, qui voient leurs budgets diminuer. Corollaire: le monde du travail ne parviendra pas à financer éternellement un Etat toujours plus lourd alors que les entreprises doivent entamer leurs transitions numériques et climatiques.

En 2017, les organisations économiques faîtières vaudoises avaient publié «Impulsions 2022». Au regard des besoins que nous avions détaillés, force est d’admettre que les efforts entrepris par le Canton sont demeurés assez modestes. Il ne s’est manifestement pas attaqué à l’essentiel, ce qui justifie à nos yeux de remettre l’ouvrage sur le métier. La multitude de défis qui nous attendent doivent pousser nos futures autorités à entreprendre les réformes qui s’imposent, plutôt que de procéder à des adaptations législatives cosmétiques. Nos «impulsions 2027» leur montrent la voie à suivre si l’on entend pouvoir perpétuer la bonne santé de notre économie.

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Vaud doit baisser l’imposition des particuliers

La fiscalité vaudoise des personnes physiques demeure élevée en comparaison intercantonale. Les mesures annoncées par le Canton la semaine dernière ne constituent qu’un rattrapage. L’Etat doit s’attaquer avec vigueur au barème d’impôt, à la fois sur la fortune et sur le revenu.

Le canton de Vaud traîne toujours en fond de classement au niveau de la fiscalité des personnes physiques. C’est la conclusion que l’on tire en lisant le «Baromètre fiscal vaudois», établi par KPMG et la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI). Il consiste en une comparaison intercantonale systématique de l’attractivité fiscale du canton de Vaud, notamment avec ses voisins. S’agissant de l’imposition des entreprises, le Canton figure actuellement parmi ceux affichant un taux d’impôt légèrement inférieur à la moyenne suisse, mais il reste clairement à la traîne en matière de fiscalité des particuliers.

La réforme de la fiscalité des entreprises, introduite en 2019 et en 2020, avec – notamment – un taux d’impôt sur le bénéfice de 14% et différentes mesures favorisant la R&D ainsi que l’innovation, a eu un effet positif. Par rapport à la dernière présentation du «Baromètre fiscal», en 2018, notre canton a ainsi amélioré son classement, passant de la 21e à la 13e place. Avec l’introduction prochaine d’un taux d’imposition global minimum de 15%, décidé par le G20, le taux d’impôt sur le bénéfice ne sera plus un facteur de différenciation entre Etats. Les cartes seront donc rebattues et face à ce nouveau contexte, le Canton et la Suisse devront plancher sur de nouvelles mesures, fiscales et non fiscales, pour maintenir leur attractivité.

Personnes physiques lourdement taxées

Le tableau est moins rutilant en ce qui concerne la taxation des personnes physiques, qui n’a que peu changé ces dernières années. La situation s’est même péjorée dans certaines catégories de revenus. Le canton de Vaud connaît une des impositions les plus élevées de Suisse, avec un taux maximal de 41,50%. Seuls les cantons de Genève (44,97%) et de Bâle-Campagne (42,22%) font pire. Conséquence: tant le revenu que l’outil de travail demeurent trop lourdement taxés. Les baisses fiscales annoncées la semaine dernière par le Conseil d’Etat ne constituent en fait qu’un rattrapage, et ne suffiront donc pas à alléger suffisamment une taxation qui demeure trop élevée.

Une évidence s’impose: seule une petite proportion des contribuables assure une grande partie des revenus fiscaux. Ainsi, 7,5% des assujettis vaudois déclarent un revenu imposable de plus de 150 000 francs et contribuent ainsi à plus de 41% aux recettes de l’impôt sur le revenu. Ce petit nombre de personnes fournit une large part du substrat fiscal, c’est pourquoi il est capital de les garder dans notre canton. Vaud figure également en queue de peloton en matière d’impôt sur la fortune. Pour les contribuables fortunés, la charge fiscale y est ainsi six fois plus élevée que dans les cantons les moins gourmands.

La prospérité vaudoise ne tombe pas du ciel: elle repose sur le dynamisme et l’attractivité de notre tissu économique, ainsi que sur de bonnes conditions-cadres. Le maintien de notre compétitivité commande donc de s’attaquer au barème d’impôt, à la fois sur le revenu et sur la fortune. C’est pourquoi la CVCI demande au Canton de prendre ce thème à bras-le-corps. Elle suivra avec une grande attention les prochains développements dans ce domaine.

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