Les salaires reflètent la santé économique du Canton

Le salaire médian vaudois a crû de 3,5% depuis 2018. Autre bonne nouvelle: l’écart salarial entre hommes et femmes se réduit. Ces faits illustrent la résilience de l’économie du Canton. Ces progressions ne doivent pourtant pas être anéanties par une fiscalité trop élevée.  

Le salaire médian – 50% de la population gagne moins et 50% gagne plus – s’est élevé à près de 6500 francs en 2020 dans le Canton. Même si les Vaudois restent tendanciellement moins rémunérés qu’en Suisse (6665 francs), la progression reste réjouissante puisqu’elle se monte à 3,5% depuis 2018. La croissance réelle des salaires, soit supérieure à l’indice des prix à la consommation, atteint même 6,2% en dix ans, avec un élargissement de la classe moyenne et une proportion de bas salaires en baisse. Ce sont là quelques-unes des données saillantes communiquées lundi par Statistique Vaud. «L’ensemble des résultats dépend également de l’évolution du tissu économique sous-jacent qui présente de fortes disparités, à l’image de l’industrie pharmaceutique dont le revenu médian est de 42% supérieur à la moyenne cantonale», note l’organisme. 

Statistique Vaud observe donc que la classe moyenne s’est élargie. Ils sont désormais 70%, soit 2% de plus qu’en 2010, à bénéficier d’un revenu compris entre 70% et 150% du revenu médian. Sans surprise, l’industrie pharmaceutique (+42%) et les activités liées à la recherche et au développement (+36%) offrent les salaires les plus avantageux. A l’autre bout, les services personnels (-40%), l’hébergement (-32%) et le commerce de détail (-26%) figurent parmi les branches les moins rémunératrices. Pour autant, les bas salaires, à savoir ceux dont le revenu est inférieur aux deux tiers du revenu médian, soit 4325 francs, ont légèrement diminué en dix ans, leur part passant de 12% à 10%. Une preuve supplémentaire que l’arrivée des multinationales a enrichi le Canton et les salariés. 

L’égalité salariale en chemin 

Au chapitre de l’égalité salariale, il reste encore du chemin à parcourir, mais les chiffres montrent toutefois des perspectives plutôt positives: l’écart de rémunération entre hommes et femmes est en baisse par rapport à 2010 (14%) dans le secteur privé. Si le salaire médian des femmes reste toutefois de 9% inférieur à celui de leurs congénères masculins, la fourchette se réduit tendanciellement. 

L’une dans l’autre, ces données illustrent la résilience des entreprises du Canton face aux crises, comme le montre notre étude «De la crise des subprimes à celle du Covid, le miracle vaudois», qui a permis une amélioration des salaires supérieure au PIB. Mais attention: il faut veiller à ce que cette progression réjouissante des rétributions de la classe moyenne ne soit pas réduite à néant par une fiscalité qui demeure trop lourde et par des prélèvements de toute sorte. Il est par ailleurs permis de se féliciter de l’évolution des salaires des femmes. J’appelle de mes vœux que cette progression s’accentue à travers une présence féminine plus marquée dans des professions à plus hauts revenus. 

Photo: AdobeStock 

La fiscalité vaudoise à la croisée des chemins

La septième édition de l’étude fiscale comparative publiée par la CVCI rappelle que l’imposition dans le canton de Vaud reste l’une des plus élevées du pays. Cette réalité impose de revoir la taxation des personnes physiques et d’améliorer notre attractivité. 

Les années et les crises se succèdent, et une réalité demeure: le canton de Vaud reste, en comparaison intercantonale, celui qui impose le plus lourdement les personnes physiques. Après la pandémie liée au Covid, la guerre en Ukraine plonge aujourd’hui le tissu économique dans l’incertitude. Ce contexte instable commande de donner davantage de marge de manœuvre aux entrepreneurs qui investissent dans leur outil de travail et créent des places de travail. La classe moyenne, pour sa part, a grand besoin de voir son pouvoir d’achat revu à la hausse après des années de sacrifices passées à renflouer les caisses de l’Etat. Forte de ces constats, la CVCI publie la septième édition de son étude fiscale comparative, à travers laquelle elle enjoint le gouvernement à réformer la fiscalité des personnes physiques et à améliorer l’attractivité du Canton.  

Notre publication le confirme: Vaud demeure dans le trio de tête des cantons imposant le plus lourdement les contribuables. Pour ces derniers, aucune évolution significative n’a été observée sur ce point depuis plus de vingt ans. A cela s’ajoute l’explosion de taxes diverses destinées à financer les projets étatiques. Pour les Vaudoises et les Vaudois, la pilule est amère. Une révision de l’imposition sur le revenu et sur la fortune apporterait une bouffée d’oxygène bienvenue à la population, en particulier à la classe moyenne. Une baisse fiscale contribuerait en outre à éviter des départs de contribuables et des délocalisations d’entreprises. 

Finances enviables 

L’état des finances vaudoises est enviable, car le Canton dégage des bénéfices depuis dix ans: on approche ainsi des 6 milliards cumulés. Par ailleurs, sur ces quinze dernières années, le PIB vaudois a crû davantage que le PIB moyen de la Suisse, pendant que les revenus fiscaux augmentaient de 69% sur la période allant de 2005 à 2020. Il est grand temps que les assujettis soient récompensés de leurs efforts répétés, tout comme les entrepreneurs qui ne ménagent pas leurs efforts pour surmonter crise après crise. 

En matière de fiscalité des entreprises, justement, le canton de Vaud a joué un rôle moteur dans les réformes fédérales avec la RIE III et la RFFA. Ces dernières ont permis de stimuler l’attractivité de notre tissu économique. Mais rien ne semble décidément acquis, car l’OCDE a décidé, à fin 2021, de mettre en application un taux d’imposition minimal de 15% sur les bénéfices des grandes multinationales. Cette décision va obliger notre pays à faire preuve d’agilité. Le maintien de notre compétitivité dépendra de notre capacité à accompagner les entreprises dans ce contexte nouveau. Le taux d’impôt sur le bénéfice va à l’évidence perdre en importance en tant que facteur de différenciation pour déterminer la localisation de nouvelles activités. Il s’agira désormais de faire la différence sur nos concurrents à travers des conditions-cadres renforcées. Pour nos édiles, l’heure est aussi venue d’innover. 

 Photo: CVCI

Facilitons le recrutement pour les start-up

En manque de talents, les jeunes pousses suisses doivent rechercher de la main-d’œuvre qualifiée hors de nos frontières, et même hors d’Europe. C’est pourquoi les contingents des ressortissants d’Etats tiers doivent être revus. Un visa spécifique se profile. 

Les start-up suisses ont le vent en poupe. L’an dernier, elles ont levé près de trois milliards de francs, soit une performance meilleure que celle de 2019, année record. Ces chiffres réjouissants cachent pourtant une réalité problématique pour ces jeunes entreprises: la difficulté à recruter des talents. En Suisse, la main-d’œuvre qualifiée manque, notamment en raison du fait que ces sociétés naissantes doivent souvent recourir à des profils très particuliers que l’on ne trouve pas dans nos Hautes écoles. Leurs besoins évoluent rapidement au gré de leur développement. 

Le journal «Le Temps» a évoqué dernièrement cette problématique dans ses colonnes à travers un débat organisé par la fondation Inartis, qui promeut l’innovation. L’un des intervenants a plaidé pour une simplification des formalités administratives, suggérant d’introduire un visa spécifique permettant d’engager plus facilement des talents à l’étranger. Un tel sésame permettrait en outre de faciliter le parcours de jeunes diplômés venus d’autres horizons et qui souhaitent demeurer dans notre pays pour y lancer une entreprise. 

L’idée d’un tel visa fait son chemin sous la Coupole fédérale. En mai 2021, le Conseil national a adopté – contre l’avis du Conseil fédéral – une motion déposée par l’ancien conseiller national vaudois Fathi Derder en 2019, par laquelle il demandait que le système actuel de contingents soit remplacé par un système d’immigration plus flexible. Ce texte vise notamment à assouplir le modèle de contingentement concernant les ressortissants d’Etats dits tiers, à savoir hors Union européenne et hors Association européenne de libre-échange. Dans les faits, il s’avère que les grands cantons, comme celui de Vaud, épuisent très vite ces sésames qui sont en nombre insuffisant. 

En lien avec cette problématique, il faut relever que ces permis sont souvent refusés parce que les collaborateurs des start-up ne sont pas payés selon les normes du calculateur statistique de salaires Salarium. Ce dernier ne tient pas compte du paiement en stock options, qui confère au salarié le droit d’acheter l’action d’une entreprise. Dans les faits, ils devraient être considérés comme une partie intégrante du salaire. Cet aspect devra à terme être pris en compte par les autorités. 

Un monde qui bouge

Le dossier des contingents des ressortissants d’Etats tiers se trouve désormais entre les mains du Département fédéral de justice et de police. Il reste à connaître la durée du processus politique permettant la mise en œuvre de cette motion, sachant que chez nos voisins, les choses évoluent rapidement. La France, à titre d’exemple, a mis sur pied l’initiative «French Tech» dans le but d’attirer des talents étrangers. Elle a pour objectif de faire émerger des start-up à succès en s’appuyant sur les initiatives des membres de son écosystème. Présidente du Conseil l’Union européenne ce semestre, la France entend miser sur les start-up européennes pour asseoir une souveraineté numérique sur le continent. Elle a annoncé en février dernier avoir rassemblé plus de 3,5 milliards d’euros à investir dans l’écosystème. 

Devons-nous, en outre craindre la concurrence des talents étrangers? La réponse est non, car les start-up ont besoin de profils très spécifiques que l’on ne trouve pas ici. Notre pays a fondé sa prospérité sur l’ouverture au monde. L’idée ne consiste pas à snober nos étudiants, mais bien à recourir à la main-d’œuvre qualifiée qui nous fait défaut. Il en va de notre compétitivité dans un monde qui bouge à toute vitesse. 

Photo: AdobeStock 

Un déclassement que l’on souhaite provisoire

La relégation de la Suisse au rang d’Etat tiers dans le programme-cadre de recherche Horizon Europe produit déjà de funestes effets. Des Hautes écoles européennes commencent à débaucher des chercheurs provenant de notre pays. L’hémorragie doit être stoppée. 

Le conflit armé déclenché par Vladimir Poutine contre l’Ukraine monopolise l’attention des médias à juste titre, mais il ne saurait occulter d’autres préoccupations. Au rang de celles-ci figurent les conséquences de l’abandon, par le Conseil fédéral, de l’accord institutionnel avec l’Union européenne (UE). Dans la foulée de cette décision incompréhensible, la Suisse s’est retrouvée déclassée au rang d’Etat tiers dans le programme-cadre de recherche Horizon Europe. Du coup, la coopération avec les 27 Etats membres de l’UE et les 16 autres pays associés est fortement limitée. La Suisse a ainsi perdu son droit de codécision dans les différents comités. 

Cette situation est extrêmement préjudiciable pour notre pays dans la mesure où ce programme dispose d’un budget très conséquent, soit 95,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Il couvre par ailleurs tous les domaines de la recherche. Dans la dernière édition, du «Matin dimanche», Yves Flückiger, recteur de l’Université de Genève, constate que cette exclusion produit déjà des effets sur l’emploi dans les grandes écoles de notre pays. Ainsi, une volée de 28 jeunes chercheuses et chercheurs suisses avait été sélectionnée pour bénéficier de bourses juste avant que la Suisse ne soit exclue d’Horizon Europe. Peu après, on leur a fait savoir que s’ils voulaient bénéficier de ce financement, ils devaient s’affilier à une institution sur le territoire de l’UE. Tous ont été courtisés par des Hautes écoles européennes. Un débauchage propre en ordre. Pour le recteur genevois, «nous sommes dans une spirale qui peut amener une détérioration de la qualité de notre formation, de notre recherche, donc de la contribution que nous pouvons amener à la société». 

La recherche universitaire suisse menacée

Une enquête récente du groupe de réflexion Avenir Suisse auprès des Hautes écoles et des universités suisses montre que l’inquiétude monte face à la disparition de cette source importante de fonds tiers. Ainsi, 80% de ces institutions indiquent qu’elles en ressentent déjà les premiers effets négatifs, 88% considèrent que la solution transitoire du Sefri – compensation de ces bourses par la Berne fédérale – ne constitue en rien une solution équivalente, alors que 81% s’attendent à ce que l’absence d’association à ce programme entraîne une détérioration de la recherche universitaire suisse. Il faut rappeler que cette dernière a permis de développer un écosystème de start-up performantes et de doper l’innovation. 

De même, l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (industrie MEM) a fait savoir lundi par voie de communiqué que le fait de ne pas être associé à Horizon Europe «risque d’affaiblir à moyen terme la force d’innovation de l’industrie suisse». Swissmem exige ainsi du Conseil fédéral de tout entreprendre pour que la Suisse puisse s’associer à ce programme cette année encore.  

L’affaire n’est pas gagnée. Le gouvernement a fait savoir vendredi dernier qu’il écartait définitivement l’accord-cadre au profit de discussions sectorielles. C’est un petit pas dans la bonne direction, mais rien n’indique que cela permettra d’aboutir à un déblocage de la situation actuelle. Comme le dit Yves Flückiger, «c’est à la Suisse de faire un geste vers l’Europe, pas l’inverse.» 

Photo: AdobeStock

Familles précarisées: des données lacunaires

Le dispositif PC familles instauré par le Canton il y a dix ans réduirait la précarité des ménages et le recours à l’aide sociale. Les chiffres fournis ne permettent pourtant pas de se faire une idée précise de la situation sur le terrain. C’est regrettable.

Le Conseil d’Etat s’est félicité dernièrement par voie de communiqué que «les prestations complémentaires cantonales pour familles (PC Familles) sont efficaces et ont un impact positif sur le quotidien des ménages concernés». Instauré en 2011 à l’initiative du Canton, ce dispositif aurait permis à de nombreuses familles d’augmenter leur taux d’activité et ainsi leur autonomie financière: 36% des familles sont sorties de tout régime d’aide. En dix ans, un peu plus de 14’000 familles ont bénéficié de ce soutien. Le financement est réparti entre les employeurs, les employés, les communes et l’Etat de Vaud.

Les conclusions de l’évaluation externe menée par deux bureaux de recherche constituent certes une bonne nouvelle, dans la mesure où ces aides permettent à un certain nombre de bénéficiaires de sortir de la spirale de l’aide sociale. Ce bilan quasi dithyrambique souffre toutefois d’un sérieux bémol: les chiffres fournis, lacunaires, ne permettent pas de se faire une vision claire de la situation. Les auteurs du rapport n’ont pas pu répondre aux questions soulevées à ce propos par la CVCI, car il manque des données, ce qui est problématique.

Chiffres peu lisibles

Si le rapport est très complet en ce qui concerne l’évaluation qualitative du régime (soutien aux familles, procédures administratives, coaching, etc.) et sur les coûts, les données sur les raisons de sortie du système PF familles sont peu lisibles. Le chiffre de 36% de sortie n’est pas contesté, mais quelles réalités recouvre-t-il? S’agit-il d’une sortie débouchant sur une réelle indépendance financière, d’une fin du droit aux prestations en raison de l’âge des enfants, ou encore de déménagements hors du Canton? Nul ne peut le savoir.

Par ailleurs, l’augmentation des revenus et du taux d’activité (effet incitatif) doit être à mes yeux relativisée, car il ne ressort pas clairement des chiffres présentés que cette progression en faveur des familles bénéficiaires soit supérieure à celles des familles en général. Autrement dit, faute de données plus précises, il paraît difficile de conclure que l’objectif d’augmentation de l’autonomie financière des familles transitant par les PC familles est atteint.

La question des coûts se pose également: le budget a explosé en dix ans, bien davantage que ce qui avait été avancé lors du lancement du projet. L’augmentation des charges étant reportée sur les employeurs et les employés, il me paraît donc normal que ce rapport montre précisément que cet argent est bien utilisé.

Cette assurance sociale nous a été présentée il y a dix ans comme devant permettre aux gens précarisés et aux accidentés de la vie de se remettre au travail. C’est louable, mais il reste que la communication du Canton ne permet pas de se faire une idée précise de la réussite du projet. Et c’est regrettable.

Photo: AdobeStock

Le télétravail transfrontalier n’est pas sans obstacles

Le home office, dopé par la pandémie, concerne également les travailleurs frontaliers avec, à la clé, des conséquences sociales et fiscales importantes pour les partenaires sociaux. La fin du « régime d’exception» approchant, de nombreuses difficultés surgissent.

Le bout du tunnel pandémique se profile à en croire les experts. Ce retour à une certaine normalité, sous réserve d’un soubresaut du capricieux Covid, va produire un certain nombre d’effets sur le télétravail, en particulier pour ce qui concerne celui des frontaliers. Le canton de Vaud, qui en occupe plus de 34’000, vivra prochainement la fin du «régime d’exception» qui a prévalu dès les débuts de la crise sanitaire. Pendant cette situation exceptionnelle, la Suisse et ses voisins européens étaient convenus de suspendre l’application de certaines règles. Ainsi, les frontaliers qui travaillaient à distance restaient assujettis au régime suisse de sécurité sociale. En ce qui concerne la France, ce régime est en vigueur jusqu’au 31 mars 2022 (pour l’Allemagne, l’Autriche et le Liechtenstein, jusqu’au 30 juin 2022).

Après cette échéance, la législation ordinaire s’appliquera de nouveau, tant au niveau social et fiscal, ce qui ne va pas manquer de soulever de nombreux problèmes juridiques. En fonction de la part d’activité exercée en télétravail par les employés concernés, ce retour à la normale pourra entraîner un changement d’assujettissement au régime de sécurité sociale, ainsi que du régime d’imposition. C’est pourquoi les organisations économiques romandes, dont la CVCI, ont élaboré un «Guide télétravail transfrontalier» pour y voir plus clair.

Dans «24 heures» de ce lundi, Marco Taddei, responsable romand de l’Union patronale suisse, expliquait que dès le 1er avril, les frontaliers français «seront imposés en France sur le pourcentage de travail effectué à leur domicile, dès la première heure de home office en ce qui concerne les cantons de Fribourg et Genève, qui ne font pas partie d’un accord international avec la France, et au-delà de 20% de télétravail pour les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura.»

Loin d’être une simple formalité

On le voit, le home office des frontaliers n’est pas une simple formalité. Le guide précité mentionne les risques encourus par les employeurs à ce propos et contient des recommandations à leur égard dans les cinq domaines suivants: assujettissement aux assurances sociales, aspects fiscaux, tribunal territorialement compétent, droit applicable et protection des données. Il leur est notamment conseillé de limiter le télétravail à la hauteur de 20% de la charge de travail, et d’en fixer les conditions par écrit, par exemple en concluant une convention avec les employés concernés.

Cette situation déjà complexe se double d’un embrouillamini juridique: en cas de télétravail d’un frontalier français à la fin du «régime d’exception», la France pourrait contraindre l’employeur suisse à nommer un représentant en France pour la perception de l’impôt à la source sur le jour de télétravail. Cette nomination est soumise à autorisation des autorités fédérales et, à défaut, tombe sous le coup de l’article 271 du Code pénal suisse, qui réprime les actes exécutés sans droit pour un État étranger. La France, pour le coup, a œuvré sans se soucier de la compatibilité de sa décision avec la législation suisse.

Il est vrai qu’en rompant l’accord-cadre et en portant son choix sur un autre avion de combat que le Rafale, la Suisse a pu fâcher son grand voisin d’outre-Jura…

Photo: AdobeStock

Il est temps de s’affranchir du droit de timbre

Reliquat d’une époque fiscale lointaine, le droit d’émission sur capital propre reste une taxe absurde pénalisant les entreprises qui investissent, en particulier les PME. Soumise au vote le 13 février prochain, sa suppression s’impose en ces temps de pandémie, pour la prospérité de notre économie.

La suppression du droit de timbre d’émission sur le capital propre, l’un des objets des votations fédérales du 13 février prochain, est demandée depuis plusieurs années par les milieux économiques. L’heure de l’abolir semble avoir enfin sonné. De quoi s’agit-il? Cette taxe de 1% frappe tout capital nouvellement créé. Elle concerne toute société émettrice de nouvelles actions et touche ainsi directement l’outil de production des entreprises. En clair, l’investissement en capital propre dans une société se trouve amputé de ressources dont les entrepreneurs auraient bien besoin, en particulier les dirigeants de PME.

D’un point de vue strictement économique, cette taxe est contre-productive lorsqu’on prend conscience que chaque franc investi dans une start-up est nécessaire à sa croissance. Le patron d’une scale-up de la région, en pleine recherche de fonds indispensables à son développement, a dû payer au titre de cette taxe près de 700’000 francs, ce qui représente à peu près six postes de travail qu’il n’a pas pu créer. Un non-sens. Cette pratique, qui remonte au début du XXe siècle, n’existe nulle part ailleurs qu’en Suisse sous cette forme. Il est impératif de s’en affranchir au plus vite, a fortiori à une époque où les incertitudes conjoncturelles et structurelles se multiplient à l’horizon. Le Conseil fédéral lui-même considère le droit d’émission comme obsolète et néfaste à la place économique suisse.

Un frein à l’esprit d’entreprise

Ce droit de timbre constitue à l’évidence un frein à l’esprit d’entreprise. Il est particulièrement lourd pour les PME touchées par la pandémie. C’est précisément en période de crise que les firmes ont besoin d’augmenter leurs fonds propres afin de compenser leurs pertes et se montrer ainsi plus résilientes. Lorsqu’un chef d’entreprise augmente le capital propre de sa société, il prend certes un risque, mais il crée surtout des emplois. Il apparaît clairement absurde de le pénaliser par une taxe.  La suppression de ce droit d’un autre temps est d’autant plus urgente et pertinente que la pandémie complique singulièrement la vie des entreprises. Par ailleurs, les réformes fiscales prévues par l’OCDE visant à établir des taux d’imposition minimaux sur les sociétés vont contraindre la Suisse à renforcer sa compétitivité pour maintenir son rang de nation à succès.

Les opposants à cette réforme arguent qu’elle fera perdre 250 millions de recettes fiscales par an à la Confédération, soit à peine 0,35 pourcent des recettes fédérales. Cette perte sera largement compensée selon une étude de BAK Economics, publiée en juin 2019. Celle-ci conclut que la suppression du droit d’émission, couplée à une réforme de l’impôt anticipé, serait clairement rentable, y compris pour les caisses de l’État. Les experts estiment que le PIB augmenterait en outre d’environ 1,4 % sur dix ans, ce qui correspond à environ 22’000 nouveaux emplois à temps plein. Dire oui à cette suppression, c’est donc investir dans les emplois et la prospérité.

Photo: economiesuisse 

L’ouverture sur le monde pour répondre à la pénurie de talents

Les difficultés de recrutement restent l’une des principales préoccupations des chefs d’entreprise. Pour pallier ce problème, le nouveau gouvernement allemand entend attirer des personnes qualifiées par le biais de l’immigration. Une option qu’il faut avoir le courage d’explorer.

A l’heure où les pays ont plutôt tendance à se replier sur eux-mêmes, le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, a surpris son monde en lançant un programme visant à faciliter la naturalisation et à attirer 400 000 personnes qualifiées par an dans son pays. Ce chiffre, relate «Le Temps» de jeudi dernier, ne tombe pas de nulle part. Il a été mis en évidence par un institut spécialisé dans le travail comme l’une des solutions au vieillissement de la société allemande, qui engendre une grave pénurie de personnel qualifié. Angela Merkel, sa devancière, avait en quelque sorte ouvert la voie en régularisant en son temps des centaines de milliers de migrants venus de Syrie. Les pistes lancées par la nouvelle coalition au pouvoir ont reçu un accueil favorable des milieux patronaux.

Cette préoccupation, les entrepreneurs la partagent de ce côté-ci du Rhin. Dans notre enquête conjoncturelle d’automne, plus d’un quart des répondants disent rencontrer des soucis de recrutement, une proportion qui grimpe à 40% dans l’industrie. Après une accalmie en raison de la crise du Covid-19, ces difficultés sont en recrudescence et atteignent un niveau identique à celui observé en 2018. Les types de profils principalement concernés sont la main-d’œuvre qualifiée (77%), les cadres intermédiaires (36%) et les cadres supérieurs (20%). Dans son Baromètre de l’emploi de septembre dernier, Manpower notait également que la pénurie des talents restait «un sujet d’actualité préoccupant pour de nombreuses entreprises».

Le poids de l’accord-cadre

Même si elle ne constitue qu’une solution parmi d’autres, à côté de la formation continue et du recours aux aptitudes des séniors dans certains secteurs, l’option du gouvernement allemand a le mérite de rappeler que la grandeur d’un pays se mesure aussi à son esprit d’ouverture vers l’extérieur. Où en serait l’économie suisse si notre pays n’avait pas introduit la libre circulation des personnes et conclu quantité d’accords bilatéraux sectoriels avec l’Union européenne? On voit aujourd’hui déjà les problèmes que rencontrent nos industriels à cause de l’abandon de l’accord-cadre.

Il n’est bien sûr pas question de laisser notre frontière ouverte à tous les vents. La pénurie de personnel concerne essentiellement les métiers très spécialisés pour lesquels nous ne disposons pas de filières de formation, ou alors en quantité insuffisante. Cette réalité pose avec une acuité particulière la question des contingents de ressortissants extracommunautaires, c’est-à-dire d’un pays hors UE et hors AELE. Si la Suisse entend rester compétitive, elle doit pouvoir aussi compter sur cette main-d’œuvre.

 Photo: AdobeStock

La résilience de notre économie n’est pas acquise

Les trois faîtières de l’économie suisse lancent un appel en faveur d’«une cure de revitalisation» de notre pays. Leur constat est clair: la reprise actuelle ne fait pas oublier que les conditions-cadres en place ne sont pas à la hauteur des nombreux défis post-Covid qui pointent à l’horizon.

Les chiffres actuels en attestent: l’économie suisse demeure plus que jamais résiliente, y compris et surtout dans le canton de Vaud. Pas plus tard qu’hier, la Commission Conjoncture vaudoise a mis en exergue le «redémarrage de l’activité, soutenue par un affermissement de la demande étrangère et de la consommation intérieure». Les entrepreneurs du Canton font toutefois preuve d’un optimisme mesuré en ce qui concerne l’évolution à venir, estimant que les incertitudes restent nombreuses et que les perspectives de croissance doivent être considérées avec précaution.

Ces inquiétudes, economiesuisse, l’Union patronale suisse et l’Union suisse des arts et métiers les partagent. Les trois faîtières de l’économie ont d’ailleurs adopté la semaine dernière un agenda de politique économique commun, qui vise l’après-crise sanitaire. Pour elles, «la reprise actuelle ne doit pas faire oublier que le cadre de la politique économique en place n’est pas à la hauteur pour affronter la période post-Covid. Elles estiment que la capacité d’adaptation de l’économie suisse est compromise.» A la lumière de l’évolution actuelle, il est clair que la résilience de notre économie n’est pas acquise.

Les entreprises font partie de la solution

L’un des aspects problématiques a trait au fait que les autorités se focalisent sur la durabilité environnementale, à l’image du canton de Vaud et de son Plan climat. La durabilité passe aussi par une économie dynamique, qui assure la cohésion sociale. Les entreprises font partie de la solution puisqu’elles disposent d’outils pour diminuer leur consommation d’énergies fossiles via des conventions d’objectifs, s’équipent de panneaux solaires et développent des technologies innovantes permettant de réduire leur empreinte carbone et celle des consommateurs. La protection climatique reste une préoccupation majeure, mais elle ne doit pas constituer un frein au développement des entreprises. Il faut ainsi veiller à garantir des conditions-cadres favorables à l’innovation et à la recherche. Car oui, la transition énergétique et la numérisation constituent des opportunités pour l’économie.

Le monde se complexifie et les défis s’annoncent gigantesques, également en ce qui concerne les relations internationales. Au rang de nos priorités politiques figurent le rétablissement de bonnes relations avec l’Union européenne, qui reste notre marché principal, et la prise en compte des incidences de l’application d’un taux d’imposition minimum de 15% aux entreprises multinationales, à compter de 2023. Il est grand temps de penser «out of the box», c’est-à-dire de sortir des schémas habituels. Les réflexions sur une vraie politique industrielle ne doivent pas constituer un tabou, même si la tradition libérale de notre pays ne nous y a guère habitué.

Photo: AdobeStock

Un nouvel élan économique pour une nouvelle législature

En mars prochain, Vaud renouvellera ses autorités cantonales. A l’approche de cette échéance capitale, les organisations économiques faîtières, dont la CVCI, publient des recommandations qui doivent permettre le maintien d’un tissu économique diversifié, compétitif et performant.

Quatre mois à peine nous séparent du renouvellement des autorités cantonales. A la veille de cette nouvelle législature, la CVCI, la Fédération patronale vaudoise, la Chambre immobilière et Prométerre formulent, comme elles l’ont fait en 2017, des recommandations concrètes, «Impulsions 2027». Les propositions qui figurent dans cet opuscule ont pour ambition de contribuer à la préservation et au développement des conditions-cadres garantissant la compétitivité de l’économie vaudoise. Celle-ci se porte bien depuis une quinzaine d’années grâce, en particulier, à son dynamisme et à sa diversité. Le contexte mondial actuel, pour le moins incertain, révèle toutefois un effritement de notre attractivité. Ce constat vaut même en comparaison intercantonale. Pour toutes ces raisons, les futures autorités doivent entendre les besoins de l’économie afin de garantir l’emploi et la prospérité du canton, de même que le bien-être de la population.

L’Etat n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes de la société, et doit donc se concentrer sur ses missions principales. La pandémie a certes montré le rôle central des autorités dans les moments de crise aiguë. Mais même dans notre pays, où la démocratie s’exprime régulièrement, le pouvoir exécutif est tenté, à travers les nombreux moyens dont il dispose, de limiter la capacité de contrôle des contre-pouvoirs. Ce fait a amené nos faîtières à porter un regard critique sur les aspects de gouvernance qui posent problème, lesquels figurent dans un nouveau chapitre «Rôle, fonctionnement et gouvernance de l’Etat». Un exemple? Dans le Canton, les procédures de consultation relèvent du bon vouloir des départements concernés. Ce n’est pas sain.

Fiscalité trop élevée

Les défis, à l’évidence, ne manquent pas, qu’il s’agisse de fiscalité, de formation, d’infrastructures, d’aménagement du territoire, d’énergie, d’environnement, de santé, de social ou encore d’agriculture, soit autant de thèmes que nous avons thématisés. L’imposition, en particulier celles des personnes physiques, constitue l’une de nos priorités: la pression fiscale doit impérativement être revue à la baisse, sans quoi nous risquons de voir s’exiler des contribuables importants.

L’augmentation exponentielle des dépenses dans le domaine social constitue également un sujet de préoccupation majeure, et cela à double titre: cette croissance non maîtrisée se fait en premier lieu au détriment des autres secteurs de l’Etat, qui voient leurs budgets diminuer. Corollaire: le monde du travail ne parviendra pas à financer éternellement un Etat toujours plus lourd alors que les entreprises doivent entamer leurs transitions numériques et climatiques.

En 2017, les organisations économiques faîtières vaudoises avaient publié «Impulsions 2022». Au regard des besoins que nous avions détaillés, force est d’admettre que les efforts entrepris par le Canton sont demeurés assez modestes. Il ne s’est manifestement pas attaqué à l’essentiel, ce qui justifie à nos yeux de remettre l’ouvrage sur le métier. La multitude de défis qui nous attendent doivent pousser nos futures autorités à entreprendre les réformes qui s’imposent, plutôt que de procéder à des adaptations législatives cosmétiques. Nos «impulsions 2027» leur montrent la voie à suivre si l’on entend pouvoir perpétuer la bonne santé de notre économie.

 Photo: Adobestock