Facilitons le recrutement pour les start-up

En manque de talents, les jeunes pousses suisses doivent rechercher de la main-d’œuvre qualifiée hors de nos frontières, et même hors d’Europe. C’est pourquoi les contingents des ressortissants d’Etats tiers doivent être revus. Un visa spécifique se profile. 

Les start-up suisses ont le vent en poupe. L’an dernier, elles ont levé près de trois milliards de francs, soit une performance meilleure que celle de 2019, année record. Ces chiffres réjouissants cachent pourtant une réalité problématique pour ces jeunes entreprises: la difficulté à recruter des talents. En Suisse, la main-d’œuvre qualifiée manque, notamment en raison du fait que ces sociétés naissantes doivent souvent recourir à des profils très particuliers que l’on ne trouve pas dans nos Hautes écoles. Leurs besoins évoluent rapidement au gré de leur développement. 

Le journal «Le Temps» a évoqué dernièrement cette problématique dans ses colonnes à travers un débat organisé par la fondation Inartis, qui promeut l’innovation. L’un des intervenants a plaidé pour une simplification des formalités administratives, suggérant d’introduire un visa spécifique permettant d’engager plus facilement des talents à l’étranger. Un tel sésame permettrait en outre de faciliter le parcours de jeunes diplômés venus d’autres horizons et qui souhaitent demeurer dans notre pays pour y lancer une entreprise. 

L’idée d’un tel visa fait son chemin sous la Coupole fédérale. En mai 2021, le Conseil national a adopté – contre l’avis du Conseil fédéral – une motion déposée par l’ancien conseiller national vaudois Fathi Derder en 2019, par laquelle il demandait que le système actuel de contingents soit remplacé par un système d’immigration plus flexible. Ce texte vise notamment à assouplir le modèle de contingentement concernant les ressortissants d’Etats dits tiers, à savoir hors Union européenne et hors Association européenne de libre-échange. Dans les faits, il s’avère que les grands cantons, comme celui de Vaud, épuisent très vite ces sésames qui sont en nombre insuffisant. 

En lien avec cette problématique, il faut relever que ces permis sont souvent refusés parce que les collaborateurs des start-up ne sont pas payés selon les normes du calculateur statistique de salaires Salarium. Ce dernier ne tient pas compte du paiement en stock options, qui confère au salarié le droit d’acheter l’action d’une entreprise. Dans les faits, ils devraient être considérés comme une partie intégrante du salaire. Cet aspect devra à terme être pris en compte par les autorités. 

Un monde qui bouge

Le dossier des contingents des ressortissants d’Etats tiers se trouve désormais entre les mains du Département fédéral de justice et de police. Il reste à connaître la durée du processus politique permettant la mise en œuvre de cette motion, sachant que chez nos voisins, les choses évoluent rapidement. La France, à titre d’exemple, a mis sur pied l’initiative «French Tech» dans le but d’attirer des talents étrangers. Elle a pour objectif de faire émerger des start-up à succès en s’appuyant sur les initiatives des membres de son écosystème. Présidente du Conseil l’Union européenne ce semestre, la France entend miser sur les start-up européennes pour asseoir une souveraineté numérique sur le continent. Elle a annoncé en février dernier avoir rassemblé plus de 3,5 milliards d’euros à investir dans l’écosystème. 

Devons-nous, en outre craindre la concurrence des talents étrangers? La réponse est non, car les start-up ont besoin de profils très spécifiques que l’on ne trouve pas ici. Notre pays a fondé sa prospérité sur l’ouverture au monde. L’idée ne consiste pas à snober nos étudiants, mais bien à recourir à la main-d’œuvre qualifiée qui nous fait défaut. Il en va de notre compétitivité dans un monde qui bouge à toute vitesse. 

Photo: AdobeStock 

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

3 réponses à “Facilitons le recrutement pour les start-up

  1. Il faut former nos enfants aux métiers de demain, pas s’accaparer les talents des autres !

    Je vous remercie de lutter pour l’excellence de nos écoles, plutôt que renforcer la concurrence de nos enfants sur le marché du travail.

    1. Je soutiens l’idée de former davantage, mais nous avons parfois un temps de retard sur les nouveaux métiers très pointus. Il existe des secteurs où nous ne trouvons personne, car ces métiers n’attirent pas les résidents suisses. La situation avec l’Union européenne incite par ailleurs nos talents à s’expatrier vers l’Europe.
      Tous ces éléments montrent la complexité de cette problématique et qu’il convient de travailler sur plusieurs axes pour pouvoir offrir des talents et du personnel à notre économie.

      1. Ce temps de retard est à imputer, là encore, à une politique complètement déconnectée des réalités du monde et du travail.
        Combien d’année allons-nous encore subir les fameux “cours informatiques” à base de tableur Excel (dans le “meilleur” des cas) ou de mise en page sur Word ?
        À quand une réelle initiation à ce qu’EST l’informatique, ses différents métiers et, surtout, SURTOUT, la problématique de la sécurité ? Il s’agit d’un pan entiers de compétences qui manquent à un public qui en aurait pourtant grandement besoin. Les parents sont largués (ou, plutôt, s’en fichent dans la majorité des cas), on ne peut pas compter sur eux sur ce sujet.

        Les manques de moyens de formation sont lamentables, pour un pays se targuant d’être “parmi les plus innovants du monde”, avec une richesse telle que la notre.

        La solution de facilité a toujours été d’importer les talents à n’importe quel prix, surtout le plus bas – ce qui explique en partie la surcharge du réseau routier, les milliers de frontaliers faisant la pendule tous les jours, et, ma foi, la stagnation de la formation.

        On préfère discuter de la suppression des notes, de la mise en place de petits nuages/soleils en guise “d’évaluation” au lieu de s’intéresser au contenu des formations à tous les niveaux. Enfin, si, mais pour détruire encore plus le système, par exemple avec une réforme de l’orthographe complètement pétée et monstrueuse.
        C’est scandaleux. Le système suisse était un des meilleurs au monde – mais ce n’est plus le cas depuis des années…. Bomber le torse en pointant les EPF, c’est joli, mais quand on voit le “contenu” au niveau étudiants, il n’y a pas beaucoup de suisses sortant de nos écoles locales, au final.
        Mais tout va bien, on est à la pointe de l’innovation. Surtout, ne changeons rien.

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