Les difficultés de recrutement restent l’une des principales préoccupations des chefs d’entreprise. Pour pallier ce problème, le nouveau gouvernement allemand entend attirer des personnes qualifiées par le biais de l’immigration. Une option qu’il faut avoir le courage d’explorer.
A l’heure où les pays ont plutôt tendance à se replier sur eux-mêmes, le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, a surpris son monde en lançant un programme visant à faciliter la naturalisation et à attirer 400 000 personnes qualifiées par an dans son pays. Ce chiffre, relate «Le Temps» de jeudi dernier, ne tombe pas de nulle part. Il a été mis en évidence par un institut spécialisé dans le travail comme l’une des solutions au vieillissement de la société allemande, qui engendre une grave pénurie de personnel qualifié. Angela Merkel, sa devancière, avait en quelque sorte ouvert la voie en régularisant en son temps des centaines de milliers de migrants venus de Syrie. Les pistes lancées par la nouvelle coalition au pouvoir ont reçu un accueil favorable des milieux patronaux.
Cette préoccupation, les entrepreneurs la partagent de ce côté-ci du Rhin. Dans notre enquête conjoncturelle d’automne, plus d’un quart des répondants disent rencontrer des soucis de recrutement, une proportion qui grimpe à 40% dans l’industrie. Après une accalmie en raison de la crise du Covid-19, ces difficultés sont en recrudescence et atteignent un niveau identique à celui observé en 2018. Les types de profils principalement concernés sont la main-d’œuvre qualifiée (77%), les cadres intermédiaires (36%) et les cadres supérieurs (20%). Dans son Baromètre de l’emploi de septembre dernier, Manpower notait également que la pénurie des talents restait «un sujet d’actualité préoccupant pour de nombreuses entreprises».
Le poids de l’accord-cadre
Même si elle ne constitue qu’une solution parmi d’autres, à côté de la formation continue et du recours aux aptitudes des séniors dans certains secteurs, l’option du gouvernement allemand a le mérite de rappeler que la grandeur d’un pays se mesure aussi à son esprit d’ouverture vers l’extérieur. Où en serait l’économie suisse si notre pays n’avait pas introduit la libre circulation des personnes et conclu quantité d’accords bilatéraux sectoriels avec l’Union européenne? On voit aujourd’hui déjà les problèmes que rencontrent nos industriels à cause de l’abandon de l’accord-cadre.
Il n’est bien sûr pas question de laisser notre frontière ouverte à tous les vents. La pénurie de personnel concerne essentiellement les métiers très spécialisés pour lesquels nous ne disposons pas de filières de formation, ou alors en quantité insuffisante. Cette réalité pose avec une acuité particulière la question des contingents de ressortissants extracommunautaires, c’est-à-dire d’un pays hors UE et hors AELE. Si la Suisse entend rester compétitive, elle doit pouvoir aussi compter sur cette main-d’œuvre.
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“les métiers très spécialisés pour lesquels nous ne disposons pas de filières de formation, ou alors en quantité insuffisante. ”
Je ne vous croie pas.
La Suisse a des filliéres de formation dans tous les domaines et l’apprentissage comble les éventuels manquements.
La vérité est que les entreprises ne veulent pas former. C’est une bombe à retardement.
Si les patrons cessent d’investir dans la formation (interne) de notre jeunesse, pour privilégier l’importation de cadres étrangers, on va droit dans le mur.
Les chefs d’entreprise sont très soucieux de former une relève. Selon l’enquête fédérale menée auprès des offices de la formation professionnelle, 78’019 contrats d’apprentissage ont été conclus dans toute la Suisse à fin octobre 2021. Ce chiffre correspond à 100,5% du nombre total de contrats conclus l’année précédente.
Cela dit, il existe clairement des métiers très spécialisés pour lesquels nous manquons de main-d’œuvre, en particulier dans les domaines de l’ingénierie et de l’informatique. Il ne s’agit pas, comme je l’ai écrit, d’ouvrir grand nos frontières, mais de combler la pénurie de talents que certains secteurs connaissent.
Je maintiens.
Il faut investir dans des formations, ici, pas faire des économies en important des gens (déjà) formés.
Le problème est que les métiers de l’ingénierie et de l’informatique n’ont pas la culture de la formation interne ou duale.
Nous avons les hautes écoles; c’est au patron d’accepter de faire le lien et d’investir dans notre jeunesse.
C’est donc totalement faux de prétendre que nous n’aurions pas les talents en Suisse. Ce que l’on manque, c’est des patrons prêts à les former. Ils veulent des talents déjà formés, puis les jeter. Ce n’est pas la Suisse, ce n’est pas notre culture.
Ce que les bouchers ont compris depuis longtemps, les starts-up devront le comprendre aussi un jour. Ils doivent former leur personnel et y consacrer du temps.
@Claudine Amstein. Votre chiffre ne veut rien dire, désolé d’être aussi direct, il vous faut un autre indicateur. Exemple: le rapport entre le besoin et le nombre d’apprentis par entreprise. En gros, une estimation du nombre de départs, tant pour cause de retraite que pour cause de turn over, par an, divisé par le nombre d’apprentis formés, par an. Bref un taux de couverture. Combien d’entreprises sont proche d’un 100% ? Ou même d’un 50% ?
Je rejoins les propos de Rouge sur la base de mon expérience personnelle: mon entreprise a un besoin récurrent en ouvriers spécialisés depuis 2 ans. La solution est de former plus d’apprentis, au lieu d’un seul par année actuellement. Problème, l’encadrement actuellement au soin de plusieurs personnes de l’encadrement, nécessiterait de consacrer à cette tâche une personne dédiée. Or cette personne ne serait plus une source de valeur directe pour l’entreprise, il est inimaginable de créer ce poste.
Solution: vu que le groupe est international, la structure française a été sollicitée pour transmettre les offres d’emploi suisses.
Les entreprises forment mais pas dans la mesure de leurs besoins.
Ajouter à cela la perte de relation à long terme entre les employés et les employeurs (les carrières de 40 ans et plus dans la même entreprise ont disparu), l’arrivée des derniers baby boomers à la retraite, et les besoins sont importants.