Votation après votation, un fossé se creuse entre la population et le monde économique. Notre prospérité et notre qualité de vie ne dépendent pas moins des engagements des différents acteurs de ce secteur, dont nous sommes tous partie prenante.
Rédiger un dernier blog, en tant que directrice de la CVCI, suscite en moi un choix thématique cruel. L’économie est devenue le parent pauvre de l’information. Dans un monde de surinformation rapide, la complexité des sujets économiques rebute les plateformes et les réseaux sociaux où le plus court est le plus efficace. Mais plus efficace pour qui? Pour quoi? Dans tous les cas pas pour la compréhension du monde dans lequel nous vivons. Nous oublions trop facilement que nous sommes tous partie prenante de l’économie, nous la faisons même tous en tant que consommateur ou collaborateur.
La simplification conduit à vouloir placer les événements, les personnes dans des cases blanches ou noires, avec ses bons et ses méchants. Ainsi un entrepreneur est admiré pour son courage, son innovation, alors que le patron l’est moins. Il s’agit pourtant de la même personne. La liste de tels exemples est longue. Votation après votation, les analyses montrent qu’un certain fossé se creuse entre la population et l’économie.
Comment comprendre que la population de Vevey vote sur les sujets qui touchent Nestlé – son principal employeur et contribuable – de manière systématique à l’opposé des intérêts de l’entreprise? Mais alors, lorsqu’il s’agit de chercher de l’argent pour une association, un club sportif, le premier réflexe consiste à se tourner vers l’entreprise en question. Notre prospérité, notre qualité de vie sont le résultat des engagements de tous les acteurs de l’économie, petits et grands.
Notre prospérité n’est pas acquise
Et pourtant, même si le Canton est né sous une belle étoile, cette prospérité n’était pas acquise et ne l’est toujours pas. Petit rappel, à la fin de la crise des années 1990, à un moment où les taux hypothécaires avaient atteint les 6%, où le taux de chômage dépassait les 7% et celui des logements vacants se situait à près de 3%, nous étions fiers et heureux de voir arriver des multinationales dans notre canton. Elles nous ont permis de nous relever, d’assainir nos finances, de recommencer à investir. Dans le même temps, le développement de l’EPFL a instillé une incroyable dynamique pour la création d’entreprises, permettant à ces dernières de truster pendant des années le podium des start-up de Suisse. Grâce à la globalisation, nos PME ont pu développer leurs affaires sur le monde. Le marché intérieur a été ainsi alimenté par les bonnes performances de tous ces acteurs.
Cette renaissance économique nous a donné l’opportunité, grâce à la diversité de notre tissu, de faire face à toutes les crises vécues ces vingt dernières années, en ayant même la chance de connaître un accroissement du PIB supérieur à la moyenne suisse. Le fameux «miracle vaudois», comme nous l’avons intitulé dans une étude récente.
Mais ce miracle a engendré une sorte de «Schadenfreude» dans une partie de la population qui explique peut-être ces réflexes anti-économiques. Elle se manifeste par le rejet des multi, l’appel à la décroissance, l’impression que l’économie profite de tout et j’en passe. La pandémie a cependant rappelé quelques réalités, la fermeture de certains secteurs a fait prendre conscience de ce que pouvait signifier la décroissance. C’est l’occasion de rappeler que, pour l’économie, la croissance n’est pas le «toujours plus», mais le «toujours mieux». Et nous en aurons besoin, de «ce toujours mieux», pour affronter le défi climatique, que ce soit par la recherche et l’innovation.
Nous sommes à l’aube de changements géopolitiques profonds qui auront, à n’en pas douter, des conséquences aussi sur notre canton et son développement. Pour y faire face, il est bon de rappeler que les entreprises restent des acteurs incontournables pour trouver des solutions. Il nous appartient de l’expliquer encore et encore.
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« Notre prospérité, notre qualité de vie »
Quand vous aurez compris que ces deux notions sont de plus en plus découplées, il vous apparaîtra plus clairement pourquoi « un certain fossé se creuse entre la population et l’économie ».
En effet, surpopulation, infrastructures saturées (trains bondés, bouchons sans fin sur les routes), manque de logements disponibles (et donc des loyers hors de prix), bétonnage massif du territoire et constructions pléthoriques sont les effets secondaires de plus en plus envahissants des « bienfaits de la prospérité » que vous récitez comme un mantra.
Le « miracle vaudois » n’est un « toujours mieux » que pour les gagnants. Comme souvent, lorsqu’une situation finit par créer plus de perdants que de gagnants l’opinion majoritaire se retourne tôt ou tard contre le système.
Le «toujours mieux», c’est une croissance qualitative, durable et non exponentielle, qui profite in fine à l’ensemble de la société. La recherche et l’innovation permettent de développer des technologies performantes (capture de CO2, rendement du photovoltaïque, développement de vaccins, etc.). Une économie prospère fournit en outre des rentrées fiscales qui financent un filet social que beaucoup de pays nous envient. Quant aux infrastructures saturées, elles sont plutôt le résultat d’une absence de vision des autorités. L’économie, quant à elle, est beaucoup plus réactive.
« Le «toujours mieux», c’est une croissance qualitative, durable et non exponentielle, qui profite in fine à l’ensemble de la société. »
Parce que vous trouvez que le croissance que vit la Suisse en général et l’arc lémanique en particulier est qualitative et non exponentielle ?!
On ne doit pas avoir la même notion de ce que représente la qualité …
Au vu de la réaction de nombreuses personnes contre l’économie, que vous regrettez dans votre texte (et sur ce point je vous rejoins), je me dis que votre conception de la croissance qualitative n’est de loin pas partagée par tout le monde.
« Quant aux infrastructures saturées, elles sont plutôt le résultat d’une absence de vision des autorités. L’économie, quant à elle, est beaucoup plus réactive. »
Rappelons que le « miracle vaudois » est le résultat d’une étroite entente entre les milieux économiques et politiques. C’est un peu facile de rejeter la faute sur le partenaire d’alors. Je pense que ce que nous vivons actuellement est le résultat d’un manque total d’anticipation de TOUTES les parties prenantes qui, comme souvent, ont eu une vision à très court terme, sans aucune considération pour les effets collatéraux.
L’argent rentrait, tout allait bien, où était le problème ?