Magie méditerranéenne

Après deux années de création et de concerts en Suisse romande, les cinq troubadours de Fronda gravent leur premier CD. Ils nous invitent à les suivre dans six voyages au cœur du bassin méditerranéen. Une aventure musicale où la fougue côtoie la tendresse, où le sage rencontre le fou.

 Majarie Méditerranée : c’est le titre du nouvel album de Fronda. Majarie, en dialecte sicilien, signifie « magie ». Celle que nous inspire la Grande bleue, où viennent se déverser et se fondre les âmes des peuples qui l’entourent.

Folklore méditerranéen revisité

Parmi les six pièces chantées et jouées par Hélène Pelourdeau (chant), Valérie Bernard (violon), Massimo Laguardia (percussions et chant), Mario Ciurlia (guitare) et Stéphane Plouvin (accordéon) figurent trois œuvres issues du folklore méditerranéen : Ajde Jano, la Tarantella Montemaranese, et la Pizzica Capricciosa di Aradeo, une tradition singulièrement revisitée par Fronda. Les deux dernières font référence à la tarentelle et à sa dérivée, la pizzica : une thérapie par le son et le geste, dans les Pouilles, qui jusque dans les années 1950 avait vocation de guérir des personnes atteintes de maux mystérieux, qui n’étaient d’ailleurs pas toujours causés par une morsure de tarentule !

Si l’enracinement dans la pizzica perdure, les artistes la font voyager à travers leur héritage jazzeux (notamment celui de Stéphane) ou classique (celui de Valérie et Hélène).  Ainsi, dans la Tarantella Montemaranese, à la danse traditionnelle de la ville de Montemarano (province d’Avellino) vient se greffer un délicat menuet très classique dans une ambiance festive. Dans la Pizzica Capricciosa di Aradeo, le 24ème Caprice de Paganini magistralement interprété par Valérie engendre une série de variations, que de courtes danses et des chicaneries viennent enrichir. Une vraie piqure de tarentule que la musique semble vouloir guérir par une sorte d’homéopathie bienfaisante ! Quant à Ajde Jano, elle s’enracine dans une autre tradition, celle des Balkans. Avec son rythme à sept temps et sa mélodie envoutante dont le mode prend des allures orientales, la chanson exprime le désir de tout quitter, de tout vendre pour ne faire que danser.

Compositions originales de Fronda

Les trois autres pièces, Luna Piena, Koan et Faccia di Brogna sont des compositions écrites par les artistes de Fronda.  Luna Piena (auteur : Mario Ciurlia, compositeur : Stéphane Plouvin) est un clin d’œil à la musique du film de Fellini E la nave va. Inattendue, la mélodie surgit comme dans la scène de la harpe de verre, dans les cales d’un bateau. La surprise, dans le refrain, vient de ces deux voix aux timbres si différents : celle de Massimo, naturellement projetée et celle d’Hélène, finement ciselée par des années de chant lyrique. La cohabitation des univers sonores, c’est en quelque sorte l’ADN de Fronda qui recherche en permanence l’unité dans la diversité.

Du zen à la rébellion

Fronda, c’est aussi le fruit des expériences les plus intimes des artistes. A l’image de Koan , une œuvre écrite et composée par Mario Ciurlia, adepte du zen. Dans la culture zen, le koan est une phrase paradoxale destinée à nous faire réaliser les limites de notre logique et dont le but est de nous éveiller à un autre état de conscience. « Comme un son qui naît au fond de toi ».

Quant à la chanson  Faccia di Brogna (Auteurs: M. Laguardia – M. Incudine, compositeur : M. Laguardia), elle se veut une métaphore satirique pour dénoncer, à travers un rituel carnavalesque, les crimes des politiciens, des mafieux et toutes les laideurs des hommes, elle colle assez bien avec le rebelle Massimo.

Une joie intime et secrète

Il n’y a cependant aucune rancœur, aucune violence dans les six pièces de Majarie Méditerranée. Une joie intime et secrète finit toujours par l’emporter à leur écoute. Comment en serait-il autrement ? La Méditerranée, mère du monde, malgré les outrages que les hommes lui infligent, continue à nous faire rêver, toujours prête à enfanter dans le chant de ses vagues une nouvelle conscience planétaire.

Photo: Frédéric Roland.

Les CDs sont en vente sur le site de Fronda www.fronda.ch et aussi lors du vernissage de l’album, le 31 octobre 2021, à 17h30 à l’Oriental de Vevey, ainsi qu’au prochain concert du 13 novembre 2021, à 19h30, également à L’Oriental de Vevey. Un passe sanitaire valide est exigible à l’entrée.

 

 

Le point Oméga

Dans ma vie de jeune adulte, j’ai été fasciné par la théorie de l’évolution du jésuite et paléontologue Pierre Teilhard de Chardin. Le fait qu’au cours des millénaires, par le jeu de ce qu’il appelait la « complexité conscience », atomes, molécules, cellules se sont organisés pour donner naissance aux règnes minéral, végétal, animal puis finalement humain, au bout de la chaîne, cette perspective me ravissait. D’autant plus que, toujours selon Teilhard, au fur et à mesure de leur déploiement sur la planète, les hommes tendraient naturellement et biologiquement à se rapprocher et à se socialiser. Autrement dit, l’humanité finirait par devenir un tout organique, une réflexion collective unique, dont le terme idéal serait une parfaite communauté de pensée et d’amour. Le point Oméga serait ainsi le sommet de la pyramide évolutive, le point ultime de la conscience planétaire. Dans cette perspective, la vie, la mienne comme celle des êtres humains, avait un sens. Je baignais, comme chacun d’entre nous, dans cette nappe pensante, la « noosphère », où l’amour énergie s’accumulait.

Mais quand je vois aujourd’hui comment cette humanité s’y prend pour dérégler le climat, détruire les écosystèmes, se complaire dans des jeux de pouvoir et de domination politique, économique et militaire, ou faire de l’argent la référence suprême, je me demande si Teilhard ne s’est pas fourvoyé. Même dans un pays comme la France de ma jeunesse, considérée jadis comme la fille aînée de l’Eglise, que reste-t-il de sa vocation spirituelle, elle qui a même oublié que ses valeurs chrétiennes étaient le fondement même de ses fameuses valeurs républicaines ?

Vers un nouvel état de conscience ?

 e Pourtant, c’est plus fort que moi, je ne parviens pas à me désespérer. Est-ce à cause de l’énergie d’amour de la Terre que dégage cette jeune paysanne lancée dans l’agriculture biodynamique ? Est-ce à cause de la fougue passionnée de ce jeune danseur, de l’enthousiasme silencieux de ce chercheur réalisant une découverte majeure, de l’abnégation sans borne de ce médecin sans frontière qui se porte au secours des victimes de la guerre ? Tous ces gestes du quotidien que nous montrent les médias dans le flot d’une actualité démoralisante ne viennent-ils pas enrichir la « noosphère », comme des éclats de lumière projetés dans une matière chaotique ? Ces gestes nous révèlent qu’au-delà des effondrements dont nous sommes les acteurs-observateurs, l’humanité vit peut-être un accouchement, certes douloureux mais annonciateur d’un nouvel état de conscience. Des petits gestes aussi insignifiants et grandioses à la fois que les lumières de la Voie lactée. (Publié dans Echo Magazine du 6 octobre 2021)

 

Le revenu de transition écologique intéresse Genève

Après avoir pris ses premières racines dans les cantons de Vaud et du Jura, le Revenu de transition écologique (RTE) pourrait bien s’implanter dans le canton de Genève. Sur une initiative de l’Hospice général, un premier groupe de travail vient d’être validé. En font partie notamment des représentants de la ville de Meyrin, de l’Office cantonal de l’emploi, de l’Office de l’action, de l’insertion et de l’intégration sociales, ATD Quart Monde Suisse, la chambre de l’économie sociale et solidaire APRÈS-GE et la Fondation Zoein.

« Ce groupe de travail va faire des propositions concrètes pour que des porteurs de projets concernant les emplois de demain viennent de la société civile, et pas seulement des bureaux d’ingénieurs ou des start-up » a souligné Sophie Swaton, présidente de Zoein, lors d’un débat organisé lundi soir à Genève par Alternatiba 2021.

Vaud et Jura également intéressés

Les parlements vaudois et jurassien ont déjà demandé aux gouvernements des deux cantons, par la voie de postulats, d’étudier la possibilité de mettre en place un revenu de transition écologique. Le RTE est un dispositif comprenant un revenu versé à des personnes physiques en contrepartie d’activités orientées vers l’écologie et l’impact sociétal. Soutenues et accompagnées dans leur projet de transition en durabilité, ces personnes doivent par ailleurs adhérer à une structure démocratique (association, coopérative d’activité) qui favorise leur intégration sociale.

A l’heure du réchauffement climatique dont on ressent déjà les effets dévastateurs, de nouvelles activités et des reconversions professionnelles indispensables dans de nombreux domaines devraient pouvoir bénéficier d’un tel outil au service de la collectivité.

Le RTE fait l’objet d’une expérimentation dans plusieurs territoires en France, notamment à Grande Synthe dans le Nord et dans la Haute vallée de l’Aude.

 

 

 

Au bûcher!

Fini, le temps des bûchers ? Allons donc ! Certes, il ne s’agit plus de brûler physiquement qui que ce soit. Au XXIème siècle, les bûchers sont purement psychologiques. Ils ne suppriment aucune vie mais font bien comprendre à ceux dont la pensée est politiquement incorrecte qu’ils se mettent en marge de la société dont ils ne reconnaissent pas la soi-disante « inéluctable évolution ». Quelques exemples :

Vous en avez assez d’entendre clamer à longueur de propagande qu’une fois vaccinés contre le coronavirus nous pourrons vivre « comme avant », alors que c’est précisément en vivant « comme avant » que la planète ne pourra bientôt plus empêcher une grave pénurie d’eau, de nourriture, de graves inondations, des canicules ainsi qu’une extinction accélérée des espèces. Et cela bien avant 2050, comme le dévoile dans son dernier rapport le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : alors, au bûcher !

Vous en avez assez d’entendre parler de droits humains, de droits de la femme et de l’enfant sans que jamais ne soit mentionnés les devoirs des uns et des autres, alors qu’il n’y a pas de droits sans devoirs et qu’à force d’éliminer les seconds nous faisons la part belle à l’irresponsabilité collective et à la perpétuelle victimisation de notre société : alors, au bûcher !

Vous en avez assez des discours de pédagogues qui nous vantent les vertus d’une éducation favorisant la créativité et l’imagination de l’enfant comme de l’adolescent, alors que la danse, la musique, le théâtre et les arts graphiques sont toujours considérés comme des matières secondaires. Vous pensez qu’elles devraient être au cœur de l’enseignement scolaire et universitaire d’une société favorisant l’être et non l’avoir : alors, au bûcher !

Vous en avez assez des mirages mis en scène par les fascinés de la technologie qui s’imaginent que cette dernière va nous faciliter la vie alors qu’elle nous l’emprisonne en nous déconnectant du vivant. C’est le cas des techno-fanas de la 5G qui, avec la complicité aveugle des gouvernants, érigent leurs antennes sans se soucier des conséquences écologiques et sanitaires d’un système dont l’utilité réelle reste à démontrer : alors, au bûcher !

Vous en avez assez de ces publicités mensongères qui flattent notre striatum au mépris de notre conscience d’être humain, comme les images de pseudo-liberté véhiculées par cette bagnole qui nous transporte dans des paysages de rêve, alors qu’en réalité nous sommes devenus ses esclaves inconditionnels : alors, au bûcher !

Mais n’ayons pas peur de ces nouveaux bûchers. Viendra le temps du retour de flamme. Résistance ! (Chronique diffusée dans Écho Magazine)

 

 

Pensées positives

Auteur du livre 2034: un récit de la prochaine guerre mondiale,  l’amiral américain James Stavridis estime dans un récent entretien à la RTS qu’un conflit nucléaire entre la Chine et les États-Unis, dont les désaccords sont nombreux notamment à propos de Taïwan, est « très probable » même avant 2034. A la question de savoir si nous avions vraiment besoin d’un tel message en ces temps de grande inquiétude, l’ancien commandant des forces de l’OTAN en Europe répond que sa démonstration permet de déconstruire ce futur que nous ne voulons pas, de faire de « l’ingénierie inverse » qui consiste à éviter le type de résultat qu’il décrit dans son livre. Vraiment?

Certes, la raison nous dit qu’il vaut mieux être prévenu à temps d’un prochain désastre que de s’endormir face au danger qui menace, comme ce fut le cas juste avant la seconde Guerre Mondiale. Mais une telle attitude, aussi «raisonnable» soit-elle, a son revers. A force de laisser se répandre dans l’espace-temps des pensées de violence et de guerre, ces dernières s’amplifient jusqu’à devenir une réalité tangible. «Les pensées sont des entités vivantes, relevait le philosophe et pédagogue bulgare Omraam Mikhaël Aïvanhov dans l’une de ses nombreuses conférences. Certaines meurent assez vite, alors que d’autres subsistent très longtemps. Cela dépend toujours de la puissance avec laquelle elles ont été formées (…) Celui qui laisse sa tête, son âme, son cœur ouverts à tous les vagabonds de l’espace, sera leur victime. Inversement, celui qui sait comment se préparer intérieurement, ne peut attirer que des influences bénéfiques qui viendront l’accompagner pour l’inspirer et le réjouir sans arrêt».

Dès lors, sans pour autant tomber dans la naïveté, il est peut-être conseillé de se pencher sur une récente étude réalisée par l’Université de Pennsylvanie. Dans cette expérience, un premier groupe de personnes a visionné trois minutes d’actualité déprimante avant de partir au travail. Un deuxième groupe a fait le même exercice mais en savourant d’heureuses histoires. A la fin de la journée, le niveau d’anxiété du premier groupe était supérieur de 27% à celui du deuxième. Notre cerveau est naturellement programmé pour se focaliser sur le danger, commente le psychiatre Patrick Lemoine dont les propos ont été recueillis par France 2. Cela empire si nous sommes passifs lors d’un événement tragique face auquel nous nous sentons impuissants. Nous déclenchons des réactions endocriniennes et chimiques qui peuvent attaquer les organes comme l’estomac ou le cœur. Pour notre santé personnelle et celle de l’humanité, cultivons plutôt les pensées positives ! (Chronique publiée dans L’Écho Magazine du 2 juin 2021).

 

 

Les arbres, pour nous relier à l’essentiel

Du cèdre du Liban de la Place d’Armes au séquoia géant du parc d’Entremonts en passant notamment par les marronniers blancs et les pins sylvestres, Yverdon en Transition (YET) nous invite à redécouvrir quelques-uns des plus beaux arbres de la ville. Jeudi 17 juin 2021, de 18h00 à 19h30, Ernst Zürcher nous accompagne lors d’une promenade riche en découvertes pour émoustiller nos sens et nos méninges. Ce célèbre forestier est notamment l’auteur du livre Les Arbres entre visible et invisible (2016, Actes Sud) et le coréalisateur du documentaire La Puissance de l’arbre. Projeté en salle ou visionné en VOD, ce film nous révèle les aspects insoupçonnés de ces gardiens du temps que sont les arbres et dont l’existence nous est indispensable.

Pourquoi une telle visite guidée ? Parce que les grands arbres qui mettent des décennies, voire des siècles, à atteindre une taille respectable ne sont précisément toujours pas respectés comme ils le devraient. Trop souvent cloisonnés dans un espace restreint alors qu’ils ont un besoin vital d’enracinement en terre profonde et d’épanouissement dans l’espace, trop souvent considérés comme de simples éléments de décoration alors qu’ils représentent la mémoire vivante de l’humanité, les grands arbres méritent qu’on les observe, qu’on les écoute, qu’on les touche avec la plus grande bienveillance.

Ernst Zürcher nous dira à quel point les arbres sont des bienfaits pour la santé. Un séjour en forêt a par exemple des effets très positifs sur les personnes souffrant d’anxiété ou de troubles cardiaques. Dans une ville comme Yverdon-les-Bains, ils ont un pouvoir réparateur des nuisances engendrées par un trafic automobile devenu hélas omniprésent. Héros de la résilience dans un environnement qui deviendra toujours plus rude avec le dérèglement climatique, les grands arbres sont de véritables maîtres de la gestion de l’eau. En période de canicule, il n’y a pas de meilleurs rafraîchisseurs d’air ! Comme les organes d’un être vivant, ils sont dépendants les uns des autres et font vivre harmonieusement un corps tout entier, celui de la forêt. Certes, il n’est pas question de forêt en ville, mais il est cependant possible et indispensable d’entretenir des couloirs arborisés, seuls garants de la biodiversité végétale et animale.

Ingénieur forestier diplômé de l’École Polytechnique Fédérale de Zurich, chercheur et enseignant, Ernst Zürcher a aussi une formation de fromager ! Durant toute sa vie, il a toujours cherché à concilier les connaissances académiques avec le savoir-faire artisanal, la matière grise de l’intelligence avec la matière blanche de l’intuition. Avec lui s’ouvre l’histoire, parfois mythique, de chaque arbre rencontré. Une histoire qui nous plonge dans les racines de notre avenir.

Pour vous inscrire : https://yverdonentransition.ch/events/les-arbres-pour-nous-relier-a-lessentiel/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_campaign=les-nouvelles-de-yet_6

 

 

 

 

Vivre comme avant?

« Vivement que tout le monde soit vacciné, que l’on en finisse avec ce coronavirus et que l’on revive comme avant ! » C’est la ritournelle planétaire dont nous sommes abreuvés quotidiennement. Vivre comme avant, vraiment ? Nous savons désormais que 60% des maladies humaines existantes sont zoonotiques, c’est-à-dire issues du monde animal, et 75% des maladies émergentes le sont aussi. Les virus, bactéries ou parasites sautent la barrière d’espèces pour infecter l’être humain. En octobre 2019, un groupe de 22 experts internationaux de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) estimait à 1,7 million le nombre de virus non découverts actuellement présents dans les mammifères et les oiseaux. Plus de 800 000 d’entre eux pourraient avoir la capacité d’infecter les êtres humains.

Si une forte biodiversité permet de « diluer » les virus dans la variété des espèces sauvages, a contrario une perte de celle-ci est une aubaine pour les nouveaux virus. Aux États-Unis, constate Benjamin Roche, éco-épidémiologiste membre de l’IPBES, la maladie de Lyme transmise par les tiques progresse en flèche dans les régions où la biodiversité est la plus détruite. En Afrique, le virus Ebola s’est propagé tout particulièrement dans les zones déforestées car les chauve-souris originaires des écosystèmes forestiers sont contraintes de se déplacer de plus en plus près des villes et villages. Voilà pourquoi le monde a déjà connu six pandémies depuis 2000, contre seulement une par siècle en moyenne précédemment.

A quoi sert dès lors de se faire vacciner à tour de bras si la préservation des écosystèmes ne devient pas une priorité absolue ? En Suisse, la biodiversité est soumise à une très forte pression. Les habitats des animaux comme des plantes sont fortement altérés, non seulement par une agriculture intensive non biologique mais aussi par une boulimie de bétonnage et de bitumage. Il y avait donc un lien logique entre les pandémies et la volonté des militants écologistes de bloquer le projet d’extension de la carrière du cimentier Holcim sur la ZAD de la colline du Mormont (VD). Pour toute destruction du vivant, nous paierons un prix toujours plus élevé.

D’heureuses initiatives se multiplient heureusement. Toujours en Suisse, agricultrices et agriculteurs travaillent main dans la main avec des bénévoles du WWF. Ensemble, ils plantent des haies et des vergers, entretiennent des prairies et des pâturages, installent des nichoirs, etc. Les amoureux de la vie, sous les feux ou non de l’actualité, n’ont pas capitulé. Et nos autorités ? (Chronique publiée dans L’Écho Magazine du 7 avril 2021)

 

 

Vers une épicerie coopérative et participative à Yverdon-les-Bains

Il était temps. Yverdon-les-Bains était l’une des rares villes de Suisse romande à ne pas avoir d’épicerie locale, coopérative et participative. Grâce à un groupe d’action issu du groupe alimentation de YET (Yverdon En Transition), une telle épicerie devrait être fondée prochainement. Il y a du pain sur la planche. Si les statuts sont déjà prêts, les types de produits sélectionnés, certains fournisseurs répertoriés, le lieu d’implantation est encore à fixer, de même que le financement ainsi que mille détails qui restent à régler. Des détails dans lesquels ne se cache pas forcément le diable mais l’inconnu d’une aventure humaine exaltante !

Une épicerie participative, c’est d’abord une société coopérative alimentaire qui rassemble des coopérateurs responsables de la gestion et de la maintenance quotidienne du magasin. Historiquement, l’une des plus anciennes coopératives alimentaires a été fondée en 1973 à Park Slope, quartier de Brooklyn à New York. A cette époque, l’objectif de la Slope Food Coop était essentiellement de fournir des aliments de qualité à une population sans ressource. Le magasin compte aujourd’hui quelque 17.000 membres.

En Suisse romande, seize supermarchés coopératifs et participatifs ont vu le jour, dès 2018 pour la plupart, dans tous les cantons romands. Quatorze d’entre eux sont déjà rentables ! C’est le constat de Dorian Meierhans, l’un des membres (une dizaine) du groupe alimentation de YET qui travaille sur le projet yverdonnois. Dorian vient de réaliser un mémoire de recherche sur les épiceries participatives en Suisse romande, lors de son master en management à la Faculté des HEC de l’Université de Lausanne.

Gestion par consentement

Valoriser une alimentation locale, de saison, bio de préférence, encourager des circuits courts du producteur au consom’acteur, nourrir une réflexion sur nos modes de production et de consommation, telles sont les lignes de force de la coopérative en gestation. Dès le départ, des questions essentielles doivent être tranchées :  l’épicerie doit-elle fonctionner sur un modèle dit « fermé », c’est-à-dire exclusivement réservée aux seuls coopérateurs ou au contraire sur un modèle « ouvert » également aux non-membres ? Ne doit-elle distribuer que des produits alimentaires, de surcroît labellisés bio ? Doit-elle disposer ou non d’une caisse ? La manière de répondre à ces interrogations en dit long sur le futur mode de fonctionnement de la coopérative. Le groupe d’action de la future épicerie a choisi la gestion par consentement et non par consensus. Plutôt que d’attendre que tout le monde soit d’accord et dise finalement « oui » (consensus), il a préféré faire en sorte que personne ne dise « non » (consentement). Cette formule, plus souple, évite tout blocage du processus décisionnel sans pour autant négliger les avis contradictoires et elle encourage l’esprit d’initiative.

Modèle fermé

Au terme d’un intense débat, il a donc été décidé que l’épicerie yverdonnoise serait fermée, donc exclusivement réservée aux coopérateurs. Cependant, tout le monde est invité à devenir coopérateur ! Pourquoi avoir écarté l’ouverture ? Quand on ouvre une épicerie coopérative à tout le monde, le risque est de voir les bénévoles qui offrent trois heures de leur temps par mois à la gestion du magasin finalement y renoncer, quitte à payer plus cher les produits qu’ils achètent. De telles épiceries pratiquent en effet deux prix, l’un plus bas réservé aux coopérateurs, l’autre plus élevé réservé aux clients non coopérateurs. A terme, les derniers fidèles bénévoles doivent remplir les tranches horaires laissées vacantes et deviennent des quasi-salariés. Ce qui ne colle plus vraiment avec la vocation de la coopérative qui est précisément de faire participer ses membres à son bon fonctionnement.

Le modèle fermé a par ailleurs l’avantage de la simplicité. Il peut permettre de faire l’économie d’une caisse. C’est le système développé par une épicerie neuchâteloise qui invite les clients-coopérateurs à scanner les articles achetés dont les prix sont déduits d’un compte qu’ils possèdent dans l’épicerie. Ces clients-coopérateurs créditent régulièrement leur compte selon leurs besoins, généralement par virement bancaire. Mais, observe Dorian, la plupart des épiceries coopératives préfèrent néanmoins garder une caisse qui suscite une précieuse convivialité !

Produits bio, de préférence

Le choix des produits vendus a lui aussi été largement débattu. Il n’y aura pas que des produits alimentaires mais aussi de nettoyages et cosmétiques. Enfin, tous les articles ne seront pas labellisés bio. « Nous connaissons des producteurs qui n’ont pas le Bourgeon de Bio Suisse mais qui ont des pratiques correspondant à notre charte. Nous ne souhaitons pas les exclure », souligne Dorian Meierhans. Tous les articles importés en revanche devront bénéficier d’un label bio.

Des prix moins chers

L’épicerie participative, sans but lucratif et quasiment sans salarié, dégage de très faibles marges bénéficiaires, tout en rémunérant les producteurs fournisseurs à un prix équitable. « Fruits et légumes bio sont moins chers dans une telle épicerie que dans un supermarché classique. C’est l’un des principaux résultats de mes recherches », ajoute Dorian Meierhans. C’est d’autant plus patent que les grands distributeurs réalisent des marges plus fortes sur leurs produits bio que sur leurs produits non bio. Exception à ce constat : le lait. Il sera plus cher dans l’épicerie que dans la grande distribution car les producteurs de lait sont à ce point sous-payés qu’il convient de ne pas faire la fine bouche sur leur rémunération.

Parts sociales et financement participatif

Pour financer l’épicerie yverdonnoise, les coopérateurs devront acheter une part sociale de 200 francs. Selon le principe de la coopérative – une personne, une voix – ils prendront les principales décisions en assemblée générale qui est souveraine. Un comité dirigera la bonne marche de l’organisation pour toutes les tâches qui ne seront pas du ressort de l’assemblée générale. Différents groupes de travail seront aussi formés pour gérer des tâches spécifiques (gestion des commandes, des producteurs, des finances, etc.). Avec une centaine de coopérateurs, un montant de 20.000 francs récoltés serait une bonne base pour faire démarrer la coopérative. Il est cependant fort probable qu’un financement participatif (crowdfunding) et/ou des subventions communales complémentaires seront nécessaires.

Un énorme travail en amont

Dorian ne cache pas que les personnes impliquées dans ce projet ont réalisé l’ampleur de la tâche à accomplir. Mettre en place les horaires, préciser les tâches à accomplir et qui ne s’improvisent pas au sein du magasin, connaître et respecter toutes les normes d’hygiène, élaborer un site WEB, créer des événements, la liste des questions à régler n’en finit pas. Aussi l’expérience réussie d’autres épiceries locales participatives, comme le Supermarché Participatif Paysan La Fève à Genève ou Le Vorace près du campus UNIL-EPFL, montre que l’effort de quelques-un(e)s peut faire boule de neige et être largement récompensé. L’équipe invite toute personne motivée à rejoindre le projet. Pour les Yverdonnoises et les Yverdonnois, ce sera un signal fort que leur ville s’est enfin engagée dans la transition écologique et solidaire.

 

Yverdon-la-Bagnole ou Yverdon-le-Bon Vivre?

Yverdon-les-Bains qui renouvelle ce dimanche 7 mars sa gouvernance locale va-t-elle rater son tournant écologique ? Empêtrée comme à l’accoutumée dans une stérile confrontation droite-gauche, héritage des siècles passés, la deuxième ville du canton de Vaud ne semble pas avoir encore saisi que les questions liées à la biodiversité et au réchauffement climatique sont d’une telle urgence qu’elles devraient être la priorité de tous les partis. Et pas seulement des Verts. Comme le souligne Météo Suisse, depuis 1971, chaque décennie a été plus chaude que la précédente. La décennie 2011-2020 a été en moyenne 2,5 degrés plus chaude que la période de référence préindustrielle 1871-1900. Elle est donc clairement la décennie la plus chaude depuis le début des mesures en 1864. Apparemment aveugle face à ce phénomène, la classe politique yverdonnoise dans son ensemble continue à soutenir la construction d’un parking souterrain de mille places, près de la gare, méga-projet dispendieux faussement présenté comme une avancée urbanistique majeure.

« Ce projet sera certainement continué. Tirer la prise, ce n’est pas ce qu’une Municipalité de gauche ferait », déclare le municipal et candidat socialiste Pierre Dessemontet lors d’un débat récemment organisé par le quotidien La Région. Dans son bulletin d’information, le PS souligne qu’il a obtenu en 2019 « la création historique de 100 places d’accueil de jour pour les 5 à 8 ans ». Mais il oublie de préciser que cette belle perspective est le fruit d’un marchandage abracadabrantesque avec le PLR de la ville : les places d’accueil contre le parking de 1000 places. Toujours dans La Région, la municipale et candidate PLR Gloria Capt déclare sans sourciller que « le souci des îlots de chaleur est pris en compte dans les futurs projets de (ses) services, notamment dans le cadre du futur parc de la Place d’Armes et du futur quartier Gare-Lac ». Vraiment ?

 

Un non-sens écologique

 

Laisser le parking actuel en l’état, véritable verrue de tôles entassées au cœur d’Yverdon-les-Bains, n’a certes pas de sens. Mais de là à mettre en chantier le projet prévu, c’est encore plus insensé. Pour rafraichir l’atmosphère et rendre l’air respirable dans une ville, il n’y a pas d’autres solutions que de grands arbres. Or dans le projet adopté par la Municipalité, il n’est ni prévu ni possible d’en planter sur une dalle bétonnée recouverte d’une mince couche de de 60 centimètres de terre. Comme l’a affirmé le 12 février 2020 lors d’une réunion publique Sandro Rosselet, chef de service des travaux et de l’environnement de la ville, « il faudra s’attendre à des étendues de pelouse brûlées en été ». Il est facile d’imaginer le plaisir qu’auront les Yverdonnois à se faire cramer sur l’îlot de chaleur de la nouvelle place d’Armes !

Par ailleurs, le dérèglement climatique entraîne d’ores et déjà une multiplication de cellules orageuses avec de fortes précipitations. Or, comme l’a encore souligné le service des travaux et de l’environnement, la dalle de béton prévue va bloquer l’évacuation de l’eau de pluie. Il faudra donc prévoir un système de pompage et de recyclage de l’eau.

 

Un aspirateur d’automobiles

 

Le projet ne résout pas les problèmes de circulation qui asphyxie la ville jour après jour. Après avoir mis en chantier une route de contournement pour désengorger la vile du trafic, la Municipalité programme d’aspirer la circulation au cœur même de la cité. Quelle incohérence ! Le projet de parking de la place d’Armes va sensiblement aggraver le trafic, notamment sur la rue de la Plaine, la rue des Remparts ainsi que sur le pont de Gleyres. C’est exactement le contraire de ce que prévoit le projet Agglo Y qui constate notamment que « la topographie plate et les courtes distances font de l’agglomération une région particulièrement propice à la mobilité douce, notamment au vélo ».

Comme le souligne l’Office fédéral de l’environnement, depuis le milieu des années 1950, la circulation routière est la principale responsable des émissions d’oxydes d’azote et une source importante de poussières fines et de suies de diesel, une substance cancérogène. Les rejets d’oxydes d’azote et de poussières fines sont encore trop importants et les émissions de CO2, très élevées, diminuent lentement. Et ce n’est pas demain la veille que les voitures électriques, qui engendrent les mêmes encombrements que les voitures à essence ou diesel, seront majoritaires en Suisse.

 

Des commerçants du centre-ville pénalisés

 

Déjà fortement fragilisés par les conséquences du Covid-19, le commerce en ligne et la cherté des loyers, les petits commerces du centre-ville pourront-ils supporter quatre ans de travaux avec le grand chamboulement qui va en résulter ? Rien n’est moins sûr. Une fois le parking souterrain de 1000 places réalisé, ce sera le coup de grâce pour ceux qui auront survécu. En effet, le projet Front-Gare qui s’insère dans la mise en œuvre du plan directeur localisé Gare-Lac prévoit un centre multifonctionnel regroupant commerces, bibliothèque et cinémas. Un passage direct du parking au centre commercial est cité comme condition sine qua non de la réalisation du parking dans le contrat passé entre le groupe privé Parking Place d’Armes SA (Marti/Amag) et la Ville. Les automobilistes ne seront donc vraiment plus incités à faire du shopping dans les rues du centre-ville.

 

Un financement déraisonnable

 

37 millions de francs à la charge de la commune, 54,6 millions à la charge du privé, c’est le coût global du projet. Un coût qui va durablement peser sur les finances de la Ville qui a déjà débloqué de gros crédits pour une route de contournement (60 millions) dont seulement un tiers a été réalisé et le collège des Rives (60 millions). Sans compter les 3 à 4 millions directement liés à la gestion du Covid-19. Par ailleurs, la Ville garantit un chiffre d’affaires annuel aux propriétaires du parking sur une période de 10 ans, ce qui pourrait coûter 1,5 million aux Yverdonnois (CHF 150.000 sur 10 ans). Au bout de la chaîne, ce sont bien les contribuables qui devront régler l’ardoise. Comme le souligne dans un document du PS Pierre Dessemontet, Municipal membre de la commission des finances du grand conseil, « la situation financière de la ville n’est pas rose : en quelques années son endettement net a doublé ». Est-ce donc vraiment le moment de se lancer dans un projet aussi dispendieux ?

Par ailleurs, en cédant aux groupes Marti et Amag un droit de superficie pour une durée de 70 ans, la Ville s’interdit tout droit de regard sur la gestion du parking. A qui la société Parking Place d’Armes SA, liée à Marti et Amag pendant une décennie, pourrait-elle ultérieurement céder l’exploitation de ce parking ? A une société étrangère ? Pourquoi pas ? La Municipalité n’aura rien à dire. Dans ces conditions, on se demande ce que le terme « public » peut bien vouloir signifier dans le mirobolant partenariat « public-privé » que la Ville agite comme un étendard de bonne gestion dans l’intérêt des Yverdonnois !

 

De bien meilleures solutions à la clé

 

La formule des parkings silo, très prisée dans les nouveaux éco-quartiers, a l’avantage d’être sensiblement moins onéreuse qu’un méga parking de 1000 places et de s’intégrer harmonieusement dans le paysage, y apportant même une note de fraîcheur végétale. La création d’un parking végétalisé sur trois étages sur l’emplacement de celui du Midi permettrait de gagner environ 300 places et de supprimer le parking actuel de la place d’Armes. De tels parkings peuvent être érigés à la rue du Midi mais aussi sur le parking de l’Office du tourisme ou de l’autre côté de la gare, dans des lieux desservis par la route de contournement ou les grandes avenues. Ces accès offriraient plus de fluidité dans le trafic.

Outre les parkings centraux, des parkings situés à l’extérieur, desservis par des navettes gratuites, permettraient d’effacer ces interminables files de voitures sans surcharger les quartiers alentour, avec des accès proches des autoroutes.  De tels choix de parkings ouvrent la mobilité douce au centre-ville. Les accès décrits garantissent une vraie zone conviviale dans la rue des Remparts. La circulation y offre une réelle sécurité, favorise les rencontres en toute quiétude, et incite à la flânerie.  Des études ont prouvé que de tels centres apportent plus de bénéfice aux commerces. Les piétons – qui sont aussi des automobilistes sortis de leur véhicule – et cyclistes fréquentent plus souvent et plus volontiers de telles zones. La place Pestalozzi n’a-t-elle pas fait le bonheur des cafés-restaurants et des Yverdonnois de toujours ou d’un jour, en devenant piétonne ? De plus, les petits commerces du centre-ville et les riverains de la Place n’auraient pas à supporter des années de travaux. Et encore moins la concurrence d’un nouveau centre commercial à l’américaine dont la création n’est pas justifiée, et qui laisserait place à un parking central à étages, végétalisé.

 

Un jardin japonais revisité

 

Avec son kiosque, ses oiseaux, ses poissons, ses espaces ouverts à des rencontres culturelles, conviviales, ses espaces de jeux pour tous les âges, l’actuel jardin – qui n’a de japonais que le nom lâché par son créateur à un journaliste pressé – pourrait se développer sur la plus grande surface de la place. Des arbres y sont déjà plantés sur les parkings actuels. Ils ne demandent qu’à grandir. Au lieu des larges passages prévus, inadaptés aux piétons comme le laissait entendre la Municipalité elle-même le 12 février 2020 en exprimant son inquiétude à ce sujet, dessiner de charmants chemins pour relier ces arbres, leur offrir des espaces de respiration et de développement, multiplier les massifs fleuris et les lieux à la fois intimes et conviviaux, voilà qui favoriserait la vie sociale, dans un vrai parc central.

Le kiosque, qui n’a toujours pas de place dans le projet actuel, pourrait rester où il est. Il continuerait à accueillir des fêtes telles que celle des jodleurs ou des food-trucks. Il pourrait devenir le cœur d’un marché plus musical. Du côté du collège, un aménagement des arbres pourrait offrir un parcours aérien aux plus sportives et sportifs (vœu exprimé par les élèves lors du concours d’idées dans cette école en 2014). Un espace original, conçu pour accueillir des manifestations culturelles pour tous les âges pourrait aussi y être créé.

 

Place à l’imagination créatrice

 

La Maison d’Ailleurs, célèbre dans toute la Suisse romande, a invité en 2006-2007 l’architecte novateur Luc Schuiten dans son exposition Archiborescence. En s’inspirant de ses dessins, de ses réalisations, construire un espace de spectacle en plein air avec des arbres vivants est sûrement à la hauteur des talentueux jardiniers d’Yverdon et serait un vrai projet marquant pour le siècle.

Il est encore temps qu’à l’image de villes comme Pontevedra, au Nord-Ouest de l’Espagne, Yverdon-les-Bains évacue l’automobile de son centre et fasse la part belle à la mobilité douce, pour le bien-être de ses habitants et la vie de ses commerces, favorisés par la fréquentation des piétons et des cyclistes. Il est encore temps de ne pas s’embarquer dans une aventure ruineuse, nuisible à l’environnement, et de se tourner résolument vers l’avenir avec un projet novateur qui propulsera Yverdon-les-Bains dans le 21ème siècle.

Il est encore temps pour les nouveaux élus, roses, bleus ou verts, d’avoir le courage de renoncer à un projet qui plombera la ville pour des décennies et de faire enfin preuve d’imagination créatrice.

 

 

La Puissance de l’arbre

L’agroforestier Ernst Zürcher, membre du conseil scientifique de la fondation Zoein, et le documentariste Jean-Pierre Duval assisté de sa fille Anna ont visité et filmé les 36 arbres les plus remarquables en Suisse. Par leur taille, leurs vertus, leur histoire ou leur symbolique. Un documentaire qui dévoile les secrets de ces irremplaçables gardiens du temps et de la vie sur notre planète.

 

Au commencement, il n’était prévu que de filmer un seul arbre en Suisse. Mais quel arbre ! L’épicéa de Diemtigtal, une vallée latérale du Simmental dans le canton de Berne, est probablement le plus gros arbre de cette espèce dans le monde. Vieux d’environ 450 ans, il pèse plus de 50 tonnes. De son tronc émergent une douzaine de branches. Il est une quasi forêt à lui tout seul. Planté au bord d’un pâturage de montagne très escarpé, le picéa abies, son nom scientifique, ne se laisse pas dénicher facilement. Enfin repéré par l’agroforestier Ernst Zürcher accompagné par le documentariste Jean-Pierre Duval activement assisté de sa fille Anna (19 ans), le géant végétal a donné au trio l’idée d’élargir le sujet à une quarantaine d’arbres exceptionnels, trente-six précisément, répartis sur tout le territoire suisse. Bien plus qu’une série de portraits, l’intention était d’associer chacun de ces arbres à un thème, scientifique, artistique ou spirituel, et de les présenter comme les ambassadeurs de la vie des forêts, sans lesquelles les vies végétale, animale et humaine seraient inimaginables.  Ainsi a éclos La Puissance de l’arbre, remarquable film documentaire réalisé du printemps 2019 au printemps 2020, au fil des quatre saisons tapissées de brumes, de neige ou de soleil éclatant.

 

Deux amoureux des arbres

Les deux hommes, qui se connaissent depuis peu, sont depuis longtemps des amoureux des arbres. Ernst Zürcher, que l’on voit dans le film auprès de l’un de ses amis feuillus ou résineux ou que l’on entend en voix off, est professeur émérite en sciences du bois à la Haute école spécialisée bernoise sur le site de Bienne (BE). Il est actuellement chargé de cours à l’École polytechnique fédérale de Zurich (sciences environnementales), à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (science et génie des matériaux), ainsi qu’à l’Université de Lausanne (géosciences). Il poursuit notamment des recherches sur la chronobiologie des arbres et leur potentiel de séquestration du carbone. Dans son livre Les Arbres, entre visible et invisible (éditions Actes Sud), il lève le voile sur les ressources insoupçonnées de ces végétaux, acteurs essentiels de la biodiversité. Quant à Jean-Pierre Duval, auteur de plusieurs ouvrages illustrés dans les domaines de la cuisine, du voyage et de la mer, plusieurs fois récompensés, il a notamment réalisé deux films sur les arbres : Les Arbres remarquables, un patrimoine à protéger (2019) et Arbres et forêts remarquables (2020). « La Suisse est un bel exemple de protection des forêts. La forêt-jardin continue à s’y développer », observe, un brin admiratif, le photographe-cinéaste que nous avons contacté.

 

Les bienfaits pour la santé

Dès les premières images de La Puissance de l’arbre, le ton est donné. Nous apprenons que les arbres émettent des fréquences ultra-basses qui correspondent à celles émises par un homme en méditation. Dès lors, ne soyons pas étonnés si nous nous sentons bien, assis auprès d’un tel organisme vivant ! Dans le Jorat d’Orvin (BE), monticule boisé situé dans les contreforts du Jura, Ernst Zürcher, pieds nus dans un ruisseau, loue les vertus sur la santé des terpènes, hydrocarbures naturels que dégage notamment le pin sylvestre, en abondance dans cette région très verdoyante.  Ce qui profite aux hommes profite également aux animaux. « Quand on donne aux vaches accès aux pâturages, la qualité de la viande est beaucoup plus riche en oméga-3 », ces acides gras dont l’organisme humain a besoin. Ernst Zürcher n’est pas le seul à prendre la parole. Une bonne vingtaine de personnes, des botanistes aux forestiers en passant par des naturalistes et des artistes, nourrissent les commentaires de leurs expériences et de leur vécu. Ainsi Daniel Krüerke, directeur de recherche à la Klinik Arlesheim, observe qu’un séjour en forêt a des effets très positifs sur « les personnes dépressives, souffrant d’anxiété ou de troubles cardiaques ». Ladina Giston, qui tient l’hôtel Engiadina au centre de Scuol dans les Grisons, constate quant à elle que ses clients dorment particulièrement bien. Rien d’étonnant à cela, commente Ernst Zürcher, car cet hôtel est entièrement composé de bois d’arole. Quand on dort dans du bois d’arole, la fréquence cardiaque est réduite à raison de 3500 battements par jour, ce qui pour le cœur correspond à une heure de travail en moins !

 

 

Héros de la résilience

Grâce à un drone équipé de six caméras, Jean-Pierre Duval parvient à nous offrir des images non seulement vues du ciel mais aussi à l’intérieur même des arbres, lors de visites ascensionnelles, du bas du tronc à la cime. Le résultat est édifiant. Les arbres choisis ne le sont pas seulement pour leur grandeur exceptionnelle  – comme le séquoia géant de Thun (BE)- ou leur record de longévité – comme l’if de Heimiswil (BE). Ils le sont aussi pour leur capacité de résilience. Ainsi le mélèze à Haute-Nendaz (VS) résiste aux blessures qu’on lui inflige toutes les deux semaines pour récolter sa résine et trouve encore la force de se reproduire après mille ans d’existence. Autre héros de vitalité, le sapin blanc à Couvet (NE) : avec une hauteur de 57 mètres et un diamètre de 1,4 mètre, il grandit encore de dix centimètres par an après quelque 270 ans d’existence. Mais les champions de la résilience sont peut-être ces bouleaux de la chaîne jurassienne filmés dans la brume automnale, qui parviennent à survivre au cœur d’une tourbière glacée et acide.

 

La forêt jardinée

Comme les organes d’un être vivant, les arbres sont dépendants les uns des autres et font vivre harmonieusement un corps tout entier, celui de la forêt. Encore faut-il que cette dernière ne soit pas monospécifique. C’est ce qu’explique clairement l’entrepreneur forestier Alain Tuller qui rend hommage au sylviculteur Henry Biolley (1858-1939) qui, après une déforestation massive dans les années 1860, a recomposé la forêt de Couvet, dans le canton de Neuchâtel. En 40 ans, il en a fait une forêt jardinée, où s’épanouissent aujourd’hui de nombreuses espèces locales. La régénération y est naturelle et permanente. Une telle forêt produit de façon durable et ininterrompue un volume optimal de bois de qualité, avec un investissement en soins très limité. Ce qui n’est pas du tout le cas avec une forêt monospécifique. La protection renforcée de l’ère forestière en Suisse date d’une loi fédérale promulguée déjà en 1902 !

A Madiswil (BE) – une autre forêt jardinée exemplaire où cohabitent sapins blancs, épicéas et douglas – chaque arbre est le partenaire de l’autre et non son concurrent, note Ernst Zürcher. Une telle forêt est très résiliente et résistante. « Cela démontre la puissance du partenariat, de la mise en commun des symbioses ». A contrario, « les plantations artificielles sont extrêmement sensibles aux maladies, au stress hydrique, aux tempêtes ». Qui plus est, « la séquestration de carbone est plus du double quand on mélange les essences ». Enfin, oiseaux, insectes et batraciens accompagnent une biodiversité végétale vivifiante. « Les chants des oiseaux qu’on entend ici ont même un effet sur la croissance des plantes », observe songeur l’agroforestier.

 

 

Maîtres de la gestion de l’eau

Pas de croissance sans eau. Les arbres comme tout être vivant en ont besoin. Mais ils ne font pas que la consommer. Véritables « maîtres de la gestion de l’eau », ils fournissent notamment de la biomasse en grande quantité. Pour obtenir un kilo de biomasse, les arbres utilisent 300 litres d’eau, alors que les pommes de terre et le blé en consomment deux fois plus. Dès lors, constate Ernst Zürcher, « si l’on veut reboiser avec un minimum de précipitations, il est plus efficace de commencer avec des arbres qu’avec des plantes annuelles ».  Le manteau forestier génère un microclimat que la lisière garde précieusement, point de rencontre entre les milieux boisés et les milieux ouverts.

Tous les êtres vivants ont leur place dans la forêt. Y compris les ours qui ne chassent pas les cerfs, chevreuils et chamois les plus vigoureux mais seulement les plus âgés et les plus chétifs. Comme l’explique l’experte du WWF Joanna Schönenberger, dans le paysage enneigé de Tamangur (GR) où s’étend une forêt d’aroles, en chassant les cervidés les ours contribuent à rendre ces derniers plus prudents. Ils ne se rassemblent plus en grands troupeaux qui font de gros dégâts aux jeunes peuplements forestiers. L’équilibre écologique de la forêt est ainsi préservé.

 

L’alliance de l’art et de la science

Mathias Duplessy, qui compose régulièrement pour des films et des documentaires, a écrit la musique de La Puissance de l’arbre qui offre au récit une belle dimension artistique. « L’art et la science devraient à mon avis être reliés », souligne Gottfried Bergmann, naturaliste, écrivain et artiste. Un avis partagé par Philippe Chapuis, dit Zep, qui aime dessiner des arbres, pour « être face à un vivant avec qui on a un échange ». Le film se termine en musique avec Juliette du Pasquier au violon et Marc Hänsenberger à l’accordéon. Une musique aux couleurs tziganes qui nous plonge dans nos propres racines que notre civilisation déconnectée du vivant a singulièrement perdues. Il est grand temps que nous les retrouvions, avec l’enthousiasme, la sérénité et l’esprit de solidarité de ces enfants réunis dans un canapé forestier, sorte de cahute faite de branchages empilées. Des enfants dont la joie demeure la touche d’espérance d’un documentaire à déguster sans retenue. (Publié dans lapenseeecologique.com)

 

Projeté sur les écrans en versions française et allemande dès que les salles de cinéma seront à nouveau ouvertes, le film La Puissance de l’arbre (90 Minutes) peut être visionné en VOD sur le lien :  https://www.museo-films.com/films