Le Temps, de la lucidité à la vision

Le Temps fait face à des difficultés financières et à des contestations à l’interne, révélait récemment la RTS, qui est traditionnellement en première ligne pour ausculter la presse écrite quand elle ne va pas bien (https://www.rts.ch/info/economie/14054483-le-temps-fait-face-a-des-difficultes-financieres-et-a-des-contestations-a-linterne.html). Ne fréquentant plus la rédaction du Temps depuis 2016, quand ce dernier et feu L’Hebdo partageaient provisoirement leur destin, je ne suis pas en mesure d’avoir un avis pertinent sur la situation réelle de ce quotidien. Je me souviens seulement qu’à l’époque la question de l’abandon de la formule papier était déjà dans les esprits, comme c’était le cas pour l’ensemble des titres de la presse romande. Si depuis lors le Matin a notamment franchi le pas, rien ne dit que Le Temps ne devra pas s’y résoudre un jour ou l’autre, si c’est une condition sine qua non de sa survie.

Tout devra être entrepris pour que  ce média perdure, quelle que soit sa formule. Sa disparition, qui heureusement ne semble pas d’actualité, serait fort dommageable pour la Suisse et pour la francophonie.  C’est grâce en partie à un tel média qu’au-delà des cantons la Suisse existe bel et bien, contrairement à ce qu’affirmait la célèbre devise inventée en 1992 (La Suisse n’existe pas) par l’artiste Ben à l’occasion de l’Exposition universelle de Séville. Portée par des symboles qui mettent en lumière l’unité dans la diversité, l’entité helvétique est plus fragile qu’il n’y paraît. Le Temps est l’un de ces symboles. Y porter atteinte ne serait pas anodin. Par ailleurs, vu de l’étranger, tout comme la Neue Zürcher Zeitung constitue une référence de la partie alémanique, Le Temps  demeure une référence de la partie francophone. C’est ainsi.

Au-delà des clivages

Cela dit, quid du contenu? Le Temps est-il plutôt de droite, comme certains semblent le regretter?  Je n’arrive toujours pas à m’enliser dans ces notions de droite et de gauche, préférant toute idée de rassemblement derrière un projet de vie qui nous dépasse, qui nous transcende. Est-ce parce que durant ma vie de jeune adulte je fus un militant gaulliste à Orléans où j’ai vécu de nombreuses années? “Quand tout va mal et que vous cherchez votre décision, regardez vers les sommets, il n’y a pas d’encombrement” disait Charles de Gaulle cité par André Malraux.

Que signifierait “regarder vers les sommets” pour Le Temps? Ce serait, et c’est déjà le cas en partie, être lucide et visionnaire. Lucide face aux bouleversements majeurs que vit notre humanité. L’effondrement de la biodiversité et le réchauffement climatique sont d’une telle ampleur qu’il n’est vraiment plus question de querelles de chapelles. Des décisions radicales, au-delà des égocentrismes, doivent être prises pour que la sixième extinction massive des espèces, qui a déjà commencé, ne devienne pas inéluctable. C’est tout notre modèle de société qui doit être revisité. Encore une fois, ce n’est pas une question de gauche ou de droite mais de survie. Ni plus ni moins.

Nouvelle alliance: une vision à développer

Décrire les catastrophes de long en large est totalement contre-productif et démobilisateur si des solutions ne sont pas esquissées. C’est là que Le Temps peut vraiment s’engager, en mettant le projecteur non seulement sur ce que peuvent apporter de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes de production et de consommation (énergies renouvelables, nouveaux matériaux biosourcés, économie circulaire, économie de fonctionnalité, etc.) mais en allant encore beaucoup plus loin.

Ainsi, autrefois séparés, cloisonnés, les sciences, les arts et la spiritualité forment désormais une alliance inédite. Comme si la matière grise de la raison devenait indissociable de la matière blanche de l’émotion. Donner la parole, encore davantage, à ces femmes et à ces hommes qui incarnent cette nouvelle alliance, voilà qui serait une plus-value exaltante pour un média comme Le Temps.

Chaque jour devrait être, pour le lecteur que je suis, l’occasion de sortir du brouillard amplifié par les guerres, les vaines conquêtes de pouvoir, les vains règlements de compte. Chaque jour une idée, un éclairage qui nous ferait grandir, qui nous ferait évoluer, qui nous ferait espérer, vers plus de con-naissance. Voilà qui serait un véritable engagement rédactionnel. Voilà, pour ce probable ultime blog, mon souhait pour Le Temps.

 

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

Une réponse à “Le Temps, de la lucidité à la vision

  1. Le Temps, comme la majorité des titres de presse, souffre avant tout, de sa docilité envers les gouvernants. Quand la presse nous apprends par exemple que le commerce des stupéfiants est exécuté par des demandeurs d’asile, logés et entretenus à nos frais, dans 4 points chauds de la ville qui ne laissent pas les habitants vivre dans la tranquillité à Genève. Il serait du rôle d’un journal de réunir des signatures de juges, médecins et parents d’enfants victimes de la drogue et faire un éditorial qui donnera à sa lecture l’impression au Procureur Général et à M. Poggia que le sol de dérobe sous leurs pieds et que le vertige les empêche de continuer sa lecture. Pour se dévertir et se cultiver il y a mille autres médias, meilleurs que Le Temps dans ses domaines. L’on s’attend de ce grand journal de nous informer CORRECTEMENT, d’analyser CORRECTEMENT et de frapper, frapper, frapper par des enquêtes et un contenu qui pousse la population à descendre dans la rue tous les deux ou trois mois pour dénoncer et réclamer. Sinon que Le Temps et les autres ferment boutiques et de nous laisser gober sans contestation que si le 18 juin la Loi Covid est annulée le CF ne pourra plus donner une dizaine de millions pour la recherche d’un médicament pour le Covid long, des 600 millions qu’il a à sa disposition pour la recherche, qu’il alloue à sa seule bonne discrétion. Nos journaux sont des monstres de la passivité. Comment les journalistes peuvent-ils rester à ce point insensibles aux vrais préoccupations de la population romande?

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