Il y a quelque chose de pathétique à écouter Claude-Inga Barbey faire du radio nostalgie de l’humour en se référant constamment à Coluche et Desproges et en ne cessant de répéter que c’était mieux avant – sans jamais se remettre en cause et se demander pourquoi ce qui était possible avant ne l’est plus maintenant.
Sans avoir la prétention d’épuiser le sujet, il y a en tout un cas un élément important à mes yeux que Claude-Inga Barbey ne prend pas en considération. Par le passé, les propos racistes et homophobes étaient bannis aussi bien dans la bouche des femmes et des hommes politiques que dans la presse. Seul Jean-Marie Le Pen s’y hasardait, ce qui suscitait, à juste titre, une condamnation et une levée de bouclier unanimes. Par conséquent, lorsque de tels propos apparaissaient dans des sketchs ou dans la bouche d’humoristes, cela ne pouvait être que de l’humour. Je ne veux pas dire par là qu’il n’existait pas de pensées racistes et homophobes, mais la culture politique de l’époque prévenait plus activement et efficacement leur expression.
Le problème est qu’actuellement cette limitation est révolue. Eric Zemmour et Marine Le Pen sont candidats à l’élection présidentielle. Leurs idées font la une de la presse et les réseaux sociaux foisonnent de propos inadmissibles. Par conséquent, dans un monde où les discours racistes et homophobes sont banalisés, voire normalisés, le fait, pour un humoriste d’en faire un sketch, ne tient plus de l’humour, mais du simple colportage. L’humoriste véhicule exactement ce que l’on peut entendre de la part de personnages publics et politiques, et lire à tout instant sur les réseaux sociaux.
La normalité a malheureusement changé, ce qui fait que la frontière entre la normalité et l’humour a été déplacée. Voilà̀ sans doute ce que Claude-Inga Barbey n’a pas compris. Je ne dis pas Zemmour, Le Pen, Barbey même combat, mais Zemmour, Le Pen, Barbey, même vecteur d’idées nauséabondes.