Au courant de ces derniers jours, le Parti socialiste suisse a exprimé sa position relative à l’accord-cadre qui consiste à demander à l’Union européenne de céder en matière de protection des salaires et d’offrir en contrepartie que la Suisse accepte de reprendre, en tout cas partiellement, la directive sur la citoyenneté européenne.
Cette position est bien pensée et cohérente pour les raisons suivantes. Tout d’abord, elle permet au PS de se montrer constructif en faisant une proposition concrète afin de sauver l’accord-cadre. Accessoirement, elle demande au Conseil fédéral de céder sur le point qui fait problème à la droite qui elle, soit dit en passant, ne fait aucune proposition réelle. En second lieu, le PS sort de cette logique manichéenne divisant les Suisses entre europhobes et europhiles en affirmant qu’il n’est pas pour ou contre l’Union européenne, mais pour une Europe sociale. Cela permet au passage de repositionner le parti sur ses fondamentaux, soit la défense des travailleurs, dans le but évident d’éviter qu’il subisse le même effritement que le SPD en Allemagne ou que le Parti socialiste français. Enfin, comme l’a très bien exprimé Pierre-Yves Maillard dans son article paru dans le Matin Dimanche du 9 mai, le PS inscrit sa lutte pour la protection des salaires comme une lutte non égoïste à la fois pour les travailleurs suisses afin d’éviter une concurrence déloyale et en faveur des travailleurs détachés européens afin qu’ils aient des conditions salariales et de vie décentes. Cela n’est pas sans rappeler la juste lutte de l’époque du Parti socialiste contre le statut de saisonnier.
Ceci dit, il appartient au PS de préciser encore ce qu’il entend par protection des salaires. Pour qu’il soutienne l’accord-cadre, est-il suffisant que la Commission européenne fasse des concessions en matière de mesures d’accompagnement (si oui, lesquelles?) ou faut-il également réaménager la reprise du droit européen ainsi que le rôle de la Cour de justice? Autant la première hypothèse est réaliste, autant la seconde ne l’est pas.
Je pense qu’il faut saucissonner cette accord pour que le peuple s’exprime sur les différentes parties. Ensuite, la position suisse serait claire pour tous, notamment pour l’UE qui aura le choix d’être intransigeant ou se satisferait avec éventuellement une concession qui n’est pas prévu dans l’accord.
J’imagine que le saucissonnage est dans les têtes des dirigeants.
Le soucis principal est le manque de fédéralisme de l’UE, pas seulement pour la Suisse. Le fédéralisme permet de reporter des responsabilités sur chaque pays, et pour chaque pays, d’être en phase avec ses populations. Un pays peuplé aussi densément que la Suisse, ce n’est pas la France ou l’Allemagne, il n’est pas possible de résoudre certains problèmes avec des règles européennes qui parasitent toutes solutions adaptées à la situation. Si l’UE comprenait, l’accord aurait ses chances.
Toute cette polémique n’est qu’enfumage, les trois points litigieux sont des sujets anecdotiques.
L’enjeu, c’est la reprise ou non reprise du droit européen et le rôle que pourrait jouer la cour de justice de l’UE. Jusqu’ici, celle-ci n’a rendu que des jugements défavorables aux travailleurs détachés et plutôt en faveur du patronat. Cet aspect disqualifie donc d’office le débat sur les mesures d’accompagnement mais aussi sur les deux autres questions qui fâchent, le CF ayant déjà cédé sur le rôle de la CJUE.
Enfin à tous ceux qui prétendent que l’accord cadre est nécessaire pour sauver les bilatérales, je rétorque que c’est l’antithèse de celles-ci. En effet, la reprise dynamique du droit européen équivaut à une reprise automatique, c’est l’EEE déguisée, pire en termes de souveraineté qu’une adhésion.