Un grand Merci Monsieur Balzaretti!

A l’heure où l’on apprend que le Conseil fédéral a décidé de remplacer Roberto Balzaretti par Livia Leu, il y a lieu de remercier très chaleureusement Roberto Balzaretti pour l’excellent travail qu’il a effectué aussi bien en qualité d’ambassadeur de Suisse à Bruxelles que comme Secrétaire d’Etat non seulement pour l’accord qu’il a négocié, mais pour sa franchise et l’énergie qu’il a déployée pour défendre et expliquer l’accord-cadre. A tous ses détracteurs qui oublient que l’on est deux dans une négociation et que l’on ne fait pas toujours ce que l’on veut, je me permets de leur rappeler les propos de Jean Russotto, avocat à Bruxelles, et sans doute le meilleur connaisseur, aussi bien sous l’angle suisse qu’européen, des relations entre notre pays et l’Union européenne qui déclarait dans La Liberté 30 septembre dernier “qu’il est juste de dire que le projet d’accord a été remarquablement négocié jusqu’ici”.

Que signifie l’éviction de Roberto Balzaretti?

Tout d’abord, Ignazio Cassis ne ressort pas grandi de cette opération ni politiquement, ni humainement. Sur le plan politique, Ignazio Cassis est affaibli dans la mesure où il renonce à l’accord-cadre qu’il a jusqu’à maintenant défendu. Sans aller jusqu’à affirmer que le dossier européen échappe totalement à Ignazio Cassis, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une victoire de Karin Keller-Sutter qui augmente encore un peu plus son emprise sur ce dossier. Il ne faut jamais oublier qu’un des enjeux importants au sein du Conseil fédéral est de savoir qui est maître du dossier européen. Humainement parlant, Ignazio Cassis trahit l’un de ses plus fidèles alliés qui s’est consacré corps et âme à la négociation et à la défense de l’accord-cadre. Cette trahison laissera des traces au sein du corps diplomatique et sera appréciée à sa juste valeur par les diplomates.

En second lieu, le remplacement de Roberto Balzaretti signifie le retour aux affaires de l’ancien Secrétaire d’Etat Michael Ambühl et de l’ancien Président de la Confédération Johann Schneider-Ammann qui manœuvrent dans l’ombre et dont Livia Leu est la femme lige. Il s’agit de la victoire d’une partie des milieux économiques et d’une partie de la droite qui ne veulent pas entendre parler de l’accord-cadre et qui souhaitent, tel Boris Johnson, que les relations avec l’Union européenne se limitent à un accord de libre-échange. Il s’agit des mêmes acteurs qui ont complètement raté la sortie du secret bancaire et qui, au lieu de le négocier à temps, ont défendu coûte que coûte le projet Rubik en ne voulant pas entendre que nos interlocuteurs n’en voulaient pas. Malheureusement, les mêmes acteurs vont rejouer le même scénario dans un théâtre différent. Alors que la Commission européenne ne cesse de nous dire qu’elle ne souhaite pas renégocier l’accord-cadre sur les points essentiels et qu’elle ne veut pas entendre parler d’une ligne Boris Johnson à la sauce helvétique, la nouvelle équipe en charge du dossier européen va se rendre à Bruxelles comme si de rien n’était et essuiera un refus plus ou moins poli. Au mieux, rien ne se passera pendant quelques années jusqu’à ce que soudainement un événement inattendu, comme ce fut le cas avec la crise économique en 2008 pour le secret bancaire, fasse que la Suisse se retrouve dans la situation où soit elle devra adhérer à l’Union européenne, soit ses relations avec l’Union européenne ne seront plus viables. A ce moment-là, nous nous lamenterons et regretterons amèrement de ne pas avoir signé l’accord-cadre qui nous aurait offert sans doute en tout cas deux décennies de relations bilatérales stables. Il est quand-même loisible de se demander comment les partis de gauche peuvent soutenir une telle approche.

Enfin, à qui profite le crime? Dans un premier temps, il s’agit évidemment d’une victoire de tous ceux de gauche à droite qui sont opposés à l’accord-cadre. Cependant, il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus pour ceux qui souhaitent maintenir une voie bilatérale avec l’Union européenne sans y adhérer. Les vrais gagnants seront peut-être les partisans de l’adhésion à l’Union européenne puisqu’en faisant table rase sur la voie bilatérale, on en arrivera automatiquement à l’option du tout ou rien.

Merci et félicitations Monsieur Roberto Balzaretti pour ce que vous avez fait. Les mêmes qui vous mettent aujourd’hui sur la tête une couronne d’épines, seront sans doute obligés dans quelques années, de vous en mettre une de lauriers! Non pardon, j’avais oublié, chez ces gens-là, c’est comme pour le secret bancaire, on ne se trompe pas, on se trompe pas, ce sont les circonstances qui changent…

Philippe Kenel

Docteur en droit, avocat en Suisse et en Belgique, Philippe Kenel est spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale. Social démocrate de droite, il prône l’idée d’une Suisse ouverte sachant défendre ses intérêts et place l’être humain au centre de toute réflexion. Philippe Kenel est président de la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg à Bruxelles et de la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) en Suisse.

Une réponse à “Un grand Merci Monsieur Balzaretti!

  1. C’est assez rigolo, il faut bien l’avouer.
    Votre avant dernier blogueur, qui prône l’inverse de vous, a verrouillé tout commentaire???

    Ce doit sans doute être la swiss cancel culture???
    🙂

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