#DELTACHARLIEDELTA

Que dire ? Les mots, naturellement, manquent, malgré la surabondance des récits, des bilans provisoires, des analyses savantes distillées par des experts de tous bords, des voisins-bien-sous-tous-rapports placés en garde à vue par des hommes robots ployant sous le kevlar noir, des fleurs fanées par le chagrin des proches et de ceux qui veulent l’être et, enfin, de l’inextinguible union nationale, dernier tigre de papier face à la barbarie inconnue, dernière pensée magique pour adultes désemparés.

Au fil de ces derniers jours, l’observation des réseaux a livré des récits tantôt glaçants, tantôt réconfortants, toujours troublants. Elle a également révélé un véritable changement de paradigme.

Lors des attentats de janvier dernier, la technologie avait été blâmée, souvent à raison. La couverture et la diffusion en continu d’informations précises et sans cesse remises à jour avaient en effet nourri les critiques, notamment du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui estimait que les médias avaient parasité certaines actions policières, lesquelles requéraient par essence un certain effet de surprise. Dans certains cas, ce direct poussé à son paroxysme avait même pu mettre des vies humaines en danger.

Chacun ayant appris de ses erreurs, les chaines de télévision ont, cette fois-ci, fait preuve d’une extrême prudence dans leurs comptes-rendus en direct pour ne pas entraver les actions du Raid et du GIGN; ainsi, l’assaut du Bataclan n’a-t-il pas été diffusé en direct par les chaînes, et ce à la demande expresse des autorités de police.

Mais il y a plus. Les réseaux, et en particulier Twitter, ont endossé tout à tour le rôle de sentinelle, en relayant des appels au secours et les consignes de la préfecture de police de Paris, de main tendue, en permettant aux parisiens d’offrir spontanément des refuges temporaires (près d’un million de tweets #PortesOuvertes ont ainsi été recensés), de bouteilles à la mer pour tenter de localiser des proches (#rechercheParis) et, depuis que certaines âmes se sont envolées, de lieu de souvenir (#PriezPourParis).

De son côté, Facebook a mis en œuvre un dispositif permettant aux membres localisés à Paris de confirmer via un bouton ad hoc qu’ils étaient sains et saufs et de le porter à la connaissance de leurs proches.

Depuis quelques heures, la devise de Paris, Fluctuat Nec Mergitur, envahit le pavé et les réseaux, façon de montrer que, même battue par les flots sanglants et frappée au coeur par le glaive de l’obscurantisme, la Ville Lumière ne sombrera pas.

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Nicolas Capt

Né en 1978, Nicolas Capt est avocat aux Barreaux de Genève et Paris (liste des avocats communautaires). Spécialisé en droit des médias et des technologies de l’information, il intervient régulièrement sur des sujets ayant trait au bouleversement sociétal induit par les technologies.