Il a fallu que le Tribunal administratif fédéral intervienne pour qu’un cours de l’EPFL ne soit pas supprimé. On croit rêver. Quelle est la compétence du judiciaire dans l’organisation d’une haute école, dont l’autonomie est garantie et bien nécessaire ?
Les préliminaires de cette décision ne sont pas sans pittoresque. A l’EPFL, les notes de fin du premier semestre ont un effet lourd. Dès la rentrée de septembre 2016, les étudiants de première année n’ayant pas 3.50 de moyenne sur toutes les branches du premier bloc à la fin du semestre d’automne sont redirigés vers le cours obligatoire de Mise à niveau (MAN). Ce cours se donne au semestre de printemps, et sa réussite est impérative pour pouvoir recommencer l’année propédeutique. Sinon l’étudiant est exclu.
Un étudiant en architecture a fait les frais de cette politique et a ainsi été exclu, en 2017, après son échec à la MAN. Il a contesté sa mise à la porte auprès de la Commission de recours interne des EPF. Celle-ci lui a donné raison. L’EPFL a recouru auprès du Tribunal administratif fédéral qui a annulé la décision de cette Commission. Ce cours est donc légal. Mais ce n’est pas le vrai problème. Ce cours est-il utile ?
Chaque année, ce sont plus de 700 personnes, toutes branches confondues, qui sont obligées de passer par ce semestre de remise à niveau qui fait la part belle aux mathématiques et à la physique. Sur les 2425 nouveaux étudiants entrant dans le cycle bachelor, cela fait près du tiers. La première année, le taux de réussite s’est établi à 51%.
Le problème provient des conditions d’admission. Les candidats titulaires d’une maturité gymnasiale suisse (certificat cantonal reconnu par la Confédération ou certificat fédéral) sont admis à l’EPFL sans aucune autre condition en première année du programme de Bachelor de leur choix. Apparemment un grand nombre ont le droit pour eux mais sans que celui-ci garantisse leur compétence réelle. Certaines maturités comportent une formation trop légère en mathématiques et en physique pour que l’étudiant puisse aborder la première année de bachelor dans de bonnes conditions. Beaucoup d’écoles d’ingénieurs dans le monde procèdent à une sévère sélection des entrants par le biais d’un examen, voire d’un concours. Il y a une disparité entre les études de sciences humaines qui ne requièrent aucune connaissance spécifique pour être abordées et celles d’ingénieurs qui supposent une bonne formation antérieure en mathématiques.
En revanche les conditions d’admission des étudiants étrangers à l’EPFL sont plus restrictives. Les candidats titulaires d’un certificat d’études secondaires supérieures d’un pays membre de l’UE ou de l’AELE (autre que la Suisse) sont admis en première année du Bachelor si leur titre remplit en particulier que la moyenne générale obtenue est égale ou supérieure à 80% de la note maximale. De la sorte l’auditoire de la première année est hétéroclite. Or la tendance normale d’un enseignant est de mettre le niveau de son cours à portée des meilleurs étudiants, de ceux qui suivent et réussissent ultérieurement. Et donc les étudiants suisses munis de n’importe quelle maturité gymnasiale sont dépassés par leur collègues étrangers et renvoyés vers ce cours de mise à niveau qu’à peine la moitié réussissent.
Une solution réaliste et équitable consisterait à imposer un examen d’entrée à tout le monde pour éviter que des jeunes s’engagent dans des cycles qu’ils n’ont aucune chance de réussir. L’échec en première année universitaire est une façon cruelle d’effectuer le tri. Le privilège apparent accordé aux porteurs d’une maturité suisse est un cadeau empoisonné. En fin de compte dans la technique, seule la compétence compte et le passeport ne donne pas une science de droit divin.