L’objectif obligé de tout système politique et économique est la satisfaction de la population. Si elle est atteinte, on peut faire l’économie des désordres, depuis les grèves jusqu’au révolution. A ce titre, la stabilité et la prospérité de la Suisse sont exceptionnelles depuis près de deux siècles. Pour les formuler plus précisément, Tamédia a organisé un sondage extensif sur plus de 50 000 personnes, qui permet de déceler ce qui marche plus ou moins.
Le résultat conforte tout d’abord l’impression d’un bonheur, généralisé à 85% de la population, à part 11% qui se sentent malheureux. Il y en a même 44% qui se disent très heureux. C’est en entrant dans le détail des facteurs de cette félicité que l’on fait des découvertes :plus on prend de l’âge, plus on est satisfait ce qui conforte le sentiment que le système des pensions fonctionne bien ; par ailleurs, les Suisses sont plus heureux que les étrangers ;plus on a d’argent ou plus on a d’enfants plus on se sent bien.
Le pays est donc chéri par 91% de la population, tout d’abord pour ses paysages (dont personne n’est responsable), puis pour le système de santé( !), la démocratie directe, la propreté, les transports publics, l’Etat de droit, le système éducatif, les salaires élevés,…
Ce qui déplait, corrige et contredit parfois ces facteurs positifs : les primes d’assurance maladie, les loyers élevés, le coût de la vie… Or ce sont autant d’inconvénients inévitables. Un bon système de santé coûtera cher, tout comme des logements confortables. Le système de distribution dépend de salaires élevés et est donc forcément cher.
Le plus surprenant est le portrait que les Suisses font d’eux-mêmes : ils se jugent distants, radins, ennuyeux, pédants, stressés. Pour plus de moitié des sondés, les Suisses sont même « racistes », opinion plus largement partagée à gauche (dans notre parti nous ne le sommes pas !) qu’à droite (il n’y a pas de racistes parmi nous !). L’immigration inquiète plus les campagnes où elle est faible que les villes où elle est présente, le faible niveau d’instruction que les universitaires.
Ce sondage met surtout en valeur les contradictions de l’opinion publique qui intègre mal certaines évidences : dans un pays riche, la vie coûte forcément cher. C’est le travail de la politique de rencontrer ces contestations après les avoir reconnues. Il s’imposerait donc de renforcer l’estime que les Suisses se portent à eux-mêmes. Si les institutions marchent si bien, c’est le résultat de leurs qualités de discernement, de modération, d’équilibre. Peu de peuples ont accepté la démocratie directe, qui implique une confiance sans limite dans la sagesse du peuple.
Ce sondage met en évidence une constante : il existe un déni de réalité, une foule de préjugés, de parti-pris dans l’opinion publique. Ces biais sont renforcés lors des campagnes électorales, centrées sur des idées passe-partout. Le plus remarquable dans le sondage est la faiblesse de deux thèmes incessamment ressassés en politique : l’immigration et l’insécurité. Ils ne prennent un peu de substance que dans la mesure où on y fait une référence électorale.
Et donc les Suisses peuvent se rassurer : ils ne sont pas « distants, radins, ennuyeux, pédants, stressés ». Ni surtout racistes puisque la loi le réprime.