Barack Obama et ses deux dindons

Pendant que Donald Trump, le président élu, fait part de ses états d’âme sur Twitter, Barack Obama, le toujours président, s’entoure de deux gros dindons, et le fait savoir en live-stream sur Facebook. Si, si. Deux dindons. Pour Thanksgiving. Ainsi donc, mercredi, veille de cette fête qui a toujours lieu le quatrième jeudi de novembre, l’actuel président a organisé une petite réception dans le jardin de la Maison Blanche pour son dernier «annual White House Turkey Pardon». Avec Tater et Tot. Les deux gros dindons. L’internaute pouvait même voter pour décider lequel bénéficierait du grand pardon. Et ne finirait pas dans un four, rempli de farce, avec quelques pommes de terre dorées autour.

 

Rassurez-vous, malgré la mise en scène, Tater et Tot sont bien les deux dindons les plus heureux des Etats-Unis, tous deux graciés par un président très en forme, qui a multiplié les pointes d’humour. Mais c’est Tot qui a officiellement remporté la mise. Les deux mâles ont dix-huit semaines, ont été élevés dans une ferme de l’Iowa, avant d’aboutir à Washington. Cette fois, le président n’était pas entourée de ses filles, exaspérées par son humour (c’est le papa qui le dit), mais par deux petits neveux. Et une ribambelle d’enfants venus pour le spectacle.

Et, non, il ne fera pas cadeau des bienheureux dindons à son successeur. Tater et Tot vont passer le restant de leurs jours dans un enclos de la Virginia Tech University, soignés par des étudiants et vétérinaires. Cette tradition d’accorder le pardon à un TOTUS – Turkey of the United States – remonterait à 1863. Le président Lincoln aurait été le premier à le faire. Mais c’est vraiment à partir de 1947 que la Fédération américaine de dindes offre chaque année un volatile au président. Harry Truman a donc été le premier à accepter le cadeau, mais il n’a pas épargné l’animal. Si l’on en croit CNN, la première cérémonie du grand pardon a vraiment été lancée en 1963 par John F. Kennedy. Mais elle n’est ensuite devenue une véritable tradition, année après année, qu’en 1989, grâce à George W. Bush.

Thanksgiving étant une des principales fêtes où les Américains avalent des kilomètres pour se réunir en famille, le showman Barack Obama n’a pas manqué de ponctuer son discours d’un message d’unité: «Nous avons tous des familles et de l’espoir pour un meilleur futur, ne le perdons pas de vue. Nous avons bien plus en commun que des choses qui nous séparent».

Pendant que Tater et Tot se remettent de leurs émotions présidentielles après avoir foulé la pelouse de la Maison Blanche, près de 45 millions de leur congénères finiront aujourd’hui dans les assiettes

L’hallucinant échange entre Donald Trump et le New York Times

Je savais bien qu’en vivant aux Etats-Unis j’allais devoir m’habituer à plein de choses. La taille des boissons à l’emporter, les «Oh, my god!» à tous les sauces, les précautions prises lors de la signature d’un bail – non, non, chère régie, je vous promets que je ne vous poursuivrai pas en justice à cause d’un enfant-qui-n’habite-pas-dans-l’appartement qui déciderait de snifer la peinture des murs. A plein de choses, sauf à un président qui tweete comme il respire, et joue à cache-cache (ou à poker menteur) avec les médias.
Mardi, tout avait commencé par ce tweet, posté sur le profil @realDonaldTrump (si, si: le vrai de vrai): «I cancelled today’s meeting with the failing @nytimes when the terms and conditions of the meeting were changed at the last moment. Not nice». Hop, un rendez-vous annulé avec un média qu’il a souvent critiqué, le tout balancé sur un réseau social! Le New York Times lui répond, se défend d’avoir changé quoi que ce soit, déclare ne pas avoir voulu que d’un rendez-vous en off. Puis, un nouveau tweet du futur président. Cette fois, pour dire, que, oui, peut-être, une nouvelle réunion serait agendée avec le quotidien, «qui en attendant continue de me couvrir (sic) de manière inexacte et sur un méchant ton». Et vlan! Un condensé des relations compliquées qu’entretient Donald Trump avec les médias en même pas 140 signes.
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La suite? La réunion a fini par avoir lieu. Et cette fois, ce sont les journalistes du New York Times, qui ne se sont pas privés de tweeter ses réponses en direct (retrouvez le live-tweet ici). Comme Julie Davis. Qui raconte qu’il a qualifié le NYT de «grand, grand joyau américain mondial». Il s’est aussi, lui le climato-sceptique, dit «ouvert» au sujet de l’accord de Paris sur le changement climatique (ah bon?), a affirmé que son gendre juif Jared Kushner pourrait l’aider à «faire la paix entre les Israéliens et les Palestiniens», que «la loi est totalement de mon côté, un président ne peut avoir pas de conflits d’intérets» ou encore que, non, son conseiller stratégique Stephen Bannon n’est pas raciste. Une interview tweeterisée donc, le tout entre du saumon, des morceaux de filets de boeuf et des cupcakes auxquels pas grand-monde n’a touché.
Lors de cet exercice atypique, Donald Trump n’a pas échappé à  une question sur le groupe d’extrême droite «alt-right», qui, samedi, fêtait sa victoire avec des saluts nazis. Une vidéo diffusant la scène a enflammé les réseaux sociaux. Sa réponse: «Je les désavoue et je les condamne». Il s’était vu reprocher par plusieurs tweetophiles, dont Mia Farrow, ex-femme de Woody Allen, de perdre du temps à s’acharner sur la comédie musicale Hamilton (cf précédente notule), sans rien dire à propos de ces saluts nazis. Voilà désormais chose faite, en direct depuis les locaux du New York Times, le journal qu’il aime tant détester, selon sa méthode de communication préférée.
Sauf que cette fois, ce n’est pas lui qui a tweeté, mais bien ce journal qui, dit-il, couvre son actualité de «manière inexacte». Euh, mais alors, cette information est-elle fiable? Est-ce bien une vraie condamnation, Monsieur le Président élu? Réponse dans un prochain tweet?

De la comédie musicale plein pot

Ce qu’il y a de fascinant chez les médias américains, télévisions en tête, c’est leur capacité à parler d’un même événement en boucle, à coups de commentateurs politiques et invités. Y compris (surtout?) lorsqu’il s’agit d’événements mineurs, ou anecdotiques. On explique, on décortique, on raconte, on re-raconte. Dernier exemple en date: l’«affaire» Hamilton. Vous n’avez pas suivi? Il y est question de Broadway, de Mike Pence hué et de tweet présidentiel vengeur.

En résumé, le futur vice-président Mike Pence n’a pas passé une très bonne soirée vendredi. Alors qu’il assistait à la comédie musicale «Hamilton», qui fait fureur à Broadway, il a été hué et interpellé par les acteurs. A la fin du spectacle, le comédien Brandon Victor Dixon s’est adressé à lui , lui demandant de «travailler pour les valeurs américaines et pour chacun d’eux». Il a lu un message au nom de toute la troupe, qui disait notamment: «Nous, la diversité américaine, avons peur de ne plus être défendus, comme nous avons peur que la planète, que nos enfants, que nos droits ne soient plus défendus».

Ce n’est pas cette scène qui a le plus agité les médias américains, mettant leurs plus grands commentateurs politiques sur le coup. Mais un tweet du président élu Donald Trump. Qui s’est insurgé contre la façon dont son «merveilleux» futur vice-président a été traité. Il exige des excuses.

Samedi, c’était pourtant un jour où Donald Trump avait mieux à faire, et du coup les journalistes aussi (le milliardaire new-yorkais rencontrait notamment Mitt Romney, qui, dit-on, pourrait être un des papables pour le poste de Secrétaire d’Etat). Mais les Américains sont comme ça: ils aiment aussi s’emballer pour des micros polémiques, déclenchées par des petites déclarations bien senties. Et là, avec un président-tweeteur, qui tweete comme il respire, ils vont être servis.

Trump, un casse-tête pour les Service secrets

Les Services secrets sont à cran. La sécurité de Donald Trump, qui prendra officiellement ses fonctions à la tête des Etats-Unis le 20 janvier, n’est pas une mince affaire. Il suffit de faire un tour du côté de la majestueuse Trump Tower de 58 étages – elle s’érige en pleine 5e avenue à Manhattan – pour s’en rendre compte. C’est là qui vit Donald Trump, lové dans un clinquant penthouse qui occupe les trois derniers étages. C’est aussi là que se réunit son équipe de transition, en train de constituer sa nouvelle administration.
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Samedi soir, Donald Trump a changé mes plans. Alors que j’essayais de me rendre chez Patsy’s, le restaurant italien préféré de Frank Sinatra, il a fallu changer de trajectoire. La 5e avenue, une des plus prestigieuses de la ville, était en partie bloquée par la police, entre la 56e et la 57e rue. Pour contenir les protestataires anti-Trump et les amateurs de selfies qui cherchent à s’agglutiner devant ce nouveau symbole du pouvoir.
Check-points et policiers en grappe. Avec des membres de l’unité antiterroriste armés jusqu’aux dents. Le New York Post n’hésite pas à dire que Midtown pourrait devenir, sur le plan du trafic,  «un cauchemar pour ces quatre prochaines années». Et s’il fallait vraiment bloquer des rues à proximité de la Tour de façon quasi permanente, ce sont des boutiques de luxe, comme Gucci et Tiffany, qui pourraient en souffrir. Les habitants de la Tour noire font aussi grise mine. Et les touristes, habilités à entrer dans l’enceinte, doivent montrer patte blanche.
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Mais depuis ce mardi, une autre question, qui concerne également les Services secrets, agite les médias américains. L’équipe de transition aurait demandé que les trois enfants aînés de Donald Trump, ainsi que Jared Kushner, le mari d’Ivanka, puissent avoir accès aux secrets les mieux gardés de l’administration américaine. Du jamais vu et jamais fait. La demande soulève de nombreuses questions, alors que ses enfants doivent reprendre ses affaires. Et pourrait, si elle se concrétisait, violer la loi de 1967 contre le népotisme. Alors que la polémique prend forme, l’équipe de transition a tenu à préciser qu’aucun formulaire nécessaire à une telle démarche n’a pour l’instant été signé.

«Wake up, America!»

J’avoue avoir eu la chair de poule. Samedi, à Manhattan, ils étaient encore là à manifester, à quelques centaines de mètres de la Trump Tower, préservée par un périmètre de sécurité. Sans relâche depuis un certain mardi soir, qui s’est soldé par l’élection de Donald Trump.

Une jeune fille en larmes est soutenue par sa mère. Une autre femme est venue avec sa petite de six ans, qui a elle-même dessiné sa pancarte. Ils sont là, à vouloir faire entendre leurs voix, en scandant «Not my president». Ou «No fear, no hate!». Ou encore: «Stronger together». Et, en boucle, «Wake up, America!». Des jeunes surtout, dont certains confient vivre un vrai cauchemar depuis plusieurs jours. Les policiers les ont éloignés de la fameuse Tour où vit le milliardaire. Les rues sont bloquées et ils ne peuvent désormais manifester que là où on leur dit d’aller. Mais les policiers restent respectueux.

Depuis plusieurs jours, ces manifestants, motivés et énergiques, scandent, hurlent, manifestent, expriment leur colère, et font désormais partie du paysage. Je sens que ces quatre prochaines années comme correspondante vont être passionnantes à couvrir.

De la taille de la dinde à l’élection d’un Donald

Dès l’arrivée à l’aéroport JFK de New York, on m’avait avertie. «Faites attention à ne pas devenir folle!», s’était exclamé le douanier, un grand sourire aux lèvres en comprenant que j’étais une journaliste qui allait désormais traiter, pendant quatre ans, de politique américaine. Je vais essayer. C’était plus d’une semaine avant l’élection de Donald Trump. Mais très vite, j’ai été prise par un tourbillon d’énergie incroyable, touchée par une sorte de vertige permanent, frappée par la gentillesse des gens, fascinée par les scènes de vie dans les métros new-yorkais, où l’on croise un certain nombre de sympathiques huluberlus.

Mes premiers jours ont été intenses. Près de trois heures de subway quotidiennes – mon choix d’Airbnb dans une cave de Flatbush East n’a pas été des plus réussis… – et vingt-deux appartements visités. Pour les logements, c’est de la folie. L’offre est pléthorique. Et, oui, il est possible d’arriver à New York un samedi et d’emménager dix jours plus tard . Un exercice qui permet de se frotter au monde des «brokers» et autres agences, de visiter autant des appartements dans des brownstones, avec beaucoup de charme, mais un rien désuet, que des immeubles proposant de nombreuses «amenities». De la salle de gym, au barbecue sur le toit, en passant par les «spa» pour chiens. 

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Et là, on s’aperçoit que nos critères ne sont pas vraiment ceux des Américains. Pour moi, c’est surtout la lumière et la situation qui me semblent importantes. Mais, à deux reprises, on a tenté de me vendre un appartement à cause de son four. Oui, un four. «Vous pouvez mettre une très grande dinde dans ce four!», a tenté de me persuader Victoria. Un Monsieur très distingué dans un appartement donnant sur Prospect Parc en plein coeur de Brooklyn, était lui encore plus fier de son coup, en me montrant son four version deux en un: «Vous voyez, pendant que vous ferez dorer votre dinde, vous pourrez en même temps faire cuire les légumes qui l’accompagnent, dans le deuxième petit four au-dessus». Ah. 

Mon “au revoir” à l’Amérique avec Bo et Sunny

Il est l’heure de passer le témoin à celle qui me succède à New York, Valérie de Graffenried que l’Amérique de Donald Trump va sans doute beaucoup occuper. Pour ma dernière contribution à ce blog “L’Amérique dans tous ses Etats” que je tiens depuis 2012, je tenterai d’être un peu plus léger qu’à l’accoutumée. Par les temps qui courent, c’est peut-être ce qu’un blog a de mieux à faire. Aussi, si on devait réduire mes cinq ans passés aux Etats-Unis à une image, je choisirais celle-ci:

Avec Sunny à gauche et Bo à droite, les "premiers chiens" d'Amérique
Le correspondant du Temps à la Maison-Blanche avec Sunny à gauche et Bo à droite, les “premiers chiens” d’Amérique

Elle résume un peu la situation d’un journaliste suisse aux Etats-Unis: fasciné par la grandeur du pays et contraint de rester humble face à un pouvoir inaccessible. Difficile, à Washington, d’accéder aux figures qui incarnent l’Amérique comme on rencontrerait un conseiller fédéral dans un tram de la capitale bernoise.

Bo et Sunny, les “premiers chiens” d’Amérique, ceux des Obama, c’est l’accès le plus rapproché que l’on peut décemment avoir de la présidence américaine. Mais Valérie de Graffenried me prouvera peut-être le contraire. Pour discuter par exemple de la construction d’une “Trump Tower” au coeur de Berne.

Bo, pour Barack Obama, est un chien d’eau portugais. Il est blanc et noir, métis en somme comme son propriétaire. Comme son maître, il n’aboie pas vraiment. Mord-il? Non, il a l’air plutôt d’un chien réfléchi qui a peur des éléphants (républicains) et qui reste distant des ânes (démocrates). Sunny, c’est une chienne de la même race. Elle paraît effacée. Or elle a une force intérieure insoupçonnée. Quand les invités s’abaissent devant elle pour la caresser, elle s’élève (“When they go low, we go high”) et passe à l’action.

En tant que journaliste suisse, on apprend l’humilité à Washington…Mais comme me le rappelle mon collègue et ami Yves Petignat, la scène n’a rien d’étonnant. “Ne faisons-nous pas toute notre vie, nous journalistes, ce que l’image suggère: promener le chien du pouvoir?”

L’Amérique me quitte. Je la quitte. On se retrouvera sans doute un jour. Good luck and good night!

 

Stéphane Bussard

De Barack Obama à Donald Trump

Je me souviens des premiers mois en tant que correspondant du Temps aux Etats-Unis. En automne 2011, New York était secouée par le mouvement Occupy Wall Street. Plusieurs centaines de protestataires s’étaient installés avec leurs tentes dans le froid du parc Zuccotti, à deux pas de ce qui était encore Ground Zero. On se demandait si c’étaient les signes avant-coureurs d’une nouvelle petite révolution sociale. Joan Baez était venue à la place Foley chanter l’espoir de voir Wall Street rendre des comptes après la faillite des subprime et la crise économico-financière de 2008-2009.

Cinq ans plus tard, la révolution qui a cours n’est pas exactement celle qu’avaient prévue les militants d’Occupy Wall Street. C’est un milliardaire, Donald Trump, qui va s’établir à la Maison-Blanche à partir du 20 janvier 2017 à la place de Barack Obama. Parmi les électeurs du magnat new-yorkais de l’immobilier, il y a sans doute des militants d’Occupy Wall Street. Difficile de s’y retrouver, non?

Même si une bonne partie du pays estime que les Etats-Unis ne vont pas dans la bonne direction, ils sont tout de même près de 55% à juger favorablement le président Barack Obama. Le chômage (4,9%) n’a plus été aussi bas depuis 2007. Le candidat républicain à la Maison-Blanche Mitt Romney, qui chercha à déloger Barack Obama de la Maison-Blanche en 2012 aurait été très satisfait d’un tel bilan. Au cours de la présidentielle, voici quatre ans, il promettait, s’il était président, de ramener le chômage à 6%…

Si l’on énumère les succès du 44e président, le bilan est bon. Barack Obama a permis à l’économie d’éviter de sombrer dans une nouvelle grande dépression. Il a sauvé l’industrie automobile grâce à un plan de sauvetage ambitieux et en a profité pour imposer aux constructeurs de Détroit de sévères normes environnementales en matière de consommation de carburant. Il a tendu la main à l’ennemi juré l’Iran et négocié avec cinq autres puissances et l’Iran un accord subtil sur le programme nucléaire de Téhéran. Il a négocié en amont avec la Chine et adopté des mesures draconiennes pour réduire en Amérique les émissions de CO2 (Clean Power Plan), créant avec Pékin une dynamique qui a permis l’adoption de l’historique (même si insuffisant) accord de Paris sur le climat. Constatant un échec patent de l’embargo commercial de plus d’un demi-siècle appliqué par Washington contre Cuba, il a amorcé une normalisation avec la Havane. Aujourd’hui, les deux capitales ont rétabli leurs relations diplomatiques rompues en janvier 1961. Obamacare ou l’Affordable Care Act fut un moment historique outre-Atlantique. Adoptée en 2010 lorsque le Sénat était encore sous le contrôle des démocrates, l’administration Obama a réussi à faire passer la première réforme de la santé d’envergure depuis la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle connaît des problèmes en raison d’une forte hausse des primes maladie et nécessiterait, Barack Obama l’a reconnu lui-même, d’être améliorée. Elle n’en a pas moins permis d’assurer 22 millions d’Américains supplémentaires. Le président démocrate aurait aimé assurer davantage de personnes en élargissant la couverture de Medicaid (l’assurance-maladie pour les plus démunis), mais nombre d’Etats (républicains) ont refusé cette “mainmise” de l’Etat fédéral malgré le fait que ce dernier finançait cette extension de la couverture médicale.

Sur le plan intérieur, là où Barack Obama n’a pas été à la hauteur, c’est à propos de la torture. Il en a bien interdit la pratique dès son arrivée à la Maison-Blanche, mais il n’a jamais cherché à traduire en justice les responsables de la torture perpétrée dans les prisons secrètes de la CIA et à Abou Ghraïb sous les années Bush. C’est un manquement, car les prochaines administrations pourraient être tentées d’en faire de même. D’ailleurs Donald Trump a promis, en campagne électorale, de restaurer la pratique des simulations de noyade (waterboarding) voire même des techniques de torture encore plus violentes. Barack Obama a aussi traqué, sans qu’on sache vraiment pourquoi, les journalistes qui ont réussi à obtenir des informations dites secrètes (classifiées) de l’administration. C’est pourtant un principe fondamental du journalisme qui cherche à questionner le fonctionnement des institutions.

Au sujet de la Syrie, tout le monde tire à boulets rouges sur l’administration Obama, estimant qu’elle a démissionné. Barack Obama a sans doute sous-estimé le désastre humanitaire syrien et aurait pu être plus engagé à chercher une manière multilatéral de venir en aide aux Syriens. Aurait-il dû armer les rebelles syriens plus tôt? Le fait qu’il ait fini par s’y résoudre semble laisser entendre qu’il aurait dû agir avant. Mais bien malin aujourd’hui qui peut dire qu’une telle tactique aurait réussi face à une opposition syrienne très éclatée. Un professeur de l’Université de Quantico, un ami, me disait à quel point il était difficile de trouver un terrain d’entente entre chaque composante de l’opposition syrienne qu’il rencontrait régulièrement en Turquie.

Quant à la ligne rouge que Barack Obama a très maladroitement tracée en 2012 si le président Bachar el-Assad utilisait des armes chimiques contre son peuple, nombre d’experts relèvent que son non-respect a sapé l’autorité internationale des Etats-Unis. C’est le point de vue de François Heisbourg, de l’IISS à Londres. Peu crédible si l’on pense que Washington a conclu l’accord sur le nucléaire iranien après cela et l’accord de Paris sur le climat également. De plus, la ligne rouge avait un objectif: punir Bachar el-Assad par rapport aux armes chimiques. Or qu’a fait l’administration Obama? Un an avant le gazage de la Ghouta orientale par le régime syrien, Barack Obama a décidé de son initiative d’entamer des négociations avec la Russie pour tenter d’éliminer l’arsenal chimique syrien. On était en septembre 2012. Quand la tragédie d’août 2013 a lieu, le plan d’élimination est prêt. Il est mis en oeuvre avec la Russie et l’Organisation onusienne pour l’élimination des armes chimiques (OIAC). En plein conflit, la communauté internationale parvient à évacuer près de 1200 tonnes d’armes chimiques. Le programme est un succès diplomatique considérable. Mais bien sûr, il ne règle en rien le conflit syrien. Ce n’était d’ailleurs pas son but. Mais l’initiative a atteint son but, ce que des bombardements en 2013 n’aurait jamais réussi à atteindre.

Avec Donald Trump, dont on ne connaît pour dire pas la vision tant il a bâti sa campagne sur des mots, des slogans, des twittos de 140 caractères, tout cela pourrait s’effondrer. Mais comme le dit Barack Obama, l’histoire des Etats-Unis n’est pas linéaire, elle va en zigzag. En quittant l’Amérique, je suis animé par une grande déception, celle de voir la raison, les Lumières diraient d’autres, éteinte par la vague populiste. Je ne dis pas que Donald Trump a volé son élection. Bien qu’odieux, il a gagné les primaires à la régulière, convaincant 14 millions d’Américains à le soutenir, du jamais vu lors des primaires républicaines. Il a réussi à souffler de manière extrêmement efficace sur les braises de la colère surtout des Blancs qui ont l’impression que le pays leur échappe: sa destinée, sa nature, sa démographie, ses objectifs. Il a mis les partis républicain et démocrate devant leur responsabilité: celle d’avoir omis de faire leur travail.

Donald Trump pourrait toutefois très vite décevoir. Les promesses qu’il a faites, parfois extravagantes, à un électorat furieux, seront très difficiles à tenir. Il dit ainsi qu’il ne va sans doute pas abroger Obamacare alors que pour les républicains, c’est un cheval de bataille depuis toujours. Les cols bleus aimeraient voir Wall Street payer pour les problèmes économiques auxquels ils sont confrontés. Là aussi, pas sûr qu’ils soient entendus. Parmi les “papables” pour le poste de secrétaire au Trésor le chef des finances de sa campagne, un ancien dirigeant de Goldman Sachs…

 

 

Derniers potins sur l’élection de Donald Trump

J’ai appris que le New York Times avait prévu de publier de très nombreuses pages sur ce qui devait être un événement le 8 novembre: l’élection de la première femme à la Maison-Blanche. Le prestigieux quotidien avait des articles prêts sur les suffragettes et sur d’autres thèmes liés aux femmes. Problème: il n’avait pas de plan B. Quand les résultats ont commencé à indiquer le début de la victoire de Donald Trump, la rédaction a dû mettre les bouchées doubles pour réagir à l’élection du candidat républicain.

Au QG de la campagne de Hillary Clinton, le climat restait relativement serein deux jours avant l’élection. Dans la section qui se consacrait au Big Data, on jubilait encore dimanche à la vue de la participation massive des Hispaniques. Manifestement, le Big Data n’aura pas suffi à contenir la vague trumpiste. Au sein de l’équipe Clinton et des volontaires, beaucoup se sont toutefois demandés comment il a été possible que la candidate démocrate à la Maison-Blanche n’ait pas mis les pieds dans le Wisconsin alors que Donald Trump semblait une menace évidente dans la région de la Rust Belt.

A l’Université Cornell à Ithaca, des étudiants ont organisé un “cry-in”, un rassemblement pour “pleurer” et exprimer sa tristesse à la suite de l’élection de Donald Trump. Plusieurs cours ont été supprimés.

A l’approche de la présidentielle américaine, l’anxiété des New-Yorkais est présente dans toutes les conversations

A New York, à deux jours de la présidentielle américaine qui s’annonce plus serrée que prévu, tout le monde ne parle que de ça. En majorité favorables à la démocrate Hillary Clinton, les New-Yorkais ne cachent pas leur vive inquiétude de voir le milliardaire new-yorkais et candidat républicain accéder à la Maison-Blanche. Croisée sur Broadway dans l’Upper West Side, Ariel et sa fille de neuf ans font partie de ces New-Yorkais inquiets. Samedi, elles se sont rendues au siège de la campagne de la démocrate en tant que volontaires pour appeler des électeurs dans les Etats bascules pour pourraient décider du verdict du scrutin.

L’équipe de campagne de Hillary Clinton n’est pas en reste. Elle envoie plusieurs textos par jour pour avertir que l’écart entre la candidate et le républicain Donald Trump se resserre. Samedi soir, elle relevait que selon le statisticien Nate Silver du site Fivethirtyeight.com, Trump avait désormais une chance sur trois voir plus de l’emporter.

A Zabar’s, un café populaire de l’Upper West Side, un terme revient sans cesse dans la conversation: décence. La majorité de ses clients ne peuvent concevoir une présidence occupée par un être aussi peu “décent” que Donald Trump.

Une nouvelle du front semble réduire le degré d’anxiété présent dans les rangs de la démocrate. Le vote anticipé des Latinos dans plusieurs Etats clés comme la Floride ou le Nevada serait massif. La participation des Latinos, qui représente 14% de la population américaine, pourrait même être historique. Un signal plutôt positif pour la démocrate même si le vote des Hispaniques ne sera sans doute pas monolithique. En 2012, 11,2 millions de Latinos avaient voté, soit moins de 50% de l’électorat hispanique. Barack Obama avait obtenu 71% du vote hispanique. Cette élection pourrait dès lors être la première à montrer de façon aussi flagrante l’influence croissante de la première minorité des Etats-Unis qui devrait représenter, selon les estimations, 29% de la population américaine d’ici à 2065.