Ainsi donc, les sorcières sont de nouveau tendance aux Etats-Unis. Pas uniquement parce que le président Donald Trump ne cesse depuis son élection de dénoncer une «chasse aux sorcières» à son encontre. Elles le sont vraiment, sur le terrain.
Des réunions dans Central Park
A New York par exemple, Enchantments, un magasin de sorcellerie dans East village, connaît un regain de succès en vendant toutes sortes de babioles (statues, encens, plantes, livres). Il existe depuis 1982. C’est le plus vieux magasin de sorcières de la ville. Les femmes qui y travaillent sont toutes des sorcières. Elles préparent toutes sortes de potions et surtout des «bougies magiques», personnalisées et sculptées, mais refusent de lancer des mauvais sorts. Elles ne sont là, disent-elles, que pour aider des personnes à retrouver leur énergie positive. D’ailleurs, les bougies ne fonctionnent qu’à condition d’y mettre du sien. Ou d’y croire, c’est selon.
Mais ce n’est pas tout. A New York, des sorcières se donnent également rendez-vous en plein Central Park pour s’adonner à des rituels en cercle. Il y aurait plus de 80 organisations différentes de sorcières dans la Grande Pomme. Et près de 10 000 sorcières pratiquantes. Le Pew Research Center évoque, lui, le chiffre de 734 000 Américains au total qui s’identifieraient à cette forme de pratique et spiritualité. #MeToo a contribué à relancer le mouvement. Ou du moins à le rendre plus visible. Car les sorcières d’aujourd’hui sont avant tout des féministes, des femmes indépendantes et libres qui se revendiquent comme étant proches de la nature.
Une menace pour le patriarcat
Preuve que le thème est tendance, le très sérieux New York Times a récemment consacré un article à Pam Grossman, qui vit à Brooklyn. Une jeune femme aux longs cheveux bruns, sorcière, elle aussi. Elle a tous les accessoires qu’il faut, dont un petit autel bien garni, et anime un podcast The Witch Wave, sur cet intéressant phénomène. Elle a aussi écrit un livre sur la sorcellerie. «La sorcière est un archétype féminin qui a autorité sur elle-même. Elle n’a pas de pouvoir par rapport aux autres. Elle exerce son propre pouvoir. Et c’est pour cette raison qu’elle est, je crois, l’icône féministe par excellence», dit-elle.
Chaque vague de féminisme connaît un intérêt renouvelé pour la sorcière. «Cela a commencé dès le XIXe siècle avec les suffragettes. Matilda Joslyn Gage, qui était une contemporaine de Susan B. Anthony, a écrit un livre en 1893 intitulé Woman, Church and State. Dans ce livre, elle parlait de la façon dont elle croyait que celles qui étaient accusées d’être des sorcières étaient, en fait, des esprits brillants de leur époque et une menace pour le patriarcat», souligne Pam Grossman dans l’interview. «Toutes les femmes tuées au nom de la sorcellerie n’étaient pas brillantes. Mais une notion romantique entoure ces personnes victimisées. Ce sentiment est resté en nous.»
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Dans Sorcières, la puissance invaincue des femmes, la journaliste et essayiste franco-suisse Mona Chollet raconte à quel point les sorcières incarnent l’histoire de la misogynie. «Ce sont aussi des figures politiques», expliquait-elle, en octobre dernier, dans une interview au Temps. «Depuis l’élection de Donald Trump, les groupes de sorcières ressuscitent, comme les Witch, créées à New York en 1968 […]. L’administration Trump et l’écrasement, à la fois par le pouvoir économique puisqu’il est milliardaire, et sexiste puisque lui-même est un agresseur sexuel, suscitent l’apparition de figures qui prétendent se dresser contre cette oppression. C’est un type d’affrontement étonnant parce que leurs armes sont archaïques. Mais elles ont l’avantage de ressusciter une histoire enfouie en remettant les mêmes acteurs en présence quelques siècles plus tard.»
Les sorcières d’aujourd’hui ne sont plus brûlées ni décapitées. Elles méritent d’être enfin considérées pour ce qu’elles sont. Car, finalement, nous avons toutes un petit côté sorcière en nous, pas vrai?
Donc, les sorcières sont féministes et les féministes sont des sorcières!
Très intéressant, mais entre nous soit dit on s’en doutait.