Des tests de virginité hypocrites et sexistes

New York pourrait finir par réagir. Dans un Etat où un bébé peut désormais naître «non binaire», sans identification à un sexe déterminé, il était temps. De quoi est-ce que je parle? Des tests de virginité. New York est prêt à les interdire. Ou, du moins, il va en tout cas se pencher sur un projet de loi en ce sens.

Inutiles, douloureux et humiliants

A l’origine de cette affaire, il y a un rappeur, Clifford Harris, ou plutôt T.I. Il emmène sa fille Deyjah chaque année chez le gynécologue pour s’assurer qu’elle est toujours vierge. Il l’a dit le mois dernier dans un podcast, «Ladies Like Us», sans s’imaginer une seule seconde qu’il allait déclencher une vague de protestations. Ces examens de l’hymen, souvent douloureux et humiliants, portent atteinte aux droits des femmes et renforcent les stéréotypes sur la sexualité féminine, a immédiatement réagi, choquée, une démocrate, Michaelle Solages. Elle est à l’origine du projet de loi qui va jusqu’à demander que les médecins qui continueraient à pratiquer ces tests perdent leur droit d’exercer.

«La virginité est une construction patriarcale et sociale. Il faut que le corps médical reste en dehors de ça», a dénoncé, sur CNN, Jennifer Gunter, une gynécologue américaine qui rédige des chroniques sur la santé féminine. L’ONU demande l’abolition de ces tests, utilisés dans au moins une vingtaine de pays. Et l’OMS rappelle surtout qu’ils ne sont scientifiquement pas fiables: un hymen intact ou rompu ne dit finalement pas grand-chose. Des filles peuvent par ailleurs naître sans hymen. Un sondage mené en 2016 révèle que sur 288 médecins interrogés, 10% ont été confrontés à une telle demande et 3% ont effectué ces tests gynécologiques. Aucun Etat américain ne les interdit.

Donc, finalement, il faut remercier T.I. S’il n’avait pas confessé sur un ton badin emmener sa fille chez le gynéco après son anniversaire – «Je mets un post-it sur sa porte: Gynéco. Demain, 9h30» –, ces tests de virginité continueraient à être pratiqués en silence, sans que personne ne s’en émeuve vraiment. Dans une interview, le rappeur a bien cherché à s’expliquer, insinuant que ses propos avaient été mal interprétés, qu’il les avait un peu exagérés. Il s’est excusé auprès de sa fille d’avoir ainsi exposé sa vie privée, et a précisé que Deyjah, qui a soufflé ses 18 bougies, ne s’est jamais opposée à ces tests. Il n’a fait qu’aggraver son cas: T.I. a également pensé qu’il était nécessaire de dire qu’il n’était pas dans la salle lors des tests de virginité pratiqués sur sa fille. On se pince.

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *