Un Donald Trump en version dessin animé

Qui boit un Diet Coke dans son lit, un T brodé sur son pyjama, et déclare à sa femme: «Mais pourquoi tu me regardes: il y a une télévision dans la chambre»? «Our Cartoon President», peuvent désormais répondre en choeur les Américains. C’est le titre du tout nouveau dessin animé consacré à Donald Trump, dont les deux premiers épisodes ont été diffusés dimanche soir sur Showtime (CBS).

Toute la famille de Donald Trump, ses ministres, et son staff au complet, y figurent. Le président américain jure, lâche des «tremendous», «amazing» et «huge» à chaque deuxième phrase, arrive au Congrès dans un immense camion de pompiers pour son discours sur l’état de l’Union, et a une fâcheuse tendance à vouloir à tout moment attraper la fameuse mallette nucléaire qui le suit partout. 

Certains passages font sourire, comme ceux où il regarde des extraits de ses propres vrais discours à la télévision, mais d’autres moins. Les épisodes sont trop longs – le premier fait 26 minutes – et l’imitation de Trump est un peu décevante, il faut l’avouer. Aurait-il fallu davantage forcer les traits? Mieux ficeler les scénarios? Le New York Times a raison de souligner que le seul personnage vraiment bien croqué, poussé jusqu’aux limites de la satire, est son conseiller Stephen Miller, dépeint comme un amateur de pratiques SM, pendu au plafond des crochets plantés dans son dos, et invoquant des démons pour finaliser ses discours.

Un des hommes derrière «Our Cartoon President», qui se targue de présenter les «vraies mésaventures du 45e président des Etats-Unis», n’est pourtant autre que le talentueux Stephen Colbert, humoriste et satiriste politique, qui anime depuis 2015 «The Late Show». «Ce qu’il y a de formidable dans l’administration Trump, c’est que, quoi que vous vous imaginiez, vous êtes dans le vrai ! Tout est faux», aime-t-il plaisanter.

Le problème est que les polémiques et scandales s’enchaînent à rythme effréné. Si des satiristes peuvent réadapter leurs sketchs pour coller le plus possible à l’atmosphère du moment, le dessin animé risque parfois de sembler un peu dépassé. Il y a encore huit épisodes pour convaincre.

Qu’en pense le principal intéressé? Il n’a toujours pas réagi sur Twitter. Donald Trump n’a pourtant pas manqué d’épingler, à plusieurs reprises, Alec Baldwin qui le singeait dans «Saturday Night Live». Sa prestation l’agaçait profondément. Pas de chance: Alec Baldwin vient de reprendre sa perruque blonde après une pause de plusieurs mois. C’est peut-être aussi pour cela que «Our Cartoon President» semble manquer d’un peu de sel: les satires de Trump à la sauce piquante sont déjà nombreuses.

Les «séquences émotions» du showman Trump

Beaucoup a été dit à propos du discours sur l’état de l’Union prononcé mardi soir par Donald Trump. Commenté, décrypté, soupesé, encensé, relativisé. Les minutes d’autoglorification sur la bonne santé économique du pays, l’appel à l’unité, les propos hués sur les clandestins indésirables, les piques contre les «régimes voyous». Les promesses, les belles phrases, celles qui dépotent, sonnent creux ou marquent les esprits. Mais il y a un aspect qui a été un peu mis de côté: le talent qu’a Donald Trump pour jouer avec l’émotion des gens.

Comme un habile chef d’orchestre, un redoutable metteur en scène, il avait pour la plupart des thèmes abordés, un exemple concret. Dans la salle. Avec à la clé, des applaudissements nourris et des yeux humides. Donald Trump et son équipe ont soigneusement sélectionné leurs invités. Le casting était redoutablement efficace.

Il y a d’abord eu les «héros». Comme l’officier Ashlee Leppert, qui a contribué, à bord de son hélicoptère, à sauver 40 vies lorsque l’ouragan Harvey s’est abattu sur Houston. Le pompier David Dahlberg était aussi là. Il a sauvé soixante enfants bloqués dans un camp lorsque la Californie a été dévastée par des incendies. Donald Trump les montre du doigt, applaudit, les remercie.

Place ensuite, aux patrons d’une entreprise florissante de l’Ohio qui, grâce aux effets de la réforme fiscale – on y arrive -, vont pouvoir engager des employés supplémentaires. L’un d’eux, d’ailleurs, était aussi présent. Un Afro-américain passé par la case chômage jusqu’à ce que les patrons blancs l’engagent. Trump a pensé à tout. Il veut donner du rêve aux Américains. Et il le fait à la manière d’un animateur d’une émission de téléréalité.

Plus le discours avance, plus les séquences émotions deviennent fortes. Tout est savamment étudié. Les précédents exemples? Oubliez-les. On arrive maintenant à Preston Sharp, un petit bonhomme de 12 ans qui se tient fièrement dans la tribune aux côtés de Melania Trump. Ce qu’il a fait? Le Californien a remarqué que des tombes de vétérans n’étaient pas décorées d’un drapeau américain lors du sacro-saint Veterans Day. Il y a remédié, en lançant un mouvement qui a permis de récolter 40 000 drapeaux. «Preston: a job well done!», lui a lancé Donald Trump, plus patriote que jamais.

Sur le front de l’immigration, le président a choisi d’inviter les parents de deux jeunes filles tuées en automne 2016 par des membres du gang MS-13. Torrents de larmes au moment où les caméras se braquent sur eux. Pour Donald Trump, ces familles sont les parfaites icônes pour incarner les ravages de gangs ultraviolents qu’il veut éradiquer. Un argument béton pour la construction de son mur entre les Etats-Unis et le Mexique, et le renforcement de mesures pour lutter contre la migration illégale et les trafics de drogue.

Les deux couples sont trop émus pour s’interroger sur leur éventuelle instrumentalisation. Donald Trump, avec le ton suave et paternaliste d’un prédicateur qui aurait avalé trop de calmants, sait leur parler: «Je veux que vous sachiez que 320 millions de coeurs battent en ce moment pour vous. On vous aime. Merci. Nous ne pouvons pas nous imaginer l’intensité de ce type de peine, mais nous pouvons faire en sorte que d’autres familles n’aient pas à le subir».

Le tableau n’aurait pas été complet sans la présence de l’agent spécial Celestino Martinez, CJ pour les intimes, qui, bien que menacé de mort par le MS-13, a mené une opération à Long Island qui a permis l’arrestation de plus de 220 membres du gang.

Donald Trump n’a pas fini. Ses invités sont, qu’ils le veuillent ou non, là pour appuyer ses propos. Sur la crise des opioïdes aussi, où il est pourtant accusé de ne pas faire grand chose, il a soigné son casting: il a invité la famille Holets qui a récemment fait les grands titres de journaux. Policier, Ryan Holets a eu le coeur brisé en tombant sur une toxicomane qui se faisait une injection alors qu’elle était hautement enceinte. Il a décidé d’adopter l’enfant. La petite fille, Hope, était là, à quelques centimètres de la First Lady, sagement emmaillotée dans un linge rose fuchsia.

Le président des Etats-Unis aurait pu s’arrêter là. Mais il lui fallait encore incarner la lutte contre le terrorisme et l’Etat islamique, en faisant venir un soldat qui a combattu à Raqqa. Un soldat qui a failli perdre la vie et a surtout sauvé celle d’un camarade. Mais le sommet a été atteint en toute fin de discours, quand Donald Trump a fustigé le régime nord-coréen. Il lui fallait des images fortes. Il n’a pas eu de peine à en trouver. La terrible histoire d’Otto Warmbier, détenu pendant dix-huit mois en Corée du Nord, hante encore les Américains. Libéré en juin dernier, rapatrié dans un coma aux origines suspectes, il est décédé quelques jours plus tard.

Mardi soir, ses parents, accompagnés de leurs deux autres enfants, n’étaient pas simplement émus lorsqu’ils ont été ovationnés, ils étaient effondrés. Des images presque insoutenables. Là encore, Donald Trump, qui les a fait se lever deux fois sous les applaudissements, a pensé qu’il fallait aller plus loin dans la scénographie de son discours, par ailleurs plutôt creux, sans annonces ni vista politique. Il a réussi à mettre la main sur un déserteur nord-coréen, aujourd’hui réfugié à Séoul.

Donald Trump a raconté les souffrances de Ji Seong-ho, qui a perdu une main et un pied dans un accident de train, et a fui son pays en 2006. «Aujourd’hui il vit à Séoul, où il aide d’autres transfuges, et diffuse vers la Corée du Nord ce que le régime craint le plus: la vérité», a insisté le président des Etats-Unis. «Il a une nouvelle jambe, mais Seong-ho, je crois que vous gardez vos béquilles (de vieux modèles en bois, ndlr) comme symbole de votre parcours. Votre grand sacrifice est un exemple pour nous tous», a ajouté Donald Trump.

Le discours est arrivé à sa fin. Il peut fermer les rideaux, satisfait du spectacle qu’il a donné. Des larmes ont coulé. Mission réussie.

C’était ça aussi, le premier discours sur l’état de l’Union de Donald Trump.

Le mystère de l’immeuble sans fenêtres de New York

C’est un immeuble mystérieux, sans fenêtres, situé en plein coeur de New York. Au 33 Thomas Street à Manhattan, pour être précise. «L’immeuble le plus terrifiant jamais vu», selon Tom Hanks. Sur son compte Twitter, l’acteur américain, intrigué, a publié l’été dernier une photo du bâtiment-bunker de Tribeca, et posé la question suivante: «Mais qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur?». Il n’a pas été déçu: les internautes ont été très nombreux à lui répondre.

Alors? On ne saura pas tout. Mais une chose est sûre: l’immeuble de 29 étages (168 mètres) appartient officiellement au géant américain des télécommunications AT&T. On l’appelle d’ailleurs le «AT&T Long Lines Building». C’est le seul gratte-ciel de New York, construit entre 1969 et 1974 par le bureau d’architectes Carl Warnecke & Associates, conçu pour résister à une explosion nucléaire. Il abrite des équipements de télécommunications, et les 10e et 29e étages comportent de grosses ouvertures pour la ventilation. De l’extérieur, le reste n’est que béton et granit. Sans aucune lumière la nuit. Spooky.

C’est tout? Dans deux passionnantes enquêtes publiées en novembre 2016, The Intercept (lire ici et ici), qui a pu consulter des documents confidentiels, va beaucoup plus loin. Cette tour qui intrigue tant Tom Hanks dissimulerait en fait l’un des principaux centres d’espionnage de l’agence de renseignement NSA, et répondrait au nom de code «Titanpointe». L’agence y disposerait de matériel ultraperfectionné, capable, avec la collaboration d’AT&T, d’intercepter des communications du monde entier. The Intercept parvient à cette conclusion grâce à des documents transmis en 2013 par Edward Snowden, ex-employé de la NSA et de la CIA devenu lanceur d’alerte, avec lequel le site d’investigation collabore.

Une gigantesque station d’écoutes dissimulée dans une sorte de forteresse en plein coeur de New York? Dans les documents confidentiels consultés par les journalistes, la NSA ne fait jamais explicitement référence au 33 Thomas Street. Mais les journalistes assurent, en recoupant des témoignages d’ex-employés d’AT&T ainsi que des plans architecturaux,  que «Titanpointe» désigne bien ce curieux bâtiment. Parmi les indices récoltés, un guide de 2011 pour les employés de la NSA qui précise que le site est à New York et qui conseille d’emprunter un «véhicule de couverture» pour se rendre au bureau du FBI de Manhattan… qui ne se trouve qu’à un bloc de distance du mystérieux bâtiment. D’autres documents précisent que «Titanpointe» abrite des «RIMROCK access», des commutateurs 4ESS pour les appels à longue distance. Or le bâtiment AT&T en contiendrait au moins trois selon le témoignage d’un ancien employé.

Grâce aux documents fournis par Edward Snowden, «nous savons maintenant comment la NSA aspire toutes les données de l’opérateur», conclut The Intercept. Le Long Lines Building aurait même, toujours selon le site d’investigation online, été au coeur d’un programme controversé de la NSA dans les années 70, qui visait les communications émanant d’instances comme l’ONU, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ainsi qu’une quarantaine de pays.

Pendant des décennies, les New-Yorkais qui passaient devant ce bâtiment glauque érigé en pleine guerre froide se demandaient ce qu’il pouvait bien abriter. Depuis un peu plus d’un an, les voilà avec une réponse. Ou, disons, avec une esquisse de réponse. Car, bien sûr, ni AT&T, ni la NSA n’ont validé la thèse.

L’histoire du New Yorkais qui cherche (pas si) désespérément (que ça) une femme

Se promener à New York, c’est toujours avoir l’assurance de tomber sur quelque chose de saugrenu. Tenez, l’autre jour, je me baladais du côté d’East Village, mon appareil de photo autour du cou, quand je suis tombée sur un curieux flyer collé sur un réverbère. Sur l’affichette, l’inscription «Looking for a Girlfriend», sous la photo d’un homme mal rasé, crâne chauve et ce regard fixe qui ne donne pas vraiment envie de faire connaissance.

Il y avait son nom, Dan Perino. Et son numéro de téléphone portable. Avec une courte explication: «Je cherche vraiment une petite amie. Ce n’est pas une plaisanterie.  Je suis juste fatigué d’être célibataire et j’espère rencontrer la bonne personne. Je suis un artiste professionnel et une personne très créative. Vous savez déjà qui vous êtes. Je suis ouvert à toute relation qui puisse aboutir à quelque chose de concret».

Encore de l’humour new-yorkais, m’étais-je dit. Très certainement des amis qui lui ont fait une mauvaise plaisanterie pour son enterrement de vie de garçon! Le pauvre doit recevoir pas mal de coups de fils. Et en plus, avoir son visage comme ça, placardé dans les rues…  Non, vraiment.

Quelques semaines plus tard, en faisant du tri, je suis retombée sur cette photo. Je me suis mise à faire une petite recherche sur Internet, par curiosité. Et là, surprise: Dan Perino cherche VRAIMENT l’âme soeur. Et depuis longtemps. Le «flyer guy» est même devenu une petite célébrité. Dans une interview accordée à Vice en novembre 2014, on apprend qu’il est divorcé, qu’il a la cinquantaine et une fille adolescente. Visiblement très motivé, Dan Perino a collé près de 30 000 affichettes dans New York.  Cette année-là, il indiquait également sur ses flyers qu’il préparait un documentaire sur sa quête de l’amour et qu’il avait besoin de sous.

En trois mois, raconte-t-il au journaliste qui le décrit comme un «gars banal» parlant lentement, il avait reçu près de 7000 appels. Surtout de la part d’hommes, de journalistes et de farceurs. Puis CBS s’est intéressée à lui et il a commencé à recevoir des coups de fil sérieux. De femmes. Du monde entier, assure-t-il.

En neuf semaines, le «flyer guy» en a rencontré 86, sans trouver la femme de ses rêves qu’il cherche depuis trois ans. Fier de cette petite célébrité – à force de coller ses affiches partout, il est parfois reconnu dans la rue -, il se prend visiblement au jeu. Un peu trop, ses rendez-vous n’ayant apparemment pas grand chose de romantique. Au journaliste de Vice, il assure avoir dû repousser des nymphomanes qui s’agrippaient à lui, dit désormais envisager ne passer des nuits qu’avec des mannequins – «je devrais peut-être préciser cela sur mes affiches» – et dénonce les copieurs. Il dit aussi qu’il cherche une femme dans les 20 ou 30 ans (officiellement, pour espérer fonder une famille), plutôt «hot», et se targue d’avoir une «canette de coca» plutôt imposante.

Un génial imposteur? Un comédien raté en mal de gloire? Un paumé potentiellement dangereux qui se prend pour un expert en relations féminines? Intriguée, je continue mes petites recherches, en me demandant comment ce gars, qui dit avoir eu 86 conquêtes en neuf semaines fin 2014, peut encore coller ces mêmes affichettes trois ans plus tard. La réponse, je l’ai obtenue en quelques minutes. Dan Perino a posté plusieurs vidéos ces derniers jours, dont l’une intitulée «How I dated 1000 women in three years». Totalement flippant.

 

 

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Le mauvais sort s’acharne sur une famille suisse qui voyage en voilier

Ils devaient revenir à New York, où nous les avions rencontrés, mais le sort en a décidé autrement. La conférence prévue devant un cercle de navigateurs a été annulée. Un coup dur pour la famille Schwörer, qui compte sur ce genre d’événement pour financer son expédition. Mais ce n’est rien à côté de ce qui leur est arrivé quelques jours plus tôt.

Leur voilier, le Pachamama, s’est détaché du ponton où il était amarré, à Akureyri , en Islande, lors de violentes intempéries. En pleine nuit. Dans l’urgence, Dario, le père de famille, un climatologue et guide de montagne, est parvenu à l’accrocher à un ponton flottant, en attendant que les secours arrivent. Mais le mal était déjà fait. La coque a été endommagée. Le bateau est venu heurter plusieurs fois le ponton. «C’était comme un tremblement de terre», raconte Dario.

La tribu Schwörer, c’est cette famille suisse qui parcourt le monde depuis dix-sept ans, en voilier, en vélo, et avec la ferme intention de gravir le sommet le plus haut des sept continents. Ils sont huit: Dario, sa femme Sabine, et leur six enfants. Leur expédition s’appelle TopToTop Global Climate Expedition. Ils se veulent les témoins des effets du changement climatique.

Des coups durs, ils en ont connus. En 2004, leur bateau heurte méchamment un container qui flottait dans le Pacifique Sud. En 2015, Dario est blessé et a eu des complications: il a failli perdre sa jambe qui a été privée de sang pendant 24 heures et a dû subir cinq opérations. Tout récemment, c’est le petit dernier, Vital, qui a causé de grosses frayeurs aux parents: à peine né, il a dû faire l’objet de plusieurs transfusions sanguines.

Malgré la nouvelle tuile et la crainte que leur aventure s’arrête à cause du bateau endommagé, Dario essaie de rester optimiste. «Nous sommes en train de perdre notre maison», écrivait-il dans l’intitulé de son dernier mail. «Nous avons été très occupés ces derniers jours à déplacer des affaires du bateau dans un container. Mais le bateau n’a pas plus de fuites depuis qu’un plongeur les a colmatées avec du beurre. Grâce à de basses températures, le beurre a gelé et nous pouvons trouver un peu de sommeil car nous n’avons plus à pomper», précise-t-il. «Il commence à faire froid et sombre ici mais notre mental est toujours élevé».

Les réparations du voilier devraient finalement débuter le 10 février, dans le chantier naval le plus proche. La suite des aventures de la famille Schwörer peuvent être suivies ici, via leur blog.

La vie d’après des limogés de Donald Trump

Que sont-ils devenus? Sean Spicer, ex porte-parole de la Maison-Blanche, et Anthony Scaramucci, ex directeur de la communication de la même Maison-Blanche, qui se détestaient royalement, ont au moins deux points communs: ils se sont tous deux faits limoger par Donald Trump et savaient, malgré eux, amuser la galerie. Mais il existe une vie après Donald Trump. La preuve.

Sean Spicer, d’abord. A bout de nerfs, et sur un siège éjectable après avoir pris bien des coups, il a donné sa démission fin juillet en réagissant à la nomination d’Anthony Scaramucci, un ancien financier de Wall Street surnommé The Mooch. Depuis qu’il a quitté la Maison-Blanche, Sean Spicer est bien plus détendu. Il a trouvé un nouveau job: orateur de luxe. Il s’est inscrit au Worldwide Speakers Group, a fait une apparition surprise aux Emmy Awards dans son propre rôle – ou plutôt dans celui de la comédienne qui le parodiait dans Saturday Night Live -, une apparition qui n’a d’ailleurs pas été du goût de tous.

Il a surtout participé au Jimmy Kimmel Live!, où il a fait preuve d’humour et d’autodérision. Surtout lorsqu’il a évoqué son mensonge, le premier jour de son travail, quand il a dû défendre la faible participation à la cérémonie de prestation de serment du président américain, en assurant qu’il s’agissait de «la plus grande foule jamais vue lors d’une investiture, point barre».

The Mooch, ensuite. Il a tenu dix jours à la Maison-Blanche. Et poursuit son ego trip, tout en gérant la procédure de divorce lancée par sa femme, qui, elle non plus, n’a pas tenu le coup. L’homme tout droit sorti de la commedia dell’arte nous manque presque, tant ses déclarations relayées par la presse étaient colorées. Au New York Times, il avait confié: «J’ai été laissé pour mort dans la rue, maintenant je me dirige vers Air Force One». Un journaliste du New Yorker  a de son côté révélé qu’Anthony Scaramucci avait qualifié Reince Priebus, celui qui était alors encore chef de cabinet – un limogé de plus! – de «schizophrène paranoïaque», et avait déclaré, lors de la même conversation téléphonique, vouloir «virer tout le monde» pour éviter des fuites. Lorsque sa femme a annoncé avoir demandé le divorce, il a immédiatement tweeté: «La famille n’a pas besoin d’être impliquée dans tout cela. Bientôt, nous saurons dans les médias qui a de la classe et qui n’en n’a pas».

Aujourd’hui, The Mooch continue de soigner son look et son ego. Il a créé «The Scaramucci Post» sur Twitter, un nouveau «média» qu’il inaugure ce lundi 2 octobre, et dont il promet déjà une «world class experience», rien que ça. Il est aussi apparu dans plusieurs late shows, dont celui de Stephen Colbert, où il a dézingué Stephen Bannon, limogé peu de temps après. Il rêve d’une carrière à la télévision, et espère en attendant pouvoir être indemnisé à hauteur de 40 000 dollars pour des discours que ses fans s’arracheraient. The Mooch reste The Mooch. Avec ou sans lunettes de soleil.

Le prochain épisode de «Que sont-ils devenus?»: la nouvelle vie de Tom Price. Le ministre de la Santé s’est fait licencier vendredi par Donald Trump pour avoir utilisé des avions privés pour ses déplacements officiels. Priceless.

Des Suisses et la peine de mort à la Columbia Law School

Mardi, c’était le jour où Donald Trump a menacé de «totalement détruire» la Corée du Nord lors de son premiers discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. C’était aussi le jour où la présidente de la Confédération, Doris Leuthard, était invitée à la table du président américain. Et celui où, le soir, à la Columbia Law School, quelques rues plus haut dans Manhattan, s’est déroulée une soirée sur la peine de mort, aux tonalités très suisses, à l’occasion de l’inauguration de l’exposition «Windows on Death Row».

Ce projet, on le doit à la journaliste et productrice Anne-Frédérique Widmann et à son mari, le dessinateur Patrick Chappatte, qui croque notamment pour le New York Times et le Temps. Un projet de longue haleine sur la peine de mort aux Etats-Unis, avec un concept simple et efficace: présenter des «cartoons» de caricaturistes célèbres sur ce thème sensible, en offrant également, en miroir, un regard de l’intérieur, celui de condamnés à mort qui expriment leurs sentiments à travers l’art. Et surtout, donnent un aperçu de leur quotidien. Pour ce faire, le couple a multiplié les contacts et notamment rencontré une vingtaine de condamnés à mort, en Californie, au Tennessee, dans l’Arkansas et au Texas (lire notre récit d’octobre 2015 ici).

Mardi, Pascale Baeriswyl, Secrétaire d’Etat au Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), était présente à la cérémonie, quelques heures seulement avant l’élection de son potentiel nouveau chef. Elle a tenu des propos forts sur l’engagement de la Suisse contre la peine de mort, un thème particulièrement sensible aux Etats-Unis. Elle a notamment cité Nelson Mandela: «Refuser leurs droits aux hommes revient à contester l’essence de leur humanité».

Kennath Artez Henderson (B. 1974), Riverbend Maximum Security Institution, Nashville, Tennessee

Ndume Olatushani était également présent. L’homme a passé 28 ans dans les couloirs de la mort pour un crime qu’il n’a pas commis, dans une ville, Memphis, où il n’a jamais mis les pieds. Un exemple flagrant d’erreur judiciaire crasse. Erreur? Ses avocats, qui ont travaillé d’arrache-pied pour le faire sortir de prison, étaient également présents mardi soir. Et les mots de David H. Herrington étaient particulièrement retentissants: «Dans son cas, on ne peut pas parler d’erreur. Ils savaient ce qu’ils faisaient. Tout a été fait pour qu’il n’y ait pas d’Afro-américains dans les jurés et ils ont tout mis en oeuvre pour fabriquer des témoignages».

Dessin de Ndume Olatushani

Ndume Olatushani, avec sa voix douce, a donné une véritable leçon de vie. A la proposition d’Anne-Frédérique Widmann d’expliquer à quoi ressemblait une journée «typique» dans les couloirs de la mort, il a répondu: «Je ne voulais justement pas vivre de journée standard. J’ai toujours pensé que je sortirai de prison car j’étais innocent. Je ne pouvais pas penser à une exécution pour quelque chose que je n’ai pas fait et ne voulais donc pas en quelque sorte me mettre en condition». Il a aussi raconté ses journées de deuil, à pleurer prostré sur le sol, après avoir appris le décès de sa mère. «Je l’ai vue dans une sorte de rêve au bout du troisième jour. Elle m’a dit: «Lève-toi!». C’est à partir de ce moment que j’ai vraiment cherché à m’exprimer à travers le dessin et la peinture. Il faut savoir meubler son temps en prison».

Kevin Cooper (B.1958), San Quentin Prison State Prison

Dans leur démarche, Patrick Chappatte et Anne-Frédérique n’ont pas toujours voulu se renseigner sur le passé des condamnés à mort avant leurs rencontres. Pour éviter d’être influencés. Le but de leur travail reste de documenter, expliquer ce qui se passe dans ces prisons. Parler de l’envers du décor. Ndume Olatushani: «Les cellules sont très petites. Vous pouvez vous faire une idée en imaginant vivre enfermés dans votre salle de bain».

Hillary Clinton, son livre et les «abdos magiques» de Bernie Sanders

Quand je reçois un mail de Barack Obama, il m’appelle par mon prénom. Hillary Clinton, elle, ne prend pas cette peine. Pour la candidate malheureuse à la présidentielle de 2016, je ne suis qu’une simple «friend». Mais passons. Quoiqu’il en soit, sa stratégie de communication reste toujours bien huilée. Si je trouve ce matin un de ses messages préparé par son équipe de choc dans ma boîte mail intitulé «Bravery», c’est parce que son nouveau livre, «What Happened», le troisième, sortira mardi prochain. Un livre dans lequel elle règle ses comptes. La version française, «Ça s’est passé comme ça», sortira le 20 septembre.

Plusieurs médias américains, dont NBC et CNN, en ont déjà révélé des extraits. Elle s’en prend notamment à son ancien rival des primaires démocrates, qu’elle rend en partie responsable de son échec. Ses attaques ont fait des «dégâts durables», écrit-elle. Du coup, plutôt que de tendre bravement l’autre joue, Hillary Clinton contre-attaque: «Bernie Sanders annonçait à peu près la même chose, mais en plus gros. Sur tous les sujets, c’est comme s’il promettait des abdos en quatre minutes, ou des abdos en zéro minute. Des abdos magiques!». Et déjà le sénateur a réagi dans le «Late Show with Stephen Colbert», lui volant dans les plumes. Lui aussi est en pleine promotion d’un nouveau livre.

Hillary se livre aussi à quelques confessions et regrets. Elle concède que sa campagne n’avait «pas la même passion ou le même feu» que celle de son mari en 1992 et, bien qu’elle ait été affublée des pires noms d’oiseaux de la part des partisans de Donald Trump, elle regrette de les avoir qualifiés de «pitoyables». Le livre promet d’autres règlements de compte. Elle n’a jamais caché l’aigreur qu’elle ressentait à l’égard de James Comey, le patron du FBI limogé par Donald Trump, qui, quelques jours avant l’élection, avait rouvert une enquête sur ses emails privés alors même qu’une première investigation avait conclu qu’elle n’avait rien fait de dommageable. Hillary Clinton ne cesse de le répéter: «Sans l’intervention spectaculaire du directeur du FBI dans les derniers jours, nous aurions gagné la Maison-Blanche». Elle raconte les coulisses de sa campagne, ses hauts et ses bas, et dénonce le sexisme dont elle a fait l’objet, elle y parle également de sa famille. Et assure que sa vie maritale avec Bill Clinton, connaît «beaucoup, beaucoup, beaucoup de beaux jours, plus que des jours tristes ou de colère».

Dans son mail de ce matin qui tombe à point nommé, Hillary Clinton parle finalement peu de son livre. Elle évoque ses dernières lectures – «On Tyranny» de Timothy Snyder et le dernier livre de Elena Ferrante – et nous conseille un show de Broadway, «Come From Away». Ah si, vers la fin, elle glisse, comme ça en passant, ses dates de tournée pour la promotion de son livre, aux Etats-Unis et au Canada. Des conférences payantes. Le prix des billets va de 50 à … 2300 dollars. Mais à ce prix, vous avez droit à un livre dédicacé et à une petite photo en backstage.  Quand même. Hillary Clinton, c’est tout un business.

Le spectacle Trump, «Michael the Black Man» et le journaliste sous le choc

Passer sa soirée à regarder en direct un «rally» de Donald Trump, c’est un peu comme assister à un spectacle de Broadway. Mise en scène savamment orchestrée, chauffeurs de salle, musique: tout y est. Il y a des prières, du suspens, des clameurs, des «Boooo, booo!» d’un public surchauffé dès que le mot «démocrate» est prononcé, et même des petites distractions, comme lorsque des contestataires parvenus à se fondre dans la foule composée de milliers de partisans se font clouer le bec et plaquer au sol par la police.

Et puis, les gestuelles et mimiques du showman principal, accessoirement président des Etats-Unis, restent fascinantes à observer. Tout comme celles de l’homme gominé placé juste derrière lui qui à chaque fois que le président se retournait avait le visage exalté de celui qui verrait une pile de pizzas bien juteuses arriver après un mois de grève de la faim.

Le petit panel de personnes juste derrière Donald Trump sur le podium – donc face caméra pendant tout le discours – était d’ailleurs intéressant à observer. Empêtré dans une polémique qui n’en finit plus après le drame de Charlottesville – il a mis du temps à condamner les extrémistes de droite -, le président américain, sur un mode très «peace and love», ne s’est pas contenté de faire venir sur scène Alveda King, nièce de Martin Luther King, une ex-démocrate devenue républicaine. Il a visiblement fait en sorte de bien choisir qui devait figurer derrière lui.

Difficile en effet de ne pas remarquer l’Afroaméricain un brin agité sur la gauche de l’écran (photo Getty Images). Sur son T-Shirt, l’inscription: «Trump & les républicains ne sont pas des racistes». Régulièrement, il agitait une pancarte: «Blacks for Trump». Bien sûr, le fait que des Noirs se retrouvent parmi les électeurs de Trump n’est pas nouveau. Mais cela tombe plutôt bien d’offrir une telle visibilité juste après le drame de Charlottesville, pas vrai? Celui qui se fait appeler «Michael the Black Man» n’est d’ailleurs pas inconnu au bataillon, rappelle le Washington Post. C’est un peu un habitué de ce genre de rallies. Son passé est trouble. Il a fait partie d’un gang violent de suprémacistes noirs, traite Barack Obama de «The Beast» et assure que Hillary Clinton a fait partie du Ku Klux Klan.

Mardi soir, à Phoenix (Arizona), Donald Trump nous a surtout gratifié d’une longue parenthèse sur les médias (Fake news, dans le langage trumpien). Il avait prévu son coup: s’écarter du prompteur, sortir ses fiches de son veston trop grand, et se lancer dans un monologue pour attaquer les journaux et chaînes de télévision qui passeraient leur temps à le censurer. Il a repris toutes ses déclarations sur Charlottesville pour prouver qu’il a clairement condamné la haine et la violence. Toutes ses déclarations? Pas vraiment. Il n’a pas mentionné la formule qui a déclenché les foudres, lorsqu’il a déclaré que la démonstration de haine, de sectarisme et de violence émanait de «différents côtés», mettant sur un pied d’égalité néonazis et contre-manifestants antiracistes.

En reprenant l’antenne sur CNN, le journaliste Don Lemon était outré de ce qu’il venait de voir. Choqué, il n’a pas mâché ses mots.  «Je vais parler avec mon coeur: ce à quoi nous venons d’assister était une éclipse totale des faits. Nous avons vu quelqu’un arriver sur scène et mentir directement aux Américains (…), dans une tentative de réécrire l’histoire. Il était comme un enfant qui accuse son frère: «C’est lui, c’est pas moi!» (…)». Don Lemon n’a pas hésité à qualifier Donald Trump de «déséquilibré».

Cela aussi faisait partie de mon spectacle d’hier soir. On n’imaginerait pas vraiment Darius Rochebin faire pareil.

 

Mon éclipse au fond d’une boîte de riz

J’avais pourtant bien suivi les conseils de la NASA, relayés par plusieurs médias américains. Première étape, trouver une boîte de céréales vide  – pour moi c’était du blé complet -, et tapisser le fond de papier blanc. Check. Deuxième étape: scotcher le haut de la boîte, et découper, à droite et à gauche, deux carrés de tailles égales. Re-check. Ensuite, recouvrir l’un de ces carrés de feuille d’alu solide. Done. Et puis, paf, faire un petit trou avec un stylo au milieu de l’alu.

Toute fière de mon bricolage maison, je suis descendue dans la rue, au moment où l’éclipse solaire était la plus visible à New York. J’ai regardé dans le petit trou, dans le sens opposé du soleil censé entrer dans l’autre trou, le grand, le carré donc – vous me suivez toujours? Et là, déception, rien. Le fond de ma boîte de riz complet restait désespérément vide. Et moi, je tournais la tête dans tous les sens, l’oeil collé contre une boîte d’Uncle Ben’s, dans le sens opposé du spectacle…

Perfectionniste, je suis remontée dans mon appartement, prête à trouver une autre solution. Et si c’était l’alu? Le mien avait un côté un peu mat. J’ai donc refait mon bricolage, pour mettre la partie la plus brillante vers l’intérieur. Nouvelle tentative. Mais toujours rien au fond de ma boîte. Pas l’ombre d’un soleil. Echec total pour éclipse partielle.

Dans la rue, j’ai fini par emprunter les lunettes spéciales d’un habitant du quartier. Et je l’ai vue. Enfin. Au retour, j’ai quand même bombardé l’astre boudeur de photos –  mes yeux voient d’ailleurs pas mal de soleils en ce moment -, en essayant frénétiquement tous les filtres possibles. Ratées, les photos sont belles quand même. En fait, je crois que j’ai toujours aimé les rendez-vous ratés.