Le spectacle Trump, «Michael the Black Man» et le journaliste sous le choc

Passer sa soirée à regarder en direct un «rally» de Donald Trump, c’est un peu comme assister à un spectacle de Broadway. Mise en scène savamment orchestrée, chauffeurs de salle, musique: tout y est. Il y a des prières, du suspens, des clameurs, des «Boooo, booo!» d’un public surchauffé dès que le mot «démocrate» est prononcé, et même des petites distractions, comme lorsque des contestataires parvenus à se fondre dans la foule composée de milliers de partisans se font clouer le bec et plaquer au sol par la police.

Et puis, les gestuelles et mimiques du showman principal, accessoirement président des Etats-Unis, restent fascinantes à observer. Tout comme celles de l’homme gominé placé juste derrière lui qui à chaque fois que le président se retournait avait le visage exalté de celui qui verrait une pile de pizzas bien juteuses arriver après un mois de grève de la faim.

Le petit panel de personnes juste derrière Donald Trump sur le podium – donc face caméra pendant tout le discours – était d’ailleurs intéressant à observer. Empêtré dans une polémique qui n’en finit plus après le drame de Charlottesville – il a mis du temps à condamner les extrémistes de droite -, le président américain, sur un mode très «peace and love», ne s’est pas contenté de faire venir sur scène Alveda King, nièce de Martin Luther King, une ex-démocrate devenue républicaine. Il a visiblement fait en sorte de bien choisir qui devait figurer derrière lui.

Difficile en effet de ne pas remarquer l’Afroaméricain un brin agité sur la gauche de l’écran (photo Getty Images). Sur son T-Shirt, l’inscription: «Trump & les républicains ne sont pas des racistes». Régulièrement, il agitait une pancarte: «Blacks for Trump». Bien sûr, le fait que des Noirs se retrouvent parmi les électeurs de Trump n’est pas nouveau. Mais cela tombe plutôt bien d’offrir une telle visibilité juste après le drame de Charlottesville, pas vrai? Celui qui se fait appeler «Michael the Black Man» n’est d’ailleurs pas inconnu au bataillon, rappelle le Washington Post. C’est un peu un habitué de ce genre de rallies. Son passé est trouble. Il a fait partie d’un gang violent de suprémacistes noirs, traite Barack Obama de «The Beast» et assure que Hillary Clinton a fait partie du Ku Klux Klan.

Mardi soir, à Phoenix (Arizona), Donald Trump nous a surtout gratifié d’une longue parenthèse sur les médias (Fake news, dans le langage trumpien). Il avait prévu son coup: s’écarter du prompteur, sortir ses fiches de son veston trop grand, et se lancer dans un monologue pour attaquer les journaux et chaînes de télévision qui passeraient leur temps à le censurer. Il a repris toutes ses déclarations sur Charlottesville pour prouver qu’il a clairement condamné la haine et la violence. Toutes ses déclarations? Pas vraiment. Il n’a pas mentionné la formule qui a déclenché les foudres, lorsqu’il a déclaré que la démonstration de haine, de sectarisme et de violence émanait de «différents côtés», mettant sur un pied d’égalité néonazis et contre-manifestants antiracistes.

En reprenant l’antenne sur CNN, le journaliste Don Lemon était outré de ce qu’il venait de voir. Choqué, il n’a pas mâché ses mots.  «Je vais parler avec mon coeur: ce à quoi nous venons d’assister était une éclipse totale des faits. Nous avons vu quelqu’un arriver sur scène et mentir directement aux Américains (…), dans une tentative de réécrire l’histoire. Il était comme un enfant qui accuse son frère: «C’est lui, c’est pas moi!» (…)». Don Lemon n’a pas hésité à qualifier Donald Trump de «déséquilibré».

Cela aussi faisait partie de mon spectacle d’hier soir. On n’imaginerait pas vraiment Darius Rochebin faire pareil.

 

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

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