Des Suisses et la peine de mort à la Columbia Law School

Mardi, c’était le jour où Donald Trump a menacé de «totalement détruire» la Corée du Nord lors de son premiers discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. C’était aussi le jour où la présidente de la Confédération, Doris Leuthard, était invitée à la table du président américain. Et celui où, le soir, à la Columbia Law School, quelques rues plus haut dans Manhattan, s’est déroulée une soirée sur la peine de mort, aux tonalités très suisses, à l’occasion de l’inauguration de l’exposition «Windows on Death Row».

Ce projet, on le doit à la journaliste et productrice Anne-Frédérique Widmann et à son mari, le dessinateur Patrick Chappatte, qui croque notamment pour le New York Times et le Temps. Un projet de longue haleine sur la peine de mort aux Etats-Unis, avec un concept simple et efficace: présenter des «cartoons» de caricaturistes célèbres sur ce thème sensible, en offrant également, en miroir, un regard de l’intérieur, celui de condamnés à mort qui expriment leurs sentiments à travers l’art. Et surtout, donnent un aperçu de leur quotidien. Pour ce faire, le couple a multiplié les contacts et notamment rencontré une vingtaine de condamnés à mort, en Californie, au Tennessee, dans l’Arkansas et au Texas (lire notre récit d’octobre 2015 ici).

Mardi, Pascale Baeriswyl, Secrétaire d’Etat au Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), était présente à la cérémonie, quelques heures seulement avant l’élection de son potentiel nouveau chef. Elle a tenu des propos forts sur l’engagement de la Suisse contre la peine de mort, un thème particulièrement sensible aux Etats-Unis. Elle a notamment cité Nelson Mandela: «Refuser leurs droits aux hommes revient à contester l’essence de leur humanité».

Kennath Artez Henderson (B. 1974), Riverbend Maximum Security Institution, Nashville, Tennessee

Ndume Olatushani était également présent. L’homme a passé 28 ans dans les couloirs de la mort pour un crime qu’il n’a pas commis, dans une ville, Memphis, où il n’a jamais mis les pieds. Un exemple flagrant d’erreur judiciaire crasse. Erreur? Ses avocats, qui ont travaillé d’arrache-pied pour le faire sortir de prison, étaient également présents mardi soir. Et les mots de David H. Herrington étaient particulièrement retentissants: «Dans son cas, on ne peut pas parler d’erreur. Ils savaient ce qu’ils faisaient. Tout a été fait pour qu’il n’y ait pas d’Afro-américains dans les jurés et ils ont tout mis en oeuvre pour fabriquer des témoignages».

Dessin de Ndume Olatushani

Ndume Olatushani, avec sa voix douce, a donné une véritable leçon de vie. A la proposition d’Anne-Frédérique Widmann d’expliquer à quoi ressemblait une journée «typique» dans les couloirs de la mort, il a répondu: «Je ne voulais justement pas vivre de journée standard. J’ai toujours pensé que je sortirai de prison car j’étais innocent. Je ne pouvais pas penser à une exécution pour quelque chose que je n’ai pas fait et ne voulais donc pas en quelque sorte me mettre en condition». Il a aussi raconté ses journées de deuil, à pleurer prostré sur le sol, après avoir appris le décès de sa mère. «Je l’ai vue dans une sorte de rêve au bout du troisième jour. Elle m’a dit: «Lève-toi!». C’est à partir de ce moment que j’ai vraiment cherché à m’exprimer à travers le dessin et la peinture. Il faut savoir meubler son temps en prison».

Kevin Cooper (B.1958), San Quentin Prison State Prison

Dans leur démarche, Patrick Chappatte et Anne-Frédérique n’ont pas toujours voulu se renseigner sur le passé des condamnés à mort avant leurs rencontres. Pour éviter d’être influencés. Le but de leur travail reste de documenter, expliquer ce qui se passe dans ces prisons. Parler de l’envers du décor. Ndume Olatushani: «Les cellules sont très petites. Vous pouvez vous faire une idée en imaginant vivre enfermés dans votre salle de bain».

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

Une réponse à “Des Suisses et la peine de mort à la Columbia Law School

  1. Très important et indispensable.
    Aurons-nous l’occasion de voir cette exposition en Europe, en Suisse ?
    Merci pour ce témoignage
    Françoise Lieberherr-Gardiol

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