Le printemps : bruyante saison pour les citadins

Joli mois de mai (la poésie des chantiers)

Penchée sur l’ordinateur, je sens mon œil glisser sur le calendrier qui se trouve en haut, à droite, à côté de l’horloge. Chaque jour s’égrainent des dates qui me paraissent changer de plus en plus vite. Je retourne au document Word. Obsessionnelle, je ne vois rien du printemps. Une seule chose m’occupe : le tapuscrit que je dois rendre fin mai à mon éditeur. Un récit à paraître en octobre, très différent des sujets que j’aborde habituellement. Un livre qui demande de la constance et beaucoup de concentration.

Mes yeux picotent. Le pollen n’est pas en cause. Ils se croisent fatigués de regarder un texte, noir sur blanc, se construire. J’ai envie de soleil et d’air frais, mais je reste assise, accaparée par l’écran, immobile. Quand je me lève de la chaise, mes genoux peinent à se déplier.

Je voudrais ouvrir les fenêtres et le balcon en grand pour, au moins, profiter du chant des oiseaux et de l’air si agréable en cette saison. Mais le bruit qui vient de l’extérieur me fracasse le cerveau. Me déconnecte les synapses. Et soudainement, je me souviens que les printemps se suivent et se ressemblent. Que pour les citadins, depuis longtemps, ils n’ont plus rien de bucolique.

Dans Le baiser d’Anubia, l’ouvrage paru en début d’année, figure un petit poème sur le sujet.

 

 

Je décide de sortir me promener afin d’échapper un instant au bruit environnant. Au bas des escaliers, une série de pages A4, collées près des boîtes aux lettres, attirent mon attention. Elles sont signées par la gérance et plusieurs entrepreneurs. De grands travaux vont commencer ces prochains jours dans mon immeuble. Il nous faut immédiatement vider les caves et les galetas. Entreposer dans nos appartements le matériel dormant qui s’y trouve. Au bruit “printanier” du quartier s’ajouteront les décibels du chantier, que l’on entendra courir sur tous les murs, et la constante et encombrante présence d’objets poussiéreux que l’on ne garde que pour des usages occasionnels. Durant les cinq mois que dureront les transformations de la maison, raquettes, bouteilles de vin et produits de lessive me rappelleront qu’il ne neige plus en hiver, que je n’ai jamais rien à fêter et qu’aucun détergeant ne lave la sottise humaine.

Mon cœur s’accélère et ma respiration devient difficile. J’ai envie de fuir, fuir, fuir… très loin. Dans un lieu où aucun bruit produit par un Être Humain ne puisse me rattraper.

Peut-être dans une grotte.

Le baiser d’Anubia, Dunia Miralles, Torticolis et frères 2023

Mon site d’écrivaine : c’est par ici

 

Dunia Miralles

Dunia Miralles est l'auteure de SWISS TRASH, roman culte sur les milieux de la drogue à la fin des années 1980, et d'INERTIE qui a été nominé pour le Prix de l'Académie Romande, le Prix du Roman des Romands et qui a reçu le Prix Bibliomedia 2015. Autres livres: MICH-EL-LE une femme d'un autre genre, et FILLE FACILE. FOLMAGORIES est un recueil de nouvelles fantastiques en hommage à Edgar Allan Poe, Andersen, Baudelaire ou Stephen King. ALICANTE, qui surprend par sa poésie en prose mise en musique par Monojoseph, est paru en librairie en avril 2018. LE BAISER D'ANUBIA est une suite de fragments et d'aphorismes. Des mots qui emmènent le lecteur dans l'esprit d'une personne atteinte du trouble de la personnalité limite (borderline).

6 réponses à “Le printemps : bruyante saison pour les citadins

  1. Fuir ? Faites le vite, vous ne vous rendez pas compte que votre santé, donc votre vie, en dépend… (le bruit tue…)
    Ca commence souvent par : tiens, et si je le faisais, ça se passerait comment, concrètement, ça coûterait combien ?…”. Il n’y a jamais de “ça n’est pas si simple”.. Impératrice des excuses bidons…
    Chiffrer vraiment les choses est la porte ouverte à la réalisation des rêves, qui ne sont jamais que ce que notre être tout entier, nous réclame à corps et à cris (étouffés)…
    La vie sereine… et puis le reste….

  2. Est-ce vous qui nous quittez ou moi qui vous quitte avec l’extinction de votre « blog ravissant ». Où vous retrouver au détour d’un zapping? Votre blog m’était romantique et va manquer à vos lecteurs j’en suis sûr.

    1. Mes articles continueront à être visibles mais je n’alimenterai pas de nouveau blog.

      En 20 ans, j’ai écrit pour deux espaces appartenant à des journaux, notamment pour Le Monde.

      Le premier a fermé il y a quelques années. Cette nouvelle fermeture est peut-être le signe que je dois davantage me consacrer à ma littérature et à mes livres, et un peu moins aux espaces virtuels qui dépendent de la presse. Mais je ne disparaîtrai pas tout à fait.

  3. Eh oui, fuir à la campagne où il n’y a ni bus, tram, train, Juste la nature et des gens qui ont besoin de leur voiture pour se déplacer, faire des achats….
    Un mode de vie que les écolo bobo des villes ne connaissent pas vu qu’il veulent nous interdire de venir dans leur villes pour consulter, acheter, se cultiver parce que l’on n’y vient pas en vélo où à pied. Pire, ils vilipendent les ruraux qui ne se chauffent pas avec le chauffage à distance et utilisent trop de terrain pour leur jardin… ne cultivent pas que du bio et ne sont pas végan et font de l’élevage.
    Ils applaudissent la densification des villes et l’ajout d’étages sur les immeubles prenant leurs habitants pour des lapins dans des clapiers urbains….
    Voilà pourquoi les ruraux ne les supportent pas ces bobo écologistes qui pensent que la campagne est comme la ville, que le tram est devant la porte et les commerces à portée de vélo….
    Fuyez si vous pouvez et enfermez ces ayatollahs verts dans leurs villes.

      1. Absolument, je n’ai jamais dit cela (mes excuses si mes propos ont été maladroits), mon propos est simplement de montrer deux visions antagonistes du monde, celle des urbains et celle des ruraux: Les urbains en majorité écolos bobo voulant dicter au ruraux leur manière de vivre (sans voiture et surtout pas de 4×4 ), sans viande etc… alors qu’ils n’y connaissent rien de la réalité de la vie à la campagne ni du fait que sans 4×4 beaucoup ne sortiraient plus de chez-eux une partie de l’hiver…
        Dans le même temps, ils combattent toute installation à la campagne pour densifier les villes et les rendre encore plus invivables poussant ainsi ces habitants à vouloir quitter les villes pour “respirer” le calme…

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