Écrire sagesse ou délire, écrire pour ne pas mourir

S’apercevoir qu’il faudra se presser

J’ai commencé ce blog en 2018. La passion qu’il a éveillé en moi m’a permis de découvrir des poètes, d’entretenir de magnifiques échanges avec des auteurs, des écrivaines, des libraires, des bibliothécaires et de nombreuses personnes qui s’investissent dans le monde de l’édition. A cet espace je me suis donnée corps et âme. A ma grande et heureuse surprise, le nombre de mes abonnés a constamment augmenté. Une superbe récompense.

Sans la littérature, sans les personnes qui la font, sans vous qui suivez ces lignes, cet endroit n’aurait pas pu exister. Alors merci, merci à tous, à toutes, d’avoir posé vos yeux sur mes mots. Merci de m’avoir confié vos livres et vos phrases, vos émotions, vos concepts et vos pensées. Merci !

Cependant, les flammes de la passion demandent de la constance et du temps. Ce blog m’en réclamait avidement et je les lui ai offerts sans compter.

Avant d’être invitée par le quotidien Le Temps, j’ai écrit pendant une quinzaine d’années pour le blog du journal Le Monde avant qu’il ne disparaisse presque subitement. Je m’y étais investie autant qu’en ce lieu qui ferme aussi ses portes. Je reçois cette deuxième rupture comme un signe : je dois me consacrer entièrement à mes futurs livres. Le moment est venu de totalement plonger dans mes écrits, de mettre en forme les projets, les idées, les sentiments, les sensations qui ne demandent qu’à égoïstement posséder sans partage ma peau et mon esprit. J’ai donc décidé de mettre un terme à mes aventures avec les blogs. D’enfin devenir fidèle à celle qui me réclame, pour elle seule, depuis longtemps : mon écriture littéraire. Or, tout à coup, je m’aperçois qu’il faudra me presser pour tout accomplir.

J’ai choisi d’imager ces impressions avec quelques mots d’Anne Sylvestre. Des mots qui me ressemblent, qui sont également miens depuis que j’écris et qui, au fur et à mesure que le temps passe, s’apparentent de plus en plus à ma réalité. Je me réfère à sa chanson Écrire pour ne pas mourir dont je vous laisse un extrait ci-dessous. Vous pouvez facilement la retrouver dans son entier sur la toile.

Les parutions de mes trois prochains livres – très différents les uns des autres – sont agendées. Si aucun imprévu ne vient contrarier ce timing, ils paraîtront successivement cet automne 2023, au printemps 2024 et au cours du premier semestre 2025.

Je vous invite à régulièrement suivre mon actualité sur mon site officiel : dunia-miralles.info

D’une manière plus ludique, je figure aussi sur Facebook et Instagram. J’utilise également ces voies pour annoncer les nouvelles publications à mon lectorat.

Au plaisir de vous retrouver bientôt.

Dunia Miralles, le 28 juin 2023

 

 

Dunia Miralles : livres parus entre mars 2000 et juin 2023 :

Swiss trash, roman, Baleine, 2000. Réédition : éditions L’Âge d’Homme, 2015

Fille Facile, nouvelles, Torticolis et frères, 2012

Inertie, roman, éditions L’Âge d’Homme, 2014

Mich-el-le, une femme d’un autre genre, roman, éditions L’Âge d’Homme, 2016

Alicante, poésie bilingue français-espagnol, Torticolis et frères, 2018

Folmagories, nouvelles, éditions L’Âge d’Homme, 2018

Le baiser d’Anubia, instants autobiographiques, Torticolis et frères, 2023

 

L’image qui illustre l’article est un détail de la couverture du recueil collectif Les Affolés et du bandeau qui l’accompagnait. Ce livre est à présent épuisé.

Le printemps : bruyante saison pour les citadins

Joli mois de mai (la poésie des chantiers)

Penchée sur l’ordinateur, je sens mon œil glisser sur le calendrier qui se trouve en haut, à droite, à côté de l’horloge. Chaque jour s’égrainent des dates qui me paraissent changer de plus en plus vite. Je retourne au document Word. Obsessionnelle, je ne vois rien du printemps. Une seule chose m’occupe : le tapuscrit que je dois rendre fin mai à mon éditeur. Un récit à paraître en octobre, très différent des sujets que j’aborde habituellement. Un livre qui demande de la constance et beaucoup de concentration.

Mes yeux picotent. Le pollen n’est pas en cause. Ils se croisent fatigués de regarder un texte, noir sur blanc, se construire. J’ai envie de soleil et d’air frais, mais je reste assise, accaparée par l’écran, immobile. Quand je me lève de la chaise, mes genoux peinent à se déplier.

Je voudrais ouvrir les fenêtres et le balcon en grand pour, au moins, profiter du chant des oiseaux et de l’air si agréable en cette saison. Mais le bruit qui vient de l’extérieur me fracasse le cerveau. Me déconnecte les synapses. Et soudainement, je me souviens que les printemps se suivent et se ressemblent. Que pour les citadins, depuis longtemps, ils n’ont plus rien de bucolique.

Dans Le baiser d’Anubia, l’ouvrage paru en début d’année, figure un petit poème sur le sujet.

 

 

Je décide de sortir me promener afin d’échapper un instant au bruit environnant. Au bas des escaliers, une série de pages A4, collées près des boîtes aux lettres, attirent mon attention. Elles sont signées par la gérance et plusieurs entrepreneurs. De grands travaux vont commencer ces prochains jours dans mon immeuble. Il nous faut immédiatement vider les caves et les galetas. Entreposer dans nos appartements le matériel dormant qui s’y trouve. Au bruit “printanier” du quartier s’ajouteront les décibels du chantier, que l’on entendra courir sur tous les murs, et la constante et encombrante présence d’objets poussiéreux que l’on ne garde que pour des usages occasionnels. Durant les cinq mois que dureront les transformations de la maison, raquettes, bouteilles de vin et produits de lessive me rappelleront qu’il ne neige plus en hiver, que je n’ai jamais rien à fêter et qu’aucun détergeant ne lave la sottise humaine.

Mon cœur s’accélère et ma respiration devient difficile. J’ai envie de fuir, fuir, fuir… très loin. Dans un lieu où aucun bruit produit par un Être Humain ne puisse me rattraper.

Peut-être dans une grotte.

Le baiser d’Anubia, Dunia Miralles, Torticolis et frères 2023

Mon site d’écrivaine : c’est par ici

 

Marie Gaulis : s’interdire d’oublier

Le fil d’Ariane d’une œuvre poétique

En survolant son histoire, l’on pourrait croire que les bonnes fées s’étaient penchées sur le berceau de Marie Gaulis. Fille d’Henriette de Foras, artiste peintre française, et de l’écrivain, dramaturge et comédien suisse Louis Gaulis, elle naît dans un milieu privilégié à Thonon-les-Bains, en 1965, dans un monde de beauté et d’érudition. Enfant de voyageurs, sa jeunesse est marquée par les Alpes, les populations de La Méditerranée, ou les rues de New-York et Paris.

Son père, collaborateur pour la Croix-Rouge Internationale, est tué au Liban alors qu’elle n’a que 12 ans. Un deuil qui ne l’empêchera pas de poursuivre de brillantes études de grec moderne et de s’intéresser aux écrivaines australiennes d’origine grecque. En parallèle, elle écrit une œuvre poétique dont le premier ouvrage, Le fil d’Ariane, paraît en 1993. Sur la quatrième de couverture de ce recueil, elle écrit :

« Ces textes sont des fragments de temps remontés à la surface de la mémoire. J’ai retrouvé des moments de bonheur fugitif et dense, et aussi les chagrins qui ont marqué le passage de l’enfance à l’âge adulte. J’ai senti à nouveau des goûts, des parfums anciens que je croyais perdus.

Je pense qu’écrire, c’est s’interdire d’oublier. C’est découvrir, par un cheminement sans logique, par des associations d’odeurs, de lieux, de saisons, tout un monde de souvenirs qu’on tient en soi. »

Deux poèmes contenus dans Le fil d’Ariane :

 

Traductrice, essayiste, poétesse et romancière, Marie Gaulis construit, livre après livre, une œuvre puissante et sensible où le passé se mêle au présent, et où l’empreinte de son père laisse une trace d’encre sur les pages, notamment dans Lauriers amers.

Elle est encore jeune quand la maladie se présente à elle. Le cancer l’emporte, alors qu’elle n’a que 53 ans, à La Chaux-de-Fonds où elle avait élu domicile et où elle a passé les dernières années de sa vie à écrire.

Mon livre, celui de la photographie, est une première édition qui a bien vécu, mais d’après mes informations on le trouve encore en librairie.

 

Sources :

– Le fil d’Ariane, éditions de l’Aire, 1993

– Lauriers amers, éditions Zoé, 2009

– Le Royaume des oiseaux, éditions Zoé, 2016

– Wikipédia

Linda Speer : une poésie qui pressentait #MeToo

Menstrues : le cycle menstruel pour inspiration

Six ans après le mouvement #MeToo et les dénonciations des sévices endurés par le corps des femmes, il est intéressant de lire – ou de relire – Menstrues de Linda Speer. Paru en mars 2016, soit 18 mois avant les manifestations du mouvement qui dénoncent les violences – notamment gynécologiques – faites au genre féminin, Menstrues a, en arrière-fond, une musicalité qui présage les événements à venir. Entre autres, le combat pour que les serviettes hygiéniques et les tampons ne soient plus taxés comme des produits de luxe, mais comme des biens de première nécessité.

Publié par les Éditions des Sables, dans la collection Rose des Sables, Menstrues ce sont vingt-huit poèmes qui racontent l’expérience d’une femme, et sans doute de beaucoup d’entre nous. Le recueil, découpé en trois parties – Menstrues, Retard ma saison préférée, Dry Day – évoque sans vulgarité, et souvent avec des métaphores, l’un des tabous de notre société.

Dans ses poèmes, Linda Speer nous laisse entrevoir la difficulté d’être une personne de sexe féminin face au regard de l’homme, de l’amant, de la mère ou de la société.

Autres particularités de ce livre : le dessin de sa couverture a été peint avec du sang menstruel par l’artiste sud-africaine Zanele Muholi.

Certains poèmes, écrits en néerlandais ou en anglais, sont traduits en français et en miroir sur la page de droite.

Ce livre peut être directement commandé sur le site des Éditions des Sables : ici

Biographie de Linda Speer

Linda Speer est née à Lugano en 1985. Elle grandit en Suisse et commence à écrire à la suite de ses premières menstruations. Sa famille étant originaire des Pays-Bas elle écrit à la fois en néerlandais et en français. Cette activité reste intime et confidentielle. C’est après avoir fréquenté l’université, où elle touche à la sociologie, aux études sur le genre, et brièvement à l’histoire des religions, qu’elle développe une vision plus consciente des rapports sociaux et culturels entre femmes et hommes. Elle décide alors de publier son travail, dans lequel l’écriture explore la féminité en tant qu’expérience de vie et source de création.

Fondées par la journaliste, écrivaine et poétesse féministe Huguette Junod, les Éditions des Sables ont vu le jour à Genève en 1987. Riches de sept collections – poésie, œuvre de fiction, récit, essai, jeunesse, ouvrages pédagogiques et polars – elle compte des auteurs et autrices de tout horizons.

Sources :

Menstrues, Linda Speer, Éditions des Sables, mars 2016

– Sites des Éditions des Sables

Matthieu Corpataux (2) : la revue littéraire L’Épître et les livres des éditions PLF

Matthieu Corpataux : écrire et éditer

Matthieu Corpataux, dont nous avons fait la connaissance hier, n’est pas que poète. C’est l’une des têtes pensantes de la littérature suisse actuelle. Aujourd’hui nous découvrons L’Épître, la revue de la relève littéraire qu’il a imaginée et mise en place, à l’instar des éditions Presses littéraires de Fribourg qu’il a créées avec Lucas Giossi l’actuel directeur d’EPFL Press. Voici des exemples et des extraits de ces publications.

Quelques livres parus aux éditions PLF

 La Faille Ethics, roman policier de Laurent Jayr

Le résumé : Ethics, c’est le nom du logiciel de trading intelligent et autonome conçu par Antoine Dargaud pour une jeune société d’investissement genevoise. Le logiciel est performant – trop – et rapidement, il attire l’attention de la presse, des banques, puis de tout Wall Street. La Faille Ethics est un polar saisissant de réalisme sur le monde de la finance et sur le trading où le logiciel, monstre de Frankenstein moderne, se révèle étonnamment humain.

L’extrait : “Sa main glisse sur la surface du serveur. Il ressent une vibration, une sorte de grondement, se propager à travers sa paume. Au-dessus du boîtier métallique, un moniteur clignote faiblement, diffusant une lueur verdâtre tandis qu’un condensateur sifflote en se déchargeant. Des câbles de fibres optiques mal alignés sortent de la face arrière des lames du serveur pour disparaître dans le faux plafond. Antoine Dargaud s’apprête à donner vie à Ethics, le robot de trading qui va assainir la finance.”

Liens : cliquez dans ce qui vous intéresse

Le livre : ce roman a figuré parmi les finalistes du Prix SPG 2021

L’auteur :  son site, sa page Facebook

Alegría ! roman de Camille Elaraki

Résumé : Alegría ! est l’histoire d’Ola, jeune femme courageuse et insatiable, mais écrouée dans le quotidien gris de Paris. Après avoir échappé par hasard aux attentats du Bataclan, elle fuit le deuil de son père et les amours ratées. En Espagne, lors d’un séjour Erasmus, elle renoue avec le désir et l’allégresse. Ce roman, écrit avec précision et douceur, raconte l’intime et la soif de liberté : c’est surtout le portrait de toute une génération.

L’extrait : “Elle s’amusait des taxis débordants de passagers, des enfants assis sur les genoux de leur père à mobylette, sandales aux pieds, casques sur la tête, mais sangles au vent. Et surtout, elle avait décidé de ne pas voir le linceul recouvrant le Café de France. La dépouille de cette grande bâtisse dominant la place Jemaa el-Fna, au-delà de la mort. Ola balaie d’une phrase la comparaison que Grégoire énonce entre les attaques d’ici et celles qui ont frappé les locaux de Charlie Hebdo en janvier. « C’est différent. »”

Liens : cliquez dans ce qui vous intéresse

Le livre

L’auteure :  sa page Facebook

Écrire depuis ici, essai de Jean-François Haas

Résumé : Écrire depuis ici est la première publication en Suisse de l’écrivain Jean-François Haas, lauréat des Prix Schiller, Dentan ou encore Bibliomedia. Cette réflexion sur l’écriture et sur le parcours d’écrivain est inestimable. L’écrivain retrace les paysages de son enfance, les fêtes, l’éducation parfois rude souvent bienveillante à Fribourg puis à Saint-Maurice, l’Université mais aussi ses découvertes de Moby Dick ou de Philipe Roth. L’écrivain suisse se dévoile sans impudeur mais avec beaucoup d’humanité.

L’extrait : “« Et, à part ça, est-ce que vous taquinez toujours la Muse ? » [Cette question] dit quelque chose d’une certaine difficulté à traiter ici de cette activité étrange, par nature solitaire et donc, au moins en apparence, marginale, qui fait de l’écrivain un être un peu à part, un peu bizarre, pas foncièrement dangereux ni malsain, mais dont on n’est pas très sûr de la bonne santé mentale et/ou du bon comportement social, et de surcroît enclin à s’abandonner à la distraction de taquiner la Muse plutôt qu’à s’adonner à une activité sérieuse.”

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Le livre

L’auteur :  sur la page Facebook de l’éditeur

Abécédérangé, recueil de poésie de Simon Lanctôt

Résumé : L’Abécédérangé est un recueil de poésie inspiré des expérimentations poétiques médiévales : l’approche de Simon Lanctôt est sensible, même sensuelle. Il s’empare des mots, les hume, les goûte, les déguste, même les dévore. […] C’est tout un Oulipo médiéval qui surgit, vivifié dans la jouissance de l’anachronie, qui nous renvoie l’écho des Grands Rhétoriqueurs, ces virtuoses de l’acrobatie lettriste que Georges Pérec qualifiait de plagiaires par anticipation.

Une page de cette poésie visuelle :

Liens : cliquez dans ce qui vous intéresse

Le livre

L’auteur :  sa page Facebook

 

Revue littéraire L’Épître – collectif

vol. VII

Recueil de poésie et de nouvelles

L’Épître est la revue de la relève littéraire suisse francophone. Créée en 2013 par Matthieu Corpataux, elle agit en ligne et sur papier pour promouvoir l’écriture : à la fois laboratoire et tremplin, elle a révélé de nombreux talents romands ces dernières années. En 2018, la revue se professionnalise et bénéficie depuis du soutien de Pro Helvetia et de la Fondation Michalski ; et organise un riche programme d’événements.

Extrait : Quand je suis redevenue d’Isabelle Paquet

“Tu me parles et aussi parfois tu te tais. Alors je t’articule quelques mots de mon cru. Ce soir se mitonner un raboliot en civet ? Je ne peux pas te dire que souvent je suis au beau milieu d’un étang plat comme l’horizon, épais et verdâtre, en sèche Sologne, que je fais la planche sans maillot, mon corps en x parfait, paupières closes, rempart à l’eau et au soleil de brûler mes rétines. Non plus que je nage avec les canards. Ni que je laisse mon corps sécher sur la rive. Là, tu me rejoins.”

Autre extrait :  Les gens d’ici de Philippe Rebetez

depuis qu’il est parti

Jeanne pose chaque soir deux bols

sur la table de la cuisine

à l’aube

après avoir pris son café

elle croise les doigts devant la photo jaunie

Auteurs et autrices de ce volume :

Pierre Voélin, Bastien Roubaty, Isabelle Paquet, Yves Noël Labbé, Stefano Christen, Fanny Dersarzens, Philippe Rebetez, Ed Wige, Vincent Annen, Charly Rodrigues, Coralie Gil, Olivier Pitteloud, Louis Haentjens, Nathalie Quartenoud, Jérémy Berthoud, Sibylle Bolli, Cédric Pignat

Liens : cliquez dans ce qui vous intéresse

La page de ce volume

La page de la collection

La page de L’Épître en ligne

La page information Facebook de L’Épître ( ateliers d’écriture, publications…)

 

Photographie d’entête : Matthieu Corpataux. Crédit : Nicolas Brodard

Libraires, éditeurs et auteurs romands : les sacrifiés du confinement littéraire (1)

La sinistrose du milieu littéraire

Depuis début 2020 et mars 2021, considérées comme non-essentielles, les librairies suisses ont été fermées par deux fois. Toutes ont subi d’énormes pertes. Si cela s’est avéré difficile pour les libraires cela s’est révélé encore plus cruel pour les éditeurs. Actuellement, les librairies commencent à se « refaire » grâce à leur rayon « développement personnel » -pour celles qui vendent ces publications. Ces ouvrages, déjà fort prisés avant la pandémie, ont encore gagné en lecteurs grâce à elle. Ce n’est pas le cas des éditeurs romands. Beaucoup sont sur le point de glisser leur clé sous le paillasson. Financièrement, les auteurs avons peu perdu.  Pourquoi ? Parce qu’un bassin aussi réduit que la Suisse romande ne permet pas de vivre de l’écriture. Covid ou pas, la plupart d’entre nous n’entrons, ni n’entrerons jamais dans nos frais. Notre récompense est constituée du plaisir des lecteurs à se plonger dans nos livres, de nos rencontres avec eux et avec nos camarades de la littérature. L’écriture se nourrit de lectures, de prises de notes, de rencontres et de recherches diverses qui souvent demandent un investissement financier. Écrire un livre suppose des mois de travail, de longues heures de solitude devant une feuille de papier ou un ordinateur et souvent des frais que le quidam ne peut pas imaginer –repérages, déplacements, acquisition de livres, de matériel informatique, etc. D’où la sinistrose, voire la dépression, que les auteurs et autrices romands ayant sorti un livre durant 2020 et début 2021 se coltinent en ce moment. Ils se sentent frappés d’une double peine : au long travail jamais rémunéré à sa juste valeur, s’ajoute la détresse d’avoir passé des mois à écrire pour alimenter le pilon.

 

Lire local : soutenir les éditeurs et auteurs romands

Avec la fermeture des librairies, les annulations des salons et autres manifestations littéraires, les auteurs romands ayant sorti un livre durant ces confinements ont perdu des mois de travail. Personne n’était au rendez-vous : ni les librairies – qui ont fait au mieux de ce qu’elles pouvaient malgré les contraintes -, ni les salons littéraires, ni les lecteurs puisque les médias ne s’intéressent, souvent, qu’aux auteurs déjà plus que reconnus par le grand public. Certes, la commande de livres par Internet a bien fonctionné. Les libraires ont souvent pris des commandes par e-mail ou par téléphone et fait des envois postaux. Certains ont même livré à domicile. Hélas, ce mode de vente favorise surtout les GAFAM et une certaine littérature commerciale, généralement hexagonale ou nord-américaine. Les livres des auteurs suisses, publiés par des éditeurs romands, ne se vendent généralement qu’en librairie, conseillés par le ou la libraire. Si les points de vente de nos livres sont fermés, nos lecteurs ignorent leur existence. Mais il est encore temps pour lire local. C’est pourquoi je publie, ci-dessous, la liste des livres romands que j’ai présenté en 2020. En cliquant sur la référence, vous aurez directement accès à l’article complet.

Littérature romande : des lectures pour tous les goûts

Fondre, Marianne Brun, roman biographique, éd. BSN press : ce récit retrace la vie de l’athlète Samia Yusuf Omar qui avait représenté la Somalie aux JO de Pékin en 2008. Quatre en plus tard, elle disparaissait en Méditerranée en essayant de joindre l’Italie afin de poursuivre son rêve de médaille tout en échappant à un pays en guerre.

Mémoire des cellules, Marc Agron, roman, éd. L’Âge d’Homme : ce thriller psychologique, écrit avec une très belle plume, nous plonge dans le milieu de l’art contemporain tout en nous contant des histoires très humaines. Tellement humaines que l’auteur n’a pas hésité à transformer l’artiste uranaise Pamela Rosenkranz en personnage de fiction.

Touché par l’amour, tout Homme devient poète, collectif, poésies courtes, éd. Kadaline : livre poétique accessible à tous. L’ouvrage, pas plus grand qu’une main, contient des courts textes célébrant l’amour, écrits par trente-deux acteurs et actrices des lettres romandes, notamment Marc Voltenauer, Mélanie Chappuis, Nicolas Feuz, Abigail Seran ou Gilles de Montmollin. Il peut aisément aider à déclarer votre flamme à une personne aimée. Contrairement à ce que le titre peut laisser croire, beaucoup de textes ne sont pas genrés. Cela permet d’offrir ou de recevoir ce livre quelles que soient nos préférences amoureuses.

Le monde est ma ruelle, d’Olivier Sillig, courts textes de voyages, éd. de L’Aire : cet ouvrage nous emmène de Lausanne au Mexique en passant par l’Allemagne, l’Afrique ou l’Amérique du Sud. Derrière son allure tranquille, ce romancier aux multiples casquettes passe sa vie à globe-trotter. Parcourir les rues et les places, regarder vivre les gens, photographier, s’imprégner des ambiances, prendre des notes, occupe une partie de son existence. Rédigées dans un style concis, presque lapidaire, il nous livre ces déambulations par flashs.

Les Aigrettes, Jean-Luc Fornelli, haïkus humoristiques, éd. du Roc : si le nom de ce trouvère ne vous semble pas familier, peut-être que Gossip, qui participait à l’émission La Soupe est Pleine de la RTS La 1ère, éveillera vos souvenirs. Il s’agit du même artiste,  « un poète givré même l’été » ainsi que l’annonce son ouvrage d’épigrammes et autres haïku(ku) suisses – tels qu’il les a baptisés. Fornelli nous propose de chopiner en sa compagnie avec une poésie tendre, comique, parfois ironique ou un tantinet grivoise.

Tu es la sœur que je choisis, collectif, nouvelles, éd. d’en Bas : cet ouvrage est l’aboutissement d’une initiative du quotidien indépendant Le Courrier. Le journal genevois a demandé à des écrivaines romandes un texte littéraire : une parole de femme, pas forcément militante sur le sujet des discriminations liées au sexe. Ces textes, d’une grande force littéraire et poétique, racontent des vies de femme sans tomber dans le militantisme. Un livre dont je conseille particulièrement la lecture aux hommes qui souvent, malgré eux, ignorent les problèmes spécifiques que les femmes doivent affronter.

L’Horizon et après, Bernadette Richard, illustrations de Catherine Aeschlimann, éd. Torticolis et Frères : cet ouvrage réunit des nouvelles inédites et des récits publiés dans divers livres collectifs, journaux et magazines : le journal Longines, Montres Passion, Hull et Erti Editeur à Paris, le site des Éditions Cousu Mouche… Des textes acides, visionnaires, glauques ou même érotiques. Un dessin de Catherine Aeschlimann illustre chaque nouvelle. Cela donne un côté précieux à ce livre accessible à toutes les bourses.

Je publierai la suite de cette liste la semaine prochaine. DM

Littérature : expérimenter pour éviter l’ankylose du style

Écrire : cette “inspiration” à travailler

A l’instar des danseuses qui chaque jour font leur barre, j’écris, tous les jours, avec ou sans envie, que l’inspiration me taquine le crayon ou qu’elle se soit terrée dans un lieu connu d’elle seule. Remarquez: je considère le mot INSPIRATION un tantinet surfait. Quand je donne des conférences, l’on me demande, souvent, si j’écris uniquement lorsque je suis inspirée. Pour ma part, je suis persuadée que l’inspiration n’existe pas. Ou peu. A la base il y a une idée. Une démangeaison. L’irrésistible envie d’exprimer quelque chose par écrit. De me plonger, de me perdre, de m’égarer et de me retrouver en littérature. Mais seul le travail et la persévérance me permettent d’approcher au plus près du résultat que je souhaite obtenir. S’il me fallait attendre “l’inspiration” je n’écrirais jamais. Toutefois, il est évident que les personnes qui écrivons aimons écrire. Mieux – ou pire : parfois l’écriture s’impose comme… un TOC. Une condition à notre survie qui ne nous laisse pas le choix. Nous DEVONS écrire comme il nous faut manger ou respirer pour vivre. Parfois l’on voudrait se passer de manger, mais c’est impossible de vivre sans manger. Ainsi en est-il pour la littérature. Cela ne signifie pas  que cette impératif d’écriture ou qu’une barre littéraire manquent “d’inspiration”. Une danseuse exécute toujours – souvent – les mêmes enchaînements lorsqu’elle s’échauffe. Ce n’est pas mon cas en écriture. Je me sens libre de me laisser aller au plaisir d’une certaine transe. D’essayer des choses nouvelles – pour moi. J’aime être saisie par la curiosité d’expérimenter d’autres formes d’expression écrites que celles que vous lisez dans ce blog ou que vous pouvez découvrir dans mes récits. Cela m’évite de m’ankyloser dans un unique style littéraire. Quand la magie- ou l’inspiration, allez savoir- s’en mêle, il arrive que le résultat me plaise, comme ci-dessous:

 

Rouge pivoine (courte prose rythmée)

 

TRANScender ( écriture automatique expérimentale)

 

Je reviendrai jeudi prochain vous présenter le dernier numéro de la revue littéraire La Cinquième Saison, entièrement consacré à la poésie, ainsi qu’un jeune poète romand.

Ensuite, ce blog fera une longue pause estivale.

Poème: le Roi absent

Intronisé par le désir et l’amour

La sagesse exige distance et modération. Ce en quoi le désir et l’amour, quand la passion s’en mêle, sont l’antithèse de la sagesse. D’autant que les premiers émois, à l’instar des amours contrariées, des amours impossibles ou des amours que la distance sépare, s’avèrent souvent d’une extraordinaire puissance évocatrice. Dans notre imaginaire dépouillé de raison, l’être aimé devient elfe, magicien, déesse, fée, aigle ou roi, posant ainsi les fondations des futures déceptions quand la réalité nous rattrape.

“Est-ce qu’on est maître de devenir ou de ne pas devenir amoureux ? Et quand on l’est, est-on maître d’agir comme si on ne l’était pas ?” demandait Diderot. J’ajouterai même: sommes-nous maîtres de nos chimères lorsque nous sommes amoureux?

J’ai écrit ce poème alors que des centaines de kilomètres me tenaient éloignée d’une personne qui éveillait ma passion. Amoureuse, je n’ai jamais su être sage, ni modérée, ni raisonnable. L’objet de mes sentiments devient forcément magnifique. Sublime. Transcendant. Unique et royal.

 

Poème: pluie à Gênes

Acque genovesi

Il y a cinq ans, à cette époque, je me trouvais à Gênes. Je m’y étais installée début décembre pour effectuer un atelier littéraire. Quelques semaines auparavant, des pluies torrentielles imposaient au Bisagno, et à d’autres cours d’eau de la capitale de la Ligurie, de déborder. A certains endroits les flots montèrent de deux mètres. A mon arrivée, il ne restait presque plus trace de la colère du ciel. Les laborieux Génois avaient remis les rues en ordre pour les fêtes de Noël. Dignement, ils avaient nettoyé la ville et ses bâtiments, séché leurs larmes et repris leur quotidien. Seuls quelques panneaux dans les vitrines, et de grandes toiles blanches au-dessus des entrées des commerces du centre ou s’inscrivaient en grosses lettres rouges Vendita straordinaria per alluvione, rappelaient la catastrophe qui avait fait un mort et des millions d’euros de dégâts.

Pendant mon séjour la météo demeura clémente. Mais les rares fois où la pluie s’abattit sur Gênes, je fus saisie d’une étrange mélancolie.