Le Pape ne démissionne pas, il renonce.

Des blagues innombrables circulent sur les Jésuites. L’une d’elle avance que lorsqu’un disciple de Saint Ignace de Loyola se trouve sur une échelle, il est impossible de savoir s’il monte ou s’il descend. Une autre raconte qu’un religieux de la Compagnie de Jésus marche au-milieu d’une ville qu’il ne connait pas et demande son chemin pour rejoindre une gare. L’indication reçue serait: “vous n’allez pas trouver, c’est tout droit”.

Les gardes suisses connaissent le tempérament du Pape François, il est imprévisible. Ainsi, depuis certains voyages annulés par le Vatican, les journalistes sont à l’affût du moindre indice pour être les premiers à tweeter la nouvelle.

Déjà en 2018, lors du changement de secrétaire, une rumeur planait sur une possible renonciation.

Arnaud Bédat, journaliste suisse et vaticaniste “outsider”, prévoyait une démission en 2020. Au micro de Mélanie Croubalian, sur la radio suisse romande lors de l’émission du Grand Soir, notre citoyen de Porrentruy en Ajoie avait souligné qu’il y avait eu un imprévu inattendu début 2020: l’épidémie mondiale du Covid-19 qui a complètement rebattu les cartes et les plans.

Désormais, François souffre d’un genou très douloureux, médicalement une gonalgie. Il ne s’est pas rendu au Liban. Le voyage prévu pour le continent africain, la République démocratique du Congo et le Sud Soudan, a été reporté sine die. La traversée de l’Atlantique, pour se rendre du 24 au 29 juillet au Canada, est toujours confirmée, mais les organisateurs sont inquiets et ne cachent pas leurs grandes inquiétudes quant à la santé du successeur de Pierre.

Pas de fumée sans feu, fusse-t-elle noire ou blanche

Les petits cailloux semés sur le chemin du Petit Poucet semblent indiquer un possible dénouement. Le 27 août, François va créer 21 nouveaux Cardinaux, dont 16 ont moins de 80 ans. Ces derniers participeront au prochain Conclave afin d’élire le 267ème successeur de Pierre. A quelques jours du mois du septembre, il y aurait déjà des électeurs à Rome pour ouvrir un prochain Conclave. Les autres feraient le voyage. 

Le lendemain, un pèlerinage à l’Aquila auprès de la tombe de Saint Célestin V laisse entendre que François pourrait renoncer auprès de celui qui déposa sa charge en 1294. Benoît XVI avait surpris tout son monde le 11 février 2013 en annonçant la vacance du Siège apostolique pour le 28 février. Or, Jorge Mario Bergoglio aime l’imprévisibilité. Si le chemin est tout droit, cela risque d’être le mauvais. 

Depuis, nombreux articles sortent sur la démission imminente du Pape. Même Megyn Kelly se fend aujourd’hui lundi 20 juin d’une vidéo postée sur Twitter d’un peu plus d’une minute annonçant une rumeur, non confirmée, de l’annonce imminente de la démission de François. Un gros risque, car les indices sont faibles: une présence inhabituelle de Cardinaux autour de Sainte-Marthe, la résidence du Pape, et une bénédiction spéciale ou un moment de prière par des prêtres à la Chapelle Sixtine. La journaliste, star aux USA et très compétente, aurait-elle confondue les couleurs, les évêques en visite apostolique “ad limina” en violet, avec le rouge des cardinaux ? En tout cas, la chapelle Sixtine est le lieu de l’élection du Pape et non pas d’une démission. 

Le successeur de Pierre renonce

Pour le droit de l’Eglise, le droit canon, le Successeur de Pierre ne démissionne pas. Il ne dépend que du Christ et pas d’un Concile ou du collège des Cardinaux. Un Pape renonce, librement et sans contrainte.

La renonciation du pape est prévue au canon 332 paragraphe 2 du Code de droit canonique :

« S’il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée, mais non pas qu’elle soit acceptée par qui que ce soit ». 

Qui vivra verra, ou “wait and see”. Les ennemis internes du Pape sont nombreux et ils aimeraient le voir prochainement partir. Dès lors, longue vie au Pape et comme il aime le redire, n’oublions pas de prier pour lui !

Guerre en Ukraine: François papote-t-il ?

(Entretien avec les Jésuites)

François est jésuite et argentin de formation. Il n’a pas connu, comme la Pologne et les anciens pays satellites de l’Union soviétique, les horreurs commises par les pseudos-vainqueurs du nazisme. Un journaliste se posait d’ailleurs la question si nous ne payons pas aujourd’hui la facture de la fin de la seconde guerre mondiale, citant au passage Churchill qui aurait continué la guerre jusqu’à Moscou.

La lâcheté du partage du monde suite à Yalta est encore plus manifeste depuis 2014, au début de la guerre en Ukraine. Pour Poutine, la chute de l’Empire soviétique fut un catastrophe. Agent secret à Berlin en 1989, il a préparé son plan revanchard durant des dizaines d’années.

La propagande russe est très puissante au point d’entrer par petites gouttelettes dans les esprits. Ce n’est pas un jet d’eau qui vient à bout du béton, mais un petit ruisseau constant qui ne cesse jamais.

La première approximation de la diplomatie papale est historique. L’Ukraine a un histoire et une culture fondamentalement différente de la Russie. Avant que Moscou voit le jour, Kiev était déjà une grande ville et la Russie ne trouve pas directement ses racines en Ukraine.

Le second petit errement provient du pseudo-aboiement de l’OTAN. Aucun pays limitrophes de la Russie ne veut l’envahir. Ce sont les pays qui ont vécu sous la botte soviétique qui ont bien légitimement peur et qui préfèrent se tourner vers l’alliance transatlantique nord pour leur sécurité et leur liberté.

En Argentine, afin de lutter contre des régimes d’extrêmes-droites, Jorge Maria Bergoglio a connu un produit dérivé du communisme, pas autant cruel que celui des “Lénine ou Staline and Co”. Ce dernier est sans aucun doute le plus grand criminel de l’histoire.

Les pays limitrophes de la Russie le disent haut et fort, tant que vous n’avez pas vécu dans votre chair les mensonges habituels de la “Sainte Russie”, vous ne pouvez pas comprendre.

Il est impossible de renvoyer dos-à-dos l’agresseur et la victime, même si l’Ukraine n’est pas exempte de corruption.

Le communisme a bel et bien été l’opium d’une grande partie de l’intelligentsia occidentale, un rideau de fumée qui empêche de voir clairement la réalité du génocide ukrainien qui se déroule sous nos yeux.

Dieu merci, les actions de François en faveur de l’Ukraine sont innombrables et tout comme Saint Jean XXIII en 1962, le successeur de Pierre et le Saint-Siège demeurent des interlocuteurs et des médiateurs très compétents face au péril nucléaire tout comme pour la Paix mondiale.

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Article: source Aleteia

Par Hugues Lefèvre – Se défendant d’être “en faveur de Vladimir Poutine”, le pape François a précisé sa position concernant la guerre en Ukraine, en assurant ne pas vouloir réduire la complexité de la situation “à la distinction entre les bons et les méchants”, dans un long entretien accordé le 19 mai aux responsables des revues jésuites européennes et publié le 14 juin dans la revue Civiltà Cattolica. Le Pape y confirme en outre sa volonté de rencontrer le patriarche Kirill lors de son déplacement au Kazakhstan en septembre prochain. 

Pour analyser le conflit en Ukraine, il faut “nous éloigner du schéma habituel du ‘Petit Chaperon rouge’”, a d’emblée prévenu le pape argentin, alors interrogé sur le conflit qui a déjà causé la mort de milliers de personnes et jeté sur les routes des millions d’Ukrainiens. “Ici, il n’y a pas de bons et de méchants métaphysiques, de manière abstraite”, a-t-il argumenté, avant de raconter une anecdote. 

Quelques mois avant le début de l’invasion russe, le Pape s’est entretenu avec un chef d’État “très sage”. “Il m’a dit qu’il était très préoccupé par la façon dont l’OTAN évoluait. Je lui ai demandé pourquoi, et il m’a répondu : ‘Ils aboient aux portes de la Russie. Et ils ne comprennent pas que les Russes sont impériaux et ne permettent à aucune puissance étrangère de les approcher’”. Et le Pape de noter la clairvoyance de ce chef d’État qui a “su lire les signes”. 

Raisonner “sur les racines et les intérêts”

Début mai, dans un entretien accordé au quotidien italien Il Corriere della Sera, le pape François s’était déjà demandé si la “colère” de Moscou avait été déclenchée par l’attitude de l’OTAN vis-à-vis de la Russie. Il avait pour la première fois évoqué les “aboiements de l’OTAN à la porte de la Russie”. 

Ne souhaitant toutefois pas s’afficher comme un défenseur de Vladimir Poutine, le pape François a répondu très clairement aux jésuites présents dans la Bibliothèque du Palais apostolique : “Je ne le suis pas”. Il a rappelé cependant la nécessité de “raisonner sur les racines et les intérêts, qui sont très complexes” dans ce conflit. Évoquant alors la “férocité” et la “cruauté des troupes russes”, le Pape a martelé qu’il ne fallait pas “oublier les problèmes pour essayer de les résoudre”.

Sur l’invasion en Ukraine en tant que telle, le Pape a confié que les Russes “se sont trompés dans leurs calculs”. “Les Russes pensaient que tout serait terminé en une semaine”, a-t-il avancé, soulignant qu’ils avaient finalement trouvé en face d’eux “un peuple courageux, un peuple qui se bat pour survivre et qui a une histoire de lutte”. 

“L’héroïsme du peuple ukrainien”

Dans cet entretien, le chef de l’Église catholique a tout particulièrement insisté sur “l’héroïsme du peuple ukrainien”. Un héroïsme qui “nous touche au cœur”, a-t-il abondé, se laissant à décrire une Ukraine “experte dans la souffrance de l’esclavage et de la guerre”. “C’est un pays riche, qui a toujours été découpé, déchiré par la volonté de ceux qui voulaient s’en emparer pour l’exploiter. C’est comme si l’histoire avait prédisposé l’Ukraine à être un pays héroïque”, a-t-il estimé.

Alors qu’au début du conflit, des discussions étaient réapparues sur le concept de ‘guerre juste’ que le pape, dans son encyclique Fratelli tutti, avait remis en cause, il semble avoir voulu, dans les colonnes des revues jésuites, clarifier sa position en louant un “peuple qui n’a pas peur de se battre”, ce peuple “qui travaille dur et qui est en même temps fier de sa terre”. 

Une rencontre avec Kirill en septembre ? 

“J’espère rencontrer [Kirill] lors d’une assemblée générale au Kazakhstan en septembre”, a par ailleurs assuré le pape François dans l’entretien, alors qu’un voyage à la rentrée dans ce pays d’Asie centrale a été officialisé le 31 mai. Le pontife souhaite en effet participer à un sommet interreligieux qui doit se tenir les 14 et 15 septembre. On ignore à l’heure actuelle si le patriarche russe y viendra. En 2018, c’est son bras droit, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, alors président du Département pour les relations extérieures du Patriarcat de Moscou – récemment démis de ses fonctions -, qui y avait pris part. 

Aux Jésuites, le Pape a rappelé qu’il comptait initialement rencontrer le chef de l’Église orthodoxe russe le 14 juin à Jérusalem. “Mais avec la guerre, d’un commun accord, nous avons décidé de reporter la rencontre à une date ultérieure, afin que notre dialogue ne soit pas mal compris”, a-t-il de nouveau fait savoir. 

Au Kazakhstan, le Pape espère pouvoir saluer le chef de l’Église orthodoxe russe en tant que “pasteur”, a-t-il insisté. Lors d’une rencontre en ligne trois semaines après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, l’évêque de Rome avait reproché à Kirill sa lecture du conflit et l’avait mis en garde contre le fait de devenir des “clercs d’État”. Cette rencontre du Pape avec le patriarche de Moscou serait la deuxième depuis le schisme survenu au XIe siècle. En 2016, le pape François et le patriarche Kirill s’étaient retrouvés à La Havane.

Le Pape François veut rencontrer Poutine

Le pape François a nommé ambassadeurs de la paix la diva russo-géorgienne Svetlana Kasyan et son mari Leonid Sevastianov directeur exécutif de la fondation Saint Grégoire le Théologien, liée au patriarcat de Moscou, et également président de l’Union mondiale des vieux croyants . Le pape compte sur le couple pour préparer sa venue à Moscou. C’est ce que vient de révéler «Novaya gazeta. Europa», le célèbre journal d’opposition russe, aujourd’hui en exil.

Le pape François entretient une longue amitié avec Svetlana Kasyan. Elle est née en Géorgie dans une famille yézidie qui s’est installée en Azerbaïdjan, où elle a commencé des études musicales avant de les poursuivre à Moscou Elle a alors commencé une carrière internationale de chanteuse d’opéra . Elle est aujourd’hui établie à Moscou et s’est convertie à l’orthodoxie. A l’occasion d’une tournée en Italie, elle a fait la connaissance du pape qui lui a accordé une audience en novembre 2013. Il l’a également reçue en octobre 2017 et décembre 2018.

Pour son 35e anniversaire, le pape lui a décerné l’ordre de Saint Sylvestre et l’a à nouveau reçue au Vatican en juillet 2019. Elle aurait été hébergée à la maison Saint-Marthe. Elle l’a invité à se rendre en Russie et à lui rendre personnellement visite chez elle. Elle affirme que le pape lui a alors offert une relique : un morceau de tissu contemporain sur lequel la face du Christ est brodée avec des fils provenant du Linceul de Turin. Le Patriarcat de Moscou a émis des doutes sur ce cadeau et a ajouté que l’invitation de la chanteuse n’engageait qu’elle. Pour son 85e anniversaire, elle lui a envoyé son dernier album, intitulé Tutti fratelli.

Et, enfin, il lui a accordé une nouvelle audience le 11 janvier. Les notes figurent dans le premier commentaire. Et voilà qu’il a fait envoyer au couple une lettre de sa main pour le charger de cette mission de paix.

 

Oui aux dons d’organes, mais pas ainsi !

Dans deux jours, le peuple suisse votera sur un sujet très émotionnel et délicat. L’éthicien Steve Bobillier, de la conférence des évêques suisses, est favorable aux dons d’organes. C’est la manière de prélever les organes qui pose question. Ce scientifique recommande un non pour un oui !

Le consentement présumé n’augmente pas les dons

En l’état, un donneur doit explicitement signaler ce geste en faveur de la vie, notamment par une carte de donneur. Mais en Suisse, ces dons se font hélas un peu trop rare. Pour sortir de l’ornière, un nouveau système serait mise en place en cas de oui au référendum de ce dimanche, soit le consentement présumé. Ainsi, toute personne décédée serait donneur à moins de s’y être opposée de son vivant.

Selon Steve Bobillier, ce nouveau paradigme ne fait pas grimper le pourcentage des dons, des études mondiales le révèlent. La CES veut donc favoriser le don d’organe en augmentant le nombre de donneur libre et volontaire, mais pas avec le consentement présumé. Il y a des autres mesures pour arriver à cette augmentation. La situation est paradoxale, car pour augmenter les dons d’organes en Suisse, il faudrait voter non au consentement présumé.

Le CES, en étant résolument en faveur du don pour la vie, recommande de voter non ce dimanche.

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Steve Bobillier:
1. “Le taux de dons a augmenté dans certains pays qui ont introduit le consentement présumé, notamment en Belgique et en Espagne, parce que ces pays ont introduit de nombreuses autres mesures dont on sait qu’elles sont efficaces, comme par exemple la formation des soignants à la communication avec les proches. Le taux est resté inchangé dans d’autres pays, par exemple en Suède et à Singapour, et il a diminué au Brésil, au Danemark et dans les pays baltes. A l’inverse, certains pays comme l’Australie et les Etats-Unis ont vu le taux de dons augmenter avec l’introduction du modèle du consentement explicite.
Donc, il n’y a aucune preuve de l’augmentation du don avec le consentement présumé, mais seulement une corrélation. Par contre, il y a une conséquence directe entre la diminution du don et l’introduction du consentement présumé. Dans tous les cas tu as raison, un simple changement de loi reste inefficace car dans 60% des cas la famille ne sait pas et refuse par précaution. C’est pour cela que nous proposons un autre système de déclaration, mais pour l’introduire et il faut hélas refuser la prochaine votation…”
2. “pourquoi le consentement présumé n’est pas une mesure permettant effectivement d’améliorer la situation :
– tout d’abord, il n’est pas prouvé que ce régime permette d’augmenter le nombre de donneurs. Je ne vous parlerai pas seulement de la littérature scientifique; je ne vous parlerai pas seulement des expériences menées en Suisse qui montrent que ce n’est pas le cas. On pourrait rappeler à ce titre-là d’ailleurs qu’avant la loi sur la transplantation de 2007, 17 cantons suisses appliquaient le régime du consentement présumé, mais que le canton du Tessin, qui avait le taux de donneurs le plus élevé, appliquait l’autre modèle, celui du consentement au sens large.
– Le deuxième élément est le cas de l’Espagne. Le cas de l’Espagne est souvent cité.. Si nous observons le cas de ce pays, nous voyons que le modèle du consentement présumé a été introduit en 1979. A ce moment-là, l’Espagne avait un taux de donneurs relativement faible, environ 14 par million d’habitants. Et ce taux n’a pas changé avec le changement de système. Il n’a commencé à changer qu’à partir du moment où, environ dix ans plus tard, l’Espagne a mis en place un plan d’action. Nous avons là un exemple très concret qui montre ce qui marche et ce qui ne marche pas, si vous me permettez de le formuler ainsi. C’est la raison pour laquelle le Conseil fédéral, fort de cette expérience, fonde beaucoup plus d’attentes sur un plan d’action que sur un simple changement de régime.
On voit d’ailleurs dans le comparatif entre plusieurs pays que parmi ceux qui ont opté pour le consentement présumé, très peu appliquent ce régime dans la pratique. Dans la plupart des cas, les proches sont sollicités pour consentir au don d’organes. Si certains des pays qui ont opté pour le modèle de l’opposition ont un taux de donneurs très élevé, ce n’est de loin pas le cas de tous. A l’inverse, certains des pays appliquant le modèle du consentement comptent eux aussi de très nombreux donneurs. On peut citer par exemple les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
– Le troisième élément que j’aimerais citer dans ce débat, c’est que la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine n’est pas favorable au consentement présumé, dans la mesure où ce système affecte les droits de la personnalité”
Source: Page Facebook 
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Arguments du comité référendaire

  • Selon le comité référendaire, le principe du consentement présumé viole le droit constitutionnel à l’autodétermination et à l’intégrité physique. Le comité critique le fait que les personnes ne souhaitant pas donner leurs organes doivent expressément faire usage de ce droit.
  • Il y aura toujours des gens ignorant qu’ils auraient dû exprimer leur opposition. On acceptera ainsi que des organes soient prélevés sur une personne alors qu’elle y était opposée.
  • Le modèle du consentement présumé soumet les proches à une pression supplémentaire, car il leur sera reproché de ne pas avoir fait preuve de solidarité en cas de refus de leur part.
  • Il faudrait informer toutes les personnes en Suisse de la nouvelle réglementation. Or, il est irréaliste de croire que tout le monde obtiendra et comprendra ces informations.

Le CICR, la protection des sources et le secret de la confession

Très souvent, et encore plus en ce temps de la nécessaire révélation des crimes commis contre des enfants et des innocents au sein de même de l’Eglise catholique, le secret de la confession est sévèrement attaqué.

La demande médiatique consiste à le supprimer, pour des bonnes et justes raisons: l’impunité du prêtre coupable, la non-dénonciation à la justice et la récidive des actes criminels.

Lien: secret mafieux ou secret de Dieu

Comparaison n’est pas raison, mais des analogies peuvent permettre de rendre compte de la pertinence du secret total et absolu de la confession, d’origine divine.

Première analogie: un délégué du CICR.

Créé par Henry Dunant, à Solférino, lors de guerre décisive de la campagne d’Italie de 1859, la Croix-Rouge s’impose dès son origine comme un mouvement international d’aide et d’assistance aux victimes.

Dans les guerres, les délégués du CICR sont sur le terrain pour protéger les civils, visiter les prisonniers de guerres … Le directeur général du CICR, Robert Mardini, était sur le plateau d’Infrarouge, pour expliquer les principes humanitaires appliqués notamment en Ukraine :

“nos délégués, je ne dirais pas enquête, mais documentent des allégations de violation du droit humanitaire, quand ils parlent aux civils. Cette documentation a pour seul but, d’influencer les parties en conflits par un dialogue bi-latérale et confidentiel. Les informations sont gardées. Dans le règlement de la CPI (ndlr: cour pénale internationale), nous bénéficions d’une immunité. Les délégués ne sont pas appelés à être cités, dans le cadre de procédures juridiques de la CPI, précisément pour pouvoir négocier notre présence sur le terrain, de pouvoir traverser les lignes de fronts, de pouvoir aider les populations civiles, de pouvoir visiter les prisonniers de guerres.

Et si les parties en conflits savaient que le CICR observent et récoltent seraient utilisés infini, dans le cadre de procédures juridiques c’est la fin du travail sur le terrain du CICR. C’est donc incompatible, le CICR fait la promotion du droit, est clairement contre l’impunité, mais on ne peut pas participer ou collaborer dans le cadre de procédures juridiques qui sont du ressort d’autres organisations, comme la CPI”. 

Ses propos, en pleine crise des crimes de guerre, sont acceptés et ne soulèvent pas de contestation. Le CICR est pour et avec les victimes. Chacun travaille pour la vérité et la justice selon ses compétences propres.

Secondo, le CICR ne parle même pas d’un agresseur et d’un agressé, mais de deux parties en conflits. Cette neutralité pourrait être choquante ! Cependant, chacun connaît le travail humanitaire du CICR. Le doute ne semble pas opportun.

Comparaison n’est pas raison …

Pour l’institution de l’Eglise catholique, la perte de confiance est patente. Le risque de laver le linges sales en famille, en toute impunité, doit être dénoncé.

Ce qui est reconnu par le TPI, par le droit, peut-être analogiquement reconnu pour un prêtre ayant reçu des confidences dans le cadre du sacrement de la réconciliation.

Les deux fors

Pour l’Eglise catholique, il y a deux for (lieu du jugement): le for interne qui relève de la confession, lorsque la conscience est face à Dieu, le Juge par excellence. Le for interne dépend aussi du droit, mais n’est pas connu publiquement, sur la place publique.

L’autre for, dit externe, consiste à savoir ce qui se voit et se sait et qui est l’objet de sanctions au niveau pénal.

En droit, le for (du latin forum, place publique) désigne le tribunal qui a été saisi d’une affaire, ou plus généralement la compétence d’un tribunal de pouvoir se saisir d’une affaire. La loi du for se défini comme lieu où la juridiction a été saisie.

Les journalistes

Une autre analogie concerne la protection des sources pour un journalistes. En Suisse, les sources d’un journaliste n’entre pas en considération lors d’un procès. Un reporter m’a même assuré qu’une interview en off d’un criminel ( enregistreur éteint, propos jamais publiés ) ne sera jamais diffusé. Le monde médiatique contribue, à sa manière, à la lutte contre l’impunité.

Ces deux analogies permettent de rendre compte de la grande pertinence du secret absolu lors de la confession. Pour paraphraser le narratif du directeur du CICR, si un criminel savait que ses révélations servaient à le balancer à la justice du for externe, cela serait également terminé du confessionnal. Comme pour un délégué du CICR ou un journaliste, il revient à aussi à d’autres organisations pour rendre justice, dont les nombreuses institutions de l’Eglise catholique qui viennent en aide, avec la justice civile, aux victimes.

Le secret de la confession contribue d’ailleurs en premier lieu à libérer la parole, à sa manière propre et spécifique, sans être un moyen exhaustif exclusif.

Le secret totale et absolue de la confession, d’origine divine, participe également, à sa façon, à la vérité, à la justice et à l’application du droit. Le supprimer mettrait un terme à la justice divine, qui coopère avec la justice civile. 

Le Kremlin et le communisme d’Amérique latine

Né en 1968, j’appartiens à la génération de la chute du mur de Berlin. J’ai grandi dans une certaine connaissance du monde par Soljenitsyne, Gorbatchev, Lech Walesa et Saint Jean-Paul II. Ce dernier a rappelé avec force que le système soviétique s’était écroulé sur lui-même, incapable de tenir sur ses bases mensongères. La matrice intellectuelle européenne repose sur une certaine méfiance vis-à-vis du Kremlin

Alexandre Soljenitsyne, le plus célèbre dissident de l’univers soviétique, disait au micro de la BBC : « Ce pape est un cadeau du Ciel ». Ce rôle historique déterminant pressenti par l’auteur de L’Archipel du Goulag sera reconnu, quelques semaines après la chute du Mur de Berlin, par Michaïl Gorbatchev lui-même, dernier dirigeant soviétique. Dans un article aujourd’hui historique, il a en effet reconnu : « Tout ce qui s’est passé en Europe de l’Est n’aurait pas été possible sans la présence de ce pape ».

La vision géopolitique de Saint Jean-Paul II était basée sur l’expérience directe du communisme soviétique. Pourtant, il n’arrivait pas à saisir la présence d’un communisme dérivé et différent en Amérique latine, un peu éloigné du Kremlin. Saint Oscar Romero et Saint Jean-Paul II ne se comprenaient pas. L’un et l’autre appartenaient à un paradigme différent. Romero fut assassiné par des milices d’extrêmes droites pour avoir défendu les pauvres. 

Le vécu avec le communisme de Jorge Mario Bergoglio, devenu le Pape François, est différent, comme en miroir. Il dut affronter une dictature d’extrême droite et s’abrita davantage sur les mouvements de gauche pour résister à ces régimes sanguinaires. Saint Jean-Paul II s’appuya sur les USA. La ligne de démarcation entre deux blocs est la conséquence de l’affrontement idéologique de deux paradigmes. Tout dépend du positionnement face l’équilibre de la terreur.

La génération européenne, celle de la dislocation de l’empire soviétique, regarde  avec un oeil plus que méfiant vers l’est, d’une façon congénitale. 

Il en est sans doute de même dans la perception européenne de l’agression guerrière de l’Ukraine par Vladimir Poutine. Saint Jean-Paul II, farouchement opposé au communisme aurait une lecture divergente de celle du Pape François, un Pape venu du bout du monde. Pourtant, l’un et l’autre sont les gardiens de la même foi. 

Par exemple, le cadeau embarrassant du crucifix orné du signe du communisme reçu par François, fut perçu de façon totalement dissemblable en Amérique du Sud et en Europe. L’implicite façonne notre vision. Pour un européen, le marteau et la faucille renvoient aux dizaines de millions de mort de Staline et les déportations au Goulag. 

A son arrivée à La Paz (Bolivie), dans la soirée du 8 juillet 2015, le pape François a reçu un cadeau fort surprenant de la part du président socialiste Evo Morales: la réplique d’un crucifix en forme de faucille et de marteau confectionné par le père jésuite Luis Espinal (1932-1980).

Lors de la chute du mur de Berlin du 9 novembre 1989, le Cardinal Ratzinger s’était réjouit de cet événement historique. En citant une phrase de l’Evangile (Mt 12,43-45), il invitait cependant à la prudence: 

« Après être sorti d’un homme, un esprit impur passe par des lieux arides à la recherche d’un endroit où se reposer, mais il n’en trouve pas. Alors il dit : “Je vais retourner dans la maison d’où je suis sorti.” En arrivant, il la trouve vide, mais balayée et décorée. Il va alors chercher sept autres esprits plus méchants que lui, puis ils entrent et s’installent là. Finalement, l’état de cet homme devient pire qu’avant”. 

Le Kremlin a tourné le dos à la fameuse perestroïka (réforme) et la glasnost (transparence) de Gorbatchev, le mouvement Solidarność polonais (solidarité) n’est  plus d’actualité. Une nouvelle dictature rétrograde à nouveau l’élite soviétique vers des guerres brutales et sans pitié. Par leurs histoires tourmentées, les pays satellites de l’ex-URSS ont peur du retour de la grande et sainte Russie oppressante. 

Depuis le 24 février 2022, le pire est de retour, sans savoir ce que le futur réserve pour l’Europe et pour le monde. 

Guerre de Poutine contre l’Ukraine: historiquement Caïn ne tue pas Abel.

Les récits de la création ou la première parabole de la Bible
Expliquer l’origine d’un problème ou connaître la genèse d’une réalité est la base des recherches des historiens. Même la médecine s’appuie sur l’anamnèse, autrement dit l’histoire du patient. L’interprétation des Saintes Ecritures, des livres de la Bible fonctionne sur ce même principe. 
Des connaissances sommaires de la Genèse mènent vers des approximations qui risquent de rendre les récits de la Création comme des histoires enfantines, des sortes de contes ou des mythes. La fameuse pomme ou le péché originel comme un péché sexuel relèvent de la mythologie. Sortons de ces gamineries, de ces sornettes ou de ces contes. Entrons dans la profondeur des récits. 
Le premier livre qui compose la bibliothèque de la Bible s’intitule la Genèse. “Au commencent Dieu créa le ciel et la terre … “. Le style littéraire n’est pas historique dans le sens actuel de l’histoire telle que nous la concevons. Nous pouvons le qualifier d’une première parabole, une histoire pour parvenir à des grandes vérités: Dieu a tout crée et le mal vient du serpent et d’Adam et Eve. Le premier assassinat y trouve ses origines.

 “Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua”
Le premier meurtre: Caïn tue Abel
Selon ces textes, Caïn, fils aîné d’Adam et Ève, tue son frère cadet Abel. Caïn est ainsi, pour le Livre saint, le premier meurtrier de l’humanité. La première parabole de Caïn a donné lieu à de nombreuses interprétations, théologiques, mais aussi artistiques, psychanalytiques, anthropologiques. 
Le patriarche Cyrille de Moscou ou de toutes les Russies, a justifié l’opération militaire de Poutine par une lutte métaphysique entre la lumière et les ténèbres. Une interprétation absolument sidérante et renversante. 
Pour trouver l’origine de la guerre de Poutine contre l’Ukraine, qui n’a pas entendu l’histoire de Caïn et Abel ? du frère aîné du pays russe tuant le frère cadet dépossédé de sa terre ukrainienne ?
Tentons d’expliquer l’origine de cette guerre, la genèse de cette agression militaire. 
La propagande russe tord l’histoire en prétendant que le pays de la Russie est le frère ainé du pays ukrainien. Historiquement, cela n’est pas juste. Kiev précède Moscou. L’arrivée du christianisme à Kiev remonte à Saint Vladimir, un saint reconnu par les orthodoxes et les catholiques. La fraternité peut naître uniquement par cette reconnaissance. 
Je ne dis pas cela pour engendrer la haine ! Au contraire ! Mais Moscou est née par une autre voie, qui lui est propre. Ne pas respecter la dignité des peuples est une violence qui engendre toutes les autres, en cascade.
Retrouver le temps de l’histoire
C’est en parlant avec des connaisseurs que j’ai compris. Kiev n’appartient pas à la Russie ou à Moscou. Elle existe par elle-même. Ce tact, cette finesse et ce respect de la complexité rendent libre.
La fraternité et la paix naissent du respect de la nature des choses
Caïn (le grand frère russe) ne tue pas Abel (le cadet ukrainien), au sens historique du terme. Cela ne correspond pas au temps de l’histoire. Cette fraternité recherchée vient du respect et de l’accueil de l’autre, source de la fraternité authentique et pacifique.
L’Ukraine a sa propre matrice, ses origines spécifiques. C’est malheureusement le primat du politique, qui prend en otage la religion, qui engendre ce pouvoir sans limite. A terme cela donne naissance à une Eglise nationaliste. 
Le patriarcat de Moscou est sous la botte de Poutine. Le patriarche de Moscou devrait montrer à Poutine la limite de son pouvoir. Cette volonté de toute puissance détruit ce qui est différent et ne respecte pas la finesse du réel.
Poutine n’a rien à faire en Ukraine. Le non-respect de la différence, la négation de l’autre est la première violence, la racine de cette guerre.
La justice, “ce qui est sien”,“propre à l’autre”, “qui lui revient en tant que différent” porte à la paix.  Les responsables de cette violation du droit international en répondrons devant les tribunaux de l’histoire, comme toutes les guerres. 
J’ai encore vu tout récemment une petite illustration, simple mais pas du tout simpliste, sur l’origine de la guerre de Poutine. Un petit enfant doit rendre à l’autre le jouet qu’il convoitait, qu’il voulait pour lui. Un peu basique, mais un schéma ou un dessin vaut mieux qu’un long discours. 
Non non, cela n’est pas à toi, rends-le
La fin de cet article renvoie à son début, à sa genèse. Le fruit “défendu” dont Dieu interdit de  manger, de prendre ou “de porter la main sur” renvoi à la nature des réalités. Dieu est la garant de la défense de la nature des choses. 
“tu ne mangeras pas de ce fruit car, le jour où tu en mangeras, tu mourras”
Ce fruit est défendu, dans le sens où Dieu a marqué une limite à la volonté de puissance:“tu n’y toucheras pas”. L’origine de la légitime défense peut y trouver sa source: tu ne mettras pas la main sur l’autre. 
Nous voilà passer de la parabole à la réalité. Vouloir s’accaparer, par la toute puissance ou le totalitarisme, du fruit “défendu par Dieu”, “ce bien autre”, “autre que le sien” ou “le bien de l’autre”, finit toujours par la guerre, le meurtre, la souffrance, le mal et la mort. 
……
* Le fruit défendu est d’abord, selon le récit biblique de la Genèse, le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal planté au milieu du jardin d’Éden, qui donne la connaissance du bien et du mal.
«  Et Yahvé Dieu fit à l’homme ce commandement : tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas de ce fruit car, le jour où tu en mangeras, tu mourras ».

* Dans la suite, Eve mit au monde Abel, frère de Caïn. Abel devint berger, et Caïn cultivait la terre. Au temps fixé, Caïn présenta des produits de la terre en offrande au Seigneur. De son côté, Abel présenta les premiers-nés de son troupeau, en offrant les morceaux les meilleurs. Le Seigneur tourna son regard vers Abel et son offrande, mais vers Caïn et son offrande, il ne le tourna pas. Caïn en fut très irrité et montra un visage abattu.Le Seigneur dit à Caïn : « Pourquoi es-tu irrité, pourquoi ce visage abattu ? Si tu agis bien, ne relèveras-tu pas ton visage ? Mais si tu n’agis pas bien…, le péché est accroupi à ta porte. Il est à l’affût, mais tu dois le dominer. » 

Caïn dit à son frère Abel : « Sortons dans les champs. » Et, quand ils furent dans la campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. Le Seigneur dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Caïn répondit : « Je ne sais pas. Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? ». Le Seigneur reprit : « Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi !

La neutralité suisse et Saint Nicolas de Flue

“La paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix”

Maxime authentique de Saint Nicolas de Flue

Dès qu’une guerre éclate, la neutralité suisse entre sur le terrain des opérations. Chacun tente de la définir.

Saint Nicolas de Flue: “n’élargissez pas trop la haie qui vous entoure” ?

Toutefois, certains font résonner faussement des phrases du saint-patron de la confédération helvétique Saint Nicolas de Flue. 

Avant de dévoiler ma source principale, rappelons que frère Nicolas fut béatifié en 1669. La commune de Sachseln construisit alors une église en son honneur où son corps a été enterré. Dans la suite de la fin de la seconde guerre mondiale, Nicolas de Flue fut canonisé le 15 mai 1947 par le pape Pie XII. Il est Saint-Patron mondial de la paix depuis cette date. (homélie du Pape et compte rendu de la cérémonie). 

Je désire encore porter à notre attention ses quelques sentences authentiques:

“La paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix”.

“Les péchés publics, il faut les empêcher et s’en tenir toujours à la justice”.

“Mon conseil est que vous fassiez preuve de bienveillance dans cette affaire, car un bien en amène un autre. Si l’amitié ne parvient pas à régler le différend, alors c’est le droit qui sera meilleur”.

En nous inspirant de Nicolas de Flue, nous pouvons être certain que la neutralité est de type militaire et nullement une neutralité morale ou juridique. Tout comme Saint Nicolas fut un médiateur, le Suisse offre un terrain de dialogue entre les belligérants, une diplomatie des bons offices afin que le droit et la justice soient appliqués. 

Saint Nicolas de Flue: “n’élargissez pas trop la haie qui vous entoure” ?

Par contre, la fameuse phrase : “Mes chers amis, n’élargissez pas trop la haie qui vous entoure” est trop tardive pour être crédible. Je l’ai encore entendue cette semaine à la télévision pour justifier une ligne strictement neutre. 

La maxime “Machet den zun nit zuo wit” autrement dit “N’élargissez pas trop la barrière” n’est pas authentique. Elle trouve son origine en 1537 sous la plume du greffier lucernois Hans Salat*, soit 50 ans après la mort de l’ermite.  

Dans son livre préféré, pendant et après le seconde guerre mondiale, le professeur de théologie et Cardinal suisse Charles Journet écrit:

“Il ne faut pas entendre trop strictement, si elle est authentique, la recommandation, toujours citée, du bienheureux à ses contemporains: cette maxime est rapportée pour la première fois par Hans Salat, en 1535, au moment où Genève s’efforçait d’obtenir l’appui des confédérés et où les cantons catholiques refusaient de reconnaître comme territoire suisse les conquêtes bernoises dans le canton de Vaud.”

D’autres citations du saint sont incertaines:  

“mes chers amis, n’élargissez pas trop la clôture. Vous persévérerez d’autant mieux dans la paix, dans la tranquillité et dans l’unité. Vous pourrez conserver votre chère liberté, acquise à si haut prix”

“ne vous chargez pas des choses étrangères. Ne vous solidarisez pas avec un pouvoir étranger”.

“gardez-vous de la discorde et de l’égoïsme. Ne laissez grandir chez vous ni l’égoïsme, ni l’envie ni la jalousie ni la haine ni les factions: sinon, c’en est fait de votre puissance et de votre règne”.

“protégez votre patrie et n’en sortez pas. Ne cédez pas à la convoitise et ne partez pas à la recherche de la gloire militaire. Mais si l’on vous attaque, combattez vaillamment pour votre liberté et pour votre patrie”.

L’intellectuel suisse note: “Ces recommandations ne sont connues que par des textes trop tardifs pour que la forme en puisse être regardée comme sûre. 

Quoi qu’il en soit, c’était les trahir que de les citer, pendant la seconde guerre mondiale, pour justifier le principe d’une non-intervention morale de la Suisse”.*

*Cardinal Charles Journet “Saint Nicolas de Flue”, 5ème édition (1980) pp.78-81 – Robert Durrer est un recueil monumental de documents sur Saint Nicolas de Flüe dont Charles Journet puise largement. 

*Hans Salat (1498-1561), originaire de Sursee, fut chancelier du tribunal de 1531 à 1540; durant cette prériode, il écrivit sa propre histoire de la Réforme d’un point de vue extrême ou bien “trop catholique”.

Saint Nicolas de Flue, Saint-Patron de la Paix mondiale

En ce temps de guerre en Ukraine, le Saint Patron de la Paix mondiale doit être prié. 

Saint Nicolas est sans aucun doute un des grands inspirateurs de la neutralité militaire de la Suisse. Depuis le XVI siècle, la Suisse n’est plus guère impliquée dans les conflits militaires. Toutefois, la guerre perdue de Marignan en 1515 et les accords de Vienne de 1815 signés à la fin des guerres de Napoléon ont un fondement historique et politique bien plus assuré.

Pour terminer, la lettre de l’ermite du Ranft aux Bernois demeure incontestablement son testament politique: 

LETTRE DE FRÈRE NICOLAS AUX BERNOIS

Que le nom de Jésus soit votre salut !

Nous vous souhaitons beaucoup de bien et nous vous remercions pour celui que vous nous faites. Que le Saint- Esprit soit votre dernière récompense. Je vous remercie profondément et grandement pour votre aimable présent, car j’y reconnais votre paternel amour; et celui-ci me réjouit encore plus que le présent lui-même. Et vous devez savoir qu’il me fait grand plaisir; et eût-il été la moitié de ce qu’il est, il m’eût également contenté. S’il est question, devant Dieu et devant les hommes, de mériter votre amour, j’y mettrai toute ma bonne volonté. Votre messager s’est très bien acquitté de sa mission, et je vous le recommande. Par amour, je veux vous écrire davantage. L’obéissance est le plus grand honneur qu’il y ait au ciel et sur terre. Aussi bien, tâchez de vous obéir mutuellement.

La sagesse est le plus aimable des biens, car elle fait tout entreprendre pour le mieux.

La paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix et la paix ne peut être détruite, mais la discorde est détruite. Cherchez donc à garder la paix. Protégez les veuves et les orphelins comme vous avez fait jusqu’ici.

Celui dont le bonheur est plus grand sur la terre, qu’il en soit reconnaissant à Dieu, et alors son bonheur sera aussi plus grand dans le ciel. Les péchés publics, il faut les empêcher et s’en tenir toujours à la justice. Vous devez porter la passion de Dieu en votre cœur, car c’est pour l’homme la plus grande consolation à sa dernière heure.

Beaucoup d’hommes ont des doutes au sujet de la foi, et le diable en fait succomber beaucoup à propos de la foi, surtout à propos de la foi. Il ne faut pas douter (des vérités) de la foi, car elle est comme elle est. Et je ne vous écris pas parce que je pense que vous n’avez pas la foi, je ne doute pas que vous ne soyez bons chrétiens, je vous écris pour vous avertir afin que, si le mauvais esprit vous tente, vous lui résistiez d’autant mieux, en chevaliers. C’est tout.

Dieu soit avec vous !

Donné le jour de la sainte Barbe en la quatre-vingt deuxième année (1482).

Une ombre sur l’oeuvre d’art du Cardinal Ratzinger

Dans le monde catholique et bien au-delà, l’oeuvre intellectuelle et théologique de Benoît XVI est magistrale et monumentale. Pour les bavarois, qui devinent par beau temps les magnifiques montagnes, Ratzinger est un sommet incontournable qui culmine à l’horizon.

Pour les Alpes, nous le comparerions au Mont-Blanc. Pour les mélomanes autrichiens ou allemands, nous pourrions facilement lui donner le titre de “Mozart de la théologie”. Son amour de la vérité est limpide comme le souligne sa devise: “coopérateur de la vérité”.

Des nuages gris s’approchent

Déjà en 2010, en pleine année sacerdotale, quelques petits nuages gris s’étaient approchés de ce sommet, des fausses notes avaient résonné dans l’harmonie mélodieuse de l’intellectuel, du maître et du poète. La gestion d’un cas de prêtre pédophile du Cardinal Ratzinger, archevêque émérite de Münich-Freising, avait déjà suscité des interrogations:

“Nouveau rebond dans la crise des prêtres pédophiles qui secoue l’Église allemande. Il touche cette fois Joseph Ratzinger, quand il fut archevêque de Munich entre 1977 et 1982 même si sa responsabilité directe est écartée. Ce diocèse a reconnu vendredi soir, par communiqué, qu’un prêtre, présumé pédophile, un certain «abbé H.» avait été pris en charge par l’archevêché en janvier 1980 pour suivre une thérapie avec l’accord de l’archevêque. Il semble que le prêtre ait été « accueilli » dans un premier temps à l’archevêché avant qu’un autre hébergement lui soit trouvé, dans une paroisse, afin qu’il se fasse soigner”. (Le Figaro)

En pleine polémique médiatique, le Vatican avait répondu que cette décision n’était pas la sienne.

Entre temps, beaucoup de vaticanistes, d’intellectuels, de journalistes ou de catholiques avaient bien rendu-compte, avec raison, des efforts immenses déployés par le préfet pour la Congrégation pour la doctrine de la foi (Andrea Tornielli)

Des nuages noires s’amoncèlent: un rapport demandé par l’Eglise épingle le Cardinal

Janvier 2022, un rapport d’enquête de plus de 1900 pages met sévèrement en cause tous les évêques du diocèse de l’époque, dont le Cardinal Ratzinger.

“Le rapport indépendant sur les abus commis dans l’archidiocèse de Munich-Freising entre 1945 et 2019 met directement en cause Benoît XVI pour sa gestion de quatre cas d’abus sexuels commis par des prêtres lorsqu’il était archevêque de Munich de 1977 à 1982″. (Aleteia)

“Rédigé par un cabinet d’avocats munichois Westpfahl Spiker Wastl après deux ans de travail, le rapport de 1.893 pages évalue et juge la responsabilité de la direction de l’archidiocèse bavarois – et en particulier des archevêques qui se sont succédés – sur une période de soixante-quinze ans. Les experts de ce cabinet mandaté par l’archidiocèse ont travaillé principalement à partir de témoignages et des archives officielles de l’archevêché”. (idem)

Cette fois-ci, en plus du Père Hurlimann, la gestion de 3 autres cas entrent en ligne de compte* (lire ci-dessous, résumé de Marie-Lucile Kubacik, journaliste à La Vie)

Cependant, pour le cas du Père Hurlimann, les versions sont divergentes.

Ratzinger contestait sa présence lors d’une réunion, alors que les documents démontrent sa présence. Le Vatican assure qu’il va examiner l’épais document et promet une déclaration plus détaillée par la suite. 

Rétropédalage

Moins d’une semaine plus tard, rétropédalage de Benoît XVI. Contrairement à ce qui avait été affirmé, il a reconnu avoir participé à une réunion clé. Une inexactitude commise de bonne foi. L’ancien pontife de 95 ans s’excuse.

Ses déclarations aux auteurs du rapport publié le 20 janvier par le cabinet Westpfahl Spilker Wastl (WSW) étaient «objectivement incorrectes». L’erreur, affirme-t-il, «est le résultat d’une omission dans l’édition de ses déclarations». Il se dit «désolé pour cette erreur et demande qu’on lui pardonne».

“Lors de cette réunion, «il n’a pas été décidé d’un engagement pastoral du prêtre concerné», assure désormais le pontife émérite par l’intermédiaire de son secrétaire Mgr Georg Gänswein.

Au contraire, on aurait simplement accédé à la demande du prêtre «d’être hébergé à Munich pendant son traitement thérapeutique». Le prêtre devait être pris en charge médicalement à la suite d’abus sexuels sur mineurs” (Cath.ch)

Impressions

Très honnêtement, nous ne sommes pas habitués à ce type d’imprécision chez Ratzinger. Comme le dit l’expression, cela fait tache. Les nuages, bien noirs cette fois-ci, recouvrent le sommet de la montagne et la partition musicale fait clairement résonner bien des fausses notes. Très inhabituel !

Je le dis d’emblée: c’est une déception majeure. L’institution retombe dans ses travers, le manque de prise en compte des victimes et la peur du scandale publique.

La patte de son secrétaire

Benoît XVI a désormais 95 ans, je ne pense pas qu’il écrive lui-même. Cette charge est dévolue à son fidèle secrétaire Mgr Georg Gänswein. Mais, a-t-il conscience de l’immense portée de ses déclarations ? L’oeuvre monumental de son maître sera inévitablement touché, plus ou moins sévèrement selon les demi-mensonges ou les demi-vérités, les inexactitudes, les corrections et même le déni présents dans la communication à venir.

Un logiciel clérical

Pour dire mon avis, j’imagine difficilement Ratzinger échappé au climat des années 70-80, lorsque le logiciel clérical et culturel classique chez les hommes d’Eglise écrivait sur l’écran : défendre l’institution au détriment des victimes.

Malgré la bonne foi, ce paradigme était ancré profondément dans le milieu ecclésial. Ratzinger a sans aucun doute évolué au cours du temps, toujours orienté vers la recherche de la vérité, avec l’aide constante des victimes. Benoît XVI a d’ailleurs rencontré plusieurs fois ces dernières. Ce n’est qu’à leur écoute que les yeux de son coeur se sont ouverts largement.

Un autre événement me dérange. La Légion du Christ ! Dans un excellent livre “La lumière du monde”, le pontife laisse entendre que les témoignages des victimes du fondateur Martial Maciel sont arrivés assez tard au Saint-Siège. Ceci n’est simplement pas vrai. Depuis très longtemps, des rapports de victimes étaient remontés. Certes, les actions du Cardinal Sodano, secrétaire d’Etat de l’époque, reste encore dans l’ombre. Nul doute que cet influent et intrigant Cardinal, grand protecteur de la Légion, a joué un rôle majeur.

Affaire à suivre

Pour Benoît XVI, les rédactions des médias sont en mode alerte. Dans l’attente de la réponse du petit Prince de la théologie, la blessure est bien présente. Certes, toute l’oeuvre magistrale du plus grand théologien depuis Saint Thomas d’Aquin n’est pas remise en cause. Andrea Tornielli, chef éditorial du Vatican.news, rappelle avec force et exactitudes les combats de Ratzinger-Benoît XVI au coeur de l’Eglise. (lien)

Cela doit impérativement rester inscrit dans la pierre, le marbre. Selon ma perception, depuis sa charge d’archevêque, Ratzinger a toujours été en mode conversion.

Toutefois, cela fait tache !

L’histoire de l’Eglise retiendra cette page dramatique, où pour protéger l’institution, la réputation et la peur du scandale publique, des Papes et des Cardinaux ont sacrifié la voix des enfants, celles des vies innocents. Quel scandale !

Un logiciel clérical

Comme pour un disque dur, je pense clairement qu’il y a un programme structurel qui formate les clercs, un logiciel de défense, une manière de penser, une culture cléricale et un système organisé qui tort le jugement et l’action raisonnables pour finalement laisser des loups dans le troupeau abimer très gravement et très profondément des vies innocentes.

Ratzinger aussi, comme nous tous à des degrés divers, n’avons pas su voir et écouter le cri, la douleur et la souffrance d’enfants. Difficile de s’extraire de la masse, de la pression sociale et de la pâte humaine.

Aimer la vérité

Deux points d’espérance :

  • la devise de Ratzinger “coopérateur de la vérité” est une des clefs de cette intrigue de son ancien diocèse. Nous sommes invités, avec les journalistes, à chercher la vérité, sans peur et sans crainte, en coopérant droitement aux enquêtes établies.
  • Joseph Ratzinger avait donné dans un petit article ses raisons d’être resté toujours catholique, par le mystère de la lune. Vu de la terre, la lune est très claire. Plus nous nous en approchons, plus les ombres, les cratères et les impacts sont visibles à sa surface. De même pour le milieu catholique de l’Eglise. Les ombres et les taches sont bien présentes, pourtant la clarté de la lumière du soleil continue de briller pour éclairer notre nuit. La foi passera toujours par l’Eglise.

“Tu n’auras pas d’idole”

At last but not the least, par les dix commandements, Yavhé a appris à nos frères Juifs de ne pas avoir d’idole. Ratzinger est une boussole sûre, mais n’est pas Jésus-Christ, fils de Dieu, source et fin de toutes nos aspirations.

Le Mont-Blanc a aussi ses crevasses et ses taches. Pourtant, il mène toujours à la rencontre du ciel et de la terre.

—–

*Que reproche-t-on à Joseph Ratzinger ? ( par Marie-Lucile Kubacki, La Vie )

Selon ce rapport de 1900 pages (qui peut être consulté en allemand sur le site du cabinet d’avocats Westpfahl Spilker Wastl), Ratzinger aurait mal « géré » quatre cas de prêtres accusés d’agressions sexuelles sur mineurs.

Le premier (cas 37, pp. 698-717), concerne un prêtre arrivé dans le diocèse de Munich à la fin des années 1970, et maintenu à des fonctions qui l’amenaient à être en contact avec des enfants, en dépit de deux condamnations pour des abus sur mineurs (dont une peine de prison avec sursis). Obligé de suivre des soins et interdit d’enseignement dans les écoles publiques… il avait été notamment nommé professeur de religion dans une école privée. Le pape émérite nie avoir eu connaissance d’un « comportement criminel » de la part du prêtre, ce que les experts remettent en cause.

Le deuxième (cas 40, pp. 718-732) est celui d’un prêtre étranger envoyé comme prêtre étudiant dans le diocèse de Munich après avoir fait l’objet d’une condamnation de huit mois de prison ferme (commués en sursis) dans son pays d’origine pour de multiples abus sur enfants. À Munich, il est nommé aumônier (mais dispensé d’instruction religieuse dans les écoles).

Déplacé à plusieurs reprises, il est visé par des témoignages au début des années 1980, selon lesquels il manifeste un comportement exhibitionniste et fait « des efforts intensifs pour établir un contact privé avec des enfants de chœur ». À cette époque, on lui interdit de célébrer en paroisse.

Dans ce cas, le pape émérite nie avoir été informé de la condamnation d’origine (ce que les experts jugent peu probable) et de l’interdiction de célébration, affirmant que les informations dont il disposait ne portaient que sur des affaires de tensions dans son rapport à l’autorité.

Le troisième (cas 42, pp. 733-750) concerne un prêtre qui avait pris des photos suggestives d’adolescents de 14 ans, et qui avait été affecté juste après à la pastorale d’une maison de retraite et d’un hôpital (incluant des célébrations en paroisse, sous l’autorité du curé local). Six mois après les faits, ce prêtre fut condamné par la justice.

Dans cette affaire, Benoît XVI nie avoir eu connaissance du motif du déplacement du prêtre, ce qui est remis en cause les experts. En outre, ces derniers lui reprochent de ne pas avoir engagé de procédure ecclésiale à la suite de la condamnation en justice.

Une affaire très médiatisée en Allemagne

Le quatrième (le cas X, pp. 121-186) renvoie à une affaire qui a été particulièrement médiatisée en Allemagne, celle du prêtre Peter Hullermann. Accusé par des parents d’avoir commis des agressions sexuelles sur mineurs fin 1979 en Rhénanie, il est suspendu et déplacé en Bavière en 1980, pour suivre une thérapie. C’est là qu’il arrive dans le diocèse de Munich. Mais le prêtre reprend son service pastoral et se trouve à nouveau au contact de jeunes… et récidive.

Dans une enquête, le journal Der Spiegel relatait qu’en juin 1986, il avait été reconnu coupable d’abus sexuels sur des mineurs et de distribution de contenus pornographiques, condamné à une amende de 4000 deutsche marks et à une peine de 18 mois avec sursis. Avant d’être envoyé… dans une nouvelle paroisse.

Joseph Ratzinger nie avoir eu connaissance de cette affectation (dont la responsabilité a été assumée par le vicaire général de l’époque). Contrairement à ce qui avait été affirmé, il a reconnu avoir participé à la réunion clé qui avait validé l’arrivée de Hullermann à Munich en 1980, précisant qu’« aucune décision n’y a (vait) été prise sur l’attribution d’une mission pastorale au prêtre concerné ».

Azor ou les pas feutrés vers les sales affaires

A moins d’être initié, le mot “Azor” est obscure. Franchement dit, pour nous, il ne signifie rien et sa définition nous est étrangère, secrète. Une brève recherche dans la traduction de l’espagnol vers le français aboutit à “autour”. Détail intriguant, des images de vautours apparaissent. Ces rapaces tournoient longuement et silencieusement autour de leurs proies, qu’ils observent de loin, avant de prendre la décision de fondre sur elles, sans un bruit, en silence.

Azor est le titre du premier long métrage du cinéaste suisse Andréas Fontana qui sort actuellement sur les grands écrans à Vevey. Si le mot “Azor” nous cache d’abord sa signification, l’auteur de ce thriller explique avoir précisément voulu montrer le secret, le silence du monde des banques. Quoi de plus helvétique !

Le métier de banquier demande aussi de la patience, du flair, de la distance, de la froideur et d’une hauteur de vue pour tournoyer longuement autour du gain et discerner comment gagner la confiance du client.

Les banques et les banquiers font recettes pour le cinéma suisse.

Dans l’imaginaire helvétique et pour le cinéma suisse, les histoires de banquiers font recettes.Certains se souviennent des deux séries “Quartier des Banques” la première coproduction entre la RTBF (télévision belge) et la RTS (suisse).

Ce nouveau thriller (de l’anglais« to thrill »: faire frémir) est, comme l’exige ce genre, truffé de suspense, de tensions narratives qui provoquent une excitation, une appréhension en nous tenant en haleine doucement jusqu’au dénouement de l’intrigue.

Sans trahir de secrets, le film est un thriller politico-financier qui se joue entre Genève et l’Argentine. Azor est un film typiquement suisse, lent, rationnel et réfléchi. Il prend place dans la fin des années 1980, époque de la dictature de Videla.

Un peu d’histoire

En 1976, trois ans après la fin de la dictature de la Révolution argentine (1966-1973), des affrontements touchent les péronistes de gauche et de droite. Le jour du retour du général Juan Perón, en exil depuis vingt ans en Espagne franquiste, la lutte vire au massacre. Après le coup d’État contre le gouvernement d’Isabel Perón, le général Videla dirige la junte.

Quatre juntes militaires différentes se succéderont jusqu’en 1983. Le régime de Videla (1976-1981) sera responsable de la mort ou de la disparition de 30 000 personnes, les “desaparecidos”, de l’exil de millions d’Argentins et de la guerre des Malouines avec la Grande-Bretagne.

Dans ce contexte incertain des années 80, René Keys, un brillant et sulfureux banquier a disparu du jour au lendemain. En marchant sur ses traces, à pas de loups, Yvan De Wiel, qui dirige une banque privée à Genève, se rend dans cette Argentine en pleine dictature et recherche activement son ancien associé. Ce dernier est l’objet des rumeurs les plus inquiétantes. Pourtant, il est encensé par les clients.

Ce thriller nous entrainement lentement mais sûrement, avec la précision d’une horloge suisse, vers les arcanes du pouvoir caché, les salons feutrés où se prennent les décisions. Les codes du métier et son dialecte secret sont révélés par Inès, la femme de De Wiel. Une liste secrète de clients nous emporte vers des personnages de la haute société argentine. Leurs visages inquiets, soucieux et graves sont forts bien filmés.

La beauté de la nature, le sifflement du vent, les sons et le bruits de la ville, les petites voix à peine audibles qui semblent couvrir le secret nous donnent des beaux moments de respiration et d’émerveillement, rendant le film encore plus beau. Ils sont comme des poses dans l’avancé glaciale vers la fin de l’énigme, soutenu par une musique appropriée. La progression se fait sans cris, sans haussement de voix ni aucun hurlement, si ce n’est par la musique stridente et inquiétante.

Des plans de face et de dos

Le film avait commencé par un gros plan de face sur le visage d’ un homme élégant et espiègle, charmeur et sûr de lui, souriant et épanoui. Nous pouvons y reconnaître René Keys. Dans ce duel à distance, entre deux styles de banquiers, les images sur De Wiel le montrent de dos, chemise blanche, comme pour donner à voir la face cachée du banquier réfléchi, méthodique et cynique.

Rebondissement

Finalement, un certain Lázaro dont De Wiel se demande quel rôle il a pu jouer dans la disparition de Keys nous fait franchir un seuil. Inès, épouse de Yvan, telle une Lady MacBeth, assoiffée par l’argent et pouvoir, lui présente le fruit défendu: «La trouille te rend médiocre», lui balance-t-elle. Tels Adam et Eve, ils dépasseront Keys pour aller encore plus loin dans l’hypocrisie, la corruption et le monde ténébreux des objets disparus.

De la lumière vers les affaires disparues et volées

Ce film nous entraine de la lumière vers l’obscurité. La scène du bateau qui s’avance sur le fleuve, vers les eaux profondes des affaires sales, ce monde secret et clos de la corruption, la loi de la jungle et du plus fort est saisissante. La marche vers l’argent semble un trou noir dont la lumière ne sortira plus.

Azor, premier long métrage de Fontana, auteur suisse, dont les critiques sont plus que favorables (plusieurs nominations internationales) est vraiment une oeuvre à voir . Elle permet de nous plonger dans l’histoire et la vie de l’Argentine, ce pays du bout du monde, d’où vient d’ailleurs le Pape François*.

Vertigo Radio Suisse Romande

Le 12h45 Télévision Suisse

***

Tout film offre aussi des petits clins d’oeil

Alfred Hitchkock, le maître du suspens est connu pour apparaitre dans ses films. Pour Azor et Andreas Fontana, je laisse le mystère plané.

L’auteur vit à Vevey, la ville du grand Charlie Chaplin qui vécu la seconde partie de sa vie. Chaplin repose au côté de son épouse au cimetière de Corsier. A peine quelques kilomètres plus loin, le grand public peut marcher sur les pas de ce géant du comique, Le monde de Chaplin, “the Chaplin’s World”  offre une belle introduction au monde du septième art. Ce magnifique musée retrace sa vie, donne à découvrir le manoir et la parc. Une statue de bronze de Charlot, sur la promenade des quais au bord du lac Léman, rappelle sa présence.

Le film est tourné en Argentine.  Le thriller évoque la ville de Genève, la cité des banques. L’auteur de Azor est natif de cette grande ville et petit fils d’un banquier. Le nom de Borges est aussi mentionné. Jorge Luis Borges homme de lettre argentin est né le 24 août 1899 à Buenos Aires et mort à Genève le 14 juin 1986. Il a connu ses va-et-vient entre Buenos Aires et Genève. Il repose désormais à Genève.

Enfin, les disparitions des personnes, dont un client a perdu sa fille qu’il rêvait de voir prendre la succession est l’un des thèmes saillants du thriller. Les familles pleurent les êtres disparus, les “desaparecidos”. Les “Mères de la place de Mai” (en espagnol : Asociación Madres de la Plaza de Mayo) est une association des mères argentines dont les enfants ont « disparu », assassinés pendant la « guerre sale » livrée en particulier par la dictature militaire (1976-1983).

Le nom des organisations vient de la place de Mai (Plaza de Mayo) au centre de Buenos Aires et devant le siège du gouvernement, la Casa Rosada. En signe de protestation, les Mères portent des foulards blancs (à l’origine : les langes en tissu de leurs bébés) pour commémorer la disparition de leurs enfants. Elles se rassemblent tous les jeudis après-midis et tournent sur la place pendant une demi-heure, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, remontant ainsi symboliquement le temps et critiquant l’impunité des militaires responsables des massacres et des tortures (source: Wikipedia)


Azor, d’Andreas Fontana (Suisse, France, Argentine, 2021), avec Fabrizio Rongione, Stéphanie Cléau, Carmen Iriondo, Elli Medeiros, 1h40.


*François l’Argentin, sans aucun doute le livre qui retrace le mieux l’enracinement argentin du Pape François.