Le CICR, la protection des sources et le secret de la confession

Très souvent, et encore plus en ce temps de la nécessaire révélation des crimes commis contre des enfants et des innocents au sein de même de l’Eglise catholique, le secret de la confession est sévèrement attaqué.

La demande médiatique consiste à le supprimer, pour des bonnes et justes raisons: l’impunité du prêtre coupable, la non-dénonciation à la justice et la récidive des actes criminels.

Lien: secret mafieux ou secret de Dieu

Comparaison n’est pas raison, mais des analogies peuvent permettre de rendre compte de la pertinence du secret total et absolu de la confession, d’origine divine.

Première analogie: un délégué du CICR.

Créé par Henry Dunant, à Solférino, lors de guerre décisive de la campagne d’Italie de 1859, la Croix-Rouge s’impose dès son origine comme un mouvement international d’aide et d’assistance aux victimes.

Dans les guerres, les délégués du CICR sont sur le terrain pour protéger les civils, visiter les prisonniers de guerres … Le directeur général du CICR, Robert Mardini, était sur le plateau d’Infrarouge, pour expliquer les principes humanitaires appliqués notamment en Ukraine :

“nos délégués, je ne dirais pas enquête, mais documentent des allégations de violation du droit humanitaire, quand ils parlent aux civils. Cette documentation a pour seul but, d’influencer les parties en conflits par un dialogue bi-latérale et confidentiel. Les informations sont gardées. Dans le règlement de la CPI (ndlr: cour pénale internationale), nous bénéficions d’une immunité. Les délégués ne sont pas appelés à être cités, dans le cadre de procédures juridiques de la CPI, précisément pour pouvoir négocier notre présence sur le terrain, de pouvoir traverser les lignes de fronts, de pouvoir aider les populations civiles, de pouvoir visiter les prisonniers de guerres.

Et si les parties en conflits savaient que le CICR observent et récoltent seraient utilisés infini, dans le cadre de procédures juridiques c’est la fin du travail sur le terrain du CICR. C’est donc incompatible, le CICR fait la promotion du droit, est clairement contre l’impunité, mais on ne peut pas participer ou collaborer dans le cadre de procédures juridiques qui sont du ressort d’autres organisations, comme la CPI”. 

Ses propos, en pleine crise des crimes de guerre, sont acceptés et ne soulèvent pas de contestation. Le CICR est pour et avec les victimes. Chacun travaille pour la vérité et la justice selon ses compétences propres.

Secondo, le CICR ne parle même pas d’un agresseur et d’un agressé, mais de deux parties en conflits. Cette neutralité pourrait être choquante ! Cependant, chacun connaît le travail humanitaire du CICR. Le doute ne semble pas opportun.

Comparaison n’est pas raison …

Pour l’institution de l’Eglise catholique, la perte de confiance est patente. Le risque de laver le linges sales en famille, en toute impunité, doit être dénoncé.

Ce qui est reconnu par le TPI, par le droit, peut-être analogiquement reconnu pour un prêtre ayant reçu des confidences dans le cadre du sacrement de la réconciliation.

Les deux fors

Pour l’Eglise catholique, il y a deux for (lieu du jugement): le for interne qui relève de la confession, lorsque la conscience est face à Dieu, le Juge par excellence. Le for interne dépend aussi du droit, mais n’est pas connu publiquement, sur la place publique.

L’autre for, dit externe, consiste à savoir ce qui se voit et se sait et qui est l’objet de sanctions au niveau pénal.

En droit, le for (du latin forum, place publique) désigne le tribunal qui a été saisi d’une affaire, ou plus généralement la compétence d’un tribunal de pouvoir se saisir d’une affaire. La loi du for se défini comme lieu où la juridiction a été saisie.

Les journalistes

Une autre analogie concerne la protection des sources pour un journalistes. En Suisse, les sources d’un journaliste n’entre pas en considération lors d’un procès. Un reporter m’a même assuré qu’une interview en off d’un criminel ( enregistreur éteint, propos jamais publiés ) ne sera jamais diffusé. Le monde médiatique contribue, à sa manière, à la lutte contre l’impunité.

Ces deux analogies permettent de rendre compte de la grande pertinence du secret absolu lors de la confession. Pour paraphraser le narratif du directeur du CICR, si un criminel savait que ses révélations servaient à le balancer à la justice du for externe, cela serait également terminé du confessionnal. Comme pour un délégué du CICR ou un journaliste, il revient à aussi à d’autres organisations pour rendre justice, dont les nombreuses institutions de l’Eglise catholique qui viennent en aide, avec la justice civile, aux victimes.

Le secret de la confession contribue d’ailleurs en premier lieu à libérer la parole, à sa manière propre et spécifique, sans être un moyen exhaustif exclusif.

Le secret totale et absolue de la confession, d’origine divine, participe également, à sa façon, à la vérité, à la justice et à l’application du droit. Le supprimer mettrait un terme à la justice divine, qui coopère avec la justice civile. 

Dominique Fabien Rimaz

D'origine fribourgeoise et italienne, né à Bôle (Neuchâtel), Dominique Fabien Rimaz se rêvait pilote militaire. Il passera d'abord par une formation en chimie puis en sciences politiques pour devenir un jour journaliste. Rattrapé par la vocation, il est aujourd’hui prêtre en Veveyse et aumônier des hôpitaux à Fribourg.

2 réponses à “Le CICR, la protection des sources et le secret de la confession

  1. J’essaie de comprendre la situation du malaise entre aveu et secret pour un prêtre catholique.
    Si l’on connaît l’auteur d’un crime, il est du devoir de chacun de le dénoncer à la Justice civile. Or le secret absolu de la Confession (de nature divine ? comme vous le prétendez, Monsieur l’abbé, ou du Droit Canon ? serait-ce la même instance…?). Mais je demande au minimum que le confesseur n’ait jamais le droit de donner l’absolution divine à une personne anonyme ou connue qui lui avouerait un crime.
    Cela ne concerne en rien le secret professionnel ou le secret de fonction.

    1. Vous semblez dire exactement le contraire que les droits des délégués du CICR qui travaillent pour les victimes.

      Enfin l’absolution est intrinsèquement liée à la volonté du coupable d’aller se dénoncer à la justice civile.

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