Les acteurs économiques en sauveurs de l’accord-cadre

Les atermoiements du Conseil fédéral sur l’accord institutionnel menacent l’avenir de nos relations avec notre principal partenaire commercial. La mobilisation de la société civile, économie en tête, sera décisive pour convaincre la population de pérenniser la voie bilatérale.

Le mauvais ballet diplomatique que le Conseil fédéral joue depuis trop longtemps avec l’Union européenne sur l’air de l’accord-cadre a de quoi laisser pantois. Le récent voyage entrepris par le président de la Confédération, Guy Parmelin, à Bruxelles n’en constitue hélas qu’un acte supplémentaire. Car voilà des années que l’accord institutionnel, censé consolider la voie bilatérale avec l’Union européenne, est traité par Berne avec un souverain mépris, pour ne pas dire un mépris du souverain. Ainsi donc, l’accord serait devenu d’un coup «déséquilibré»? Voilà qui n’est guère sérieux.

Après cette énième pantalonnade, la Commission de politique extérieure du Conseil national (CPE-N) a demandé fermement au gouvernement, lundi, de poursuivre les négociations et de se montrer créatif concernant les trois points qui achoppent encore, à savoir les aides d’Etat, la libre circulation des personnes et le niveau de salaires des travailleurs détachés. Ce coup de gueule parlementaire fait du bien et montre que les partis, même s’ils paraissaient avoir renoncé à conclure un tel accord, prennent la mesure de son importance pour l’avenir de nos relations avec notre principal partenaire commercial. Ce ne sont pas les medtechs, suspendues à la réactualisation du règlement sur les dispositifs médicaux d’ici au 26 mai, qui diront le contraire.

Les cantons entrent en jeu

A cette foucade bienvenue s’ajoute l’adoption, par cette même CPE-N, d’une motion du Conseil des États demandant que le parlement, le peuple et les cantons soient consultés lors de la mise en œuvre éventuelle de l’accord institutionnel avec l’Union européenne, comme le relate «24 heures» de ce mercredi. Ces mêmes cantons ont par ailleurs demandé à être officiellement consultés sur le sujet et à obtenir des informations supplémentaires sur l’état actuel du dossier. Porte-parole du Conseil fédéral, André Simonazzi a confirmé la chose cette semaine, sans donner plus de précisions.

Ce frémissement ravive l’espoir de voir l’accord-cadre sortir des limbes dans lesquelles il se trouve. A ce stade, il paraît pourtant clair que le collège gouvernemental, vu les dissensions qui règnent en son sein, aura bien de la peine à jouer les porte-drapeaux de cette cause, tant il a perdu de crédibilité. Depuis des mois, ce sont bel et bien les milieux économiques, ainsi que le monde de l’éducation et de l’innovation, qui défendent avec conviction cet accord. Pour d’excellente raisons qui ont pour nom continuité et prospérité. Ces messages, acceptons-en l’augure, vont bien finir par convaincre une majorité des vertus d’une voie bilatérale consolidée.

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Une législation bénéfique au climat et à l’économie

La loi sur le CO2, soumise au vote en juin prochain, constitue un bon compromis pour faire face aux défis environnementaux. Entre encouragements et mesures incitatives, elle permet d’investir dans l’innovation, de maintenir et de créer des emplois dans notre pays.

Les glaciers fondent, les laves torrentielles se multiplient et les records de chaleur sont battus chaque été. Devant cette urgence climatique que personne ne peut nier, c’est le moment de passer à l’action. La loi sur le CO2, sur laquelle les citoyens se prononceront le 13 juin, constitue un bon moyen de s’y mettre. Elle vise à libérer graduellement notre pays de sa dépendance aux énergies fossiles – qui nous coûtent chaque année huit milliards en importations – tout en favorisant les investissements dans l’innovation. Soutenu par le Conseil fédéral et le Parlement, ce texte crée des conditions-cadres favorables, car elle se base sur des objectifs à atteindre et laisse aux entreprises une grande marge de manœuvre et de liberté de décision pour y parvenir. Pour le monde de l’économie, il s’agit d’une opportunité à saisir. C’est pourquoi de la CVCI la soutient.

Les entreprises qui investissent dans des mesures climatiques sont gagnantes. Le libre accès de celles-ci au système des conventions d’objectifs est un point positif de cette nouvelle législation. Elle leur permet, de la PME à la grande société, de s’affranchir de la taxe sur le CO2 et d’augmenter encore significativement leur contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’opération est aussi positive pour les propriétaires qui réduisent leur consommation de mazout ou qui optent pour un chauffage au bois ou à l’énergie solaire.

Bon pour l’innovation

Surtout, cette loi prévoit la création du Fonds pour le climat dans le but d’encourager les mesures en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Ce Fonds permettra notamment de financer la recherche dans de nouvelles technologies. Pour les entreprises suisses, ce sera un moyen de mettre sur le marché plus rapidement des technologies novatrices respectueuses du climat. On peut raisonnablement tabler sur des investissements massifs dans la recherche, l’innovation et le développement. Par son savoir-faire, notre pays peut profiter de ce trend pour se profiler comme un haut lieu de progrès énergétique. Le pôle d’innovation suisse créera ainsi de nouveaux emplois et s’assurera d’importants marchés d’avenir.

Même si elle ne correspond pas complètement aux attentes de l’économie – on l’a vu avec la demande de référendum de certains milieux -, cette loi s’avère nécessaire. Refuser ce texte impliquerait un retour en arrière de plusieurs années. La loi actuelle resterait certes en vigueur, mais les mesures temporaires telles que les conventions d’objectifs avec remboursement de la taxe sur le CO2 disparaîtraient. En cas de rejet, la Confédération devrait élaborer une nouvelle loi et perdrait ainsi un temps précieux pour atteindre les objectifs climatiques fixés pour 2030, via l’Accord de Paris, et pour 2050.

Pour pouvoir atteindre l’ambitieux objectif zéro émission nette à moyen terme et de manière durable, des efforts sont nécessaires de la part de tous les acteurs en présence. Le monde de l’économie représente une partie non négligeable de la solution au défi climatique. La plupart des entreprises sont prêtes à aller de l’avant et cette loi peut y contribuer. Le train vers un environnement moins pollué est en marche, et il paraît absurde de le freiner en s’opposant aux modifications législatives proposées. C’est pourquoi la loi sur le CO2 doit être adoptée par le plus grand nombre le 13 juin prochain.

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Vers une voie bilatérale de garage?

L’accord-cadre avec l’UE rassemble malheureusement toute la politique bernoise sur le même chemin, celui du cul-de-sac. Car les avis négatifs s’accumulent. Qui en raison des mesures d’accompagnements et de la protection des salaires (syndicats), qui en raison du système d’arbitrage (PDC), des aides d’Etat (cantons) ou encore de la directive de citoyenneté (certains PLR), sans compter les anti UE et libre circulation (UDC)… n’en jetez plus!

Sept ans de travaux avec l’Union européenne, plusieurs changements de super diplomates après, les voix d’abord dissonantes se sont toutes mises à l’unisson au gré des mois, Covid aidant, « contre l’accord ». Aujourd’hui, le temps de pause est terminé, le Conseil fédéral va décider qui il envoie à Bruxelles pour, petit « a », remettre le dossier sur les rails, petit « b », se faire renvoyer à ses études ou, petit « c », trouver le meilleur plan B. Pendant tout ce temps perdu, il apparaît que le politique n’a pas vraiment écouté ceux qui utilisent au quotidien les accords bilatéraux et qui savent d’où provient la richesse de la Suisse : les acteurs économiques.

Pour notre économie, s’accorder avec l’UE est crucial

Face à tant de critiques et de juridisme étroit, la société civile et économique se manifeste pour rappeler l’essentiel sur les sources de notre prospérité et de nos emplois. Le directeur de l’EPFL, Martin Vetterli, met par exemple en garde contre un éventuel échec des négociations. L’objet est évidemment d’une importance capitale pour la recherche en Suisse. On pourrait parler de la problématique de l’Accord de reconnaissance mutuelle (ARM) qui arrive à échéance fin mai, mettant sous tension le milieu de la Medtech. Ou encore du domaine de l’électricité, dans l’attente de négociation, qui se verrait privé d’accès au marché européen. Faute d’accord-cadre, et donc d’adaptation à l’évolution du droit communautaire, non seulement les accords actuels tomberaient en désuétude à moyen terme, mais la Suisse pourrait être reléguée au rang d’Etat tiers. Une réalité préjudiciable à notre industrie d’exportation notamment, d’autant plus au sortir de la crise Covid.

Aujourd’hui, ce sont les faîtières économiques qui proposent des solutions pour sauver la mise aux politiques adeptes de la pensée magique. Au nom de « progrès suisse », des entrepreneurs et l’économie tentent de ramener les négociations sur le droit chemin. Même le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, estime qu’il serait préférable que la Suisse et l’UE sortent de l’impasse, dans une interview à la NZZ. Car l’option d’adapter l’accord de libre-échange conclu en 1972 avec la CEE d’alors, comme certains politiques l’évoquent, ne convainc pas l’économie. Et pour cause : les indicateurs économiques de la Grande-Bretagne post-Brexit semblent ne pas être au beau fixe. En effet, les exportations britanniques ont reculé en janvier de 19% en général, et celles destinées à l’UE de 40%… Au juridisme étroit bernois, ces chiffres rappellent qu’un peu de pragmatisme de terrain pourrait nous éviter une voie bilatérale de garage.

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Revoir nos pratiques face aux hics de la logistique

La pandémie de Covid-19 et le récent blocage du Canal de Suez par un cargo ont rappelé la fragilité des chaînes d’approvisionnements. Privilégier les circuits courts est certes souhaitable, mais l’ouverture sur le monde et les échanges demeurent essentiels.

Les images d’un cargo bloquant pendant plusieurs jours le canal de Suez et paralysant une partie du commerce mondial ont fait le tour du monde ces derniers jours. Elles ont permis de rappeler à quel point les chaînes d’approvisionnement demeuraient fragiles aux moindres soubresauts internationaux, qu’ils soient d’ordre technique ou géopolitique. Avant cet épisode nautique, la pandémie de coronavirus nous l’a aussi montré dans toute son ampleur.

Ces événements, qu’ils soient ponctuels ou inscrits dans une certaine durée, sont l’occasion de redire que la complexité des produits mis sur le marché aujourd’hui nécessite des composants venant de plusieurs pays, comme c’est par exemple le cas pour les vaccins. Dans ce contexte, il est bien sûr tentant de privilégier des circuits courts, de disposer de fournisseurs plus proches pour éviter de faire venir des substances de Chine ou d’ailleurs ou de subir les aléas d’un bateau bloqué sur un axe maritime stratégique. Tout cela paraît pourtant bien théorique pour un pays comme le nôtre, qui ne dispose pas de matières premières, et qui dépend de ce fait largement d’importations.

Conception à repenser

La crise sanitaire et économique que nous subissons actuellement a fait émerger une autre problématique sur le devant de la scène commerciale: l’essor continu de la production à flux tendu. Depuis des années, nombre d’entreprises ont modifié leur modèle d’affaires en abandonnant l’idée d’avoir des stocks, ce qui coûte argent et espace, pour privilégier la production en fonction des besoins. Cette approche nécessite une coordination parfaite entre les différents acteurs de la logistique, de la production et de la vente. A la lumière de la pandémie et de ses conséquences sur ce que les Anglo-Saxons appellent la «supply chain», ce n’est peut-être plus la meilleure solution à envisager.

Mon propos ne consiste évidemment pas à remettre en cause «le système». La Suisse aura toujours besoin de partenaires extérieurs, de rester ouverte sur le monde. Les échanges, il n’est pas inutile de le rappeler, ont largement contribué à accroître sa prospérité. Mais le temps est peut-être venu de repenser, du moins en partie, notre conception de la chaîne d’approvisionnement, tout en gardant à l’esprit que ces adaptations auront inévitablement des répercussions sur le coût des produits.

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Les accords bilatéraux ne tiennent qu’à un fil

Les tergiversations du Conseil fédéral autour de l’accord institutionnel avec l’Union européenne (UE) pourraient sonner le glas des bilatérales. Déjà durement impactée par la pandémie, l’économie se passerait volontiers de cette sombre perspective.

«Il faut que la Suisse se réveille.» Le constat de Philipp Hildebrand, dans les colonnes du «Temps», sonne comme un sérieux avertissement. Vice-président du fonds d’investissement BlackRock et candidat malheureux au poste de secrétaire général de l’OCDE, le banquier bernois assiste avec dépit à la perte d’influence de notre pays sur la scène internationale. Il explique d’ailleurs son retrait de la course à l’OCDE par le manque de soutien provenant des membres de l’Union européenne. «Si l’accord-cadre entre la Suisse et l’UE n’est pas signé, la situation va s’aggraver», prophétise-t-il.

Ce sombre tableau n’a hélas rien d’une vue de l’esprit. Voilà des mois, pour ne pas dire des années, que le Conseil fédéral tergiverse à propos de l’accord institutionnel, qui doit permettre de consolider nos relations économiques avec notre premier partenaire commercial. Il s’est montré incapable de fédérer autour d’un texte qui, faute d’un large soutien, risque de finir dans les poubelles de l’histoire pourtant riche de nos relations avec notre grand voisin européen. Le conseiller fédéral, Ignazio Cassis, a eu beau répéter lundi devant les caméras que les discussions avec Bruxelles se poursuivaient, l’espoir de parvenir à une entente paraît ténu, d’autant que les partis politiques semblent eux aussi résignés. Ce qui est certain, c’est que les conséquences d’un abandon seraient lourdes et immédiates pour l’économie suisse.

Les sociétés œuvrant dans le domaine des technologies médicales seraient les premières à être pénalisées, car sans accord-cadre, l’accord de reconnaissance mutuelle entre la Suisse et l’UE viendra à échéance le 26 mai prochain. Passé ce délai, nos medtech devront recourir à des représentants présents sur le marché européen, une contrainte qui occasionnera des coûts estimés à près de 100 millions de francs. Des sommes qui seraient plus utiles si elles étaient investies dans le recherche. Un sujet diffusé lundi sur la RTS en détaille les enjeux.

La Suisse reléguée au rang d’Etat tiers

Au-delà du cas particulier des medtech, une renonciation à l’accord institutionnel aurait des conséquences dramatiques pour l’ensemble de notre économie, puisqu’elle signifierait à terme la mort des bilatérales. Peu à peu, les accords tomberaient, faute d’être adaptés à l’évolution du droit communautaire. La Suisse se verrait ainsi graduellement reléguée au rang peu enviable d’Etat tiers. Pour un pays comme le nôtre, dont 51% des exportations sont destinées à l’UE, ce serait assurément un coup de massue qui entraînerait un lent déclin de notre industrie d’exportation.

Sans ce cadre institutionnel, par ailleurs, les milieux scientifiques suisses assisteraient depuis le dernier rang de l’auditoire à la mise en place du programme Horizon Europe 2021-2027, le plus important programme international de recherche et d’innovation du monde. En outre, faute d’accord dans le domaine de l’électricité, notre pays n’aurait pas accès au marché européen, ce qui pénaliserait les milieux concernés. En résumé, en l’absence d’accord-cadre, il ne nous resterait plus qu’à adapter l’accord de libre-échange conclu en 1972 avec la CEE d’alors, comme l’a fait la Grande-Bretagne au lendemain du Brexit. Bonjour les tracasseries douanières et, accessoirement, adieu la libre-circulation des personnes. Est-ce vraiment ce que nous voulons? Le Conseil fédéral est-il capable d’un ultime sursaut pour sauver ce qui peut encore l’être? C’est vraiment le dernier moment!

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Etre responsable de soi, mais aussi des autres

A une époque où la société tend vers un individualisme forcené, la pandémie du Covid-19 confère un relief particulier au concept de responsabilité. Si notre société est basée avant tout sur la responsabilité individuelle, il n’est pas inutile de rappeler que celle-ci doit aussi s’inscrire au profit de la société en général.

La tendance s’observe depuis de nombreuses années: l’individuel prend le pas sur le collectif dans nos sociétés. A l’heure où la planète est secouée par une pandémie sans précédent, qui met en danger un grand nombre d’entre nous, on pourrait imaginer que la conscience collective s’impose de facto. Dans les faits, c’est loin d’être aussi évident. Pas plus tard que l’autre jour, dans une pharmacie, j’ai vu une personne s’offusquer qu’une employée la prie obligeamment de mettre un masque et de se désinfecter les mains avant d’entrer. Une scène assez incroyable par les temps qui courent, mais qui n’est de loin pas unique.

Car les exemples se multiplient. Entre les gens qui portent leur masque n’importe comment, les fêtes clandestines, les rassemblements sauvages sur le domaine public et les restaurants servant à boire et à manger en Suisse romande en douce, comme le relatait la RTS hier matin, l’intérêt personnel prime. On peut certes comprendre que la population exprime un certain ras-le-bol au bout d’une année de pandémie. Il reste que cette dernière n’est de loin pas endiguée, et que les efforts doivent donc être poursuivis. Ensemble.

Individualisme critiqué

Dans ce contexte, j’ai lu avec intérêt dans PME Magazine l’interview d’Ulli Sigg, ancien ambassadeur de Suisse en Chine et en Corée du Nord, qui vit actuellement dans l’Empire du Milieu. L’homme, qui reste un «libéral passionné», constate que l’attitude individualiste des pays occidentaux vis-à-vis de la pandémie est difficile à comprendre depuis les rives du Yang-Tsé-Kiang: «Il faut faire la part des choses entre la protection à tout prix de la sphère privée et les énormes dommages occasionnés par cette pandémie. Il n’est pas nécessaire d’aimer la Chine pour l’admettre.»

La méfiance des Suisses à l’égard de ses dirigeants est incompréhensible pour lui dans la mesure où notre pays reste un Etat constitutionnel disposant de contre-pouvoirs multiples. «Avec l’assurance d’une limite d’utilisation claire et de l’effacement des données enregistrées une fois le délai dépassé, on pourrait accorder temporairement plus de pouvoir à l’Etat pour le suivi des personnes», estime-t-il.

Au-delà de la question d’un interventionnisme étatique temporaire qui n’est pas à la base de mes convictions, une évidence demeure: dans les circonstances hors norme que nous connaissons, la responsabilité individuelle commande de se soucier de la collectivité, notamment en respectant scrupuleusement les gestes barrières et en recourant aux tests. Ce respect de la vie d’autrui devrait aussi pousser chacun à se poser la question de la vaccination au-delà de sa propre protection, mais au profit de tous. Car seule une campagne massive nous permettra d’atteindre rapidement l’immunité collective, qui mettra fin aux contraintes auxquelles nous sommes soumis depuis trop longtemps. Cet effort commun, c’est certain, ne saurait être vain.

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Quel « passeport vaccinal » pour les Suisses?


Lundi, par la voix de sa présidente Ursula von der Leyen, la Commission européenne a annoncé pour le 17 mars une proposition de législation visant à créer un « digital green pass ». Comprenez un passeport numérique européen destiné à prouver qu’une personne a été vaccinée ou testée négative au Covid. La question de la circulation des personnes sera essentielle à régler pour permettre la reprise des activités, également en Suisse. Les débats sont vifs, d’un point de vue éthique et légal, mais cette problématique a toutes les chances de souligner une nouvelle fois l’importance de nos relations et de nos accords avec l’UE.

L’objectif de la Commission européenne est clair : “permettre graduellement aux Européens de se déplacer en sécurité au sein de l’UE ou en-dehors, pour le travail ou du tourisme”, a précisé Ursula von der Leyen sur Twitter. Le moyen d’y parvenir s’annonce nettement plus complexe, au niveau Européen comme au niveau suisse. Il est certain que la population dans son ensemble ne pourra pas être vaccinée d’ici à cet été. Il n’en demeure pas moins que la mobilité doit être rendue possible, pour les Suisses comme pour les ressortissants européens, en garantissant la sécurité sanitaire bien sûr.

Si le Conseil fédéral n’est pas opposé par principe à l’idée d’un « passeport vaccinal » – Alain Berset et Guy Parmelin l’ont laissés entendre cette semaine -, il ne semble pour l’heure pas certain que les Suisses et les Suissesses puissent profiter du « digital green pass » imaginé pour l’UE. Il sera crucial de s’adapter au mieux aux solutions adoptées par nos voisins, afin d’éviter notamment des complications douanières pour nos ressortissants. Cela aussi représenterait une forme de discrimination.

 

Au cœur des débats

Pour l’heure, d’autres formes de discrimination font débat autour de ce passeport. Les doses n’étant pas disponibles en suffisance, cela induit des problèmes éthiques, entre les personnes et les pays ayant pu avoir accès au vaccin et les autres. L’idée est donc de permettre aux gens de voyager, cela pas uniquement s’ils ont été vaccinés mais pour autant qu’ils remplissent une condition garantissant la sécurité sanitaire. Cela semble réalisable, l’immunité pouvant être testée, un test PCR présenté ou la vaccination confirmée. Ce « passeport d’immunité » ne devrait donc pas être considéré comme uniquement vaccinal, ce que la Commission européenne a bien compris.

Pour notre économie et la relance de nombreux secteur, la circulation des personnes doit impérativement être pensée intelligemment dans les mois à venir, et garantie dans le respect de critères stricts ; la maîtrise de la pandémie restant la priorité. Les phases de déconfinement envisagées par la Confédération devront intégrer la mobilité transfrontalière et une solution de « passeport » compatible avec celle des pays voisins. Cela devrait être possible puisque l’UE planche sur « une plateforme qui connecterait les différentes solutions nationales ».  Les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont prôné « une approche commune ». La Suisse a tout intérêt à les suivre, pour ses citoyens comme son économie, et nous l’encourageons à travailler dès maintenant concrètement à ce dossier.

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Des opportunités pour l’industrie d’exportation

L’accord de libre-échange avec l’Indonésie offrirait de nouvelles perspectives à notre économie. Les PME, en particulier, pourraient profiter de simplifications administratives bienvenues pour accéder à ce vaste marché prometteur.

La votation fédérale du 7 mars prochain sur le partenariat économique de large portée entre les États de l’AELE et l’Indonésie s’est cristallisée, si j’ose dire, sur l’huile de palme. Or, ce volet, dont les standards écologiques et sociaux sont bien réglés, ne constitue qu’une goutte d’eau dans l’accord, la Suisse n’important que 0,0001% de l’huile de palme totale exportée par l’Indonésie. L’essentiel est donc ailleurs.

Ce partenariat constitue une réelle opportunité pour notre industrie d’exportation. Il améliorerait notamment l’accès aux marchés et la sécurité juridique pour le commerce des marchandises et des services. Ainsi, 78% des exportations suisses vers l’Indonésie bénéficieraient de la franchise douanière dès l’entrée en vigueur du texte, et le taux grimperait à 98% au bout de douze ans. L’accord comprend également des dispositions sur les investissements, la protection de la propriété intellectuelle, la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, y compris les mesures sanitaires et phytosanitaires, la concurrence, la facilitation des échanges, le commerce et le développement durable et la coopération économique.

Des débouchés pour les PME

Les grandes entreprises ne seraient pas les seules à profiter de cet accord. Les PME, elles aussi, bénéficieraient de nouvelles opportunités. Elles disposent généralement de ressources plus limitées pour surmonter les barrières commerciales ou pour produire leurs biens sur place. C’est pourquoi les simplifications administratives dans le commerce international leur sont particulièrement utiles. On peut faire confiance à nos PME innovantes pour trouver des débouchés dans un si grand marché, qui représente plus de 260 millions d’habitants.

Aujourd’hui, les exportations suisses de marchandises vers l’Indonésie se composent principalement de produits de l’industrie chimique et pharmaceutique (40%), de machines, d’appareils et d’électronique (36%), d’instruments de précision, de montres et de bijoux (8%) et de métaux (6%). Au total, la valeur de ces exportations atteignait en 2019 près de 490 millions de francs suisses. Environ 150 entreprises suisses sont actuellement présentes en Indonésie et y emploient environ 50’000 personnes.

Des réformes économiques profondes ont été lancées dans ce vaste pays pour soutenir le développement économique, augmenter le pouvoir d’achat des Indonésiens et favoriser les investissements étrangers. Les besoins sont grands dans le domaine des infrastructures, des énergies renouvelables, du système éducatif ou de la réduction de la bureaucratie, soit autant de domaines dans lesquels les sociétés suisses peuvent apporter une contribution et une expertise précieuses. Par ailleurs, cet accord assurerait à nos entreprises, grandes et petites, de substantiels avantages par rapport à leurs concurrentes de l’UE et des Etats-Unis, qui ne disposent toujours pas d’accord économique avec ce partenaire.

Toutes ces raisons conduisent à glisser un grand oui dans les urnes le 7 mars prochain.

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Certifier son identité sur le Web en toute sécurité

La loi fédérale sur les services d’identification électronique (e-ID) doit rendre l’identification sur Internet plus simple et plus sûre. Une avancée dans la numérisation à plébisciter dans les urnes le 7 mars prochain.

C’est un fait dont les internautes suisses n’ont pas forcément conscience: les solutions actuelles pour s’identifier personnellement sur Internet ne sont pas vraiment régulées. Pour les entreprises, les particuliers et les autorités, effectuer des démarches en ligne impose plus que jamais une identification sûre et facile. C’est pour créer des règles claires et améliorer la sécurité juridique et la fiabilité que les autorités fédérales ont mis sur pied la loi fédérale sur les services d’identification électronique (e-ID). Le référendum ayant abouti, nous voterons sur ce texte le 7 mars prochain.

A la traîne dans le domaine de la numérisation, la Suisse dispose ici d’une occasion rêvée d’effectuer un bond en avant dans ce domaine. Ce projet bénéficie d’un large soutien, auquel j’associe volontiers le mien. Fruit d’un long processus, cette loi crée des règles claires pour une meilleure protection des données et une plus grande sécurité juridique. Surtout, elle garantit que les data resteront en Suisse. En se dotant d’un tel système, notre pays accroîtra son indépendance vis-à-vis des grandes plateformes internationales, qui ne répondent de loin pas à nos exigences en matière de protection des données et de sécurité.

Sur une base volontaire

Ce système permet de s’identifier en toute sécurité sur Internet et de réduire les innombrables comptes et connexions, et par là l’accumulation de mots de passe. Il sera par exemple possible de s’épargner certaines démarches administratives. Il ne s’agit pas d’un substitut aux documents d’identité officiels car, contrairement, au passeport, l’e-ID ne contient pas de données biométriques, comme les empreintes digitales. Les données personnelles ne peuvent être utilisées que pour l’identification sur demande de la personne propriétaire de ce sésame numérique. La transmission et la commercialisation des données sont par ailleurs interdites. L’e-ID s’acquiert sur une base volontaire. Celles et ceux qui n’entendent pas y recourir auront de toute manière accès à tous les types de services administratifs.

Un point fait particulièrement débat: l’infrastructure technique sera développée et exploitée par des cantons ou des communes, mais aussi par des entreprises privées. D’aucuns craignent que l’Etat abandonne ainsi une partie de sa mission régalienne. Il n’en est rien: la loi prescrit clairement que la souveraineté sur les données d’identité reste exclusivement du ressort de la Confédération. Elle seule peut garantir l’exactitude des caractéristiques d’identification d’une personne, et elle ne donne pas accès aux registres de l’État à des tiers. Pour le reste, j’estime qu’en confiant cette tâche à des sociétés privées, on utilise les bonnes compétences là où elles sont. On en trouve d’ailleurs un certain nombre dans le canton de Vaud.

Un mot encore: refuser ce texte constituerait un pas en arrière extrêmement préjudiciable pour une Suisse qui a le devoir de se numériser davantage pour demeurer compétitive. Il n’existe pas d’alternative à ce texte. Reprendre l’ensemble du processus nous ferait perdre au moins quatre ans. C’est un «luxe» que nous ne pouvons pas nous permettre.

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Il faut un plan pour sortir rapidement du confinement

Des entreprises fragilisées, des restaurateurs à bout de nerfs, des étudiants déprimés, des écoliers inquiets, des patients hors-Covid négligés: la politique sanitaire du Conseil fédéral est illisible pour la population. Il doit donner des perspectives, et vite!

Il aura fallu une énième communication sibylline du Conseil fédéral sur les perspectives économiques pour que l’évidence se confirme la semaine dernière: nos autorités naviguent à vue au milieu de cette pandémie. Le gouvernement doit sérieusement songer aux conséquences des restrictions qu’il a décidées pour l’économie. Il doit élaborer un plan solide permettant de lever ces dernières au plus vite pour redonner des perspectives aux entreprises et à la société en général.

Car la grogne monte chez nos concitoyens. La pétition «Stop Lockdown», lancée en ligne il y a trois semaines par des jeunes de partis bourgeois, a déjà recueilli plus de 160 000 paraphes virtuels. Elle demande que le Conseil fédéral mette fin à la fermeture des restaurants et des magasins et privilégie la protection des patients à risque. La liste des groupes de population durement touchés par les errances fédérales est longue: les restaurateurs craignent des faillites en masse, les commerçants aux activités dites non essentielles crient à l’injustice, les étudiants sont démotivés par les cours en visioconférence et accablés par la solitude, alors que les malades nécessitant une opération sont souvent renvoyés chez eux faute de place dans les hôpitaux. A cela s’ajoutent des dégâts psychologiques en forte hausse et, corollaire, des psys débordés.

Clés connues

Les clés permettant un retour rapide à la normale sont pourtant connues: elles ont pour nom vaccination et tests intensifs. C’est pourquoi il importe à présent d’élaborer un plan solide permettant de vacciner rapidement le plus grand nombre de personnes. En outre, la Berne fédérale ne peut continuer à se cacher derrière des chiffres de contamination dont les critères semblent muter plus souvent que le virus lui-même. Changer de méthode de calcul en douce n’est pas sérieux.

Les autorités donnent clairement l’impression de céder un peu trop facilement devant les injonctions des experts de la santé. La nécessaire pesée d’intérêt dont elles se gargarisent penche invariablement du côté des seconds. La prolongation du semi-confinement qui semble hélas poindre à l’horizon risque d’accélérer des dommages économiques déjà immenses. Le maintien de la fermeture des magasins et des restaurants fait désormais craindre que la consommation privée, qui représente la moitié environ de la production économique, s’effondre.

Gouverner c’est prévoir, dit-on.  De ce point de vue, le Conseil fédéral a failli. Mais qu’il gouverne au moins! Le rôle des pouvoirs publics consiste à prendre des décisions en procédant à une réelle pesée d’intérêts. Foin d’atermoiements: le bon sens commande aujourd’hui de donner des perspectives en planifiant un déconfinement rapide, dans le respect strict des mesures sanitaires. L’économie en général, et les restaurateurs en particulier, ont investi des sommes considérables pour établir des plans de protection efficaces. Qu’on les laisse donc travailler!

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