Il faut un plan pour sortir rapidement du confinement

Des entreprises fragilisées, des restaurateurs à bout de nerfs, des étudiants déprimés, des écoliers inquiets, des patients hors-Covid négligés: la politique sanitaire du Conseil fédéral est illisible pour la population. Il doit donner des perspectives, et vite!

Il aura fallu une énième communication sibylline du Conseil fédéral sur les perspectives économiques pour que l’évidence se confirme la semaine dernière: nos autorités naviguent à vue au milieu de cette pandémie. Le gouvernement doit sérieusement songer aux conséquences des restrictions qu’il a décidées pour l’économie. Il doit élaborer un plan solide permettant de lever ces dernières au plus vite pour redonner des perspectives aux entreprises et à la société en général.

Car la grogne monte chez nos concitoyens. La pétition «Stop Lockdown», lancée en ligne il y a trois semaines par des jeunes de partis bourgeois, a déjà recueilli plus de 160 000 paraphes virtuels. Elle demande que le Conseil fédéral mette fin à la fermeture des restaurants et des magasins et privilégie la protection des patients à risque. La liste des groupes de population durement touchés par les errances fédérales est longue: les restaurateurs craignent des faillites en masse, les commerçants aux activités dites non essentielles crient à l’injustice, les étudiants sont démotivés par les cours en visioconférence et accablés par la solitude, alors que les malades nécessitant une opération sont souvent renvoyés chez eux faute de place dans les hôpitaux. A cela s’ajoutent des dégâts psychologiques en forte hausse et, corollaire, des psys débordés.

Clés connues

Les clés permettant un retour rapide à la normale sont pourtant connues: elles ont pour nom vaccination et tests intensifs. C’est pourquoi il importe à présent d’élaborer un plan solide permettant de vacciner rapidement le plus grand nombre de personnes. En outre, la Berne fédérale ne peut continuer à se cacher derrière des chiffres de contamination dont les critères semblent muter plus souvent que le virus lui-même. Changer de méthode de calcul en douce n’est pas sérieux.

Les autorités donnent clairement l’impression de céder un peu trop facilement devant les injonctions des experts de la santé. La nécessaire pesée d’intérêt dont elles se gargarisent penche invariablement du côté des seconds. La prolongation du semi-confinement qui semble hélas poindre à l’horizon risque d’accélérer des dommages économiques déjà immenses. Le maintien de la fermeture des magasins et des restaurants fait désormais craindre que la consommation privée, qui représente la moitié environ de la production économique, s’effondre.

Gouverner c’est prévoir, dit-on.  De ce point de vue, le Conseil fédéral a failli. Mais qu’il gouverne au moins! Le rôle des pouvoirs publics consiste à prendre des décisions en procédant à une réelle pesée d’intérêts. Foin d’atermoiements: le bon sens commande aujourd’hui de donner des perspectives en planifiant un déconfinement rapide, dans le respect strict des mesures sanitaires. L’économie en général, et les restaurateurs en particulier, ont investi des sommes considérables pour établir des plans de protection efficaces. Qu’on les laisse donc travailler!

Photo: AdobeStock

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

10 réponses à “Il faut un plan pour sortir rapidement du confinement

  1. Je pense effectivement que la seule porte de sortie rapide est une campagne de vaccination à large échelle et aussi rapide que possible. Il semble hélas que cela ne soit pas le cas pour le moment.

    “Les autorités donnent clairement l’impression de céder un peu trop facilement devant les injonctions des experts de la santé. La nécessaire pesée d’intérêt dont elles se gargarisent penche invariablement du côté des seconds.”

    Ici je pense que vous avez tort. Il est clair que entre septembre et décembre, la pesée des intérêts c’est faite dans le sens souhaité par le milieu économique, conduisant à une seconde vague qui était prévisible et prédite par les experts de la santé. Face à une fonction de type exponentielle, attendre c’est faillir. Il est heureux que le CF écoute les experts de la santé en ce moment, parce que les variants anglais et sud-africains sont 1.5-1-6x plus contagieux que la variante de base. Sachant que maintenir le R à 1 était ardu en fin d’année, avec les même mesures on peut attendre un R à 1.5-1.6. Cela conduirait à un désastre assez rapidement et un troisième confinement après 1-2 mois d’ouverture. Vu que chaque semaine de propagation en roue libre conduit a plusieurs semaines de confinement ou d’activités fortement restreintes, je suis pas sûr que l’économie gagne au change.

    Si la vaccination atteint un niveau suffisant pour casser ce facteur de propagation par deux, alors oui, on pourra parler de réouverture (enfin !). Casser du sucre sur de dos du CF est facile. Je préférerais voir l’USAM et économiesuisse mettre tout leur poids derrière la promotion et facilitation de la vaccination. Parce que tant que celle-ci n’est pas suffisante, c’est le virus qui est aux commandes et l’économie boit la tasse.

    1. Je l’ai écrit: les clés permettant un retour rapide à la normale sont la vaccination à large échelle et les tests intensifs. Les organisations économiques, dont la CVCI, réclament un plan de vaccination coordonné au niveau national et une stratégie de dépistage intensifiée depuis des semaines. L’économie, de surcroît, s’engage activement pour la vaccination. Notre récent sondage montre que plus de 70 entreprises vaudoises sont disposées à organiser la vaccination dans leurs locaux. La CVCI a immédiatement transmis cette liste aux responsables désignés par le Conseil d’Etat. Nous pensons que cette préparation en amont permettra de réaliser, dès les doses disponibles, une large vaccination.

      Pour le reste, s’il faut admettre que la situation est compliquée, le Conseil fédéral donne l’impression de ne pas savoir où aller. Un exécutif doit décider en procédant à une pesée d’intérêt. Celui de l’économie nous paraît sous-estimé. Un nombre très important de secteurs sont en grande difficulté, et les aides promises mettent trop de temps à arriver. Les entreprises ont mis en place des plans de protection rigoureux qui limitent significativement les risques de contagion. C’est une responsabilité à la fois individuelle et collective. S’il nous faut apprendre à vivre avec ce virus, il faut aussi que l’économie reparte. Les conditions sanitaires strictes auxquelles les entreprises se sont pliées le permettent, me semble-t-il.

      1. Il me semble peu probable que des mesures similaires à celle déployées en novembre/décembre (inefficace pour contenir la contagion) puisse contenir un variant 50-60% plus contagieux.

        La seule chance de réouverture durable sera lorsque une fraction significative de la population sera vaccinée avec en support un système de traçage efficace. Ouvrir prématurément c’est tout refermer droit derrière. Mais il va falloir accélérer parce que à 100K/semaine, il va falloir un an pour y arriver.

        Le fait que les aides mettent aussi longtemps a arriver est proprement scandaleux. On a l’impression que le gouvernement fédéral cherche a économiser et traine les pieds pour finalement faire des mesurettes alors que les taux pour la confédération sont négatifs, le service de la dette est au dessous de 1% du PIB le taux d’endettement est le plus bas de l’OCDE. Au final cette mentalité de grippe-sous va causer des coûts bien plus considérables par les faillites et la casse sociale. Heureusement que le canton de Vaud c’est montré plus rapide et proactif.

        Le CF et les cantons ont une tâche difficile, mais j’ai quand même l’impression que les autorités sont un peu trop souvent dans l’expectative et l’indécision dans cette crise. En ce point vous avez raison.

  2. Depuis le début , j’étais partisan d’une mise “en quarantaine ” des personnes à risques sans pénaliser l’ensemble de la population , mais cette posture semblait trop politiquement incorrecte pour être suivie !
    Alors le CF a préféré confiner tout le monde , avec le résultat lamentable actuel !
    Aujourd’hui, on connait mieux les risques sanitaires face au virus et on aurait plus de chance de préserver les vies fragiles , mais on continue la même stratégie aveugle …

    https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-sept-etats-sante-haut-risque-face-covid-19-85644/. :
    “Trisomie 21, retard mental, greffés du rein et du poumon, dialysés, mucoviscidose et cancer du poumon, représentent sept états de santé chroniques à risque très élevé d’hospitalisation pour la Covid-19 et de décès…
    Néanmoins, les personnes âgées sont de loin les plus fragiles face à la Covid-19, confirme cette étude…”

    1. Il aurait alors fallu mettre en quarantaine le personnel des EMS ainsi que tous ceux qui ont accès au bâtiment ainsi que toutes les personnes travaillant dans la santé qui sont potentiellement en contact avec les personnes à risque….
      On ajoute une mise en quarantaine de toutes les personnes en surcharge pondérale, les personnes qui prennent des médicaments qui réduisent les défenses immunitaires (greffés, etc). La liste est assez longue (un peu plus que sur article)… et dans la pratique cela se révèle tout simplement impossible, c’est pour cela que les pays ont rapidement abandonné cette voie.

      Les EMS en France sont d’ailleurs un bon exemple: tout est fermé, visites interdites, les vieux sont confinés depuis des mois… et la pandémie continue à faire des ravages dans ces milieux. CQFD.

      Le vrai problème avec cette crise, c’est le nombre de personnes qui croient tout savoir et donnent des conseils au gouvernement et au spécialistes au lieu de faire le job (pour une fois) tel qu’on leur demande. Il faut parfois savoir rester à sa place.

  3. Oui, tout le monde aimerait pouvoir sortir de cette pandémie et vivre le plus normalement possible. Mais je dois dire que le discours des “yaka faukon” devient pesant.

    Les vaccins ? Oui. Mais même en mettant la gomme, cela prendra entre 4-6 mois pour atteindre un niveau suffisant pour stabiliser la situation. De plus il faudra convaincre les sceptiques (très actifs en Suisse) pour atteindre un niveau suffisant. Suggérez-vous une vaccination obligatoire ? Référendum garanti.

    Tout rouvrir dans l’intérim, mais quelle bonne idée… laissons circuler le virus à fond… rouvrons nos frontières pour que les variants se propagent plus rapidement. Résultat: vos vaccins seront inefficaces d’ici l’été ou vous pourrez tout reprendre à zéro.

    Les tests ? oui, mais sachez que quelqu’un de négatif peut devenir positif dans les 24-48 heures après le test. On n’a donc pas finit de se faire défoncer massivement les narines…

    Vous qui êtes obedience libérale croyez certainement dans la responsabilité individuelle comme garante de liberté. Mais là, ça n’a pas fonctionné: refus du masque, corona-scepticisme, “yaka”, et “moi je ne suis pas concerné”, etc. Nous avons eu notre chance en Juin dernier mais nous ne l’avons pas saisie. Derrière CHAQUE contanimation, il y a eu au moins 2 êtres humains qui ont jugé que cela n’était pas important. Nous payons donc collectivement les manquements en terme de responsabilité individuelle. Des mesures contraignantes doivent alors être prises qui impactent l’économie et plus elles sont prises tard, plus il faut de temps pour corriger le tir.

    La Chine a trouvé la solution et tout est réouvert depuis longtemps, pas certain qu’elle serait acceptée en Suisse.

    Il nous faut donc maintenir le nombre de cas à un niveau raisonnable jusqu’à ce que les vaccins prennent le relais et c’est là que la responsabilité individuelle joue un rôle critique. C’est à chacun de nous d’atteindre cette cible et non aux autorités.

    Mais dans le contexte actuel, il est bien plus porteur politiquement d’utiliser le ras le bol de la population dans un appel à la révolte en exigeant une réouverture immédiate impossible.

    Il faudra pourtant s’adapter à un monde différent car le virus à profité de notre division au niveau planétaire pour s’installer de manière durable… je vous conseille donc de prendre vos rendez-vous bi-annuels pour une vaccination de rappel avant que toutes les places soient prises…

    1. Pour avoir de la visibilité, il faut mettre en place des critères permettant de comprendre à partir de quand on peut commencer un déconfinement. Il ne faut pas minimiser non plus les autres dégâts de santé, que ce soit au niveau mental ou comme le report de nombreuses opérations tant attendues.

      1. Je l’ai écris: on pourra semi-déconfiner (car nous n’avons jamais confiné en Suisse) lorsque la personne lambda pourra se comporter en personne responsable au travail et dans la société. Un bon exemple, ce sont les magasins non-essentiels: en cas de respect des normes sanitaires, il y a très peu de chance de contamination. Par contre, si les gens portent leur masque sous le nez, l’enlèvent pour manger ou téléphoner (le plus longtemps possible), font leurs courses durant 4 heures et en groupe (eh oui pour certain le “mall” est un haut lieu d’interaction sociale), alors il faut fermer.

        Dire que cela n’arrive pas et que les magasins ont fait régner la discipline cet été et cet automne est tout simplement faux (multitude de photos à l’appui sur les réseaux sociaux).

        Quand aux critères, ils ont été communiqués à la population il y a 3 mois: un R en dessous de 0.8 de manière durable et moins de 1000 cas journaliers avec un taux de positivité en baisse pour permettre la reprise d’un traçage efficace. Dans ce contexte, les vaccins prendront le relais d’ici cet été et les mesures pourront être levés. Mais cet objectif n’a tout simplement pas été atteint à cause de nos comportements individuels: il y a quelque chose d’inhabituel à laquelle on est confronté avec ce virus: ne peut pas tricher…

        Au lieu de faire campagne contre le CF, faites la promotion des bonnes pratiques (je pourrai vous donner des exemples effarants de non respect dans des milieux professionnels qui ont été à l’origine de clusters).

        Mais certains partis ont préféré défiler dans la rue contre le port du masque…
        l’économie joue en ce moment un rôle de pompier-pyromane qui va coûter très cher à la Suisse.

  4. Amusant le rôle des milieux économiques, on dirait les enfants assis à l’arrière de la voiture qui demandent de manière assez pénible pour l’ambiance depuis 3 heures “maman, quand est-ce qu’on arrive ?” et papa Berset au volant qui évite de perdre patience dans les bouchons. Bon, il pourrait sortir de l’autoroute mais c’est encore pire sur la nationale…

    Vous voulez prendre le volant ? Bon faudra d’abord passer le permis…

  5. Pour vacciner, encore faut-il avoir les vaccins….. De ce qu’on entend, ce n’est pas le cas, nos contrats ne sont pas honorés dans les temps, menant à des ralentissements, malgré les infrastructures de vaccination en développement (que ce soit via des centres créés pour l’occasion, ou des bus mobiles).

    Par contre, en attendant, on pourrait peut-être arrêter avec les mesures complètement stupides, contradictoires et à rebours du bon sens, telle que:
    – fermer les restaurants, mais laisser ouvert ceux dans les hôtels. Quel motif peut-on invoquer pour cette injustice ?!
    – bloquer l’accès aux habits, mais laisser l’accès à quelques genre de pièces de vêtement, menant à la fermeture de la plupart des magasin dédiés (H&M, C&A, etc) alors que Migros&Co vendent de la mercerie.

    Et j’en passe. Autant il y a une année les mesures avaient du sens, une certaine logique, poussées par l’urgence. Autant maintenant, on semble être dans une attitude de réaction plus que de proaction, sans logique, sans réflexion.
    Le comble serait qu’on vienne nous sur-taxer les ventes en ligne “””pour nous pousser à retourner dans les magasins”””, une fois la crise passée. On prend les paris ?

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