Le numérique va prendre le chemin des écoles; comment pourrait-il en être autrement alors qu’il est désormais au centre de tout ? Dans ce débat, il y a un point où je serais tenté d’inscrire “hors sujet” en rouge sur la marge: la question de l’enseignement de la programmation.
Ma crainte est de voir l’informatique instruite sous une forme obsolète et finalement secondaire; un peu comme si l’on misait tout sur le latin/grec pour préparer nos enfants à leur avenir, eux qui connaîtront encore une accélération sans précédent. Non, le numérique n’est pas la discipline qui vient juste après l’éducation physique et les travaux manuels; c’est une nouvelle culture qui doit trouver naturellement sa place au coeur de l’enseignement.
J’ai appris à programmer à l’âge de 10 ans (en 1981) et assimilé depuis plusieurs langages informatiques. Mais je ne crois pas que ce soit un prérequis aujourd’hui: on peut dorénavant assembler des modules applicatifs dans le cloud computing à la manière de Legos et réaliser des sites web assez complexes sans une seule ligne de code (et si nécessaire, tous les experts sont à disposition en ligne pour quelques dollars seulement). L’informatique a en quelque sorte rejoint le niveau d’abstraction qu’a connu l’électronique il y a une quarantaine d’années. En bref, ce n’est pas forcément moins compliqué qu’avant mais on peut se concentrer sur d’autres choses.
Avec chaque progrès survient le besoin pour des compétences nouvelles; ainsi les enfants doivent maintenant développer des facultés inédites pour parvenir à analyser des problèmes, façonner des algorithmes, organiser des données, maîtriser les réseaux sociaux. Je vois même une urgence qui n’a rien de technologique: apprendre à mieux communiquer dans un monde globalisé (avez-vous constaté comme les petits Anglo-saxons sont nettement plus à l’aise à l’expression orale ?) Et pour faire face à une intelligence artificielle qu’on annonce omnipotente, il serait opportun d’aiguiser dès à présent un aspect fondamentalement humain: le sens critique.