Sainte Vierge de la Grande Gorge, veille sur nous

Accorde-nous de gravir encore de nombreuses montagnes

Veille-sur nous pour que nous en redescendions sains et saufs

Protège-nous des chutes de pierre, de la foudre et de ces racines qui nous font parfois trébucher

Offre-nous des instants de grâce dans la contemplation de l’œuvre que la Nature a créé

Permets-nous de rencontrer fréquemment les animaux et les oiseaux qui peuplent nos massifs

Préserve-nous des attaques de la gent canine – surtout des chiens de troupeau

Aide-nous à être plus forts

Ne nous soumets pas à l’épreuve cruelle du point de côté

Ne nous inflige pas non plus de crampes ni de courbatures trop douloureuses

Accorde-nous d’avoir un cœur fort et de ne jamais connaître la fibrose ou l’arythmie

Fais que notre VMA et notre VO2 max augmentent

De même que notre capacité pulmonaire (celle de Kilian Jornet est de 5,3 litres)

A défaut, permets-nous de gravir au moins une fois dans notre vie les marches d’un podium – même de la plus obscure des courses

Enfin, ralentis dans la mesure du possible l’usure des semelles de nos baskets, jamais assez résistantes quoiqu’en disent les fabricants

Amen

Dans la forêt de Blair Witch

Regardez bien cette photo.

Imaginez que vous êtes au coeur de la nuit, dans un coin perdu derrière le petit Salève. Cela fait plus d’une heure que vous courez. Il fait froid.

Au gré du vent qui forcit, vous commencez à entendre de drôles de bruits. Agités comme de simples roseaux, les troncs des arbres se mettent à gémir. Votre lampe frontale balaie les ténèbres à la recherche d’une présence qui pourrait expliquer ces grincements que votre cerveau est en train de transformer en bande-son de film d’horreur.

N’ayons pas honte de le dire, courir dans l’obscurité est parfois impressionnant. Il y a des nuits sereines, où l’on est en osmose avec son environnement. Et d’autres, plus agitées, où – sans qu’on parvienne vraiment à l’expliquer -, on est plus sensible au craquement d’une branche dans la forêt ou au bruit d’un animal invisible qui se déplace sur des feuilles mortes.

C’est une des raisons pour lesquelles les entraînements nocturnes sont si spéciaux. La nuit, c’est souvent plus dur de se motiver, mais c’est aussi plus intense. Mettre parfois un pied dans l’étrange fait qu’on n’en apprécie que plus de retrouver la normalité. A cet égard, aucune sortie n’est jamais quelconque.

Mais revenons à la forêt de Blairwitch. Une accalmie a rendu le bois soudain plus silencieux. Le froid est retombé. En quelques instants, l’ambiance a viré.

L’arrivée au petit trot à Monnetier-Mornex, étape bien connue des marcheurs se rendant au Salève par le Pas de l’Echelle (Veyrier), puis la descente, rapide et légère, sur Veyrier, ont achevé de chasser la rémanence du fantastique.

Vivement la prochaine aventure !

Camel Trophy au pied du Salève

Hier matin, à 4 heures, la vue depuis la fenêtre de la cuisine n’était pas très engageante. Sous le réverbère, la pluie tombait en oblique sous l’effet du vent. Pas un chat dans la rue. Normal, qui aurait l’idée de mettre le nez dehors par un temps pareil ?

Dans des moments comme celui-ci, il ne faut surtout pas commencer à réfléchir. Café, chaussette, collant, t-shirt, veste, baskets et hop, dehors. Premières foulées en essayant tant bien que mal d’avaler une compote à l’avoine et une banane.

En mode pilote automatique, descente sur le stade du Bout du monde. Zigzags dans la zone villa de Vessy. Longue ligne droite à travers champs jusqu’à la douane de Bossey. Et la pluie, encore et toujours, comme si rien d’autre n’avait jamais existé.

Dans la forêt, le sol était tellement boueux qu’on* a commencé à patiner dangereusement. Des arbres déracinés et jetés en travers du sentier suite au passage de la tempête Evy, mi-janvier, ont encore ralenti notre progression.

Oubliant l’idée de monter au Salève par la Grande Gorge, on a opté pour un circuit alternatif longeant le pied de la montagne jusqu’aux bords de l’Arve.

La première chute est survenue dans la descente vers le Pas de l’Echelle. Un tapis de feuilles détrempées a fait office de peau de banane, et patatras, deux mètres de glissade sur les fesses. La suivante, quelques kilomètres plus loin, a été encore plus spectaculaire.

Au bord de l’Arve, à la hauteur de Conches, une racine mouillée, le pied qui ripe et boum badaboum, à plat ventre dans la gadoue! A moins de cent mètres de la route, il fallait le faire…

Est-ce que cela valait la peine de sortir ce matin? Sans aucun doute, même si le regard de certains passants croisés sur le chemin du retour semblait quelque peu dubitatif.

* “On” parce que j’étais accompagné par mon complice Marco, dont je vous reparlerai bientôt.