Soleil de minuit sur les crêtes de la Vallée verte

L’été, ceux qui vivent au nord du 66ème parallèle ont de la chance. Le soleil ne se couchant pas durant la belle saison, ils peuvent faire ce qui leur plaît dehors, en bénéficiant quasi 24 heures sur 24 d’une luminosité naturelle.

Si nous autres Romands ne sommes qu’au 46ème parallèle, nous pouvons tout de même profiter à cette période de l’année de journées qui s’étirent et admirer au passage des couchers de soleil absolument spectaculaires. Pour cela, pas besoin d’aller loin. Une éminence avec un horizon dégagé suffit. Situé à 45 minutes environ de Genève, le pic de Marcelly est l’un de ces belvédères privilégiés que je ne peux que vous recommander de gravir.

L’accès est facile. Entrez Mieussy dans le GPS. Depuis Genève, il y a un petit bout d’autoroute (sortir à la Vallée verte), puis vingt-cinq minutes de départementale. D’entrée, le sentier grimpe droit dans la forêt en suivant un chemin de croix qui mène à la grotte du Jourdy. Cette vaste cavité abrite le sanctuaire de la Sainte Famille, érigé en 1881 afin de protéger les villageois contre les chutes de pierres, fréquentes dans le massif.

Devenant encore un peu plus abrupt, le sentier passe dans une falaise équipée de câbles – rassurez-vous, on est loin de la face Nord de l’Eiger! On atteint ensuite le replat de Roche-Pallud. Un petit paradis, avec des pâturages en pente, quelques fermes rénovées avec soin, des potagers et des terrasses parfaitement entretenues. De là, on gagne le début de la crête qui s’étire sur près de deux kilomètres jusqu’au pic Marcelly, flanqué d’une croix géante, véritable phare alpin que même le plus myope des coureurs ne pourrait manquer.

A cheval sur ces vagues herbeuses, comment ne pas être envahi par un immense sentiment de bonheur et de liberté? On n’a pas tous les jours l’occasion de courir entre ciel et terre, avec une vue à 360 degrés sur les massifs environnants. En toile de fond, le Mont-Blanc, drapé dans des lueurs roses et bleues, assure une partie du spectacle.

Là-haut, pas un bruit, juste le souffle des herbes hautes et les fleurs que le vent caresse, emplissant l’air de fragrances sauvages. On aimerait que ça ne se termine jamais. L’effort n’est pas pénible, on navigue sur un sentier étroit mais facile. L’arrivée au pic Marcelly est hollywoodienne, avec cette croix qui, vue de près, semble encore plus surdimensionnée.

La frontale étant restée à la maison, on n’a malheureusement pas pu prendre le temps de s’asseoir pour contempler le paysage et regarder le soleil descendre lentement à l’horizon. Non, c’est au pas de charge qu’il a fallu redescendre. La crête en sens inverse, le hameau de Roche-Pallud, un bout de forêt, la falaise et le chemin de croix, envahi de mille cailloux et de branches invisibles. Quand on est arrivés à la voiture, il faisait nuit noire alors que 45 minutes plus tôt, on était des chocards planant dans le soleil de minuit.

Alexander Zelenka

La nuit, Alexander Zelenka enfile ses baskets et allume sa lampe frontale pour voir autrement les montagnes suisses ou plus lointaines. L'obscurité amène le coureur dans un univers onirique où le paysage est transformé, propice aux plus belles aventures. Le jour, Alexander Zelenka est rédacteur en chef du magazine Terre&Nature.